N° 45
BUCHERON USAGER
DE L'ANCIEN COMTÉ DE DABO1(LORRAINE ALLEMANDE)
(Ouvrier-propriétaire et tâcheron dans le système des engagements volontaires momentanés).
D'APRÈS LES
RENSEIGNEMENTS RECUEILLIS SUR LES LIEUX EN 1863, AVEC UN ÉPILOGUE DE 1884
PAR
M. PARISET .
ANCIEN RECEVEUR DES FINANCES.
Sommaire
- Observations préliminaires définissant la condition des divers membres de la famille
- Éléments divers de la constitution sociale
- §17. RÉGIME DES DROITS D'USAGE DE L'ANCIEN COMTÉ DE DABO.
- §18. INFLUENCE DU RÉGIME DES DROITS D'USAGE SUR LA SITUATION MORALE ET MATÉRIELLE DE LA POPULATION.
- §19. DE LA MESURE DITE LE CANTONNEMENT.
- §20. PREMIÈRE OPÉRATION DE CANTONNEMENT EFFECTUÉE A ABRESCHVILLER.
- §21. RÉGIME DES SUCCESSIONS ET MORCELLEMENT DE LA PROPRIÉTÉ DANS L'ANCIEN COMTÉ DE DABO.
- §22. SUR LA DEPRÉCIATION DU BOIS SEC EN RAISON DE LA DIFFICULTÉ DU TRANSPORT.
- §23. FAITS DE STÉRILITÉ VOLONTAIRE DANS LE MARIAGE.
- §24. CONFECTION DU METS APPELÉ LA PATA.
- §25. ORIGINE DE LA POPULATION DE L'ANCIEN COMTÉ DE DABO.
- §26. SOUVENIR HISTORIQUE DU COMTÉ DE DABO.
- APPENDICE BIBLIOGRAPHIQUE.
- §27. Epilogue de 1884. L'ANCIEN COMTÉ DE DABO QUATORZE ANS APRÈS SON ANNEXION A L'EMPIRE D'ALLEMAGNE.
Observations préliminaires définissant la condition des divers membres de la famille
Définition du lieu, de l'organisation industrielle et de la famille
§ 1ᵉʳ. — État du sol, de l'industrie et de la population.
[387] La commune de Walscheid où habite la famille, est située à 14 kilomètres 1/2 de Sarrebourg, sur le versant occidental des Vosges, dans la partie du département de la Meurthe qui confine au département du Bas-Rhin, et qui faisait autrefois partie du comté de Dabo. Le territoire s'étend en une zone de 5 à 7 kilomètres de largeur sur 15 à 18 kilomètres de longueur, jusqu'au faite le plus [388] élevé de la montagne. Il embrasse deux contreforts qui se détachent de la chaîne principale, parallèles entre eux et séparés l'un de l'autre par une vallée étroite où coulent les eaux d'une petite rivière appelée la Bièvre.
Le village de Walscheid est situé à la naissance de cette vallée, sur les bords de la rivière. Le terrain est si rare dans cette localité que, pour ménager la prairie, les habitations ont été établies sur le flanc de la montagne. L'emplacement de plusieurs d'entr'elles a été creusé dans la montagne même, qui fournit, d'ailleurs, d'abondants matériaux pour les constructions.
La base des montagnes est formée entièrement de ce grès rouge, propre aux montagnes des Vosges. Les sommets sont couverts de tables et de blocs de dimensions diverses, quelquefois énormes, formant sur les dernières pentes de hautes falaises taillées à pic ou en surplomb, aussi nettement que si la mer venait de les quitter.
Les terres sont de deux sortes selon la formation géologique à laquelle elles appartiennent. Dans la partie supérieure, le sol repose sur le grès vosgien et se compose d'un sable feldspathique, absolument aride et impropre à la culture. C'est la région des bois qui couronne toute la contrée. Plus bas, les terres, assises sur le grès rouge, sont, suivant le caractère exclusif des sols de ce pays, de nature sableuse, parsemées de cailloux et de menue grève, mais chargées d'oxyde de fer. Chaudes elles donnent, à l'aide d'engrais qui s'épuisent rapidement et qu'il faut par suite renouveler souvent, de bonnes récoltes de pommes de terre, de seigle, d'avoine et même, dans les meilleurs terrains, un peu d'orge etde froment. Le transport du fumier dans ces pentes rapides, ne se fait pas sans de grandes difficultéss. Il a généralement lieu a bras d'hommes, ou, pour parler plus exactement, ce sont les femmes qui s'acquittent de ce soin et portent le fumier dans des paniers placés sur leur tête. L'usage des ànes qui conviendraitsi bienpour ce service, n'existe pas à Walscheid. On n'en compte pas plus de vingt dans la commune.
Le fond de la vallée est argilo-sableux, mélangé de terrain de transition et de sables de grès vosgien et de grès rouge. Froides et humides, les prairies donnent une grande quantité de foin, mais a la condition que l'irrigation entretienne constamment une fraicheur indispensable. Si l'eau cesse d'y courir, elles brûlent de suite et ne donnent aucune récole. Les fourrages obtenus avec tant de soin sont d'une qualité médiocre et peu nourrissants e'est une herbe maigre et remplie de carex.
[389] Le territoire de la commune comprend 3.831 hectares dont voici le détail :
La production des 504 hectares de terres labourables donne en moyenne, par année, les résultats suivants :
L'exiguïté de la surface arable comparée à la vaste étendue de la surface boisée, indique assez que ce centre de population a été fondé en vue de l 'exploitation, non de la terre, mais des richesses forestières qui couvrent les cinq sixièmes du territoire. A Walscheid l'agriculture n'est et ne peut être qu'une chose secondaire. La ressource principale est la mise en valeur des bois de l'Etat. Cette condition natúelle détermie le mode d'existence et le genre d'occupation des habitants de ces montagnes.
La commune compte 2.150 àmes. La population est aggloméree pour cinq septièmes seulement à Walscheid, qui est la section chef-lieu et donne son nom à la commune. Elle se répartit de la manière suivante :
[390] Toutes les maisons sont habitées : 317 sont couvertes en bardeaux de chêne et sapin ; 182 n'ont qu'un rez-de-chaussée ; 166 ont un rez-de-chaussée et un étage ; un grand nombre n'ont pas de jardin ; à Walscheid, en particulier, elles sont serrées et pour ainsi dire entassées les unes contre les autres.
La division par ménage se comporte ainsi qu'il suit :
Si, du nombre total des ménages (457) et des habitants (2.150) on retranche les deux premières catégories, il reste 362 ménages comprenant l92 personnes, ce qui donne par ménage personnes et demie.
Sous le rapport de la profession, la population se classe comme il suit :
Les voituriers sont les gens aisés et les gros propriétaires de l'androit, car ils ont de 2 à 4 paires de bœufs, seul genre d'attelage possible dans la montagne. Le transport du bois est leur industrie essentielle. Ils possèdent et cultivent pour leurs besoins des terres de divers rapports, et jouissent de parts plus ou moins fortes dans les droits sur . les scieries usagères. Les[391]seuls représentants des professions libérales dans la commune sont le curé et l'instituteur.
Les terres de la commune appartiennent exclusivement aux habitants et chacun y fait valoir son bien. Il n'y a pas de fermiers exploitant les terres d'autrui.
La moyenne des salaires par journée de travail est :
pour les Cuveliers, de I fr. 25 à fr. 50 ;
pour les Sabotiers, de I fr. 50 à I fr. 75 ;
pour les Bûcherons, de fr. 10 à I fr. 70
pour les Ségards, de fr. 50 à r. 75 ;
pour les Ouvriers en bois, menuisiers, charpentiers, etc., de I L 25 à . 75:
pour les Taillandiers, maréchaux-ferrants, de 1 fr. 50 à 2 fr. ;
pour les Ouvriers verriers et les professions diverses, de 1 fr. 20 à a2 r.
La Bièvre n'est a Walscheid qu'un faible ruisseau; mais la rapide déclivité de la montagne donne à ses eaux une force suflsante pour mettre en mouvement 7 scieries et 3 moulins à farine.
Il n'y a pas d'autres établissements industriels ; mais, dans le voisinage, à Valerystall, il y a une verrerie importante et des tailleries de verre de montre, où une vingtaine d'ouvriers de Walscheid trouvent du travail.
Walscheid n'a pas de biens communaux. Les ressources très restreintes de la commune proviennent principalement des centimes additionnels et spéciaux. Les recettes ordinaires s'équilibrent à grande peine avec les depens es ordinaires. uant aux dépenses extraordinaires, la commune n'est en mesure d'y faire face qu'au moyen de l'abandon qui a été fait par les usagers, à la caisse municipale, des produits de la vente des chablis (17) et des droits de préemption ; produits variables, mais qui, année moyenne, dépassent le chiffre de 4.500 francs.
Tandis que les habitants ont des droits d'usage si étendus, la commune elle-meme n'en a aucun. Les édifices municipaux ne sont pas usagers ; le droit de marnage (17) n'existe pas pour ces édifices. Quant il s'agit de les réparer ou reconstruire, il faut acheter et payer le bois de service, qui est délivré gratuitement aux usagers.
Les voies de communication sont dans un état déplorable. Les chemins, larges seulement pour le passage d'une voiture, ressemblent au lit desséché d'un torrent et présentent tour à tour ou de grosses roches dressées, ou les cavités profondes, ou d'épaisses couches de sable mouvant. Si les habitants sont sous ce rapport[392]d'une impardonnable incurie, l'Administration de l'État et celle du département, qui devraient donner le bon exemple, ne semblent pas de leur côté entièrement irréprochables. En effet, il n'a pas été fait de routes dans les forêts ; les chemins de vidange, marqués par de simples ornières, n'ont pas été améliorés, dans la crainte qu'en donnant au bois une plus-value, on ne rendit plus onéreux pour l'État, le rachat des droits d'usage.
La langue allemande est la seule usitée à Walscheid comme dans toute la Lorraine allemande. Peu de personnes comprennent et parlent la langue française. L'enseignement du français n'a été entrepris et n'a fait des proggrès dans les écoles que vers 1855. Sans contact avec le dehors, isolée par l'absence des moyens de communication, par son langage étranger et par la nature de ses occupations, cette population a longtemps végété dans l'ignorance, négligeant ses terres et se contentant des minces profits des droits d'usage.
Mais Walscheid, avec le temps, s'est amendé. Depuis 1855 l'attention s'est portée sur la culture ; les habitants sont parvenus, à force de soins et d'engrais, à tirer d'un sol ingrat une partie de leur subsistance et à faire des économies sur les gains de la forêt. A mesure que le travail des champs a été plus en faveur, le cabaret a été moins fréquenté.
Cotrairement à ce qui se remarque si généralement, l'accroissement de la population à Walscheid suit un mouvement de progression rapide; elle n'était en 1858 que de 2.005 habitants, elle est maintenant (1863 de 2.1I50. Les habitudes de stérilité volontaire, si répandues en France et qui notamment sont pratiquées dans la plaine à quelques kilomètres au-dessous de Walscheid (23), sont inconnues dans la montagne. Les familles nombreuses se rencontrent aussi bien dans les classes riches que dans les classes pauvres. La plupart des femmes ont un enfant tous les deux ans. Mais, l'absence des soins, au premier age, a pour conséquence une mortalité considérable pendant cette période.
La grande ambition dans ce pays est la possession d'une vache qui, de son lait, nourrit toute la famille. Ceci, en raison de la rareté des fourrages, n'est pas. à la portée de tout le monde. Un tiers des habitants n'a de propriétés rurales qu'en location, et n'a pas de vaches. Un sixieme des habitants n'a que des vaches à location, cédées à bail par des Israélites à un taux usuraire, avec des conditions de vente définitive très dures, mais qu'on s'efforce de remplir. La nourriture donnée à ces animaux est de bien médiocre qualité. C'est en été l'herbe des chemins et de la forêt, les herages adventices des champs ; à la fin de la sai[393]son, la bruyère ; en hiver, de mauvais fourrages achetés à la botte, souvent à crédit. A la qualité de la nourriture près, ces pauvres bètes, détenues a titre aléatoire, sur lesquelles on fonde tant d'espérances, sont l'objet d'autant de soins que si elles étaient la propriété de leur maître temporaire.
§ 2. — État civil de la famille.
Le bûcheron descend d'une famille originaire de la Suisse, qui est venue, il y a plus d'un siècle, s'établir dans le pays, attirée par les avantages (7) que les seigneurs de Dabo accordaient à leurs sujets et aux étrangers qui venaient se fixer dans le comté (17).
La famille se compose de 8 personnes toutes nées à Walscheid:
François Z***, âgé de............ 40 ans
Madeleine Sch***............ 40 —
Marie-Anne Z***............ 10 —
Georges Z***............ 8 —
Antoine Z***............ 6 —
Pierre Z***............ 4 —
Augustin Z***............ 2 —
Georges Z***, âgé de 81 ans, père du bûcheron, loge six mois chez François Z***; six mois chez un autre fils.
La femme est enceinte de 6 mois.
Les époux n'ont perdu aucun enfant. Ils regardent l'accroissement de leur famille comme une source de prospérité. Les enfants rendent de grands services de bonne heure ; leur naissance promet des bras, qui, travaillant pour la communauté, rapporteront plus qu'ils ne coûteront et concourront ainsi à augmenter le bien-être de la famille.
Madeleine Sch**, a perdu ses parents depuis 20 ans.
Georges Z***, père du bucheron, n'a eu que trois enfants, tous trois encore vivants.
§ 3. — Religion et habitudes morales.
Les époux, comme tous les habitants du village, appartiennent à la religion catholique et en pratiquent exactement les devoirs. L'attachement aux anciennes coutumes, le respect de la tradition sont les traits principaux des murs du pays. La foi n'est peut-étre pas très éclairée ; mais le culte forme comme un cadre[394]dans lequel les actes de la vie s'enchainent avec régularité. Les cérémonies religieuses se font avec une certaine pompe et sont suivies avec empressement par la population. L'église, placée au sommet du village, est belle et bien ornée, quoique simple. Une tribune, qui y a été construite, ne la rend pas suffisante pour contenir la totalité des habitants et elle est entièrement remplie à chacune des deux grandes messes qui se célèbrent le dimanche. Le curé jouit d'une grande autorité morale dans la commune. Son habitation est jolie et bien située. Des fenêtres de sa maison et du jardin disposé en terrasse, la vue plonge sur la vallée et découvre les cimes étagées des montagnes.
La piété de François et de Madeleine est simple et a les allures d'une habitude. Mais si elle se manifeste chez eux par une assiduité ponctuelle aux ofices, elle ne se manifeste pas moins par la régularité de leur conduite. François est renommé pour sa probité exemplaire et l'exécution consciencieuse des travaux dont il est chargé. Il n'a jamais commis une contravention en forèt et, depuis 26 ans qu'il manie la hache de bûcheron, il n'a pas été dressé un seul procès-verbal contre lui.
La prière en commun est de règle, le matin et le soir, dans la famille. François n'y manque qu'en été, parce qu'il passe la semaine en forèt. Le repas est toujiors précédé et suivi de la prière et, dans les veillees d'hiver, le fils aîné fait une lecture empruntée à l'istoire sainte.
Z*** et sa femme sont peu instruits. Le bûcheron sait lire et un peu écrire. La femme sait lire la lettre imprimée, non l'écriture ; elle sait signer son nom. Ils déplorent leur défaut d'instruction et approuvent beaucoup les soins que l'on prend pour l'éducation de la jeunesse. Les époux ne parlent que l'allemand, c'est-à-dire une sorte de patois plus gros sier que celui qui est en usage en Alsace. Ils ne savent pas un mot de français. Le bûcheron passant les trois quarts de l'année en forêt, le gouvernement du méunage est dévolu à la femme. C'est elle qui garde la maison et tient la bourse. Lorsque Z*** reçoit son salaire, il le remetà la ménagère ; s'il a besoin d'argent, c'est elle qui lui en donne.
La plus parfaite harmonie règne dans le ménage et c'est uniquement aux occupations du mari constamment retenu au dehors, qu'est due l'espèce d'autorité de la femme, qui se restreint d'ailleurs aux affaires de détails intérieurs. Dans celles qui sont un peu importantes, le mari reprend son rôle de chef de maison, mais il ne se décide qu'après avoir consulté sa femme et d'accord avec elle.
