N° 112
CHOCOLATIER
DE LA FABRIOUE DES CHOCOLATS AU LAIT
F-L. CALLER, à BROC (Canton de Fribourg, Suisse)
OUVRIER JOURNALIER
DANS LE SYSTÈME DES ENGAGEMENTS VOLONTAIRES PERMANENTS
d’aprés
LES RENSEIGNENENTS RECUEILLIS SUR LES LIEUX EN 1905, 1909 et 1912
PAR
M. ÉMILE SAVOYE
Docteur en droit et en sciences politiques et sociales
Ancien préfet du district de la Gruyére
Conseiller d'État
Sommaire
- OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES DÉFINISSANT LA CONDITTION DES DIVERS MEMBRES DE LA FAMILLE
- Éléments divers de la constitution sociale
- § 17. C0UP D'ŒIL SUR L'HISTOIRE ET LE DÉVELOPPEMENT DÉ LA FIRME CAILLER ET DE L'INDUSTRIE CIOCOLATIÉRE EN SUISSE
- § 18. DES DIFFÉRENTES INSTITUTIONS OFFICIELLES CONTRIBUANT AU BIEN-ÊTRE DE LA POPULATION OUVRIÉRE DE BROC ET DES ENVIRONS
- § 19. DES DIFFÉRENTES INSTITUTIONS PRIVÉES CONTRIBUANT AU BIEN-ÉTRE DE LA POPULATION OUVRIERE
- § 20. DES M0TIFS 0UI DÉTERMINÈRENT LE CHOIX DE L'EMPLACEMENT DE LA FABRIQOUE CAILLER
- § 21. DES BIENS COMMUNAUX, SUIVANT LE RÉGIME DE LA LOI FRIBOURGEOISE
- § 22. DU RENcEERISSEMENT DE LA VIE
- § 23. DE LA RÉGLEMENTAITION DE LA DANSE DANS LE CANTON DE FRIBOURG
- § 24. DE LA PRODUCTION AGRICOLE DANS LE CANTON DE FRIBOURG
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OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES DÉFINISSANT LA CONDITTION DES DIVERS MEMBRES DE LA FAMILLE
Définition du lieu, de l'organisation industrielle et de la famille
§ 1. État du sol, de l'industrie et de la population
[293] L’ouvrier habite la commune de Broc (district de la Gruyère, canton de Fribourg) située sur la route Bulle-Boltigen et sur la rive droite de la Sarine, prés du confluent de cette rivière avec la Jogne. Le plateau1[294] sur lequel s’élève ce village est formé par des alluvions ; il est placé dans un ancien cône de déjection interglaciaire de la Jogne. Broc est, depuis 1912, relié à Bulle, chef-lieu du district, par un chemin de fer électrique. Le village est à quatre kilomètres sud-est de la station même de Bulle, sur la ligne des chemins de fer électriques de la Gruyère et celle de Bulle-Romont.
Il est à une altitude de sept cent vingt-cinq mètres, à l'entrée de la vallée de la Jogne.
Lors du recensement décennal de 1900, il comptait 78 maisons et 611 habitants, catholiques à peu d’exceptions près. Dix ans après, le 1°f décembre 1910, alors que la fabrique de chocolat Cailler est en plein développement, le recensement fédéral accuse les chiffres suivants : 318 ménages, fournissant une population, avec domicile ordinaire, de 1,746 habitants (1,756 présents au moment du recensement). Cette population se divise en 720 hommes et 1,036 femmes. Il y a 212 protestants, 1,534 catholiques et 10 représentants d’autres confessions. Au point de vue de la langue, on compte 148 personnes parlant l’allemand, 1,42 le français, 185 l’italien et 2 une autre langue ; 417 seulement sont originaires de Broc et 840 d’une autre commune du canton.
La paroisse remonte à une haute antiquité, au Xe siècle, si l’on en croit quelques historiens. En 1477, le clergé séculier de Broc se composait de deux chapelains et du curé. Le clergé régulier comprenait le prieur et un ou deux religieux bénédictins. Il faut cependant ajouter qu'à cette époque, la paroisse embrassait plusieurs localités qui, dans le cours des siècles, ont été séparées de Broc. La paroisse est administrée aujourd’hui par un prieur et un second prêtre. Le pasteur protestant de Bulle s’occupe des intérêts des réformés domiciliés à Broc et dans les environs. Près de Broc se trouve la chapelle dite « Les Marches », dédiée à la sainte Vierge, qui est un lieu de pèlerinage très fréquenté. Elle est desservie par le clergé de Broc.
