[N° 41 bis]
CHIFFONNIER INSTABLE ET, PAR ALTERNANCE, MÉGISSIER, FUMISTE ET BROSSIER
DE PARIS (FRANCE — SEINE)
(FRANCE — SEINE)
[PRÉCIS D'UNE MONOGRAPHIE]
PAR MM.
ED. DEMOLINS ET B. POCQUET
Cliquez pour zoomer ou afficher en plein écran. Utilisez les flèches pour passer d'une page à l'autre (9 pages disponibles).
Ce texte est issu d'une reconnaissance optique de caractères (OCR) et peut comporter des erreurs.
§ 22. — Précis d'une monographie ayant pour objet un chiffonier instable et, par alternance, mégissier, fumiste et brossier de Paris (France — Seine) par MM. Ed. Demolins et B. Pocquet.
[Ce précis est issu de la monographie n°41 : Ouvrier cordonnier de Malakoff (Seine - France).]
I. Définition du lieu, de l'organisation industrielle et de la famille
[188] La famille habite, à Paris, une maison située passage Cabanis, 15, XIVe arrondissement.
Cette maison est composée de deux étages, comprenant chacun un locataire. Elle est située dans un quatier populaire et excentrique, de création récente et généralement bien percé. On s'y adonne aux industries les plus diverses, mais toujours dans les plus modestes conditions. Les chiffonniers sont assez nombreux dans ce quartier.
Le père de famille est mégissier de son état : mais, par suite de circonstances qui seront expliquées plus loin, il a dù abandonner son métier pour embrasser successivement ceux de fumiste et de chiffonnier. Il exerce actuellement ce dernier depuis un mois.
Il en est de même de la mère et du fils aîné qui, pour des raisons analogues, ont dù quitter leurs professions respectives de brossière et de fumiste.
La famille se compose de six personnes, dont deux époux et quatre enfants :
Philippe-Jean-Baptiste,ee chef de famille : marié depuis 8 ans. né à lvry (Seine). 43 ans. — Sophie-Gabrielle *e sa femme. née à Paris (Seine), 40 ans. — Gabriel-Eugène. leur fils, né à Paris. 17 ans. — Blanche-Jeanne. leur fille. née à Paris. 12 as. — Désirée-Eugénie. leur fille, née a Paris, 9 ans. — Louis-llonoré. leur fils. né à Paris, 18 mois.
Les deux époux n'ont plus ni pères, ni mères. Ils ont également perdu quatre enfants en bas age.
Leurs seuls parents sont une sœur de la femme exerçant à Paris l'industrie de brossiere et une sœur du mari, qui a épousé un cordonnier et travaille avec lui ; ais ces parents ont cessé toutes relations avec la famille, à la suite d'un fait de mauvaise conduite du chef de famille.
La famille appartient à la religion catholique. La mere va habituellement à la messe le dimanche avec ses deux filles ; le père et le fils entrent quelquefois, mais rarement à l'église.
[189] La famille fréquente assez régulièrement le patronage de SainteMélanie pour entendre, tous les quinze jours, une instruction religieuse et prendre part à une petite loterie gratuite. C'est dans cet établissement que le fils aîné a fait sa première communion.
Matin et soir la mère fait dire à ses filles une courte prière, à laquelle se joignent parfois le père et le fils.
La religion de la famille semble, du reste, consister surtout en pratiques purement extérieures.
Le père et la mère ne savent pas lire.
Celle-ci, cependant, a fréquenté une école pendant quatre ans, mais elle n'en a nullement profité, par suite, dit-elle, d'une trop grande légèreté et aussi d'une fièvre typhoide très grave dont elle fut atteinte à l2 ans et qui l'obligea à quitter l'école.
L'ouvrier semble absolument étranger à toute passion et même à toute idée politique. Il ne semble nourrir aucune haine contre la classe supérieure ; la cause en est peut-être danscette ignorance, qui l'empêche de lire les journaux.
Éranger également aux troubles de 1871, il refusa de servir dans l'armée de la Commune. Pour éviter d'enrer dans les bataillons de marche, il allégua qu'il avait 2 ans, bien qu'il n'en eut que 39. Incorporé dans les bataillons sédentaires il se dispensa de soOn service.
Enin, au moment de l'entrée des troupes de Versailles, pour ne pas se trouver mèlé à l'action, il alla demander un asile à une famille bourgeoise près du pont Napoléon.