Il y a ordinairement entreles futurs peu d'inclination au moment[395]du mariage, mais seulement une confiance réciproque, une conviction mutuelle de trouver l'un chez l'autre les conditions nécessaires pour la prospérité du ménage. Plus tard les époux ne sont pas unis par les liens d'un s entiment bien tendre, mais le bon accord est rarement troublé. On ne voit pas de ménages désunis ni de demandes en séparation de corps ; l'adultere est toutà-fait inconnu dans le village. Cette froideur extérieure se remarque aussi entre les divers menbres d'une famille. Le devoir les gouverne bien plus que l'affectation ne les anime. Ces populations sont sensées ; mais leur sang flegmatique dénote la race germanique dont elles descendent. Elles ne sont pas attachées à la vie. A Walscheid on ne craint la mort ni pour soi ni pour les siens. La résignation, la confiance dans la bonté de la Providence est au fond des àmes. On se refuse à croire que Dieu veuille faire après la mort, à de pauvres gens qui ont beaucoup travaillé et se sont bien conduits, un sort pire que dans la vie. Le malade qui voit arriver sa fin en parle avec le même calme que s'il s'agissait de tout autre évènement. Ceux qui entourent le moribond s'entretiennent avec lui de son état, du peu de jours qui lui restent à vivre et de ce qu'il y a lieu de faire.
Les attentats contre les personnes ont toujours été, dans le pays, d'une rareté extrème. Le voyageur peut en toute sécurité traverser la vaste étendue des forèts, sans crainte ni pour sa vie, ni pour sa bourse. S'il s'égare, il trouve toujours un guide bienveillant pour le remettre dans son chemin. Malheureusement les petits délits, les procès, les querelles suscitées par des habitudes d'ivrognerie et anenant des rixes à coups de couteau, viennent trop souvent faire contraste aux solides et modestes vertus des montagnards de ces cantons.
§ 4. — Hygiène et service de santé.
Le village de Walscheid est dans de bonnes conditions de salubrité, quoique dans la vallée les brouillards soient fréquents. L'hiver est précoce et rigoureux ; les dernières neiges ne fondent qu'au soleil de juin et, tant qu'ellés couvrent la montagne, elles donnent au vent un soutfle glacial. L'air, vif et très pur, rafraichit le sang et en active la circulation. Lafraicheur des eaux, favorable à l'estomac, est nuisible à la bouche ; les habitants de Walscheid ont les dents mauvaises et en souffrent souvent. La vie en plein air, un travail constant, mais non forcé, la[396]sobriété et la régularité des habitudes développent la vigueur et entretiennent la santé. Les maladies ne sont ni communes, ni de longue durée, et la longevité, dont le père du bûcheron offre un exemple, n'est pas un fait rare dans la commune.
Le bûcheron est de haute taille, 1 80; la taille moyenne dans la commune est de 1 68. Il a la tete petite, les yeux gris et doux ; sa physionomie exprime une bonhomie placide et honnête plus que l'intelligence. Il est robuste, quoique d'une charpente un peu grèle ; l'exercice de sa profession a donné aux muscles des bras un développement qui n'est pas ordinaire.
La femme a les traits du beau ype alsacien. Elle est blonde, a les yeux bleus, le teint plus coloré que son mari et fortement halé. Sa physionomie avenante respire le contentement, et toute sa personne annonce l'activité laborieuse qu'il lui faut déployer sans cesse pour sufire à tous les soins dont elle est chargée. Elle n'en parait aucunement fatiguée et n'a point souffert de ses cinq couches. Elle est toute prète à supporter celle qui l'attend prochainement et celles qui pourraient survenir plus tard.
Les enfants sont tous bien constitués et bien portants. La fille aînée ressemble à la mère ; le fils aîné a dans le teint et dans la coupe de la figure une ressemblance marquée avec son père.
A part les maux de dents dont souflre la femme, la santé de la famille n'a été altèrée par aucune espèce de maladie. On ne se souvient pas qu'un seul de ses membres ait été arrèté par une simple indisposition. Les couches de la femme sont les seuls cas où son travail soit interrompu et encore n'est-ce pas pour plus de quatre ou cinq jours. La petite rémunération donnée à la sagefemme, est l'unique dépense que la famille ait à faire pour le service de la santé.
§ 5. — Rang de la famille.
A Walscheid, les titres à la considération publique sont la bonne conduite, le travail et l'économie. L'existence de ces vertus dans la maison du bûcheron le place dans les premiers rangs des personnes de sa profession. Il est estimé, non point parce qu'il a réussi, mais parce qu'il a réussi honnêtement.
Il n'y a, dans la commune, aucune démarcation entre les diverses espèces d'ouvriers. Les voituriers, qui sont, comme on[397]l'a dit, les plus forts propriétaires du village, ne se séparent pas sensiblement des autres catégories de la population. La fortune n'est ni une cause de superiorité ni un motif d'orgueil. Dans tous se remarquent les mêmes habitudes simples, le même genre de vie. Pour le riche comme pour le pauvre, le vêtement est la veste ronde en grisette (toile mélangée de fils de chanvre et de fils de coton), et la base de la nourriture est la pomme de terre. Cette égalité dans les habitudes ne laisse prise ni à l'envie ni à l'ambition. Chacun reste attaché à sa condition et nul n'a la pensée que ce serait s'élever que de passer dans une autre. Il n'est fait d'exception qu'à l'égard des personnes d'une réputation équivoque. Celles-là sont tenues à l'écart et la richesse ne les sauve pas de la défaveur publique.
C'est surtout à l'occasion des mariages qu'on peut voir sur quelles bases dans cette commune repose la considération et quelle est la puissance des idées d'égalité. Les parents laissent, en cette circonstance, toute latitude à leurs enfants et ceux-ci recherchent moins la fortune que la bonne conduite. Le fils du voiturier épouse la fille du sabotier, comme le fils du cuvelier épouse la fille du voiturier. Dans les fréquentations qui précèdent le mariage, le jeune homme cherche à s'assurer si la jeune fille possède les qualités d'une bonne ménagere. Il reste maître de son cœur, et, si après une cour de trois ou six mois il s'aperçoit qu'elle n'est pas suffisamment pourvue de ces qualités, il la quitte et s'adresse à une autre.
A Walscheid, la coutume est de ne se marier que dans la commune. Cn jeune homme ne va pas chercher une femme dans une autre commune et il y a aussi peu d'exemples d'un jeune homme d'une commune voisine venant prendre femme à Walscheid. On trouve plus de garanties à faire son choix dans la commune où chacun se connait. On s'isole de l'étranger. Les unions contractées hors du village sont celles qui réussissent le moins. Ces sortes de ménages restent toujours un peu étrangers aux autres familles.
Moyens d'existence de la famille
§ 6. — Propriétés.
(Mobilier et vêtements non compris.)
Immeubles : provenant partie d'héritage (21), partie d'acquisitions faites avec les épargnes de la famille............ 3.280 fr. 00
[398] 1° Habitation. — Maison avec grange et écurie, 1.300 fr. 00.
2° Immeubles ruraux. — Jardin potager et verger, de ares, attenant à la maison, 300 fr. 00 ; — terres labourables, 60 ares. en trois parcelles, 1,000fr. 00 ; — prés, 23 ares, en deux parcelles, 600 fr. 00 : — chènevière. en une parcelle. 2 ares, 80 fr. 00. — Total, 1.980 fr. 00
Argent............ 15 fr. 00
Somme gardée au logis, pour les besoins du ménage.
ANIMUX DOMESTIQUES entretenus toute l'année . . 255 fr. 00
1 vache, 180 fr. 00 ; — 1 génisse, 75 fr. 00.
ANIMAUX DOMESTIQUES entretenus une partie de l'année............ 85 fr.50
1 porc, 82 fr. 50 ; — 3 poules. 3 fr. 00.
Matériel spécial des travaux et industries............ 15 fr. 50
1° Outils pour la profession de bûcheron. — 1 hache. 4 fr. 00; —1 serpe, 2 f. 50; — 1 merlin, 5 fr. 00 ; — 4 coins, 12 fr. 00; — 2 scies, 26 fr. 00. — Total. 49 Tr. 50.
2° Outils pour la culture et la récolte des denrées. 2 bèches, 4 fr. 00; — 2 hoyaux. 4 fr. 00 : — 2 fourches à faner. 4 fr. 00; — 2 rateaux, 2 fr. 50 ; — 1 faulx, 5 fr. 00 ; — 2 faucilles. 3 fr. 20 ; — 1 cuveau. 0 fr. 50 ; — 4 corbeil'es, 2 fr. 00; — 6 sacs, 4 fr. 80: — 1 fléau. 2 fr. 00: — 1 broyon ou braque (pour séparer du chanvre la partie ligneuse). 6 fr. 00.—Total, 38 fr.00.
3° Outils pour l'exploitation du bétail et de la basse-cour. — 1 baratte, 4 fr. 00 ; — 6 pots au lait, 1 fr. 80 ; — 1 seau à traire, 1 fr. 00; — 1 coudoir, 0 fr. 20 ; — 1 fourche à fumier, 2 fr. 00; — 1 pelle, 2 fr. 00; — 2 fourches en bois, 1 fr. 00: — 1 auge en bois, 4 fr. 00. — Total, 16 fr. 00.
4° ˉOutils et ustensiles pour le blanchissge. — 1 cuvier et 1 trépied. 6 fr. 50; — 2 fers à repasser, 1 fr. 50 : — 2 battoirs et planches à laver, 2 fr. 50 ; cordes pour le séchage. 1 fr. 50. — Total, 12 fr. 00.
Valeur totale des propriétés............ 3.75 fr. 00
§ 7. — Subventions.
Les subventions dont jouit la famille ont une importance exceptionnelle. Leur abondance est le rait dominant de cette organisation sociale. Elles proviennent de droits d'usage dans les forêts de l'État, concédés à une époque fort reculée, aux habitantsde la commune, par les anciens seigneurs du pays. (17) Ces droits sont de diverse nature et comprennent des délivrances en bois et en argent et la pature pour le bétail et pour les porcs. Il faut y ajou[399]ter la laculté, accordée aux habitants, seulement à titre de tolérance, par l'administration forestière, d'arracher de l'herbe et principalement de la bruyère et de ramasser des feuilles sèches pour servir de litière aux animaux. Ces privilèges qui, avant la prise de possession des usagers, ne représentaient qu'une faible valeur (soit pour le bûcheron, une somme de 107 fr. 1I0), deviennent une ressource considérable, au moyen de la main-d'euvre qui les utilise et qui, si elle n'avait pas cet emploi, serait elle-même, dans l'état présent des choses, peu fructueuse et peut-etre tout-àfait stérile (14, Son II). Il y a à prévoir (1863), sinon la suppression, du moins la transformation dans un avenir très rapproché, des droits d'usage. Le cantonnement, déjà accompli dans une commune voisine, ne tardera pas à être appliqué à la forêt de Valscheid. Mais si cette mesure a pour effet d'amoindrir les subventions actuelles de la commune, il est possible qu'elle crée dans le nouveau régime d'exploitation de la forêt, des sources de profits, qui dédommageront les habitants de la perte de leurs anciens droits.
§ 8. — Travaux et industries.
TRAVAIL DU BUCHERON. — L'industrie du bûcheron consiste à abattre les arbres et à façonner le bois. Dans les bois feuillus, il fend le bois, le dispose en cordes et en fagots, puis le transporte sur le bord des chemins de vidange. Dans les sapinières, il scie les arbres en tronces (morceaux) de la longueur des planches, les écorce, puis les amène, à bras ou en schlitte (espèce de traineau) jusqu'aux chemins, d'où les tronces sont conduites, par voiture, aux scieries ou aux dépôts. Il met aussi en fagots les branches et cieau (bouts de branches du sommet des sapins).
Il est payé à la corde de 41 stères, ou au cent de fagots, à raison de 4 ou 6 fr., selon la difficultés de l'exploitation ou des distances où il doit rendre le bois. Dans les nettoiements et éclaircies, il est payé à raison de 6 fr., à cause du temps que demande l'élagage des arbres. L'abatage et l'ébranchage d'un sapin se paient par tronce ou par pièce de charpente, à raison de 75 à 90 centimes, par pied d'arbre, et en outre l5 centimes pour scier l'arbre en tronces. Le prix pour rendre les tronces sur les chemins, varie de 30 à 60 centimes, selon le travail, qui n'est pas toujours sans danger dans les montagnes où la pente est très forte.
[400] Le travail du bûcheron lui rapporte en été de 9 à 10 fr. 50 par semaine (de 6 jours) et en hiver de 6 à 7 fr. 50. S'i travaille pour la commune, il n'est payé qu'après l'ouvrage entièrement terminé. Si c'est pour des particuliers, il reçoit des à-compte à proportion de l'avancement de l'ouvrage.
Du 15 avril au 15 octobre, il travaille dans la haute montagne, à1I0 ou 15 kilomètres du village. Dans cette saison, il part pour la forêt le lundi de 3 à 4 heures du matin et ne revient au village que le samedi soir. Il emporte sa provision de vivres pour la semaine. Il s'est construit un abri en terre et en feuillage. C'est dans cette cabane qu'il prend ses repas et qu'il trouve, sur un lit de mousse et de bruyere, un sommeil réparateur. En hiver il travaille dans les coupes rapprochées du village. Il quitte la maison à 6 heures du matin et y rentre tous les soirs. Il utilise les heures de la veillée, en fabriquant à l'aide de son couteau, ces lanières de hêtres et de bouleau qui sont le moyen d'éclairage usité dans le pays (15 Son II). Il ne rentre pas une fois au logis, sans avoir sur les épaules une bonne charge de bois see (16, Son II).
Passant en moyenne 280 jours par année en forêt, il ne prend qu'une très faible part aux travaux agricoles de la maison et seulement aux plus rudes ; aux labours à la main, a la fenaison et à la moisson. Il ne va que par rare exception et seulement dans les moments de presse, en journée chez son cultivateur qui le paie à raison de 1 fr. 25 par jour en hiver et de 2 fr. en été.
TRAVAIL DE LA FEMME. — La femme ne travaille que chez le cultivateur pour compenser une partie des frais des labours et des transports qu'il exécute pour la famille. Elle est payée à raison de 90 centimes en été et de 60 centimes en hiver. C'est sur elle que reposent les soins du ménage, du bétail et de la culture. Il faut qu'elle élève les enfants. tienne la maison propre, prépare les aliments, confectionne et répare le linge et les vêtements de toute la famille, qu'elle fas se les lessives ; qu'elle donne aux animaux leur nourriture et nettoie l'étable. Elle est chargée de tous les travaux que comporte l'explotation des terrains, depuis la conduite des engrais jusqu'à la rentrée des récoltes (sauf les labours et les voitures fournies par le cultivateur pour le transport des engrais ou des produits). Elle ne va aux champs que la tête chargée d'un panier ou cuveau plein de fumier, et ne revient au logis qu'avec un fardeau qui diffère selon les saisons et le lieu où elle est allée. Elle emmène les enfants qui sont en état de la suivre. La marche et l'air sain des montagnes les fortifie et la vue de[401]leur mère à l'œuvre est pour eux un exemple et un enseignement.
Les veillées d'hiver se font à la maison. La mère ne veut pas quitter ses enfants. Les berceaux sont à ses côtés, pendant qu'elle file, coud ou tricote, selon les besoins du ménage. Elle prolonge la soirée de travail jusqu'à dix heures. En fait d'ouvriers du dehors, elle n'a recours qu'au tailleur (à la maison), au cordonnier et au tisserand.
En résumé, ce qui se consomme dans la famille, ourriture et vêtements, est, pour une bonne partie, le fruit d travail de la femme ; les bénéfices de la culture comme ceux des animaux sont principalement l'ouvrage de ses mains et, gràce à son concours laborieux, le ménage se trouve en état de réaliser chaque année, une épargne satisfaisante sur les gains du mari.
TRAVAIL DE LA FILLE. — La fille n'a pas une tàche spéciale, elle aide sa mère dans la mesure de ses forces. Elle fait l'office d'une petite servante et permet à sa mère de donner plus librement ses soins aux travaux des champs. Elle va à l'école en hiver, mais elle rend encore des services à la maison, dans l'intervalle des classes, et le soir elle prend part à la veillée avec sa mère.
TRAVAIL DU FILS. — La plus grande partie du temps du fils aîné, est employée à l'école qu'il suit assiduement en été comme en hiver et avec succès. Le bûcheron ne veut pas que ses enfants partagent son ignorance et il se montre heureux de leurs pro grès.
La différence d'instruction entre la fille âgée de l0 ans et le fils aîné âgé de 8 ans est très sensible. Celui-ci comprend, parle et lit parfaitement le français ; connait et explique les règles élémentaires de la grammaire et du calcul. La fille comprend à peine, ne parle ni ne lit le français. Elle n'a reçu que l'enseignement allemand. Cette infériorité de l'instruction de la fille n'est point particulière à la maison du bûcheron ; elle se voitdans toutes les maisons du village et tient aux conditions mêmes du personnel enseignant. L'école des filles est dirigée par une sœur de la Providence de Saint-lean, pleine de hon vouloir mais bien moins instruite que l'instituteur auquel sont confiés les garçons.