La commune a une étendue cadastrale de 979 hect. 99 a. 64 c.
Le village était, selon le type de ceux de la Gruyère, jusqu’en 1890, presque entièrement construit en bois. Les maisons étaient recouvertes d’échandoles dites « tavillons ». A la suite du grand incendie de 1890, les maisons ont été reconstruites en pierres et couvertes en matiéres[295]incombustibles2. Quelques-unes des anciennes habitations ont été épargnées, ce qui donne au village un intéressant effet de contraste.
En 1898, la maison Cailler, qui existait à Vevey depuis 1819, vint fonder à Broc une fabrique très importante de chocolat au lait. Dés cette date, ce village, essentiellement agricole jusqu’alors, se transforma et prit une allure de centre industriel. Ce développement et ce changement exigèrent des dépenses considérables de la part de l’administration communale. L'État et la fabrique Cailler lui vinrent en aide pour lui permettre de faire face aux dépenses nouvelles, nécessitées par la construction de routes, d'égouts, d'un vaste bâtiment scolaire, etc.
Il faut noter ici un fait particulièrement intéressant, qui s’est produit à Broc. L’ancien élément bourgeois, la population agricole du vieux village, n'a pas été absorbé par l’élément ouvrier, qui est arrivé nombreux. L’harmonien’a pas été troublée. L’ancienne bourgeoisie mit beaucoup de bonne volonté pour faire une large place à l’ouvrier et à l'employé qui allaient transformer les mœurs simples de l’ancienne population. D’autre part. la direction de la fabrique fit preuve de bienveillance et fut, dès le début, une vraie autorité sociale, dans le sens qui a été donné à ce terme par Le Play ; aussi de bonnes relations s’établirent-elles entre les bourgeois et la nouvelle population, relations basées sur la confiance réciproque. Ce fait est particulièrement remarquable pour qui connait l’esprit de nos populations rurales, jalouses de leurs droits aniens, amoureuses des traditions locales et peu disposées à favoriser l’étranger, fût-ce même un voisin.
Le district de la Gruyère, dont Broc fait partie, est presque entièrement formé par la vallée de la Sarine, Plusieurs vallées latérales débouchent dans celle-ci, qui est tantôt très resserrée, tantôt large. La Sarine traverse tout le pays de Fribourg du sud au nord.
La Gruyère est connue surtout par le fromage célèbre qui porte son nom. L’élevage du bétail est la principale occupation des habitants. Les marchands étrangers viennent s'approvisionner aux foires de Bulle ; celles-ci jouissent d’une grande réputation, particulièrement celle dite de la Saint-Denis, qui a lieu vers la fin de septembre.
Grâce à la configuration du sol et à l’excellence des pâturages de la montagne, l'agriculture, vigoureusement soutenue par le gouvernement[296]cantonal et par celui de la Confédération, prend tous les jours de nouveaux développements. Vers la fin de mai, le départ des troupeaux pour la montagne constitue un ravissant tableau, empreint d’une poésie intense. On a comparé ce spectacle, non sans raison, à celui du départ des marins pour les pêcheries.
L'industrie a toujours été en honneur dans le pays de Gruyére. Trois usines électriques, dont l’une est située sur la Sarine et deux sur la Jogne, fournissent la force à de nombreuses fabriques, à de petits ateliers, et la lumiére à tous les villages. La fabrique Cailler possède son usine électrique particulière. Plusieurs carrières (Broc en compte une sur son territoire) donnent une pierre excellente pour les constructions et pour le pavage des rues. L’exploitation de nombreuses et belles forêts ainsi que le travail du bois occupent un grand nombre d'ouvriers. L’industrie hôtelière prend chaque année un plus grand développement. Ce coin de pays est resté jusqu’ici comme un jardin fermé, mais plein de beautés et de charmes pour ceux qui veulent l’explorer.