D'après les dires de l'ouvrier, il semble permis d'attribuer cette con 'uite aux sentiments de discipline qu'il a rapportés d'un séjour de l4 ans dans l'armée.
uoiqu'il ne soit pas d'un caractère violent, le mari, poussé sans doute par de mauvais camarades qui lui faisaient boire de l'absinthe et lui donnaient de mauvais conseils, s'est quelquefois livré à des voies de fait sur sa femme et sur ses enfants. Un jour même il a été si loin que sa femme a dù quitter avec les enfants le domicile conjugal.
Au point de vue de la moralité, l'ouvrier a donné lieu à des reproches plus graves encore, en abandonnant le domicile conjugal pen lant un mois et demi pour aller vivre avec une jeune fille de 16 ans.
Depuis son retour, la femme, qui semble aimer son mari, fait remarquer qu'il s'est généralement bien conduit et qu'il a toujours rapporté exactement le montant de son gain ; ce qui ne lui arrivait pas auparavant, surtout lorsqu'il était obligé de déjeuner hors de chez lui et avec de mauvais camarades.
[190] Du reste, dans la famille, le rôle du père est absolument effacé ; il parait dénué de toute autorité et n'avoir même pas l'idée d'exercer la moindre influence.
La mère de famille est restée honnête ; c'est elle qui dirige la maison. Elle met un peu de vie dans ce triste intérieur. Elle a reporté sur ses enfants qu'elle aime tendrement l'affection dont son mari s'était montré indigne ; le fils aié surtout est l'objet de sa prédilection ; peu à peu il a pris dans la famille la place que devait remplir le père ; il s'occupe de ses frères et de ses sœurs et un jour même, ayant trouvé du travail pour son père, il dit avec un certain orgueil à un étranger qui venait visiter la famille : Monsieur, j'ai placé mon père. .
La mère de famille parait avoir conservé le sentiment de la probité ; à diverses reprises, elle a rendu des objets de prix laissés par mégarde au milieu des chiffons.
Le fils a doné plusieurs exemples d'attachement à sa famille ; il a toujours rapporté très exactement l'argent qu'il gagnait et s'est souvent imposé des privaions pour procurer du pain à ses parents. Il a toujours défendu sa mère contre les violences de son père. Quoiqu'il ait fréquenté l'école pendant quatre ans, il n'a pu apprendre à lire, sans doute par suite de son peu d'assiduité à suivre les classes.
A cette époque, la famille ayant été sollicitée de l'envoyer à une école protestante, le père s'y est refusé en disant que les protestants aimaient bien le bon Dieu, mais qu'ils n'aimaient pas la sainte Vierge.
Comme une grande partie de la population parisienne, la famille a conservé le culte des morts.
Chaque année, au printemps, elle renouvelle avec soin les fleurs et autres souvenirs qui ornent la tombe des parents. En outre, elle se rend plusieurs fois au cimetière dans le courant de l'année pour déposer des fleurs, et même quelquefois des jouets en souvenir des plus jeunes.
Toutefois, ce culte des morts prend sa source chez la famille comme chez la plupart des Parisiens, dans un vague sentiment de solidarité humanitaire, beaucoup plus que dans le respect de la tradition des ancêtres.
L'ouvrier est de taille moyenne (1 m. 60), de force ordinaire, ses cheveux sont chàtains, le front est un peu dégarni. Sa physionomie porte l'empreinte d'une longue souffrance, causée sans doute par la misère.
Cependant sa santé est excellente ; il ne se souvient pas d'avoir été malade.
[191] La femme a également une bonne constitution ; mais à l'époque de la Commune, à la suite de couches, elle fut atteinte d'une péritonite et de fièvres intermittentes dont elle se ressent encore. Elle attribue cette maladie à l'effroi que lui causa la vue des cadavres et du sang répandu dans ne rue qu'elle fut oblirée de traverser.
La santé des enfants est également bonne. La femme en remercie Dieu.
Cependant, depuis que la misère de la famille est devenue plus grande, il semble que la constitution physique des divers membres de la famille commence à s'en ressentir et il est facile de prévoir que, si une pareille situation se prolongeait, la maladie ne tarderait pas à venir s'asseoir à poste fixe à ce malheureux foyer.