En dehors des heures de classes, le fils aîné va chercher de l'herbe, conduit paitre la vache de la maison ainsi que le bétail du cultivateur ; il est chargé d'ouvrir ou de fermer les rigoles pour l'irrigation des prés et prend autant qu'il le peut, part aux travaux de culture.
Mode d'existence de la famille
§ 9. — Aliments et repas.
[402] La population de Walscheid est d'une sobriété remarquable etvit avec une extrême économie. La nourriture du bûcheron est celle qui est d'un usage général dans la commune, quelle que soit la position des ménages. A l'exception d'un peu de seigle (67 lilog.) et des condiments, toutes les denrées consommées ont été produites à la maison. Le régime alimentaire de la famille a pour base essentielle la pomme de terre dont on fait jusqu'à trois repas par jour. Viennent ensuite le pain de seigle, dans une faible proportion, le laitage, les œufs, les légumes et particulièrement les choux cuits à l'eau ou au gras. Le porc, élevé par le bûcheron, fournit toute la viande que l'on mange et qui n'est servie que le dimanche. La viande de boucherie et le vin n'apparaissent sur la table qu'aux grandsjours, à la fête du patron du village et aux petites fêtes de famille, de quatre à six fois par an.
Il y a dans le pays un mets qui est en grand renom, c'est la pata (ou patée ; en allemand stpfer), espèce de purée de pommes de terre, dont on ne se lasse jamais. Préparée avec une petite quantité de beurre, c'est le plat quotidien ; si la dose de beurre est plus forte, la pta devient un régal prisé à l'égal des mets les plus recherchés (24).
Repas du ucheron. — En été, du l5 avril au l5 octobre, le bû cheron, qui va passer la semaine en forêt, emporte sa provision de vivres, qui se compose de 16 kilos de pommes de terre, 2 ilos de pain de seigle, 750 grammes de beurre et un demi lilo de sel. Il a une petite marmite, au moyen de laquelle il se fait ou de la soupe ou de la pata. Il fait quatre repas par jour : Le premier, de 6 heures à 6 h. 12 du matin, se compose d'une soupe aux pommes de terre avec un peu de pain ; le second à midi, le troisième à 4 heures, composés de pommes de terre cuites sous la cendre, sans pain, le quatrième à 8 heures du soir, est composé d'une pata, avec un peu de pain. Le tout est arrosé avec l'eau de la source la plus voisine.
En hiver, il ne fait en forêt qu'un repas a midi, dont des pommes de terre cuites à l'eau ou sous la cendre font tous les frais, avec un peu de pain de seigle.
[403] Repas de la femme et des enfants. — En été, quatre repas : premier repas, de 6 h. à 6 h. 12 du matin : soupe aux pommes de terre et au pain de seigle, avec un peu de beurre : deuxième repas à midi: pommes de terre cuites à l'eau et lait caillé ou pata, troisième repas, à 1 heures : un morceau de pain de seigle ; quatrième repas, à 8 heures du soir : pommes de terre cuites à l'eau et lait caillé.
En hiver, trois repas : le mari prend part aux repas du matin et du soir. Il n'y a que celui de midi qui se fasse sans lui, premier repas à 7 heures : une soupe comme au premier dejeuner d'été ; deuxième repas à midi : pommes de terre cuites au four et lait caillé ; troisième repas à 6 heures : une pata ou des ponmes de terre coupées en quartier, cuites avec un peu de beurre. La famille n'a, comme le père, d'autre boisson que l'eau de la fontaine, ou du lait caillé.
Dans la maison du bûcheron, le lait est consommé à l'état de beurre et de lait caillé et très rarement à l'éat de lait. On ne fait du fromage qu'à l'époque de la fenaison ou des récoltes, lorsque les repas sont pris dans les champs. Selon la saison, les légumes et surtout les choux prennent la place des pommes de terre. Les légumes cuits avec du lard sont réservés pour le dimanche.
Au moment de la fête du village, la femme achète quelques kilos de farine de froment dont elle fait de la patisserie. Le gàteau le plus en vogue est le baba.
§ 10. — Habitation, mobilier et vêtements.
L'habitation de la famille est située au centre du village, au fond d'un carrefour, à proximité de la rue principale. Elle se compose de la maison, d'une petite grange et d'une petite écurie, avec grenier à foin et à grains au-dessus.
La maison comprend deux pièces assez vastes : la cuisine, exposée au nord, et la chambre servan de salle a manger et de chambre à coucher pour le ménage. Elle est exposée au midi. Cete pièce prend, en Lorraine, le nom de poêle, parce qu'elle contient un appareil de chauffage de ce nom. Au premier éage est la chambre où couchent les enfants, au-dessus de celle des parents ; à coté, un petit grenier. La construction est en moéllons, et la couverture en bardeaux de sapins. Comme dans tout le village, les pièces n'ont pas plus de 2 mètres 30 c. de hauteur ; les fenétres sont petites et basses, par précaution contre le froid. Dans beaucoup[404]de maisons, les lits sont dans des alcoves, presque fermées comme des boites. L'air vif de la montagne supplée à l'aération défectueuse des habitations. Dans la pièce exposée au midi, et qui a vue sur le potager, est placé un énorme poéle en fonte, qui sert en hiver tout à la fois à faire cuire les aliments et à chauffer l'appartement.
Les meubles, grossierement fabriqués, sont en bois de chêne ou de sapin. l'oute la maison est entretenue avec une propreté suflisante. Le ménage est assez bien approvisionné en linge. Les femmes, dans la montagne comme dans la plaine, mettent leur amour-propre à en garnir leur armoire le plus qu'elles peuvent et ne s'en servent que dans les grandes occasions. Le linge de la famille est entiérement dù au travail de la femme. Depuis la mise en état du terrain de la chèneviere jusqu'au moment où la toile ouvrée est serrée dans l'armoire, tout est son euvre sauf le tissage. Le lingge est grossier, mais solide, et, comme on s'en sert peu, il dure, le plus souvent, plusieurs generations.
Meubles. : le mobilier est plus complet que dans beaucoup de ménages de la condition de fortune du bûcheron ; la femme est, sous ce rapport, un peu loricuse............ 13 fr. 50
1° Mbilier de la chambre die le poéle. — 1 poêle en fonte de forte dimension, avec fourneu. 25 fr. 30 ; — 4 chaises en bois de chêne et 2 bancs en sapin. 6 f. 00: — 1 1able en bois d'orme, 2 fr. 00 ; — 1 coffre, 2 f. 00 : . 1 horloge, 5 fr. 00: — 1 lit composé de : 1 couchette en sapin, rideaux en cotonnaude bleu foncé à raies blanches, enveloppant tout le lit ; 1 pon servant de couverture : 1 traversin : 1 paillasse en paille de seigle ; 1 drap par dessus la paillasse ; le tout, la valeur du linge non comprise, 35 fr. 00; — 1 armoire en chêne ciré, garniture en cuivre, 30 fr. 00 ; 1 petit miroir, 1 fr. 00 ; — 14 cadres représentant la Ste Vierge et divers saints (on en voit dans toutes les maisons). 3 fr. 50; — 1 Christ et 1 bénitier en cuivre. 1 fr. 00 : — 1 berceau ou petit lit, où couchent les deux plus jeunes enfants. 3 fr. 00. — Total. 113 fr. 50.
2° Mobilier de la uisine. — 1 crédence en chêne surmontée d'un desservant en sapin, 6 fr. 00.
3° Mobilier de la chambre des enfants. — 2 petits lits, l'un pour la fille, l'autre. plus large. pour les deux garçons : 1 berceau vacant qui attend ; 2 couchettes en sapin. 2 pillasses (en menue paille ou balles d'avoine) ; 1 drap dans chaque lit et couverture, 12 fr. 00.
Ustensiles : entretenus avec propreté............ 21 fr. 00
Employés pour la cuisson et la consommation des aliments. — 1 plat et 4 assiettes en étain, 5 fr. 00 ; — 3 pots. 2 cocottes et 1 chaudron en fonte, 6 fr. 00 : — vaisselle en terre, faïence grossière et verrerie, 36 pièces (assiettes, écuelles et plats. 2 carafes, 6 bouteilles et 12 verres), 6 fr.00 ;[405]12 fourchettes, 12 cuillers, 1 cuiller à potage. 1 écumoire en fer battu, 3 fr. 00 ; — 1 pilon et l râpe, 1 fr. 00. Total, 21 fr. 00.
LINGE de table et de ménage : solide et ménagé avec soin. 110fr.00
6 nappes en toile d'étoupe, 6 fr. 00 ; 12 serviettes. 6 fr. 00; — 12 essuiemains, 4 fr. 00; — 8 draps en toile de chanvre. 4D fr. 00 ; — 6 taies de pdumon, 45 fr. 00 ; — 6 petites taies pour le traversin, l5 ir. 00 ; — pour les lits des enfants : 6 petites taies, 18 fr. 00 ; — 6 petites taies, 6 fr. 00.
Vêtements : réduits au strict nécessaire............ 297 fr. 95
VÊTEMENTS DU MARI 131 fr. 65).
1° Vêtements de travail. — 2 pantalons de toile d'étoupe écrue, 5 fr. 00; — 2 gilets à manches en toile écrue et grisette (toile mélangrée bleu et gris), 6 fr.00 ; — 4 paires de sabots et l paire de chaussons en laine, l bonnet tricoté, 1 cravate en coton noir. 6 fr.00; — 12 chemises, 4S 1r. 00: — 4 mouchoirs de poche, 3 r. 00. — 'ol. 68 r. 0.
2e Vêtements du dimamche. — En été. l pamtalon. 1 veste et gilet sans manches. en grisette. 10 :r. 0 : — en h́ver. 1 vese ronde. 1 pantalon.
1 gilet, en drap noir commun, mais solide. 265 1fr. 00: — 1 chapeu noir, forme semi conique, bords larges, 3 r. 40: — 1 paire de souliers, 9 fr. 00 ; — 1 paire de bas de laine. l de coton. 1 pire de guètres, en grisette, 9 fr. 75 ; — 1 blouse, 5 r. o0. — loal. 63 fr. 65.
Vêtements de la femme (92 fr. 10).
1° Vêtements de travail. Vetements du dimanche déjà usés : l jupon de flanelle, 1 jupe. 1 casaquin, 1 corset en griseite, 10 fr. 00 : 2 tabliers en toile d'étoupe écrue. 1 fr. 50 : — 2 paires de subots, 09 fr. 80: — 2 cornettes en indienne, 1 fr. 00; — 10 chemises en toile, 30 fr. 00; — ti mouchoirs de poche, en coton. 1 fr. 80. . 'otal, 45 fr. 10.
2° Vêtements du dimnche. — En été : 1 jupon en flanelle. 6 fr. 00: — 1 jupe, 1 casaquin, 1 corset, en grisette, 16 fr. 00 : — 2 paires de bas de coton, 4 fr. 00 ; — 1 chapeau de paille, 1 fr. 50 : — 1 tablier en cotonnade, 2 fr. 50 ; — 2 mouchoirs de cou, en cotonnade, 2 1fr. 00 ; — 1 cornette en indienne, ouatée, 1 fr. 50 ; — 1 paire de souliers. 4 f. 00 ; — en hiver : les mêmes vêtements, en plus, 2 pires de bas de laine, 1 mouchoir de cou, laine et coton, 9 f. 0. — l'otul, 47 fT. 00.
VÊTEMENTS DE LA FILLE (26 fr. 90).
1° Vêtements de tous les jours. — Vetements provenant des effets usés de la mère et ne valant que la façon, 7 r. 50 ; — 4 chemises, 4 fr. 00 ; — 2 mouchoirs, 1 fr. 00. — 'otal. 12 fr. 0.
2° Vêtements du dimanche. — Eté et hiver : l jupe, l jupon, 1 casaquin en grisette, 5 fr. 00 ; — 1 paire de souliers, 4 fr. 00 ; — 3 paires de sabots, 0 fr. 90 ; — 1 paire de bas de laine, l de coton, 3 fr. 80 : — 1 cornette en indienne, 1 plus usée pour les jours ordinaires (venant de la mère), O fr. 70. — Total, 14 fr. 140.
VÊTEMENTS DES QUATRE GARÇONS (47 fr. 30).
L'ainé a 2 vêtements provenant des vêtements usés du père, l'un pour[406]les jours ordinaires, l'autre pour les dimanches, ne valant que la façon, ensemble 12 fr. 00 : — les autres, chacun 2 blouses, 11 fr. 30 ; pour les quatre. 8 bonnets, 4 fr. 00 : — 3 paires de bas, 6 fr. 00; — 16 paires de sabots, 4 fr. 00 : 8 chemises, 10 fr. 00. — Total. 47 fr. 30.
Valeur totale du mobilier et des vêtements............ 590 fr. 15
§ 11. — Récréations.
Dans une vie laborieusement remplie, le repos du dimanche est pour la famille la plus salutaire e la plus douce récréation. Vivant toute l'année isolé au milieu des bois, le bûcheron ressent un grand plaisir a passer cette journée au village près de ses parents et de ses amis. C'est un heureux moment pour lui quand le samedi soir, avec une charge de bois sur les épaules, il rentre sous son toit. Sa femme et ses enfants l'entourent avec empres sement. L'un le déharrasse de son fardeau, un autre de son sac, celle-là de ses sabos, celui-ci de sa hache. A peine déchargé de son bagage, il s'approche de son vieux père, assis dans un coin et il lui demande des nouvelles de sa santé. Le retour hebdomaulaire du bucheron est toujours suivi d'un petit gala. La femme a mis dans la paa un peu plus de beurre que de coutume, et une jate de lait igure sur la table. Tout en faisant honneur au repas de fanille, le chef de ménage s 'enquiert des choses de la maison, du travail et des progrès à l'école.
De temps à aure, quand l'ouvrage ne presse pas à la maison, le bûcheron reçoit,; au fond de la montagne, la visite de sa femme ou celle de son père, tous deux accompagnés d'un des enfants. Au retour, la femme et les enfants rapportent toujours au village une charge de bois ou d'herbe recueillie dans la forét.
A la fête du saint patron de la commune, au dimanche qui la suit, à quelques autres grandes fêtes, six ou huit fois dans l'année, la famille invite le beau-frère et la sœur du bûcheron ou quelque ami, à un repas pour lequel on a fait cuire un jambon, acheté un lilo de bœuf et deux bouteilles de vin. Si les provisions manquent à la maison. cette petite réunion a lieu à l'auberge voisine. Mais dans cette famille le père ne donne pas l'exemple de l'intempérance. Il ne s'est iamais enivré. S'il va à l'auberge, ce n'est pas seul, c'est en compagnie de son père, de sa femme et de ses enfants.
Les cérémonies religieuses, les processions, celle de la FêteDieu notamment, sont des récréations favorites de tous les mem[407]bres de la famille. Tel est d'ailleurs l'usage général des habitants de Walscheid.
Le bûcheron fume quelquefois. Mais si la pipe est pour lui une distraction, ce n'est ni un besoin impérieux, ni un sujet de dépense pour le ménage.
Histoire de la famille
§ 12. — Phases diverses de l'existence.
François Z*** est né à Walscheid et n'a jamais quitté le lieu de sa naissance. Ayant amené un bon numéro lors du tirage au sort, il a été exempté du service militaire. Il a passé toute sa jeunesse dans sa famille et s'est marié à 29 ans. Il travaillait avec son père b̂cheron comme lui. L'usage des bonnes familles du payvs est que l'enfant, quelque soit son âge, qui demeure et mange à la maison paternelle, ne fasse pas de profit personnel. Aussi versaitil régulièrement chaque semaine à la communauté la totalité de ses gains sans en rien prélever pour lui.
Le père de Z*** appartient à une famille ou, depuis plusieurs générations, la profession de bûcheron est héréditaire. Il l'a exercée luimême jusqu'au moment où la perte de ses forces l'a condamné au repos. Aujourd'hui il a 8l ans, et c'est depuis 6 ans seulement que la hache, fidèle compaggne, unique gagne-pain de sa longue carrière, est tombée de ses mains alaiblies. Il a été moins heureux et a eu moins d'aisance que son fils. Orphelin à ans, il n'avait reçu aucun héritage et avait dù, de bonne heure, ne compter que sur lui même. Au temps de sa jeunesse, la vie état dificile, la terre mal cultivée, le vivre rare et coûteux. Les droits d'usage, quoique libéralement dispensés, étaient presque stériles. La forèt imparfaitement exploitée ne donnait qu'un labeur irrégulier et mal payé ; la journée valait au plus 0 r. 75 en hiver et l fr. 00 en été et on n'était pas assuré d'avoir régulièrement du travail toute l'année. Dans ces conditions pénibles, il a su se sufire et elever tros enfants; deux fils, aujourd'hui bûcherons et une fille, actuellement femme d'un sabotier ; il a pu même laisser à chacun un petit bien.