L’industrie à domicile était jadis très répandue dans la Gruyère et à Broc même ; elle était principalement représentée par le tressage de la paille. Sous le coup de la concurrence qui lui est faite par la Chine et le Japon, elle périclite lamentablement. Au plus fort de la crise l’industrie chocolatière est venue adoucir le malaise qui allait se faire sentir dans plus d’une famille.
§ 2. — État civil de la famille.
Le nombre des enfants dépasse sensiblement celui des familles ouvrières fondées à Broc depuis la création de la fabrique ; mais on constatera bientôt que cette famille est venue s’établir dans un centre industriel après avoir séjourné longtemps à la campagne, où les familles nombreuses ne sont pas rares. A l'époque de cette enquête, sept membres de la famille vivaient sous le même toit, savoir :
1.Simon G., chef de famille, né à Mézières, marié depuis 1881............ 58 ans.
2.Alphonsine G., sa femme, née à Massonnens............ 53 —
3.Paul, leur deuxième ils, né à Berlens............ 24 —
4.Thérèse, leur deuxième fille, née à Berlens. 23 —
5.Ernest, leur troisième fils, né à Autigny............ 18 —
6.Lucie, leur troisième ille, née à Autigny............ 18
7.Catherine, leur quatrième fille, née à Autigny............ 10 —
[297] Un fils, Joseph, l’aîné des enfants, âgé de vingt-sept ans, et une fille, Marie, âgée de vingt-cinq ans, sont mariés : le premier à Fribourg, la seconde à Broc, et font ménage à part. Un huitième enfant, né à Autigny, est décédé à l’âge de deux mois.
Lucie est décédée à l'âge de dix-huit ans, peu de temps après l’établissement des budgets de cette monographie, et Thérése a quitté le domicile durant notre enquête (seconde quinzaine de novembre) pour entrer dans un couvent de religieuses dominicaines.
Les époux G. ont perdu leurs parents. Le mari a encore deux frères mariés et il avait une sœur qui est décédée.
L'épouse G. avait trois frères et deux sœurs. Ces dernières sont mortes.
§ 3. — Religion et habitudes morales.
La famille est catholique et elle pratique la religion avec une conviction profonde. Elle appartient à cette classe, très nombreuse encore, des familles fribourgeoises qui ont des croyances religieuses enracinées dans une longue tradition. Les époux G. sont nés dans le district de la Glane. Il est fort rare de trouver, dans les paroisses de cette partie du pays, une ou deux familles ne pratiquant pas la religion catholique.
Non seulement tous les membres de la famille suivent avec assiduité les offices de l’Église et observent les prescriptions de la religion, mais de plus la femme G. entend la messe chaque jour et communie tous les dimanches. Le mari, sa femme, le fils aîné et deux des filles font partie du tiers ordre de Saint-François, ils en pratiquent fidèlement la règle. Toutes les filles, à l’exception de la plus jeune, sont membres de la congrégation des Enfants de Marie. Celle-ci se compose de deux sections : celle du pensionnat des jeunes filles (le home) et celle qui se recrute parmi les jeunes filles n'habitant pas le pensionnat. La section du pensionnat est la plus active. Chaque mois, le révérend prieur donne aux jeunes filles de la congrégation une conférence spéciale.
La vie religieuse est entretenue en famille par la pratique de la prière. Le soir venu, après le dernier repas, la famille réunie récite le chapelet et la prière du soir. Cette coutume de la prière en commun est restée d’ailleurs dans les traditions des familles catholiques du pays, et on n’y[298]manque pas, si ce n'est pendant les grands travaux du printemps et de I4té.
L’instruction religieuse est bien soignée, tant à l’école qu'à l’église. Elle fait partie du programme scolaire.
Un des fils a fait une année d’études au collège de Saint-Maurice (Valais), avec l’intention d’entrer dans l’ordre des capucins. Il a renoncé à ce projet. Une fille a été admise dans l'ordre des religieuses dominicaines, à Estavayer-le-Lac. Elle semble avoir réellement la vocation religieuse et être disposée à persévérer dans cette voie.