L'ouvrier a rapporté de son séjour à l'armée une foule de recettes dans lesquelles sa famille semble avoir me grande confiance.
Celle à laquelle ils paraissent attacher le plus d'etlicacité est un pot de pommade, composée principalement avec de la graisse de chat màle et de la centaurée. Ils attribuent à ce médicament une foule de vertus.
L'ouvrier raconte qu'il a fait passer à plusieurs reprises les convulsions de son plus jeune fils, en lui faisant avaler une poignée de sel.
Aussi, voit-il rarement le médecin du bureau de bienfaisance, dans lequel il semble avoir moins de confiance que dans ses recettes personnelles.
La famille est arrivée, de chûte en chûte, au dernier rang de la hiérarchie sociale. Le père du mari était gardien à la Halle, les parents de la femme étaient concierges au Val-de-Gràce, qui alors n'appartenait pas à lEtat.
La femme rappelle avec une certaine fierté qu'une de ses grand'mères était racccommodeuse de dentelle pour la Cour et qu'une autre était matelassière de l'mpératrice.
Acuellement, le père, d'abord mégissier de son état, puis, faute de travail, simple garçon fumiste, est tombé au rang de chiffonnier.
Il considère ce dernier état comme une décadence profonde, au point de ne pas oser sortir de chez lui pendant le jour, même pour vendre les chiffons recueillis dans la matinée.
Il charge sa femme de cette besogne.
Le fils éprouve le mêmè sentiment de honte ; lorsque le matin il rencontre, en chiffot, un de ses anciens camarades, il baisse la tète afin de ne pas être reconnu.
[192] La famille ne possède aucune relation dans la classe supérieure ; elle reste, par conséquent, en dehors de tout patronage et dans le plus complet isolement.
La feme aime cependant à rappeler qu'elle avait conservé pendant quelque temps des rapports avec une famille chez laquelle sa mère avait été laveuse de vaisselle.
II. Moyens d'existence de la famille
La famille n'a aucune propriété immohilière et ne songe même pas à la possibilité d'en acquérir jamais. Le matériel spécial des travaux et industries ne représente qu'une somme de 15 fr. 30.
Depuis dix ans, elle rȩoit des bons de pain et de viande d'une conférence de Saint-Vincent-de-Paul.
Elle recueille dans son métier de chifonnier des morceaux de pain déposés à dessein par les domestiques sur la boite à chiffons. La femme estime cette subvention a 0 fr. 50 c. par semaine.
Elle ramasse également des débris de cole et de charbon.
Des personnes charitables lui fournissent des vêtements. En voisin lui a prèté une hotte pour chiffonner.
La famille est inscrite comme indigente sur la liste du bureau de bienfaisance ; elle obtient 2 ilos 1 2 de pain par mois ; cette subvention est estimée par elle à 1 fr. 25 ar mois.
De plus, la famille reçoit gratuitement des soins du médecin du bureau de hienfaisance, ainsi que les médicaments qui lui sont nécessaires. Elle pense que ces secours représentent 20 francs par an approximativement.
Il faut encore considérer comme une subvention l'instruction donnée gratuitement aux deux filles chez des religieux.
Travaux de l'ouvrier. — Par suite du chômage de la mégisserie, qui constitue son état, l'ouvrier a dù s'engager à la journée comme garçon fumiste.
Dans ce nouvel état, l'ouvrage venant encore à lui manquer, il a travaillé quelque temps comme manœuvre a des travaux de terrassement, puis il a été réduit à devenir chiffonnier.
Travaux de la femme. — La femme aide son mari dans son métier de chiffonnier (§ IV). Elle s'occupe activement des travaux du méuage et de l'éducation des enfants.
[193]Travaux des enfants. — La profession du fils aîné est celle de fumiste. lEntré à l'age de l2 ans chez un patron comme apprenti fumiste, il y gagnait 0 r. 75 c. par jour son gain s'est élevé successivement à 2 fr., 2 fr. 25, 2 r. 50, 3 fr., 3 fr. 25 et 3 r. 50 par jor.
Dans cette dernière année, il a pu travailler pendant nef mois chez six ou sept patrons diférents qui le prenaient et le renvoyaient suivant qu'ils avaieet ou n'avaient pas de commandes.