La femme du bûcheron. Madeleine Sc est née aussi à Valscheid et, pas plus que son mari, n'est iamais sortie de son village. Elle est la fille d'un sabotier. Son frère exerce cet état et a epousé[408]la sœur de son mari. Elle a reçu pour sa part, à la mort de ses parents, un champ de l0 ares, quelques meubles, du linge et des objets de literie (21).
François Z*** a eu, de la succession de sa mère, un champ de 10 ares et de son pere, qui lui en a fait donation, une petite maison, un jardin, du mobilier et une petite genisse, à la charge de payer une plus-value de 360 fr., par moitié à son frère et à sa sœur. Il a vendu la maison pour acheter celle qu'il possède aujourd'hui. pere, en abandonnant son avoir, avait réservé qu'il serait logé et nourri, le restant de ses jours, par ses enfants. Ayant eu à se plaindre de son fils aîné, il n'a pas voulu aller demeurer chez lui. Les deux autres ont repris, sans hésiter, les obligations de leur frere aîné. ' père, passe alternativement trois mois chez l'un, trois mois chez l'autre, bien accueilli et respecté dans les deux ménages, rendant encore, malgré son grand âge, uelques services ; ici, en gardant les plus jeunes enfants ; là, en gardant la maison ou en menant paitre la vache.
L'existence du bucheron s'est écoulée calme et régulière. Il a s upporte, sans beaucoup en soufrir, une epoque désastreuse pour les ppulations de ce pay s celle de la maladie des pommes de terre. Pendant l0 ans, de S16 à ls6 elle a désolé ce pays et y a jeté une perturbation profonde. En face du terrible fleau qui abattait tant de courages, François Z***, alors nouvellement marié, redoubla d'énergie et mit vaillamment ses elorts à la hauteur des circonstances. Cette époque a laissé de sinisres souvenirs ; car c'était la famine qui re nai dans cette malheureuse contrée ; on ne parle qu'avec emotion de ces temps de misère. Pour juger comment '' 'y comporta, il fallait entendre sa femme dire à l'auteur de ce travail, avec les larmes dans les yeux. Mon mari est le meilleur des hommes, pendant la disette, il ne m'a jamais laissé soulrir de la faim. Quand il eait revenu de la forèt le soir, il savait trouver de l'ouvrage au village et passait une partie de la nuit à des travaux de terrassement ou d'autres, et, avec ses ains ainsi auggmentés de moitié, nous avons toujours pu ache. ter des pommes de terre pour nos besoins. Oh : je n'envie le sort . d'aucune des femmes du village. Je suis sûre que gràce à on hoee, mes enfants et moi nous ne manquerons jamais de rien. .
Comme contre-partie de ces paroles, il est juste de citer celle de 7 faisant l'éloge de sa femme, pendant que celle-ci couchait ses marmos : Je suis bien heureux, disait-il, d'avoir rencontré Madeleine. Il n'y a pas dans le village de femme plus laborieuse, plus économe et qui ait plus de soins u'elle a de ses enfants. Si nos affaires prospèrent, elle y a autant de part que moi.
§ 13. — Mœurs et institutions assurant le bien-être physique et moral de la famille.
[409] Le bûcherou a assuré sa maison contre l'incendie. Il n'y a pas, dans la commune, ni dans le voisinage, de société de secours mutuels.
Dans les idées de ces rudes populations, la maladie n'est pas un sujet de préoccupation. Elle n'existe pour ainsi dire pas. La circonstance qui peut jeter le trouble dans les existences, c'est l'incertitude de la récolte, principalement des pom1es de terre. La saison sera-t-elle oui ou non favorable8 C'est là, pour tous, la question dominante. S'il y a abondance dans la recolte, out ira bien ; s'il y a pénurie, on sera dans la géne (15, Son 1ᵉ ;16 B, E, F).
La famille du bucheron, est d'ailleurs des à présent, à l'abri des plus pénibles éventualités. Le petit bien qu'elle possede est sufiSant pour derober la vieillesse des epoux aux étreintes de la isère. Les droits d'usage, quelles que soient les modifications qu'ils subissent, continueront à alleger les charges du ménage . enfin, ce qui mieux que le bien acquis, mieuX que les profits des droits d'usage, n ieux quetoutes les institutions, est la garantie protectrice de l'avenir de la famille, c'est la bonne conduite de tous ses membres. La providence du bucheron, c'est une vie sagement ordonnée ; c'est l'amour du travail, la frugalité, l'économie; c'est le bon exemple et l'insruction donnés à ses enfants. Dès qu'il a amasse 30 ou 0 francs, il emploie cette somme à s'acquitter d'autant sur la dee qu'il a conractée pour l'achat d'un pré. La famille réalise à peu près en moyenne une epargne annuelle de 200 francs. Elle a, en ll ans, doublé l'héritage qu'elle a reçu. et, si les évènements ne viennent pas à la traverse, elle arrivera sûrement a une honnète aisance. Partagé également entre tous les enfants, selon l'usage du pays, conforme d'ailleurs au voeu de la loi moderne, le bien du ménage. permettra à chacun d'eux d'assurer son existence, pourvu qu'ils conservent leurs meurs austères et les màles vertus qui font de leurs parents un ménage de si braves gens.
Éléments divers de la constitution sociale
Faits importants d'organisation sociale ; particularités remarquables ; appréciations générales ; conclusions.
§17. RÉGIME DES DROITS D'USAGE DE L'ANCIEN COMTÉ DE DABO.
[426] Le comté de Dabo fut possédé dans l'origine par la maison de ce nom (en allemand Dachsbourg) ; elle était de la même souche que les maisons de Lorraine et de Habsbourg. A partir du XI siècle, l appartint à la maison de Linange (en allemand ˉLeiningen) et forma une petite souveraineté enclavée entre la Lorraine et l'Alsace. Il relevait immédiatement de l'Empire d'Allemagne. Réuni à la France lors de la conquète de l'Alsace (l618), il resta sous l'administration directe des anciens seigneurs. En 1793, les propriétés des comtes de Linange furent placées sous séquestre, puis incorporées au Domaine national, sous la réserve du maintien des droits et privilèges concedés aux habitants. Après le traité de Lunéville (1801), le comté fut administré conformément aux lois françaises.
La forèt, acquise au dommaine de l'tat, comprend une superflicie de l2.35 hectares, dont 11.000 dans le département de la Meurthe et le surplus dans le département du Bas-Rhin. Elle est située sur les deux versants de la chaîne des V'osges, à une altitude moyenne de 600 mètres. Le massit est d'un seul tenant, peuplé pour les quatre cinquiemes, dans la partie supérieure, d'essences résineuses, pins e sapins, et, pour un cinquième, sur les pentes inérieures d'essences diverses, hétres principalement, chènes et bouleaux. Le capital de cete forét est évalué à plus de 30 millions ; le Tresor n'en ire pas plus de 150.000 fr. (1863). Cette vaste superficie est divisée en 4 circonscriptions usagères :
La population du comte répartie en six communes, d'Abreschviller, Voyer, Ilarreberg, ommert. alscheid, Dabo (Meurthe.
[427] Engenthal (Bas-Rhin) est d'environ l1.000 àmes. Cette population ne possede que l. 90 ̂hectares de chaumes, terres et prés, dont on a fait connaître la médiocre qualité. Il est à remarquer que les communes les plus populeuses (Dabo, 2.7I habitants, Walscheid, 2.150 habitants) sont les plus mal partagées sous le rapport de l'étendue et de la fertilité du sol arable, dont la culture, en raison d'une configuration fortement accidentée, est d'une difficulté extrême. L'herbe manque pour nourrir des animaux, par suite pas d'engrais et la terre ne donne aux habitants qu'une partie des aliments nécessaires à leur subsistance. L'industrie ne supplée pas à cette pénurie des ressources naturelles. Abreschviller, placé dans les conditions relativement les plus favorables, avait autrefois une verrerie, une forge, une papeterie, qui occupaient un certain nombre de bras ; mais ces établissements n'ont pu se soutenir malgré les riches affectations dont les seigneurs les avaient dotés. Les usines concernant spécialement la mise en euvre du bois ont seules survécu et fonctionnent encore. La forêt était donc la ressource presqu'unique des habitants. D'un autre côté, il fallait des bras pour l'exploiter. De là les privilèges accordés par les seigneurs, pour attirer et fixer la population dans une contrée aussi déshéritée. On ne connait rien de précis sur la da e des premières concessions. Les règlements actuellement en vigueur et particulièrement l'acte du 27 juin l6l3, qui, sous la forme d'un véritable contrat synallagmaique, conient l'exposé complet des droits et des obligations réciproques, et qui constitue la charte du comté, ne sont que des titres recognitifs, rappelant que les droits d'usage s'exercent depuis plusieurs siècles. L'original même du titre de 163 n'existe plus ; on n'en possède qu'une copie avec translation en français, délivrée en 1807, par ordre des frères de Linange, aux délégués des communes alors en instance pour faire reconnaître leurs droits ; copie dont l'authencité, peut-être contestable, a été consacrée par de nombreuses décisions administratives et judiciaires.
Ce document étant fort étendu, nous nous bornerons à en donner une analyse en indiquant en même temps de quelle manière les droits sont exercés actuellement.
Ces droits sont de deux sortes : — Droits collectifs, concédés à des collections d'individus ; — Droits à titres privatifs, accordés aux détenteurs de certains établissements et transmissibles comme toute espèce de propriété.
Les droits collectifs se divisent en deux classes : Droits collectifs généraux dont jouissaient indistinctement tous les sujets du[428]comté ; Droits collectifs spéciaux auxquels ne participaient que certaines catégories d'usagers.
A. — Droits colleetif géneraux. —Dans cette catégorie se rangent les droits ci-dessous énumérés :
1e Le droit de grasse et vaine pâture pour le bétail, dans les cantons défensables, et la glandée pour les porcs, aux époques fixées par les agents forestiers (art. 5 et 8). Ces droits s'exercent largement, conformément aux dispositions du code forestier. Les agents forestiers désignent, chaque année, dans les cantons, le nombre des animaux à admettre, les époques où la pàture pourra commencer et devra finir. Le code forestier a limité à trois mois la durée du parcours des porcs et de la glandée. Ces dispositions ont reçu dans la pratique une certaine extension. Pour favoriser l'élève des porcs qui fournit aux populations une ressource si précieuse, le parcours de ces animaux a été autorisé toute l'année sous diverses conditions d'ordre. On a également autorisé, à titre de tolérance, au profit des propriétaires de scieries etdes voituriers, le pàturage, de jour et de nuit à garde séparée, des bêtee de trait employés à la vidange de la foret.
2f Le droit de arnage c'est-à-dire la délivrance gratuite des bois nécessaires tant pour les constructions et les réparations que pour couvrir les toitures (en bardeaux de chéne ou de sapin) (art. 1Il). En exécution de cette disposition, les usagers reçoivent tous les bois employes pour les ouvrages, le gros marteau et la couverture. Il n'a été fait exception qu'à l'égard des bois pour planchers, cloisons, boiseries, portes, fenêtres et autres ouvrages de menuiserie, lesquels bois, à la suite de décisions diverses, ont été définitivement exclus des délivrances. Le mode actuellement suivi consiste à mettre en charge sur les coupes à vendre les devis demandés et autorisés par l'administration forestière, sauf paiement des frais de façon réglés par le cahier des charges.
3° Le droit au oois ort et au ort-bois (essences tendres, bois blancs, arbustes délivrésgratuitement (art.10).Cette dispositionn'a donné lieu à aucune difficulté en ce qui concerne le bois sec gesant, c'est-à-dire, les débris de branches sèches qui jonchent abondamment le sol dans les parties reculées de la forêt où l'on n'a jamais pratiqué de nettoiement. Les produits de cette catégorie n'ont aucune valeur marchande ; ils ne paieraient pas les frais d'enlèvement et de transport. La faculté d'en profiter n'est un avantage que pour les familles pauvres, qui, tirant parti du travail des femmes, des vieillards et des enfants, s'approvision[429]nent par ce moyen, de la presque totalité de leur bois de chauffage. A Walscheid, 350 ménages ne se le procurent pas autrement. Il en est de même dans les autres communes du comté. Ce droit s'applique à tout le bois qui peut être enlevé sans le secours de la hache ou du crochet. uand au bois ort sur pied, c'est-à-dire aux arbres entièrement secs de la cime à la racine, comme on en rencontre fréquemment dans les forêts d'essence résineuse, exploitées par jardinage, ce droit a été l'objet de longues contestations, qui se sont terminées par une sorte de compromis. Les usagers ont été, àtitre de tolérance, maintenus en possession. Les bois aorts comme le ort-bois, sont délivrés gratuitement, sans estimation ni precoptes sur les besoins du chauffage. On peut quelquefois faire des planches avec les arbres morts. Ces bois sont vendus par adjudication, et le prix net des frais, est remis en argent, aux usagers, au marc-le-franc. Par dérogation à la coutume suivie à cet égard dans tout le comté, les usagers de Valscheid (1) ont abandonné à la caisse municipale le produit de la vente des bois morts.
4° Le droit aux bois vits pour le chauffage, délivrés à prix d'estimation (art. l2). Cette estimation est basée sur le prix que lÉtat pourrait obtenir s'il vendait par adjudication le bois en forêt et sur pied. On déduit les frais d'abatage et de transport et une remise de l0 p. 100 qui forme tout l'avantage de l'usager. Ce bénéfice parait si minime qu'aujourd'hui les trois quarts des usagers ne prennent plus part aux affouages. La quantité délivrée à chaque usager est de 8 stères et, par exception, de 16 stères.
5° Le droit aux cablis. — Les cablis sont des arbres déracinés par le vent, le plus souvent des arbres résineux. Les agents forestiers en font la reconnaissance et l'estimation. Les maires refusent ou acceptent le prix d'estimation. Dans ce dernier cas qui est le plus ordinaire, les arbres sont vendus publiquement et la différence entre le prix d'estimation et le prix de vente forme le bénéfice des usagers à qui cette différence est partagée. comme il a été dit pour le prix du bois mort. On utilise les chablis en les débitant en planches.
6° Le droit de préempdio qui consiste dansle droitexclusifpour les usagers d'acheter le bois façonné en cordes, dans les cantons où la nature du bois permet d'établir des coupes ou seulement des nettoiements, moyennant un prix variant de l florin à 2 florins 1,2 (art. 1). En fait, le droit de préemption s'exerce dans des limites restreintes et ne procure aux usagers que des ressources peu importantes. Elles reçoivent la même destination quecellesdu[430]droit aux chablis et aux bois morts, c'est-à-dire que le bénéfice est partagé en argent entre les usagers. A Walscheid seulement il est versé dans la caisse municipale.
B. — Droits colectifs spéciaux. — Les droits de cette nature n'ont pas le caractère de généralité des précédents ; ils ne profitent qu'à certaines collections d'individus. Ils sont de deux espèces.
1° Ce sont d'abord des détirances, à prix d'estimation, a ouoriers des diverses professions qui ont pour objet de confectionner le bois (art. 12). Les ouvriers admis au bénéfice de ce droit sont :
La quotité des délivrances est limitée seulement par les besoins de chaque profession et la possibilité de la forêt. Chaque ouvrier reçoit tous les bois qu'il peut mettre en œuvre, lui, ses enfants et ses apprentis. Les bois sont délivrés sur une estimation très modérée. Les ouvriers sont autorisés à établir des ateliers en forêt, à proximité des arbres délivrés, avantage qui leur permet de ne transporter a domicile que des marchandises fabriquées. Les cimeaux et rémanents des bois de travail sont précomptés sur le chauffage et les us agers sont de plus autorisés à carboniser ces débris, quand les coupes sont trop éloignées de leur demeure.