La jeune Lucie a fréquenté l’école ménagère, obligatoire pour les jeunes filles durant les deux années qui suivent la sortie de l’école primaire. Cette instruction professionnelle de la femme donne d’excellents résultats, et la direction de la fabrique Cailler appuie énergiquement cette institution officielle.
L’État a encouragé les communes, par d'importantes subventions, à construire des bâtiments scolaires répondant à toutes les exigences de l’hygiène et permettant l'établissement des cours ménagers, avec cuisine, salle de repassage et de coupe.
![Nouvelle maison d'école de Broc [§3]](https://gallica.bnf.fr/iiif/ark:/12148/bpt6k6154186x/f386/325,854,1277,1014/full/0/default.jpg)
[299] La commune de Broc est entrée dans cette voie en édifiant le coquet palais scolaire, dont nous donnons une vue.
Le repos dominical est fort bien observé dans la maison Cailler. Le samedi après-midi (sauf de rares exceptions légalement autorisées) est jour de congé payé, bien que la loi ne l'exige pas (V. § 18).
L’ouvrier est très attaché à ses patrons, principalement au fondateur de l’usine actuelle de Broc, M. A. Cailler. Il est satisfait des salaires gagnés par lui et par ses enfants. Ce sont là, du reste, des sentiments partagés par la très grande majorité des ouvriers de cet établissement. Cette constatation peut expliquer, en partie du moins, l’échec du socialisme dans ce centre industriel, malgré les efforts tenaces qui ont en vue l’enrôlement des ouvriérs dans ce parti. La Fédération suisse des syndicats de l’alimentation compte à Broc une section, avec trois à quatre cents adhérents (à tendance socialiste), mais, grâce à l’excellente organisation de la fabrique, aux généreuses initiatives prises en vue du bien moral et matériel de la classe ouvrière, le socialisme ne saurait faire de grands progrès, si ce n’est comme parti politique et comme fraction avancée du parti radical. Des efforts sont entrepris pour entraver son développement à Broc et dans les environs. Il a été créé dans ce but une section de l’nion caholique des travailleurs de la Suisse romande. Il serait difficile de dire si cet essai de groupement aura un succés dans le sens recherché.
Les membres de la famille G. ont un goùt assez prononcé pour les voyages. Les chiffres du budget sur ce point sont assez élevés. Cependant, ces promenades ne sont pas l’occasion d’excès de boisson.
§ 4. — Hygiène et service de santé.
L’ouvrier est d'une taille au-dessous de la moyenne. Le métier qu’il exerce n’est pas pénible, ni de nature à nuire à sa santé. Il a cependant souffert d'une inflammation cérébrale, peu de temps après son arrivée à Broc. L’épouse G. est d’une constitution faible. Elle compte dans sa famille des personnes qui sont d'une santé précaire. Une sœur a fait un séjour dans une maison d’aliénés. Elle même est prédisposée à la neurasthénie.
[300] Le fils P. est affecté d'un goitre, pas très prononcé, il est vrai. Le fils aîné, J., a été, avant son mariage, gravement menacé par une péritonite. Le troisiéme fils, E., est d’une constitution faible, mais il vaque d'une manière régulière à ses occupations. La troisième fille est morte à l'âge de dix-huit ans, emportée par la tuberculose.
Les autres membres de la famille jouissent d’une bonne santé.
Paul, qui travaille au moulage, déplore le bruit violent que font les machines de cette partie de la fabrique. Des centaines de plaques en métal (les moules servant à donner les formes aux tablettes de chocolat) subissent un mouvement rapide de trépidations destiné à égaliser la pâte de chocolat dans les moules. Cette opération produit un bruit assourdissant dans le local destiné à ce travail.
La famille profite du service médical gratuit, dû à l’initiative des patrons et qui donne d’excellents résultats (voir § 19). L’organisation, les installations de la fabrique et la nature du travail sont telles qu’elles ne donnent prise à aucune critique sérieuse et importante au point de vue de l’hygiéne et de la santé des ouvriers et des ouvrières.
§ 5. — Rang de la famille.