La fille aînée a appris le metier de blanchisseuse e de repasseuse ; elle a travaillé neu mois chez une maîtresse laveuse qui ne lui donnait que 0 fr. 50 c. par semaine. Depuis deux semaines, elle gagne 0 fr. 50 c. par jour. Elle estime que le métier de repasseuse est moins fatigant pour elle que celui de blanchisseuse. Elle travaille souvent jusqu'à huit et dix heures du soir.
III. Mode d'existence
La famille fait trois repas par jour. Le premier, qui a lieu à 5 heures pour le père et la mère, n peu plus tard pour les enfants, se compese d'un morceau de pain.
Le second se fait à 1ll heures et le troisième à 6 heures ; ils se composent le plus souvent l'un et l'autre d'un seul plat de légumes auquel on ajoute quelquefois de la salade. La famille ne boit jamais de vin.
Après le dejeuner de 11 heures, la famille prend du café avec du sucre, qu'elle achète chaque jour pour 0 fr. 10 e.
Lorsque l'ouvrier était mégissier, on mettait le pot-au-feu deux fois par semaine ; depuis, on ne le met que deux ou trois fois par mois, et encore est-ce de la viande de cheval. La femme en achète deux livres, qu'elle paie 0 fr. 10 c.
La famille consomme par jour 2 ilos de pain, qui lui coûtent 0 fr. 85 c., plus les croûtes recueillies avec les chiffons et que la femme estime à 0 fr. 50 c. par semaine (§).
Quand l'ouvrier travaillait comme fumise, il prenait le repas de 1l1 heures dans un restaurant, toutes les fois qu'il était trop loin pour revenir déjeuner chez lui, ce qui, à son avis, eut été plus économique.
Il en est de même pour le fils.
Son repas se composait alors de la manière suivante : un ordiaire comprenant le beuf et le bouillon, 0 fr. 10 ; 15 c. de pain : 20 c. de vin ; l0 c. detabac à chiquer ; total : 0 r. 85 cent.
[194] Le riz entre pour une large part dans la nourriture de la famille (2 ilos par semaine), parce que cela, dit la femme, ménage
La famille occupe depuis six mois, au second étae, deux pièces ayant chacune une fenetre.
Elle a dû quitter la maison qu'elle occupait auparavant, pa: suite d'un arriéré de 12 francs dans le prix du loyver qu'elle n'a jamais pu payer.
Un escalier etérier en bois e en très mauvais etat donne accès à l'appartement.
La surface otale est de 22 mètres carrés. La hauteur de l'appartement est de 2 . 20.
Le pére, la mère, les deux filles et le plus jeune fils couchent dans la chamlre principale, l'aîné des garçons couche dans le cabine. Le logement est mal tenu, principalement à cause des chifbons entassés dans le milieu de la pièce pour le triage journalier, et de la nécessite de cuire les aliments sur un petit poêle placé au milieu de la chambre.
Sauf ses dimensions trop resser ées, ce logrement est sain ; il reçoit le soleil, et domine sur un espace assez aéré.
La famille paie chque semaine au concierge, comme loyer, la somme de 3 francs, et y ajoute au lf janvier un don de l franc.
Le mohilier dénote la plus extrème misère. On en peut fixer la valeur à 21 r. 50 ; le linge de ménage ne vaut pas plus de 1 fr. 80. les ustensiles, l6 fr. 60, les vêtements, 22 fr. 60.
La famille prend peu de récréation. ILe dimanche, le père, qui sait coudre, raccommode quelquefois de vieux vêtements et quand il y a de l'ouvrage, sa taumille travaille avec lui.
Sa principale récréation consiste à chiquer.
Autrefois, le ils aîné allait à un paronage où il passait la journée du dimanche.
Il faut atribuer cette absence de récréation et cette réclusion systématique les jours de fête a la prostration profonde causée par la misére sur les memhres de cette famille déchue, et au manque d'argent et de vêtements assez propres pour igurer honorablement au milieu de la population endianchée.
IV. Histoire de la famille
L'ouvrier est né à Ivry (Seine), le 2 mai l835. A dix mois il est venu à Paris ; à l ams, en l851, il est entré comme apprenti chez égissier ou il gagnait l franc par jour.
[195] En 1851, à la suite de la mort de son père et d'une grève entreprise par les ouvriers mégissiers, pour obtenir une augmentation de salaire, il s'engagea dans la marine ou il fi les campagnes de la Baltique et de Crimée.