2° Le droit bourgeois comprend la delivrance du ois de bourgeois ou simplement bois bourgeois. uelques explications sont nécessaires pour faire connaître cette espèce de privilège. Si l'on en croit la tradition, dans les temps anciens, les habitants de Dabo et d'Engenthal, les deux villages les plus rapprochés du manoir féodal, formaient deux classes distinctes. L'une était composée de ceux eui avaient un train de culture et des bêtes de trait ; l'autre comprenait les simples maneuvres. Aux premiers, désignés dès lors, comme aujourd'hui, sous le nom de voituriers, ayant plus d'aisance et pouvant faire le commerce sur les planches et le bois de service, les seigneurs avaient concédé la jouissance des scieries dans les conditions qui seront indiquées ci-après. Ils leur avaient ainsi assuré des ressources qui s'ajoutaient aux bénéfices dutransport et de la vente des planches. Aux maneuvres, ass ujettis aux corvées féodales, à la garde du château dans les temps de troubles et de guerres, ils accordèrent une délivrance annuelle de 8 sapins vifs (de 4 aux veuves) moyennant une redevance d'environ 150 fr.[431]par pied d'arbre (art. 9). Ce privilège était destiné, soit a rémunérer des services spéciaux qui attachaient plus étroitement cette classe d'habitants a la personne du seigneur, soit à attirer des étrangers dans ces deux villages pour en augmenter l'importance. Depuis la réunion de la forèt au domaine national, la distinction primitive a été supprimée et les détenteurs de scieries ont été admis comme les autres habitants, à la délivrance des arbres bourgeois. Les conditions d'aptitude pour jouir de ce privilège sont d'ailleurs les mêmes que celles exigées en général des usagers. Elles seront indiquées ci-après.
En exécution des dispositions de l'art. 9, on marque chaque année la quantité d'arbres nécessaire ; on fait autant de lots qu'il y a de parties prenantes, puis on en effectue la remise sur pied, soit directement, soit par voie de irage au sort. Aucune décision ne détermine ni le volume, ni la valeur industrielle des arbres. En fait, suivant la pratique toujours suivie, ce sont des sapins vifs et de grosse dimension qui sont affectés au droit bourgeois ; si quelquefois, il y a eu diminution dans le volume, c'est que le nombre des usagers s'étant accru considérablement, les agents forestiers conçoivent des doutes sur la possibilité de la forèt.
C. — Droits d'sage coldecifs accozdés a titre de tolérance. — Indépendamment des droits qui viennent d'ètre décrits et qui reposent sur des termes formels de l'acte de l6l3, les habitants du comté ont été autorisés, de toute ancienneté, à titre de simple tolérance :
1 A couper de l'herbe en forêt et notamment à arracher la bruyère ; ils se procurent ains un maigre fourrage qui, suppléant à l'insuffisance de la récolte et permettant d'attendre l'herbe nouvelle, est en réalité une ressource importante dans un pays où les prairies ne sont ni étendues ni productives ;
2° A ramasser les feuilles sèches pour servir de litière aux animaux. Il est reconnu que les feuilles forment un engrais de très médiocre qualité, mais la paille est si rare que les pauvres gens n'ayant pas le choix, prennent pour la fabrication de leur fumier; la seule denrée qu'ils aient à leur portée.
Coditions d'aptitude, obredessagezrs, redevances.-Aux termes de l'acte de l6l3, pour jouir des droits d'usage, il faut : 1° Etre habitant du comte ; 29 être majeur, père de famille ou célibataire tenant ménage séparé ; 3° avoir son domicile dans le comté.
En ce qui concerne le droit de marnage, ce droit es subordonné à la possession d'une aison ; en ce qui concerne les ouvriers en bois, sabotiers et autres, l'exercice de la profession doit être constaté par le paiement de la patente.
[432] Les descendants des usagers ont les mêmes droits, non à titre d'hérédité, mais en vertu de leur origine, et sous la seule obligation de remplir les conditions ci-dessus énoncées.
Du temps des seigneurs, les étrangers ne pouvaient, sans permission, s'établir dans le comté. Mais ceux qui avaient obtenu l'autorisation de naturalisation et payé un droi de bourgeoisie, fixé à 15 florins, étaient assimilés aux étrangers. Lors de la réunion de la forêt au domaine national, l'État substitué aux seigneurs n'avait plus, comme ceux-ci, le pouvoir d'interdire aux étrangers l'entrée des communes usagères. La population s'accrut rapidement et les nouveaux venus voulurent, un certain nombre avec succès, être portés sur la liste des usagers. Pour couper court aux abus que cette situation avait fait naitre, un arrêté préfectoral du 10 février 18l7, prescrivit le recensement des usagers existant au le février 1793, (époque de la mise sous séquestre du comté) et de leurs descendants. L'état dressé en exécution de cet arrèté, a servi de base à la liste qui a été définitivement close en 1855, contradictoirement, par une commission spéciale. Les états matricules de chaque commune sont révisés chaque année, atin de tenir compte des circonstances telles que décès, absences, mariages, ou encore l'accomplissement successif des conditions d'aptitude par les descendants d'usager, qui ont pu apporter des modifications à l'état primitif.
Voici un tableau qui indique la progression rapide que suit dans cette même commune le mouvement des usagers pendant onze années.
Les redevances auxquelles sont assujettis les usagers sont les suivantes: l°- à titre d'usagers,ils paient une sorte decote personnelle, de fr. 91 (art. 17 du règlement de 1638). ;2e-0centimespar arbre, quand les arbres sont délivrés sur pied, comme droit de toccage 5 centimes par stère de bois façonné en corde (art. 4, 1l et 12). 3e — Ils paient les bois d'affouages, chablis, bois de travail (pour[433]les ouvriers), au prix d'estimation des agents forestiers, laquelle estimation, faite modérément, laisse aux usagers un bénéfice qui n'est pas moins de l0 p. 100 ; 1°— 5 centimes par tète pour le pacage des porcs ; le pàturage du bétail ne donne lieu à aucune redevance ; 5°— 2 fr. par tête de bête de trait que les voituriers sont autorisés à faire pàturer dans le voisinage des coupes ; 6°-1 fr.50 par arbre bourgeois délivré aux habitants de Dabo et d'Engenthal.
Le budget du b̂cheron a indiqué les avantages qu'il retire de l'exercice de ses droits d'usage. Il n'est pas inutile de présenter une récapitulation de la valeur totale des avantages recueillis par l'ensemble des usagers, dans la commune de Walscheid.
Divisant cette somme par 370, nombre des usagers à Valscheid, on trouve pour chacun d'eux, une subvention moyenne de 90 francs. Sur le plus grand nombre des articles, les frais d'enlèvement et de transport ne sont pas déduits. De ce chef, pour avoir le produit en forêt, il faudrait faire une réduction de 30 à 10 p. 100 sur ces articles. Le chiffre qui resterait après cette réduction, n'exprimerait pas le débours réel de l'État, c'est-à-dire la somme dont il se prive pour subventionner les communes usagères. En effet, parmi les objets utilisés par les habitants, il en est qui n'ont aucune valeur marchande. Ils n'en acquièrent qu'au moyen d'une main-d'euvre qui, sans cette circonstance, serait perdue pour les habitants, comme le seraient pour l'État, les objets auxquels s'emploie cette main-d'œuvre.
Ainsi appréciée, la subvention devient très légère ; elle procure du travail non pas seulement au chef de la famille, mais à sa femme et à ses enfants, lesquels se trouvent ainsi avoir tout aussi bien que dans les fabriques un emploi utile de leur temps libra.
[434] Les droits d'usage ordinaires, à Dabo, donnent à peu près les mêmes produits qu'à Walscheid. Il y a lieu de remarquer cependant, que la moyenne des devis pour le droit de marnage, n'est que de 250 à 300 fr., somme inférieure à celle que l'on pourrait établir pour Walscheid, ce qui prouve que les habitatios ont une importance moindre que dans cette commune. On remarque, en effet, qu'un grand nombre d'entre elles ne sont que des masures.
En ajoutant à la somme de 90 fr. qui a été posée comme la moyenne des produits des droits d'usage pour un habitant de Walscheid, la somme de 200 fr. pour les 8 sapins (sur pied), accordés au bourgeois de Dabe, on aurait, pour la moyenne du produit de ses divers droits, une somme de 290 fr.
L'usager de Dabo ou d'Engenthal a donc trois fois les avantages accordés aux habitants des autres communes du comté.
D. — Droits d'usage a titre privati. — Ces droits sont de deux sortes. Il y a des droits d'usage proprement dits et des afectations pour le roulement d'établissements industriels.
Dans la première catégorie sont les droits de marnage et de chauffage concédés à quatre ceuses ou fermes et à la papeterie d'Abreschviller. Les droits de cette espèce sont réels ; c'està-dire affectés aux immeubles et non aux détenteurs de ces immeubles. Ils ont tous pris leur origine dans des concessions spéciales.
La seconde catégorie comprend des affectations de bois pour le roulement d'établissements industriels, scieries, usines, etc. Les droits des scieries ont été établis dans l'acte ou règlement de 163(art. 16), dans le but d'assurer le débit des planches du comté. Les scieries affectataires sont au nombre de 26, savoir : 10 dans la section d'Abreschviller ; 7 dans celle de Walscheid et 9 dans celle de Dabo.Le système adopté pour le roulement de ces usines a été celui-ci. L'année ou la durée annuelle du sciage est partagée en 21 parties égales, qualifiées de ours. Il est marqué chaque année, 3 sapins vifs par jour, en tout 72 sapins par scierie. Sur les 24 jours, le seigneur s'en est réservé 6 ; les l8 autres jours ou parties (par an, 54 sapins) sont abandonnés, à titre emphythéotique aux concessionnaires qui ne pouvaient, avant la réunion au domaine de l'État, les aliéner sans l'agrément du seigneur. Ces ¯iours se transmettant par héritage ou par vente, se sont subdivisés à l'infini. C'est, avec les biens fonds, le seul genre de propriétés qu'on recherche dans le pays. Le prix d'un jour de scierie variede 800 à 1.200 fr. Les 54 sapins appartenant aux concessionnaires, sont marqués et débités au profit e aux frais de ces der[435]niers. Les 18 sapins des jours seigneuriaux sont vendus par 'État et débités au compte des adyudicataires. uelques-uns des titres de concession indiquent la redevance, d'ailleurs très faible, qu'il faut payer. A l'égard des usines dont les titres sont muets sur ce point, la cour de Nancy a décidé que les arbres seraient payés moitié du prix courant. Le même arret a ixé la dimension des arbres à 150 de circonférence à 1 de hauteur à partir du sol.
Une autre sorte d'affectation est celle qui a été établie, par des titres successifs, en faveur de la forge d'Abreschviller, de la tuilerie de Voyer et de la verrerie de arreberg. Les droits concédés consistent dans le droit de marnage et le droit à la délivrance, à prix modéré, de quantités de bois proportionnées aux besoins de ces usines.
§18. INFLUENCE DU RÉGIME DES DROITS D'USAGE SUR LA SITUATION MORALE ET MATÉRIELLE DE LA POPULATION.
Le caractère le plus remarquable des institutions qui sont décrites dans la présente monographie, c'est de garantir la vie quotidienne à l'ouvier. Les privilèges sont multipliés, mais ils ne donnent de produits qu'au prix d'une mise en œuvre laborieuse. Le salaire, même augmenté du s upplément que procurent les droits d'usage, est encore bien modeste ; mais l est assuré dans l'avenir comme dans le présent ; pour les enfants et descendants de l'ouvrier, comme pour l'ouvrier même. Sous l'influence de ce régime, l'ouvrier ne s'est pas enrichi ; nulle fortune ne s'est faite dans le comté, qui approche seulement d'un capital de 100.000 fr. La masse de la population dans les gros villages, subsiste à force de sobriété et de labeur, quelques-uns avec un peu d'aisance.Cependant la population fixée sur un sol ingrat, y a jeté des racines profondes. Nulle part l'attachement au pays natal n'est plus vivant que dans ces montagnes. Nul n'a d'ambition, nul n'a le désir de sortir de sa condition ou d'en faire sortir ses enfants.Les familles sont fécondes, les esprits calmes et disciplinés. Dans ce district, les démèlés avec les administrations de l'État, n'ont rien de commun avec l'antagonisme qui régne dans l'industrie entre le patron et les ouvriers. Il faut se rendre compte des circonstances dans lesquelles la loi française prit possession de ce pays. Il n'y avait pas de conflits avec le seigneur. La gestion féodale était paternelle et non tracassière. Le comté[436]avait une législation faite pour lui, appropriée à ses besoins. Lors de la réunion à la France, dans les premiers temps surtout, époque de troubles et de désordre administratif, l'application de ce régime de privilèges fut laisse presqu'entièrement à la merci des intéressés. Ce laisser-aller dura près de trente ans, puis lui succéda une sollicitude âpre et opiniâtre pour les intérêts de l'État. L'administration des forets et celle des domaines dont on connait la vigilance, entreprirent non seulement de regagner le terrain perdu, ais de replacer les foréts du comté sous le droit commun, c'étaient les règles de l'ordonnance de l669, puis du code forestier, autant que le comportait la charte de 1613. De là, d'innombrables procès qui impliquent d'autant moins un mauvais esprit de la part des communes, que sur des questions importantes, elles ont eu gain de cause.
Ces faits ainsi epliqués, il reste comme traits les plus saillants de la physionomie du pays, la placidité, la resignation satisfaite, la confiance dans l'avenir : comme principe et comme but des institutions du comté, la securité dans le travail. Mais, tout en respectant, selon les stipulations intervenues, ces institutions pleines de prévoyance, l'ltat ne put à tous égrards, remplacer les seigneurs dépossedés. ILes droits d'usagre assuraient des produits de divers genres aux individus, satisfaisant aux conditions indiquées, mais ils ne protitaient en rien à la commune, dont les besoins collectifs avaient jusque-là été servis par l'intervention du seigneur. uand il fallut du village faire une commune, il ne s'est trouvé aucune ressource pour lui donner les moyens de vivre.
Aucune délivrance n'a été prévue pour le culte, pour les écoles, pour l'entretien des chemins. L'Eat n'a exécuté aucun des travaux qui, en améliorant son domaine, eussent profité au pays. Il n'a pas fait de routes pour desservir la foret, ni déclaré la Zorn flottable. Il n'a pas plus fait que les seigneurs pour le bien de sa propriété et est certainement moins large qu'eux dans la remise des délivrances.
A Walscheid, ainsi qu'on l'a vu, les usagers ont fait, en faveur de la caisse municipale, le sacrifice d'une partie de leurs droits, et la commune s'est ainsi procuré des revenus à l'aide desquels elle fait face à ses plus fortes dépenses. Mais les autres localités n'ont pas donné cette preuve de sagesse et d'intelligence. A Dabo, par exemple, le budget des recettes est des plus restreints. Formé de centimes additionnels, de centimes spéciaux, de taxes particulières, d'impositions extraordinaires il atteint le chilre de 2.699 fr., pour une population de 2.7l4 àmes et un territoire de 750 hectares, chemins, terres vagues et chaumes com[437]pris. Il y a bien encore un article de 3.000 fr. pour l'entretien des chemins ; mais les prestations sont fournies en nature et ne donnent pas l'équivalent du tiers en argent. Comme exemple de l'abandon où sont les choses d'intérêt commun, on peut citer ce qui se passe pour les écoles des sections de Dabo. Les institutrices, dont l'une a jusqu'à 1I20 enfants, ne recoivent aucun traitement de la commune ; elles touchent le sou par semaine qui ne leur produit pas, année moyenne, plus de 20 fr., et cela pendant que les 520 usagers recoivent de lÉtat près de 300 fr. et à eux tous près de 1I50.000 fr.2.
La même observation s'applique aux voies de communication. Ce qui a été dit pour Walscheid est vrai pour toutes les communes du comté. Elles n'ont pas de chemins praticables et ne peevent avoir de relations ni entr'elles, ni avec le dehors. Dabo, qui importe près de la moitié de sa subsistance, qui exporte les produits fabriqués par sesouvriers ainsi que tous les bois de la forêt, Dabo qui est à 20 kilomètres de Sarrebourg et deVasselonne, à l1 kilomètres de la gare de Lutzelbourg, n'a pas une seule voie empierrée. Les choses d'intérêt commun, les besoins moraux, les services d'utilité publique, sont laissés à la merci de populations ignorantes et égoistes. La subvention mise à la disposition de l'usager,.[438]reçoit la destination qu'il plait au détenteur de lui donner. Il en use et abuse à son point de vue personnel, sans que l'État ait rien à y voir.
Les conséquences de cet état de choses se sont produites, de diverses manières. A Walscheid, la cession à la commune d'une partie des droits d'usage, est un symptôme favorable qu'on ne peut méconnaître. L'esprit qui a dicté cette cession, s'est manifesté depuis quelques années, dans l'ensemble des habitudes. Le bénéfice des droits d'usage variant de 80 à 100 fr. par usager, il ne reste après la cession à la commune que 60 ou 80 fr., c'était trop peu pour mal faire ; c'était une aide suffisante pour des gens laborieux.