Le chef de famille est broyeur ; les deux fils sont occupés au moulage et les deux filles travaillent au pliage. Ce sont là les occupations de la très grande majorité des travailleurs de la fabrique. On ne peut pas assigner à cette famille un rang spécial au point de vue du travail auquel se livrent ses membres. G. gagnait au début, lors de son entrée à la fabrique, 2 centimes à l'heure, aujourd’hui ce salaire s’élève à 46 centimes.
L’existence de la famille a été assez mouvementée. Des affaires malheureuses ont eu une répercussion déplorable sur sa condition. Elle aurait pu se créer une situation enviable dans les rangs de cette classe des travailleurs qui a reçu l’étiquette de classe moyenne ou « petite bourgeoisie ». Elle a dû prendre rang parmi les ouvriers de fabrique, à la suite de circonstances fâcheuses qui seront exposées plus loin.
Le mari est privé de ses droits civiques et politiques à la suite des faillites prononcées contre lui par application de l’ancienne loi fribour[301]geoise. Sous le régime actuel de la loi fédérale du 11 avril 1889, sur la poursuite et la faillite, cette privation de droits, si importants dans un pays démocratique comme la Suisse, n’aurait probablement pas pu être prononcée. Elle devrait, en effet, faire l’objet d’un jugement spécial. Cette privation n’est pas de nature à relever le prestige du chef de famille aux yeux de ses camarades de travail, très fiers de jouir de ces droits, dans une contrée où la politique n’est pas la moindre préoccupation des citoyens.
G. a un caractère un peu mou et peu débrouillard. C’est en grande partie à ce manque d’énergie et de savoir-faire qu’il faut attribuer les revers de fortune qui marquérent l’existence de sa famille. Aujourd’hui il gagne, avec ses enfants, d'importants salaires. Il n'est pas obligé de faire un effort spécial pour se procurer son pain quotidien, aussi sa situation s’améliore-t-elle. Il est incontestablement plus qualifié pour servir que pour commander.
La santé de son épouse n’est pas faite non plus pour donner à la famille une situation marquante. Elle se livre paisiblement à ses travaux domestiques, évitant de s’occuper de questions qui ne l’intéressent pas directement et d’avoir des relations avec les voisins.
Un seul des enfants, Paul, aime à exercer un certain rôle parmi ses camarades d’atelier, bien que sa timidité l’empêche encore de marquer sa bonne influence au point de vue religieux et social. Il fait partie de la principale des sociétés de chant de la localité.
Moyens d'existence de la famille
§ 6. — Propriétés.
(Mobilier et vêtenents non compris)
Immeubles............ 0f 00
La famille n'a aucune propriété immobilière et elle ne voit pas la possibilité d’en acquérir, du moins dans un avenir prochain.
ARGENT ET VALEURS MOBILIÉRES............140f00
L’ouvrier ne fait pas d’épargne proprement dite. Il utilise les quelques[302]centaines de francs qui constituent ses économies à verser à ses créanciers des remboursements de dettes anciennes laissées à la suite de faillites.
Somme gardée à la maison, 130f 00; — une part de fondateur de la Société coopérative de consommation, 10f 00. — Total, 140f 00.
Matériel spécial des travaux et industries............ 39f 50
1° Pour la culture du jardin. — 2 pioches, 2f 00 ; — 1 ratcau, 1f 00 ; — 1 pelle, 1f 50 ; — 1 outil à râtisser, 1f00. — Total, 5f 50.
2° Pour le blanchissage et le repassage. — 1 « couleuse », 8f 00 ; — 3 cuviers, 10f00 ; — 1 fer à repasser, 2f 00. — Total, 20f 00.
3° Pour la coupe du bois. — 2 scies, 5f 0 ; — 2 haches, 5f00. — Total, 10f 00.
4° Pour le raccomodage des vêtements — Fils, aiguilles, ciseaux, boutons, dés. — Total, 4f00.
VALEUR TOTALE DES Propriétés............ 179f50
§ 7. — Subventions.
La famille jouit des subventions officielles qui concernent l’école. L'écolage est gratuit pour l’enseignement primaire et pour l'enseignement nénager. On remarquera, au sujet de ce dernier (§ 15), que les élèves payent le prix de la pension, c'est-à-dire le repas de midi qui est préparé et consommé à l’école.