A l'époque de son tirage au sort, en l56, ayant eu un mauvais numéro, il rentra au service ; il fut incorporé au 72e de ligne. avec lequel il fit la campagne d'Italie.
Libéré le l3 février 1860, il revint à Paris où il essaya de reprendre son métier de mégissier. A cette époque. il se maria civilement avec Sophie L, qu'il connaissai depuis longtemps. Par suite du manque de travail, il se rengagea le 2 avril 1852, et peu après rejoignit son régiment en Afrique. Il fut de nouveau libéré le 22 avril l868.
Revenu à Paris, il reprit l'éa de mégissier (dit mégissier de rivière) et renra chez son premier patron.
Sur les instances de la Société de Saint-Vincen-de-Paul, il se décida à faire célébrer, le 2 avril 1870, son mariage religieux.
.Jusqu'en 1876, il travailla successivemen chez quatre ou cinq patrons qu'il quita et reprit, suivan les périodes de chômage et de travail.
En moyenne, la periode de travail annuel n'était que de trois ou quatre mois à raison de 6 francs par jour.
Il employa le reste du temps à travailler chez lui avec sa femme à la fabrication des brosses à chapeaux et à habits, ce qui lui rapportai l fr. 50 par jour.
En 1876, le travail de la mégisserie venant à manquer tout a fait, il se décida à se placer comme garçon fumiste. Mais, après de longues périodes de chômage, il dut renoncer également à ce noueau metier. Il se plaa successiemen comme maneuvre et ouvrier terrassier et enfin, au mois d'avril 1878, il se décida, bien à contre-ceur, à embrasser avec sa femme l'eta de chifonnier.
Les résultats qu'il a obtenus jusqu'ici sont loin d'ère satisfaisants. Son gain journalier s'éleve à peine à l franec, aussi, désire--il vivement sortir de cet état le plus têt possible.
Sophie L est née le 1er fevrier 1838, à Paris ; ses parents étaiet concierges au Val-de-Gràce.
Dès son enfance, elle a appris l'état de brossière, qui lui procurait un gain de l fr. 50 à l fr. 75 par jour ; son travail était rétribué à la tache à raison de l fr. 25, la douzaine de brosses. Elle a enseigné à son tour son métier à son mari.
Mais cette industrie, après de nombreux chômages, venant à manquer tout à fait par suite de la tendance des fabricants à faire travailler par économie dans les campagnes et dans les pri[196]sons, elle s'employa pendant dix-huit mois à border des chaussures de feutres, ce qui lui rapportait 0 fr. 50 c. par jour en moyenne.
Ce métier lui faisant de nouveau défaut, on lui offrit de travailler dans un atelier de brosserie à raison de 1 fr. 50 à 2 rancs par jour. Mais elle refusa à cause de ses enfants, qu'il aurait fallu coier aux soins d'une voisine, moyennant une rétributio de l franc par jour.
Se trouvant ainsi sans ouvragre, elle entreprit avec son mari le métier de chifonnier qu'elle exerce encore actuellement.
Le fils aîné, né à Paris le 29 avril 1861, a été obligé, par suite du chômage et de l'immigration constante de jeunes Ialiens que leurs patrons nourrissent sans les payer, d'abndonner son métier de lumiste pour prendre, suivant les circonstances, celui de couvreur ou de chifonnier.
Il pense quil trouverait du travail, s'il pouvait se procurer les outils de son métier qu'il estime à l5 fracs. Il déclare qu'il préférerait recevoir 50 c. et même 75 e. de oins par jour et avoir du travail assuré pour toute l'année.
Depuis leur mariage, les époux, loin de pouvoir réaliser quelque économie, ont a peine pu sulire a leurs besoins journaliers.
La famille a mis au Mont-de-Piéé une montre en agent donnée au fils par son parrain, et sur laquelle on lui a preté une somme de 5 francs.
Comme nous l'avons vu, le ils a fréquenté pendant quelque temps un patronage et la famille a rȩ pendant plusiers années les secours du burea de bienfais nce et d'une conference de Saint-Vincent-de-Paul ; mais aujourd'hui, ces relatins établies avec des associations impersonnelles et qui ne connaissaient pas la famille sont devenues rés irrégulières. Il est à noer, du reste, que, tant qu'elles ont existé, eiles ont eu sur les divers embres de la famille une très heureuse influence.