A Abreschviller, à Harreberg, à Hommert, les résultats ont été analogues.A Dabo,où la subvention est de près de300 fr., l'usager est un rentier, assuré en naissant, de recevoir, sans travail, ses arbres bourgeois. Ici, le but est dépassé; les droits d'usage sont, non plus un encouragement au travail, mais une prime à la paresse et aux vices qu'elle engendre. Aussi la débauche est-elle grande et l'ivrogerie très commune. Les cabarets sont fréquentés en semaine comme le dimanche et il n'est pas rare d'y voir autant de femmes que d'hommes. Le nombre des naissances illégitimes est de 95 sur 578 naissances (dans la période de l854 à 1860); c'est-àdire, de 16 p. 100; proportion au-dessus de la moyenne des campagnes. L'usure dévore le pays. Beaucoup d'usagers ne touchent pas la valeur des arbres bourgeois. Ils ont aliéné leur droit cinq ans et dix ans même a l'avance, au prix d'une somme modique. Ces sortes de ventes sont fréquentes dans les familles pauvres, au moment des mariages ou lorsqu'on bàtit une maison, quelquefois même dans un simple but de dissipation. Les exploiteurs sont quelquefois rançonnés à leur tour. L'usager les menace de s'expatrier et de faire perdre ainsi à son créancier le gage qui lui a été donné. Des six communes du comté, Dabo est la plus pauvre et celle dont la moralité laisse le plus à désrer. S'il est juste de faire la part d'un sol plus aride, d'un territoire plus exigu et plus fortement accidenté, d'une situation plus reculée vers le faite de la montagne, il faut dire aussi que la forèt presqu'entièrement garnie d'arbres résineux, est la plus riche, et que la grosse subvention compense les désavantages naturels et met cette commune tout au moins au niveau des autres. Capitale du comté, gratiflée du titre de ville dans les anciens titres, si elle est restée en arrière de ses voisines il n'en faut pas chercher la faute ailleurs que dans l'exagération de ses privilèges.
§19. DE LA MESURE DITE LE CANTONNEMENT.
[439] Il n'est pas besoin de faire ressortir l'anomalie que présentent les privilèges du comté de Dabo dans l'économie de notre régime forestier. Les droits d'usage communémen existant en France, étaient les droits de pàture et de pacage, les droits d'affouages et de marnage, ils ne comprenaient que des délivrances s'appliquant aux besoins des usagers, opérées et consommées en nature. Le code de 1827 ne mentionne pas d'autres droits et ne prévoit pas le cas des délivrances d'une nature commerciale comme celles dont jouit l'ancien comté. Si l'exercice des droits d'usage ordinaires a paru incompatible avec la bonne gesion des forèts, et si en conséquence la faculté de s'en affranchir, par la voie du rachat et du cantonnement a été réservée à l'Éat, à combien plus forte raison, les privilèges du comté de Dabo, qui constituent non de simples servitudes mais une sorte de co-propriéé et sont aussi un obstacle absolu à une exploitation normale, ont-ils dû être une gène impatiemment soufferte. La volonté de dégager le domaine de l'Éat de ces entraves n'a pas manqué à l'adminisration forestière. Mais cette volonté a rencontré dans les dispositions hostiles de la population des difficultés qui ont ajourné la mise à exécution du cantonnement.
Le droit de l'État n'est pas discutable ; le code forestier (art. 58 à 85) est formel. uant au conséquences de l'opération relativement aux usagers, il n'y a pas à se dissimuler quelles sont graves. Si leur position ne doit pas en être empirée, elle sera, à coup sûr, fortement modifiée, et la transition peut donner lieu, pour un grand nombre à de véritables souffrances. La sécurité de la vie sera détruite ou tout au moins ébranlée pour ous les usagers.
Actuellement la jouissance des droits d'usage : 1° est individuelle ; 2° est assurée aux enfants et aux descendants ; 3° est inaliénable. Après le cantonnement, l'usager est personnellement dépouillé, et la commune est mise à sa place. La commune reçoit un lot de forèts dont les revenus sont l'équivalent du produit total des droits d'usage. La forèt, ainsi acquise à la commune est assimilée à tous les biens communaux. L'hypothèque, l'aliénation du fond sont possibles, sauf l'accomplissement des formalités administratives. La disposition des revenus appartient au conseil municipal et même à l'autorité préfectorale. Enfin les manands, c'est-à-dire les habitants non usagers, participent comme tous les[440]autres habitants, aux avantages provenant de la forêt. C'est là, déjà, un changement important, mais qui, d'après ce qui se passe en ce moment dans les communes, n'est pas très regretable. S'il est fait un bon emploi de ces nouvelles ressources pour les intérêts communaux, le cantonnement sous ce rappOrt, ne sera qu'un bien.
Mais, la mesure a un côté fâcheux, c'est qu'elle supprimera toutes ces industries qui consistent à façonner le bois et qui occupent plus de la moitié des chefs de ménage dans le comté. Ces industries ne se soutiennent qu'à l'aide du prix modéré de la matière première fournie aux ouvriers, à titre d'usagers. Après le cantonnement. la totalité des bois de service sera vendue au dehors et dans alscheid, par exemple, 225 ouvriers, à Dabo,350 devront renoncer à l'état qui, de père en fils, a fait vivre eux et leurs familles. Ils devront se mettre à la recherche de nouveaux moyens d'existence. Sans aucun doute, l'exploitation des forèts, libre de toute entrave, créera du travail en abondance. L'activité des hommes laborieux saura trouver un emploi fructueux dans la mise en valeur de la forèt ; les gains et les salaires viendront sous une autre forme s'offrir au habitants. L'isolement de ces communes cessera et la facilité des communications fera pénétrer dans ces montagnes, la vie avec de nouveaux éléments de bien-etre et de prospérité. Mais, personne ne se résigne facilement a subir un changement si profond dans les conditions de son existence. Le pauvre comme le riche tient à la vie qu'il s'es faite ; l'incertitude est, pour tous, un mal pire que le mal même. Il n'y a donc pas lieu de s'etonner que la mesure du cantonnement jette toutes ces communes dans un grand émoi et qu'elles repoussent l'opération systematiquement. La anière ordinaire de procéder n semble pas suflisante, en présence d'une situation toute exceptionnelle. Les populations se défient des agents foresiers qu'elles ont vu si constamment jaloux de leurs privilèges. Sans mettre en suspicion les intentions de cette administration, on doit reconnaître que le cantonnement dans l'ancien comté de abo se complique de questions dont elle ne doit pas être seule juge. L'Éat n'agit pas dans cete circonstance seulement comme proprietaire de la forèt, il a, Comme les anciens seigneurs, la charge et la garde de ces populations. Alors que les communes auront reçu, même largement, l'équivalent des droits des usagers, si ceux-ci, appauvris par la destination donnée aux ressources qu'on leur aura enlevées, n'en ont plus de suffisantes, s'ils viennent à être tourmentés par ce besoin d'émigration qui depeuple les campagnes au profit des villes ; si l'inquié[441]tude dans ces montagnes se substitue à la sécurité qui y règne à présent, est-ce que le cantonnement aura été une bonne mesure et bien exécutée Est-ce que l'accroissement des revenus de l'État vaudra la perturbation jetée dans ces communes tranquilles
§20. PREMIÈRE OPÉRATION DE CANTONNEMENT EFFECTUÉE A ABRESCHVILLER.
A ne consulter que l'intérêt de la forêt et surtout l'intérêt bien entendu de la population, l'ordre à suivre dans la mise à exécution du cantonnement était clairement indiqué ; c'est par Dabo qu'il fallait commencer. L'agitation au suiet des droits d'usage qui a tUoujours eu son foyer principal dans cette commune, n'était pas une circonstance qui plaidàt en sa faveur ; c'était un motif de plus pour attaquer le mal dans sa racine. Mais l'état d'excitation des esprits à Dabo, ne laissant aucun espoir d'accommodement amiable et le cantonnement par voie judiciaire entrainant une succession interminable de délais et de formalités, l'administration forestière a préféré tenter l'opération d'abord à Abreschviller où elle avait beaucoup plus de chances de voir ses propositions acceptées.
L'operation a été menée à fin et le cantonnement est aujourd'hui une mesure conclue dans cette commune. Il y a lieu de rappeler que les droits d'usage dans cette commune, étaient ceux qui sont établis dans tout le comté, en exceptant la delivrance des arbres bourgeois qui n'appartient qu'aux habitants de Dabo. Les difficultéss résultant de laconversion des droits individuels en droits communaux et de l'admission des ants à la jouissance des produits de la forêt, ont reçu une solution qui dédommage dans une certaine mesure les usagers de l'abandon de leurs privilèges. 1e° L'État donne une indemnié de 30.000 fr. partagée exclusivement entre les usagers et devenant leur propriété personnelle. Cete somme sera réalisée au moyen de la vente d'une coupe. 2° Les anands, pour être admis à participer aux délivrances, doivent verser à la caisse communale une somme de 50 fr. Sur les 3.370 hectares qui forment la surface totale de la circonscription, la commune reçoi l.200 hectares que l'État lui cède en toute propriété. Le lot de la commune est pris dans la partie du massi la plus rapprochée du village, et composée uniquement de bois feuillus ; l'hectare est compté comme devant donner de six à sept stères par an. La surface réservée à l'État parait faible,[442]comparée à celle de la commune ; mais cette surface comprend principalement des essences résineuses, plus productives que les essences de bois feuillus. La forét cédée par l'État représente un revenu égal à la somme totale des profits des usagers, calculés sur les bases suivantes.
On a tenu compte dans l'évaluation de ces profits : 1 du bois sec sur pied ; 2° des chablis ; 3° du droit de préemption ; 1° du droit de marnage ; 5° du droit de chauffage ; 6° enfin des délivrances aux ouvriers en bois, sabotiers, cuveliers, etc.
Il n'a pas éte tenu compte : 1° des droits de pàturage et de pacage mais on en a laissé subsister la jouissance, à titre de tolérance, en se conformant pour l'exercice de cette tolérance aux prescriptions du code foresier ; 2° du bois sec gisant, que les habitants continuent à pouvoir ramasser sans faire usage de serpe ni de crochet ; 3° de la tolérance de couper de l'herbe et d'arracher la bruyère, dans les clairières et futaies ; mais cette tolérance subsiste comme par le passé ; 1° de la tolerance relative aux feuilles s èches, que l'administraion n'entendait pas maintenir et qui a été supprimée dans ces foréts, comme elle l'a été, ou doit l'être dans toutes les forèts de l'Etat.
Telle est l'économie de la combinaison qui vient d'être acceptée à Abreschviller. L'ltat s'est dessaisi du tiers environ (un tiers en revenus, un peu plus du tiers en surface) de la forèt et garde les deux atres tiers, affranchis de toutes charges et redevances.
La commune devenue propriétaire d'une forèt de 1.200 hectares administrera suivant les règles prescrites par le code pour la gestion des bois communau. Une coupe affouagère sera, chaque année, mise en exploitation. La laçon sera adjugée aux enchères àun entrepreneur, chargé de l'abatage et d'établir les lots, qui seront tirés au sort et remis en nature. Les parties prenantes paieront une redevance déterminée par le conseil municipal, calculée de manière soit à rembourser seulement les frais de coupe, soit à former un excédant qui puisse être appliqué aux dépenses de sa commune.
Le même mode de procéder peut être suivi dans les quatre autres communes du comté, sauf cette observation qu'à Abreschviller le nombre des ouvriers en bois étant fort restreint, aucune disposition particulière n'a été nécessaire à leur égard. A Dabo et à Walscheid, où les professions de cette nature occupent plus de la moiié de la population, il serait bon pour ménager la transition, de ne pas interrompre subitement la délivrance des bois de service ; une extinction immédiate derouterait tout le monde ; une extinction successive, d'un dizième, par exemple, chaque année,[443]donnerait le temps à chacun de se pourvoir d'une autre industrie et l'on atteindrait, sans souffrances trop sensibles, le terme fixé pour la cessation complète des délivrances.
§21. RÉGIME DES SUCCESSIONS ET MORCELLEMENT DE LA PROPRIÉTÉ DANS L'ANCIEN COMTÉ DE DABO.
Avant la Révolution, le comté de Dabo était soumis au droit romain et relevait du Parlement de Colmar. A cette époque, et depuis bien longtemps, l'égalité entre tous les enfants était, comme aujourd'hui, la règle exclusivement adoptée en matière de succession. Le testament est rarement en usage dans ce pays ; les célibataires, les époux sans enfants sont les seules personnes qui disposent de leurs biens par acte de dernière volonté. Le contrat de mariage n'est pas plus usité et n'a pour but en général, que d'assurer quelques avantages à une seconde femme. L'inégalité de l'apport des valeurs mobilières ne motive presque jamais des stipulations de réserve de biens propres, en faveur de l'époux qui a fait l'apport le plus fort. Voici comment raisonnent les époux : Ou nous aurons des enfants, ou nous n'en aurons pas. Dans le premier cas, les enfants nous aideront ; dans le second cas, il sera touiours temps de faire un testament.
Le premier cas est le plus ordinaire. Les parents comptent sur leurs enfants et se contentent de très peu de chose. C'est la coutume d'agir ainsi ; on s'y soumet de part et d'autre. Ce n'est pas le sentiment qui commande, c'est la tradition. La règle qui veut que les enfants succèdent à leur parent mort, est ici toute puissante et l'emporte sur l'affection des époux l'un pour l'autre. Le bon accord est chose commune dans l'union conjugale ; mais la tendresse est un fait rare et ne se traduit pas par un acte qui assure au survivant la jouissance, même à titre d'usufruit, d'une partie des biens de la communauté. Le lien du mariage une fois rompu, il n'en reste pas de trace ; le partage entre l'époux survivant et les enfants s'opère comme on le ferait dans une association commerciale.
Ces coutumes sont particulières à la montagne. Dans la plaine, les choses se passent autrement. La plaine, c'est une autre contrée ; c'est la Lorraine dont l'ancienne coutume attribuait de pleie droit 'usufruit de la conauté au survivant des epoux. Cette disposition qu'il est regrettable que le code n'ait pas reproduite,[444]est restée en vigueur. Qu'il y ait ou non des enfants, il y a peu de maisons où les époux ne prennent pas le soin de se faire, pour le cas de survie, une donation en usufruit.
L'égalité du partage et le grand nombre des enfants ont eu pour conséquence, de porter, dans le comté, le morcellement à ses limites extrèmes. Dans les familles pauvres, chacun veut avoir sa part dans toutes les parcelles de l'héritage. Dans les familles un peu aisées, on a compris les inconvénients du morcellement et le partage s'effectue dans des conditions plus sensées. La grande culture étant impraticable dans le pays, la division des propriétés est moins préjudiciable à une honne exploitation que partout ailleurs. Il y a cependant dans les parties éloignées du territoire de petits domaines composés d'une maison et de quelques hectares de terrain, entourant l'habitation ; on les appelle censes. Pour ces domaines, le fractionnement est une opération déplorable.Cependant les propriétaires ne prennent jiamais de mesure pour en empêcher la dislocatio après leur mort. Lorsqu'arrive cet évènement, les enfants separtagent les terrains, et la maison est vendue,soit à l'un des enfants, soit à des étrangers, dépouillee de tous les terrains et n'ayant plus d'autre dépendance que le jardin qui y attient immédiatement. Le domaine n'exise plus et ses laumbeaux, éparpillés en différentes mains, sont loin de représenter la valeur qu'ils avaient quand ils étaient réunis en un seul corps de biens3.
Si, appliqué à ces petits domaines. le mode de transmission des biens prescrit par le code, est essentiellement vicieux, ce n'est pas une raison pour porter le même jugement lorsqu'on raisonne sur l'ensemble du territoire, dont ces domaines ne forment qu'une fraction restreinte. Notre législation sur les successions répond à un sentiment d'égalité très profond dans les esprits. Ce sentimen est respectable parce qu'il a sa source dans la communauté de la collaboration. Ce n'est jamais le père qui fonde seul et par ses seuls eforts l'aisance de la famille. Les enfants concouran avec lui, les uns comme les autres à l'accroissement des biens, il est juste que chacun y prenne une part égale.
Dans les localités comme Walscheid où il n'existe et ne peut exister que de la petite culture, le morcellement n'a pas d'incon[445]vénients sensibles. Chaque habitant fait sur ses propriétés de la culture intensive. Il n'y a pas de jachères. La production de la pommes de terre est le but principal de l'exploitation dans laquelle la main d'euvre joue un rôle d'autant plus précieux qu'on utilise beaucoup de bras (notamment ceux des femmes et des enfants) qui, faute de cet emploi, seraient, dans ces montagnes, tout-à-fait inoccupés.