La fabrique Cailler a organisé et subventionné une série d’euvres ayant en vue le bien moral et matériel de ses ouvriers. Ces œuvres sont: la cisse de secours en cas de maladie et la caisse de secours en cs de deécés ; la caisse de preévogunce en faveur du personnel, destinée à former un fonds de retraite ; le cabinet de consultions et de soins meédicau ratuils ; l’indemnité d’accouchemenaux ouvrières mariées ; les maisonsouvriéres; la cuisine ouriére ; le congeé du samedi aprés midi, avec salaire payé ; le paement des salaires u ouvriers pendant la durée des services militaires ; le Home pour les jeunes filles sans famille (§ 19).
La famille a usé des services du cabinet de consultations et de soins médicaux gratuits, ainsi que de la caisse de maladie. Celle-ci a versé, à l'occasion de la maladie de la troisième fille, une indemnité de 90 fr. La famille a aussi bénéficié directement des maisons ouvrières et du congé du samedi après midi, avec salaire payé.
[303] L’assurance accident est également organisée par la fabrique, qui paye à une société d'assurance la totalité des primes et ne demande aucune contribution à l’ouvrier3. La famille n'a jamais profité de cette assurance ; du reste, les accidents, surtout les accidents graves, sont très rares, grâce à l’excellente organisation du travail et aux mesures de protection qui sont prises.
Les droits de bourgeoisie concernant l'usage des terrains conmmunaux et la distribution de lots de bois, qui existent dans certaines communes du pays, ont été supprimés à Broc. La loi fribourgeoise sur les communes et paroisses, du 19 mai 1894, exige cette suppression dès que l’impôt communal est décidé. Les membres de la famille ne jouiraient, du reste, pas de ces droits, n’étant pas bourgeois de la commune de Broc.
§ 8. — Travaux et industries.
Chaque matin, le lait frais provenant des villages de la Gruyère est amené aux usines, où il est immédiatement condensé et mélangé à un dosage de cacao et de sucre de première qualité. La masse compose de ces trois éléments subit ensuite un travail d'affinage poussé très loin, en passant par une série de broyeuses et de conches, établies tout spécialement pour la fabrication du chocolat au lait. Des machines très ingénieuses, travaillant automatiquement, se chargent alors du moulage du chocolat en tablettes ou croquettes, de la mise sous enveloppes en papier d’étain et de l’empaquetage, de telle façon que la marchandise échappe au contact de la main de l’ouvrier. Ces procédés de fabrication donnent aux produits Cailler une grande garantie d'hygiène et de propreté.
Notre ouvrier est « broyeur » Son travail, comme du reste celui du plus grand nombre des ouvriers de la fabrique Cailler, est peu pénible. Il consiste à recevoir le chocolat venant sur des vagonnets du local des mélangeurs, à le distribuer dans les broyeuses et à le conduire dans les locaux des conches. C'est, en somme, un travail de surveillance de machine et de transport.
[304] Les deux fils sont occupés dans les salles de moulage. Là le travail est bien plutôt désagréable que pénible, à cause du bruit assourdissant résultant des trépidations des moules sur des appareils spéciaux, trépidations destinées à rendre la pâte de chocolat compacte et ferme dans le moule.
L’une des filles est employée à la confection des cornets pour les bonbons et l'autre à la fabrication des coussinets en papier pour l’emballage des spécialités de la fine confiserie.
Mode d'existence de la famille
§ 9. — Aliments et repas.
La famille fait, par jour en toute saison, trois repas en commun.
Le repas du matin — le déjeuner — se compose de café au lait et de pain. Celui de midi — le dîner — est le principal, il comprend un potage gras, du bœuf bouilli, parfois du lard fumé avec des légumes : choux, carottes, pommes de terre. Tel est le menu habituel du dimanche, du lundi, du mardi et du jeudi. La famille a fait depuis quelque temps un essai de viande congelée provenant d’Amérique et livrée à un prix sensiblement inférieur à celui de la viande du pays ; elle s’en déclare satisfaite. Le dlner des autres jours de la semaine se compose d'un potage maigre, de macaroni, de pommes de terre et de salade. Le troisième repas — le souper — vers sept heures du soir, comprend du café au lait, des pommes de terre frites à la graisse et du pain.