La division de la propriété a un avantage qui compense bien des inconvénients : c'est celui d'offrir aux petites épargnes, un placement peu productif, mais sûr et sous la main. La possession de la terre développe, dans les populations rurales, une énergie indomptable pour le travail et d'autres qualités. C'est un bien que l'émiettement du sol permette aux bourses les plus humbles d'aspirer à en acquérir un morceau. Il est douteux que l'appat d'un livre de caisse d'épargne ou d'un coupon d'obligation puisse être dans nos campagnes, un stimulant aussi salutaire et aussi puissant que la perspective d'acquérir un coin de terre.
§22. SUR LA DEPRÉCIATION DU BOIS SEC EN RAISON DE LA DIFFICULTÉ DU TRANSPORT.
A 10 kilom. de Walscheid, on commence à rencontrer des quantités considérables de bois sec, qui au bout de 4 ou 5 ans se pourrit. L'administration forestière n'a pas toujours marqué le bois sec, donc l'enlèvement4dans la haute montagne coûterait plus que la valeur du bois. En 1852, elle offrait à Walscheid 51 stères de bois pour 50 centimes ; quelques années avant, à Abreschviller, 500 stères pour 16 francs, sans trouver de preneurs. Ces bois[446]pourrissent sur place. La quantité qui s'en perd ainsi, chaque née, dans tout le comté est évaluée à plus de 60.000 fr. Lorsque les routes seront construites et que toutes les parties de la forêt seront devenus accessibles, les nettoiements donneront autant de bois de chauffage qu'en fournissent aujourd'hui les coupes ordinaires. On peut juger par là de l'accroissement qui, après le cantonnement, se manifestera dans les revenus de la forêt et dans le rendement des salaires.
§23. FAITS DE STÉRILITÉ VOLONTAIRE DANS LE MARIAGE.
Les habitudes de stérilité volontaire, inconnues dans la montagne, sont répandues dans la plaine et ne rencontrent de frein que dans les remontrances du clergé. Il n'est pas rare d'entendre les aris se plaindre de l'influence que les prêtres cherchent à exercer à cet égard. . De quoi, disent les paysans, se mèle le curé8 uand nous aurons une nombreuse famille, est-ce lui qui se . chargera de la nourrir2 Ce propos n'est pas juste. Le conseil des prêtres, en effet, se lie à d'autres qui, s'ils étaient suivis dans leur ensemble, ne laisseraient pas dans l'esprit du père les soucis que lui donne la perspective des difficultés d'élever un certain nombre d'enfants. On peut, comme exemple de l'espèce de lutte qui règne entre le confessionnal et le foyer domestique, citer le fait suivant :
Un jeune ménage, après trois ans de mariage, n'avait pas encore d'enfants. Comme les voisins en faisaient la remarque au mari, celui-ci répondait que leur maison n'était pas payée et qu'il ne voulaient pas d'enfants tant que la dette contractée pour se loger, ne serait pas éteinte. Cette parole vint aux oreilles du curé, qui, en ayant eu la confirmation de la bouche de la jeune femme, lorsqu'elle s'approcha du tribunal de la pénitence, lui représenta que c'était agir contre la volonté de Dieu et la menaça, si elle persistait, de lui refuser l'absolution. Or, dans les contrées où la foi est encore respectée au moins dans l'observance de la pratique religieuse, c'est une tache, surtout pour une femme, de ne pas se presenter à la communion au temps de Pàques. Celle dont nous parlons, plutôt que d'encourir à ce déshonneur, devint enceinte. C'est ainsi, selon le dire du mari, que le ménage eut son premier enfant.
§24. CONFECTION DU METS APPELÉ LA PATA.
[447] Pour préparer la pata, on pèle les pommes de terre, on les coupe en tranches d'une certaine épaisseur, puis on les fait cuire dans un pot rempli d'eau jusqu'au niveau des pommes de terre. On met un peu de sel. Lorsque les pommes de terre sont cuites, on verse l'eau et on égoute les pommes de terre. On les écrase ensuite dans le pot même au moyen d'un pilon en bois. uand elles sont passablement écrasées, on y mêle un peu d'eau fraiche ou de lait, puis oOn recOmmence à remuer et à écraser les pommes de terre.
On a eu soin de faire 1fondre du beurre frais, dans lequel on a fait frire (suivant le goût des convives), un oignon (ou la moitié d'un oignon selon la quantité de pommes de terre) et un peu de farine. uand le pot a été retiré, on y met le beurre et les épices ; on sale comme il convient, et l'on broye le mélange encore quelque temps ; puis la pata est servie, souvent même dans le pot, ce qui la tient plus chaude, et chaque convive, armé d'une cuiller, puise dans le plat ou dans le pot, comme à la gamelle. Pour six personnes on emploie de 3 à 1 litres de pommes de terre et de 35 à 125 grammes de beurre, selon la qualité qu'on veut obtenir. Une plus forte quantité de beurre dénature le mets.
Les femmes des sabotiers passent pour exceller dans l'art de faire la pata, et leurs maris pour être les plus fins connaisseurs de cette préparation culinaire.
§25. ORIGINE DE LA POPULATION DE L'ANCIEN COMTÉ DE DABO.
La population du comté de Dabo descend d'émigrants d'origines diverses. L'Alsacien domine à Engenthal;le LorrainàAbreschviller; l'Alsace, le Palatinat et la Suisse ont fourni leur contingent aux autres communes. A Dabo, en particulier, il y a beaucoup de Suisses. Ces différentes races se sont mêlées par le mariage et n'en forment plus qu'une dont l'aspect germanique est le caractère principal. Les types primitifs de chaque souche se sont[448]conservés et sont très facilement reconnaissables. Ainsi dans le bûcheron **, l1e type suisse, dans Madeleine sa femme, le type alsacien ne laissent aucun doute sur les races dont ils descendent.
§26. SOUVENIR HISTORIQUE DU COMTÉ DE DABO.
C'est dans le village de Walscheid que fût baptisé le pape Léon IX (né en 1002, mort en 105), canonisé depuis. Ce pontife, de la famille des comtes de Dachsbourg, était né dans le château de ce nom, qui est à une lieue de Walscheid. Le baptême lui fut donné dans une chapelle dédiée d'abord à saint Marc et située sur une montagne qui forme promontoire dans la vallée de Walscheid. Tombée en ruines, cette chapelle a été reconstruite et placée sous l'invocation de aint Léon, dont le nom est en grande vénération dans le pays ; la montagne en a pris le nom de Léonsberg, qu'elle porte aujourd'hui.
APPENDICE BIBLIOGRAPHIQUE.
Le régime économique si particulier de l'ancien comté de Dabo a tenté la euriosité de beaucoup d'éerivains. Aux personnes que pourrait tenter une étude approfondie de cette combinaison sociale, nous indiquons, comme les meilleures sourees à eonsulter, les uvrages suivants :
ScHPFLIN; Alsatia illustrata et Alsatia diplomatica, ouvrages publiés sous les auspiees du chaneelier d'Aguesseau.
DoM CALMET ; Histoire de ˉLorraine.
RIEGMANN, bailli de Dabo; Notice descriptive du Cote, éerite en l67l, et déposée aux Arehives du département de la Meurthe.
BEAULIEU : echerches arceologiqes et storicues sur le comte de ˉDachs
CoLLE, maire de Sarrebourg ; Notice sur le comte de Daoo, Sarrebourg, 1852. LEPAGE : ˉLes Commes de la Meurthe, au mot Dabo.
VILLART ; travail mauscrit sur les usages forestiers, qui existe à la Direction des domaines de Naney.
ALEXANDRE (Le Président); ˉEtde historique et uridigque sur l'ancien cote de Dabo, qui fait l'objet du discours de rentrée du 3 ovembre l858, savant et lumineux travail contenant un résumé complet de tout ee qui a été publié sur eet intéressant sujet.
§27. Epilogue de 1884. L'ANCIEN COMTÉ DE DABO QUATORZE ANS APRÈS SON ANNEXION A L'EMPIRE D'ALLEMAGNE.
[449] La monographie qui précède a été écrite à la fn de l'année 183. L'auteur en avait préparé les éléments dans un séjour qu'il it pendant le mois de septembre de cette année, dans les trois communes principales du comté, c'est-à-dire à Abreschviller, à Walscheid et à Dab. Interrogeant les personnes les plus notables et les plus compétentes et compulsant les documents et archives que l'administration forestière voulut bien mettre à sa disposition, il avai mis tous ses efforts à ne recueillir et à ne consigner dans son travail que des faits et des renseignements d'une rigoureuse exactitude. Depuis cette époque, le temps a marché, des évènements considérables se sont accomplis. La physionomie actuelle de ce pays. notablement modifîée, ne ressemble plus, en bien des points, à celle qui avait été dépeinte en 1863. Le but du présent épilogue est de placer, en regard de cete fidèle description de la contrée, telle qu'elle était il y a vingt-et-un ans, une esquisse des traits nouveaux qu'elle présente à l'observateur en l884, après avoir changé de nationalité depuis quatorze ans. C'est l'objet du présent épilogue auquel l'auteur a apporté les mêmes préoccupations d'exactitude qui l'avaient inspiré dans son travail primitif.
Nancy, le l5 juillet 1884.
Cet épilogue se rapporte à deux périodes. L'une, comprend les faits économiques survenus de 1863 à 1871, et résultant des derniers actes de l'administration française. L'autre, deux fois plus longue et beaucoup plus importante, embrasse, de 187 à 1884, les faits qui se sont produits sous l'administration allemande.
A. — Modif̂cations opérées dans de régime forestier par ˉl'adinistration française, de 1863 à 1871.— Le seul changement important à signaler dans cette période a été la mise à exécution, en 1866, de l'opération du cantonnement dans les forêts du terri[450]toire des communes d'Abreschviller et de Voyer5, et ce après l'acceptation, par ces deux communes, des bases proposées par l'Etat. Les deux communes ont reçu, en échange des droits de leurs usagers, des cantons de forêt qui sont devenus des propriétés communales, possédées dès lors, on ut singudi mais t aunioersi, soumises, d'ailleurs, pour l'aménagement et l'exploitation, à la surveillance de l'administration forestière, comme cela existe dans toutes les propriétés forestières communales. Chacune des deux communes ayant reçu un lot distinct, l'ancienne union forestière a complètement cessé. Par suite du cantonnement, il n'a subsisté dans ses communes aucune espèce de droit d'usage, et, par conséquent, il n'y a plus d'usagers. Les habitants à domicile fixe jouissent tous indistinctivement d'un droit d'affouage qui se reduit au bois de chauffage nécessaire à chaque ménage. Comme dans toutes les communes forestières, des coupes extraordinaires sont autorisées, sous le nom de quart e résere, et vendues au profit de la commune pour subvenir aux dépenses d'intérét communal, toutes les fois que la nécessité en est reconnue. Les droits d'usage des censes (fermes isolées aliénées par voie d'acenseoment) et de la papeterie d'Abreschviller ont été aussi rachetés par l'Etat, moyennant des cantons de forêts abandonnés en toute propriété aux ayant-droit. Les scieries d'Abreschviller et de Walscheid ont été aussi rachetées par l'Etat. Les propriétaires de ours et fractions de our de scierie, ont reçu, suivant l'importance de leurs parts, en toute propriété, des parcelles de forêt, dont ils ont été maîtres de disposer à leur gré.
B — Modifcations introduites par l'adiistration atdemade, de 1871 à 188. — Les mesures d'ordre général établies par le Gouvernement allemand, dès qu'il est devenu maître de l'Alsace, sont les suivantes:
1° Création d'ue route stratégique traversant laforét du comté de Dabo. De tout temps l'autorité militaire française, pour ne pas ouvrir une voie d'invasion à travers les montagnes des Vosges,[451]s'était opposée à la création de routes traversant le massif des foréts du comté. Cette sorte d'interdit paralysait absolument l'exploitation des forèts de cette région et frappait de stérilité un domaine forestier de plus de 12.000 hectares, et d'une valeur de 30 millions. Sur les représentaions de l'administration forestière, cet interdit avait été levé en principe dans les dernières années de l'Empire. Les lenters administratives ne permirent même pas de commencer les travaux des routes projetées ; mais les épaisses forêts de ces montaggnes n'arrètèrent pas un instant la marche de l'ennemi. La première préoccupation de l'Allemagne victorieuse fut d'abattre la barrière protectrice que nous avions cru nous ménager. Elle a ouvert une magnifique route, qui pénétre au milieu du massif' de la forét et des sert les deux vers ants de la montagne. N'oubliant pas les beaux revenus qu'elle pourrait en tirer, elle a complété son œuvre principale par l'éablissement et la mise en état d'un réseau de chemins de vidange, qui, non-seulement ont rendu toutes les parties de la fore accessibles et praticables, mais ont en outre augmene d'une façon noable le prix de vente des bois de toues sores, bois de chaulage et bois d'industrie. On pressent, et nous dirons tout à l'heure les avantages énormes que les nouveaux maîtres de ce pays ont su recueillir de la création de ces voies de communication, exécutées avec une célérité sans exemple.
2° Ebriodeent des b̂cherons. La profession de bûcheron, libre autrefois et ouvere à qui voulait l'exercer, ne l'est plus à présent. Elle constitue une sorte de corporation fomée d'agents commissionnés, comme les gardes foresiers, par l'administration forestière allemande et révocables à son gré. Ils sont de même placés sous les ordres de briggadiers-bûcherons, exerçant sur leurs subordonnés une autorité pour ainsi dire sans contrôle. Le bûcheron est donc à présent une espèce de sous-fonctionnaire ; mais s'il a perdu du côté de l'indépendance, il a gagné sous le rapport des salaires, qui sont, non plus déhattus de gré à gré, entre lui et l'adjudicataire ou marchand de bois qui l'emploie, mais réglés d'autorité par l'administration forestière, et portés à un taux plus élevé qu'autrefois. A l'origine les brigadiers-bûcherons étaient choisis parmi d'anciens bucherons du pays. Avec le temps, l'organisation s'est tout-à-fait militarisée. Les brigadiers sont, pour la plupart, des jeunes gens de race allemande, façonnés à la discipline par trois ans de service militaire.
3° Restrictionsdns l'exercice des droits d'usage. Les conditions auxquelles se font les délivrances des diverses espèces de bois, sont, en bien des points, moins avantageuses aux usagers qu'elles[452]ne l'étaient autrefois. A Walscheid et à Dabo, le nombre et l'étendue des cantons défensables, notablement amoindris, sont livrés a l'arbitraire des agents forestiers. Le parcours accordé aux voituriers pour leurs beufs, aux habitants pour leurs porcs, est réduit au sixième environ de ce qu'il était il y a vingt ans, mais le taux de l'ancienne redevance a été maintenu. Le pacage des porcs n'est plus toléré a titre gratuit. Tous ceux qui veulent user de ce droit, paient une redevance de 6 fr. par tète de bétail, ce qui a réduit au sixième de ce qu'il était il y a vingt ans, le bénéfice résultant du parcours du bétail. En outre l'exercice de ce droit est soumis, de la part des agents forestiers, à tant de tracasseries, qu'un nombre frt restreint d'habitants se décident présentement à y avoir recours.
Les bois délivres sur pied, par l'administration française, se partageaient par lots entre les usagers, qui les abattaient et les façonnaient eux-mêmes. Ils ajoutaient ainsi au profit de la valeur des bois celui de la rémunération de leur propre main d'œuvre. Cette coutume n'existe plus. Les arbres sont aujourd'hui abattus et façonnes, sous les ordres de l'adminisration forestière, par les bûcherons oficiels, dont les salaires, assez élevés, sont remboursés par les usagers. 'eux-ci subissent, de ce chef, une réduction de près de 50 p. . sur la valeur efective de leurs délivrances. Sous l'administration française, les arbres entiers, tronc et branches, des coupes d'afouage, étaient marqués et délivrés aux usagers. Il y avait là un proit pour ceux-ci, quand, dans leur lot, il se trouvait un arbre pouvant servir de bois d'industrie. Moins libérale, l'administration allemande excepte de la délivrance tout arbre susceptible de donner du bois de service. Elle le reserve pour elle et le vend au profit de l'Eta. Les usagers ne reçoivent que les branches ou troncs noueux impropres au travail. Par le fait de cette sélection, l'usager n'obtient sur les bois d'affouage et les chablis qu'un bénéfice dérisoire atteignant à peine 5 p. 100, malgré l'accroissement du prix des bois de tout gere, par suite de la construction de la route stratégique.
Une observation analogue s'applique aux délivrances du bois de service, accordées aux ouvriers d'art, cuveliers, sabotiers, charpentiers, menuisiers et autres. Ces ouvriers, au lieu de recevoir sur pied, d'abattre eux-mêmes et de façonner à leur gré les arbres à eux destinés, les recoivent, de l'administration allemande, ahattus et açonnés, et, supportant les frais de cette main d'œuvre, subissent une réduction sur la valeur effective de leur droit qui n'est pas moindre que 50p. l00. Aux usagers deDabo[453]les arbres bourgeois sont aussi remis abattus et façonnés par les bûcherons oficiels, et grevés des frais de ce travail. Toutefois, la valeur de ce droit, malgré le remboursement des frais, a augmenté de l5 p. 100, en raison de la plus-value sur le prix des bois, acquise par les motifs ci-dessus indiqués. La redevance payée par chaque usager est à présent de 2 fr. 375 par tète de chef de ménage.