Beaucoup d’euvriers et d’ouvrières de la fabrique Cailler prennent le repas de midi soit au réfectoire de la fabrique, soit au ome, soit dans les pensions particulières.
La famille G. ne s’écarte qu'en de très rares circonstances des menus que nous venons de donner. A l’occasion de la fête communale (bénichon), qui coïncide avec le carnaval, la famille fait des repas un peu plus soignés durant les trois jours de ces réjouissances. C’est dans cette circonstance seule qu’il est fait usage de vin pendant les repas.
[305] La nourriture est simple mais abondante. Beaucoup de familles d'un même rang ne peuvent, dans les campagnes du pays de Gruyère, composer un menu semblable à celui que nous venons de décrire. Il ne faut pas oublier cependant que la famille G, est, de par son origine, essentiellement paysanne et habituée à des mœurs simples et frugales. Il est rare, en effet, de voir une famille du pays consommer plus d'une fois par semaine de la viande de beuf. Nous avons la conviction que la famille G. a perdu, au contact du milieu ouvrier, où la recherche du bienêtre joue un rôle important, un peu des vieilles habitudes de simplicité du paysan fribourgeois.
§ 10. — Habitation, mobilier et vêtements.
L’habitation appartient à un groupe de « maisons ouvrières » construites au début de l’installation de la fabrique Cailler et achetées plus tard par la société anonyme Cailler. Celle-ci loue ces habitations à raison de 30f par mois. Ce groupement compte dix maisons.
L’initiative privée qui en entreprit la construction fut heureuse, en ce sens qu’elle dota une partie de la population, qui était attirée vers ce centre industriel, entièrement nouveau, de logements simples, mais fort convenables et hygiéniques. Chaque maison comprend deux logements composés de six pièces, bien éclairées et bien aérées. Il y a en outre une cave et un petit grenier. Un jardin entourant chaque habitation permet la culture d’une partie des légumes nécessaires au ménage, Au rez-de-chaussée on trouve une cuisine mesurant 5 mètres de longueur et 3m75 de largeur, deux chambres mesurant chacune 3 mètres de largeur et 4m05 de longueur. Au premier étage, il y a également trois pièces de mêmes dimensions que celles du rez-de-chaussée. Toutes ont 2m60 de hauteur.
Les maisons ouvrières du groupe auquel appartient le logement de la famille G. sont construites en pierres du pays et recouvertes en ardoises. Elles sont situées sur un plateau surplombant la Sarine et la Jogne. L’habitation est saine et bien exposée au soleil.
La famille a distribué le logement de la manière suivante : au rez-dechaussée, outre la cuisine, une pièce sert de chambre à manger, et elle est utilisée habituellement comme lieu de réunion pour la famille. Elle[306]est nommée, en raison de ce fait, « chambre du ménage ». La seconde pièce est affectée au logement des parents. Au premier étage, deux pièces sont utilisées comme chambres à coucher pour les enfants et une troisième est affectée à divers usages, principalement à serrer les vêtements des membres de la famille et en particulier les haiits du dimanche; elle n’est pas meublée.
Le logement est propre et respire un certain air de bien-être. Des images religieuses, des crucifix et des photographies de parents ornent les murs.
![Groupe de maison ouvrière [§10]](https://gallica.bnf.fr/iiif/ark:/12148/bpt6k6154186x/f394/136,738,1282,1030/full/0/default.jpg)
Cédant sans doute au besoin de changement, que nous avons déjà signalé comme étant une nécessité de l’existence de cette famille, celleci a quitté ce logement, fort confortable, pour aller en occuper ensuite deux autres. Aucun motif plausible ne peut justifier ces fréquents déménagements.
Meubles. : ils sont simples, mais soignés 520f 50
1° Chambre à coucher des parents. — 1 lit en bois blanc, 15f00; — 1 matelas à ressorts, 20f 00 ; — 1 armoire (garde-robe), 20f00 ; — 1 table de nuit, 6f00 ; — 1 tabouret, 1f 50 ; — literie, 45f 00. — Total, 107f 50.