Le droit de couper de l'herbe en forêt et d'arracher la bruyère a été supprimé. Celui de ramasser les feuilles sèches est encore toléré, mais il est grevé d'une redevance arbitraire, qui diminue de 75 p. 100, l'ancienne valeur des produits de ce droit.
[454] C. — Situation econoiue et orale e 188. — L'annexion de l'ancien comté de Dabo à l'Allemaggne, les mesures nouvelles que nous venons d'indiquer, ont produit des effets divers, les uns généraux et communs aux populations d'Abreschviller, Walscheid et Dabo. les autres spéciaux à chacune d'elles ; chez tous un douloureux serrement de cœur, que le temps n'a pas affaibli. Tolérante et paternelle en somme, l'administration française avait respecté une législation vieille de plusieurs siècles et laiss é la paisible jouissance de ses droits d'usages à une population pauvre et laborieuse, qui en tirait tous ses moyens d'existence. L'abondance et la sécurité du travail assuraient à une race sobre et peu exigeante une sorte de ien-être modeste qui rendait la vie facile, et l'on était satisfait. Le sentiment pariotique vibrait avec énergie dans le cœur de ces montagnards. L'obligation du s ervice militaire était acceptée sans murmure. Des jeunes gens s'engageáent, comme volontaires oOu comme rempla̧ants et étaient iers en rentrant dans leurs foyers, d'avoir porté l'uniforme français, de sètre perfectionnés dans la langue et de s'ètre trouves, pendant leur présence sous les drapeaux, initiés e associes au mouvement d'idées du pays. C'était une sorte de naturalisation a laquelle ils tenaient beaucoup. Enin si ces populations parlaient un patois allemand, elles étaient françaises de cœur.
La prospérité publique, i. jusqu'en 1870, avait suivi une progression ascendante, n'a pas été sensiblement troublée. L'ouvrier qui veut travailler, et dans le comté tout le monde veut travailler, gagne facilement son pain. Mais l'état des esprits a été singulièrement troublé par la conquête. On est inquiet et mécontent, on trouve que le régime nouveau, comme une main de fer, pèse lourdement sur la Montagne. L'émigration a été assez accentuée à Abreschviller, beaucoup à Walscheid, peu à Dabo. On subit la situation actuelle ; on ne s y habitue pas, on s'y attache[455]encore moins. En somme, la soumission à la domination allemande est complète ; les instincts matériels n'ont pas été violemment froissés ; aucune plainte ne s'élève à cet égard. Mais la résignation n'existe qu'à la surface. Pour peu qu'on ait accès dans l'intimité d'une maison, les cœurs s'épanchent en regrets amers. L'humiliation qu'inspire le joug de l'étranger est aussi vive qu'aux premiers jours de l'annexion.
A ces observations générales, qui s'appliquent aux diverses communes du comté, il en faut ajouter quelques-unes qui concernent en particulier chacune des trois principales localités.
Abreschtoiller. — Déjà, en 1863, cette commune était moins forestière, que les deux autres (Valscheid et Dabo) moins montagnarde, et, disons le mot, moins laborieuse. Elle était depuis longtemps reliée aux chefs-lieux de canton et d'arrondissement (Lorquin et Sarrebourg) par une belle route carrossable ; elle avait, de tout temps, possédé d'importantes industries, papeterie, polissage de glaces, forges, taillerie sur verre. Le commerce des bois, pratiqué en grand, y avait créé des fortunes, réuni des capitaux. L'usage de la langue française, généralement répandu, avait facilité les transactions avec le dehors. Enfin, outre la route, le commerce avait, comme moyen de transport des bois, la Sarre, rivière flotable. Toutes ces conditions réunies avaient développé, dans les diverses classes de la population, une certaine aisance ; les usines, créant, en dehors du travail en foret, des sources de travail abondantes, avaient accoutumé peu à peu les habitants à ne plus compter sur la torèt, mais seulement sur le travail industriel. Aussi. est-ce sans répugnance, et même avec empressement que les usagers d'Abreschviller avaient, dès 1863, accepté les propositions de cantonnement faites par l'administration française, et mis cette mesure à exécution.
L'émigration vers la France, de l871 à 1872, peut être évalué au sixième de la population. Mais, beaucoup d'ouvriers qui n'avaient cédé qu'à un entrainement irréfléchi, ne pouvant s'habituer à vivre loin du pays natal, y sont revenus, au bout de quelques années, appauvris et en même temps irrités contre leur ancienne patrie où ils n'avaient pas trouvé l'hospitalité qu'ils en attendaient, et contre leurs nouveaux maîtres, qui les assujétissaient à une administration despotique. Le recensement de 1881 accuse sur le chiffre de la population de 1870, une diminution de plus de 200 ames, diminution qui, depuis 1881, s'est encore accrue de 80 à 100 émigrants. Disons aussi que des industries telles que la papeterie et la forge sont complètement arrêtées et que les autres périclitent. Sauf celle des chemins de vidange[456]des coupes dans les forêts de l'Etat, aucune amélioration n'a été introduite à Abreschviller par les Allemands. L'établissement de ces chemins a profité non à la classe ouvrière, mais aux riches marchands de bois.
Comme dans toutes les localités où la langue française est usuelle, les Allemands se sont départis à Abreschviller de leur rudesse ordinaire et ont traité avec une douceur relative des populations,qu'ils voulaientgerniser. Ilen estrésulté, que, dans cette commune, française de race, de langue, de traditions et de relations, les habitants, surtout ceux qui font bien leurs affaires, sans être satisfaits du nouveau régime, l'acceptent du moins en apparence avec une patiente résignation ; mais, au fond, ni pauvres ni riches ne se geranisent
alsceid. — Des trois communes dont nous nous occupons, celle de Walscheid a été la plus éprouvée par l'annexion. C'est aussi celle dont la population, essentiellement laborieuse, moins bien partagée en droits usagers que celle de Dabo, vit le plus des produits et du travail de la forêt. C'est là qu'il y avait autrefois le plus grand nombre d'ouvriers sabotiers et cuveliers. En 1870, ces diverses sortes d'ouvriers étaient parvenus à un certain degré d'aisance ; ils faisaient tous un peu le commerce des marchandises fabriquées par eux. Aujourd'hui, les ouvriers usagers ont sur les bois des bénefices moindres que les étrangers, qui en achetent dans une adjudicaton, parce que ceux-ci ont le droit de choisir ce qu'ils achètent, tandis que les usagers sont obligés d'accepter ce qui leur est délivré. Aussi, le commerce des bois ouvrés est-il exclusivement dans les mains de quelques capitalistes ; les petits fabricants végètent misérablement. il semble que le système économique prussien, tel du moins qu'il se manifeste à Walscheid, condamne le pauvre au prolétariat à perpétuité et celui qui n'a qu'un peu d'aisance à ne pas l'augmenter, si ce n'est même à la voir dépérir. C'est a tel point que l'on s'imagine à Walscheid, la société en Prusse, composée uniquement de deux classes, les très riches et les très pauvres,mais ne faisant point de place aux familles d'une moyenne aisance. Ainsi en juge le brave et laborieux montagnard qui autrefois amassant quelques épargnes, arrivait à un certain bien-être, pouvait avoir un petit fût de vin à la cave, améliorer son ordinaire du dimanche et se réunir en famille. L'ancienne aisance est remplacée peu a peu par la gene et, pour quelques-uns, par la misère. Le vin, grévé à la frontière de droits énormes, est devenu cher on n'en boit plus. On l'a remplacé par un véritable poison, l'alcool du nord de l'Allemagne (qu'on a surnommé le pétrole), qui, favorisé par un[457]faible droit de circulation, se vend seulement 60 centimes le litre, et inonde litteralement la contrée. Il est devenu la boisson du pauvre, qu'il abrutit. Les ravages, causés par ce pernicieux liquide, vont s'accroissant tus les jours et font le désespoir des honnêtes gens. Il n'y a plus à Valschcid la race forte, sobre, laborieuse, économe, féconde qu'on y voyait il y a quatorze ans. Le bûcheron du comté de Dabo, dont Walscheid offrait le type parfait, se rarétie et tend à disparaitre. Pauvre bûcheron: La forêt n'est plus son domaine N'est plus libre qui veut d'aller y gagner son pain ue les emps sont loin de la charte des bons seigneurs de Linange et de ses clauses respectées par l'administration française
Aussi la population, à Walscheid, diminue. En 1870, elle dépassait 2.l00 hahitants ; en 1881, elle était descendue au chiffre de 1.854 àmes, chire, qui, à present (1884, ne dépasse pas l.800 habitants et qui suivrait une décroissance plus rapide si la verrerie de W'alerystal et la fabrique de verres de montre, ne retenaient dans le pays un certain nombre d'ouvriers. Inutile de décrire le découragement, l'irriation que produit un tel état de choses et le courant d'émigration vers la France, qui en est l'inévitable conséquence.
Dab́o. — Ce qui vient d'être di de la situation économique de Walscheid et, en particulier de la situation de l'ouvrier, peut s'appliquer, sauf quelques variantes, à Dabo.
On se rappelle le privilège concedé depuis des siècles, renouvelé par les comtes de Linange, dans l'acte ou charte du 27 juin l6l3, aux habitants ou bourgeois des communes de Dabo, Engenthal et de trois autres communes, il consistait dans la délivrance annuelle à chaque usager de huit sapins vifs, et quatre seulement aux veuves, en retour de l'obligation de prendre les armes et de concourir à la défense du château, à toute réquisition du seigneur. Ce droit, qui a pris le nom de droit borgeois (l), esttransmissible de père en fils. Un père eût-il dix enfants, chacun d'eux, aussitôt établi c'est-à-dire devenu chef de ménage, jouit des mèes droits que le père. La valeur actuelle, nette du droit bourgeois, est de 2380 francs par an. Le gouvernement allemand ayant maintenu ce privilege, les choses sont restées ce qu'elles étaient avant l'annexion. Il y a eu peu ou point d'émigration en France. L'augmentation de la population a suivi son mouvement habituel de progression. En vingt ans, elle a été de 24l habitants, soit l2 par année, ou un deux-centième environ' du chiffre total des habitants. Depuis 187 la proportion s'est maintenue d'une façon continue. A part sa rente annuelle de 230 fr., l'usager[458]bourgeois, de Dabo, n'est pas mieux traité que l'ouvrier de Walscheid. Si la fourmi, dit La Fontaine, n'est pas prêteuse, les agents de l'administration allemande, dit l'ouvrier de Dabo, ne sont pas tendres au pauvre monde et ils restreignent, chaque fois et autant qu'ils le peuvent, l'exercic des droits d'usage. La douceur dont ils usent dans les villages de langue française, n'est point de mise à Dabo, ou, d'ailleurs la richesse pour laquelle le Prussien a, d'instinct, beaucoupde considération,n'est pas chose commune. Une éventualite mena̧ante assombrit l'avenir.Ces belles forêts inexploitées et inexploitables dans les conditions où s 'est maintenue l'administration française, ont été de véritables mines d'or où les vainqueurs ont puisé à outrance. Ils y ont trouvé un petit, mais utile supplément aux milliards de rançon imposés à la France. Ils ont exploité en maîtres pressés de jouir plus qu'en possesseurs prévoyants ayant la sécurité d'un long avenir. En treize ans, ils ont multiplie les coupes sombres, à ce point que dans un avenir prochain, sous un pareil réime, la possibilité de la forét pourrait bien être insuffisante pour l'exercice complet des droits d'usage. Cette perspective est une cause de douloureuses préoccupations pour les habitants de Dabo, qui, habitués à ne vivre que de la forêt, la co sidèrent comme leur propre domaine. Spectateurs impuissants d'une dilapidation qui semble préparer leur ruine, ils ont perdu cette sécurité du lendemain qui était le fondement de leur bien-être. Aussi nos laissons à penser quelles dispnositions d'esprit nourrit la population de Dabo, à l'égard du régime qu'elle subit depuis quatorze ans.
Notes
1. Le nom de Dabo a prévalu et a été seul employé dans les documents administratifs et historiques français : mais le nom originel et allemand avait été Dachsbourg. Dabo n'était qu'une altération de ce nom dans le patois loeal. Depuis la conquête de 1870-71. le village de Dabo a repris ofieiellement son nom allemand.
2. Si le budget à Dabo, est maigre et insuffisant, ce n'est pas faute de revenus ; e'est surtout parce que l'administration municipale proeède d'une manière irréguliere. Cette eommune, en etfet, outre les recettes inserites au budget, a celles de la aasse noire, dont le ehifre dépasse de beaucoup le total des recettes offieielles. La asse noire, qui a pu se soustraire jusqu'à présent à l'action et au contrôle de l'administration des 1inances, doit son nom à son existence oceulte. Ce 1onds est alimenté à Dabo par des delivranees de bois mort ou viciés qui ne protitent pas aux usagers. Le reeouvrement et l'emploi se font en dehors des règles admiiistratives. La asse noive est administrée par le maire, assisté de quelques notables ; elle est employée aux besoins de la eommune, mais selon la fantaisie du maire, qui préleve sur la caisse secrète ses frais de voyage, ses faux frais et autres dépenses qu'on ne veut pas soumettre à la sanction prefectorale. Il y a toujours un reliquat employé par les administrateurs. sel n l'importanee de la somme. à faire bombanee dans les hôtels de Strasbourg et de 'asselonne, ou simplement dans les auberges de Dabo. Le maintien de la masse noire est dans les instincts du pays. C'est un moyen de se dérober à l'inggérance de l'etrager, e'est-à-dire de l'autorité dans les affaires de la commune. On y tient done et on la conerve quoiqu'elle soit une occasion incessante de réeriminations contre le maire et les notables, aecusés d'employer les fonds à leur protit personnel. La reddition des comptes donne t ujours lieu à des querelles suivies de voies de fait et même de coups de eouteau. Il y a quelques années un maire a eté destitué et poursuivi comme coupabhle de détournements. Dans les élections municipales, la discussion des candidatures porte uniquement sur l'emploi de la masse noire.
3. Le Gouvernement allemand, dès qu'il a été maître de l'Alsaee-Lorraine en 187l, y a introduit un certain nombre de réformes législatives dont plusieurs atteignent les lois de partage forcé pour en adoueir les rigueurs et les charges. M. Claudio annet en rend un compte rais onné dans la nouvelle édition d'un des ouvrages de F. Le Play (ˉL'Orgauisation de la Famidle. 3e édition, Alfred Mame et fils a Tours. et Dentu à Paris, 1884 — Doceument annexé C, pages 62 a 73).
4. Le mauvais état de la viabilité des forêts (1863)a produit l'industrie du transport et en a fait un monopole. En attelage comporte au moins deux paires de beufs et. dans la haute montagne, il ne faut pas moins de quatre paires pour trainer l mètre eube de bois. Autrefois, quand le parcours de la forét était libre toute l'année. il y a eu jusqu'à 2 voituriers à Walscheid. Les restrictions apportées au droit de parcours ont réduit ce nombre à moitié. Dans les 20 qui existent aujourd'hui, il n'y en a pas plus de 6 ou 8 qui récoltent tout le fourrage dont ils ont besoin. Les autres achètent plus ou moins de foin. uand les routes seront faites, c'est-à-dire après le eantonnement, il suffira de deux bœus là ou aujourd'hui il en faut quatre et même six. La profession de voiturier sera aecessible à un plus grand nombre. Le monopole cessera. Il n'est pas besoin de dire que les voituriers aetuels sont hostiles au cantonnement, quoique personne dans les villages ne soit autant qu'eux appelé à recueillir des avantages de cette mesure.
5. Les territoires forestiers d'Abreschviller et de V'oyer étaient communs aux usagers des deux villages, lesquels avaient des droits égaux sur toute l'étendue de ce territoire indivis entrelles. De même, Walscheid, IHommert et Harreberg jouissaient, dans l'indivision d'un territoire forestier, quant à leurs droits d'usages. Elles ne sont pas cantonnées. Chaeune avait et a encore à présent, sa coupe d'affouage distincte, qui lui est délivrée dans les eantons désignés par l'administration forestière, selon que celle-ei le juge convenable, dans l'intérêt de la conservation de la forét. Les bois morts, mort-bois, chablis sont délivrés en bloe, à chaque commune qui les partage en autant de lots quil y a d'usagers ou parties prenantes.