[307] 2° Chambre de famille. — 1 table, 10f 00 ; — 1 banc en sapin, 8f00 ; — 3 tabourets en sapin, 4f 50 ; — 2 chaises en bois de cerisier, 10f00 ; — 1 armoire en bois dur, 30f 00 ; — images religieuses, Christ, photographies, 15f 00; — 1 horloge, 25f 00 — Total. 102f 50.
3° Cuisine. — 1 table en bois de sapin, 5f00; — 3 tabourets, 4f00. — Total, 9f 00.
4° Chambre des garçons. — 2 lits en fer, 30f 00 ; — 2 petites tables en sapin, 2f 00; — 1 réveil, 5f 00; — 1 tabouret, 2f00 ; — literie pour les denx lits, 162f 50. — Total, 201f 50.
5° Chambre des filles. — 2 lits en bois, 20f00; — 1 petit lit, 10f 00 ; — 2 vieux tabourets, 2f00; — 1 vieille armoire, 5f00 ; — literie, 63f 00. — Total, 100f00.
Ustensiles, modestes, mais proprement entretenus,............ 220f 50
1 cuisinière, avec tuyaux, 80f00; — 2 marmites en fonte, 10f00 ; — 1 marmite en fer-blanc, 10f 00 ; — 1 marmite-bouillotte, 15f 00; — 3 casseroles, 14f00 ; — services, comprenant couteaux, fourchettes, cuillères, tasses, soupière, assiettes, 25f00; — ustensiles divers de cuisine, 10f 00; — 5 parapluies, 15f00 ; — 1ivres de prières, 10f00; — livres divers, 5f00 ; — lanterne, 1f 50; — lampe à pétrole, 5f 00: — caisses et malles, 10f 00 ; — tableaux religieux divers, 10f00. — Total, 220f 50.
LINGE............ 160f 00
Linge de cuisine, 15f 00 ; — 12 draps de lit, 70f00 ; — 10 housses de duvet, 40f 00; — 10 housses de coussin, 20f00; — 5 taies d'oreillers, 5f00; — 24 essuiemains, 10f00. — Total, 160f00.
VÊTEMENTS. Les vêtements sont simples, mais popres. La famille n’a pas encore contracté le goût des toilettes recherchées, bien que tout autour d’elle s'implante l'amour du luxe, du luxe factice, mais onéreux cependant pour les petits budgets. Valeur............ 684f 50
VÊTEMENTS DU CHEF DE FAMILLE (149f 00).
1 complet, 35f00 ; — habits de travail usagés, 10f 00 ; — 2 chapeaux (1 en feutre et 1 en paille), 10f 00; — 5 chemises en toile blanche, 15f00; — 6 chemises en coton, 12f 00; — 2 paires de souliers, 20f 00; — 6 mouchoirs de poche, 2f 00 ; — 5 paires de bas, 10f00; — 1 pèlerine, 15f00; — 1 montre en argent, 20f00. — Total, 140f 00.
Vêtements de la femme (133f 00).
2 robes, 35f 00; — 2 jupes ordinaires, 15f00 ; — 1 chapeau et 2 bonnets, 10f 00; — 10 chemises en fil, 25f00 : — 12 mouchoirs de poche, 5f00 ; — 3 tailles ordinaires, 10f 00; — 2 paires de souliers, 10f00 ; — 4 paires de bas, 8f00 ; — 1 pèlerine-mante, 15f00. — Total, 133f00.
VÊTEMENTS DE PAUL (130f50).
1 complet, 35f 00 ; — habits usagés, 10f00; — chapeaux, 5f00 ; — 5 chemises en fil, 15f00; — 5 chemises en coton, 10f 00; — 8 mouchoirs de poche, 2f 50 ; — 4 paires de bas, 6f 00 ; — 2 paires de souliers, 15f00; — 1 pèlerine, 12f 00 ; — 1 montre, 20f 00. — Total, 133f 50.
[308] VÊTEMENTS DU DEUXIÈME FILS (111f 00).
1 complet, 35f 00 ; — habits usagés, 10f00 ; — chapeaux, 5f00 ; — chemises, 25f 00 ; — 10 mouchoirs de poche, 3f 00 ; — 2 paires de souliers, 15f 00 ; — 4 paires de bas, 6f 00 ; — 1 pelerine, 12f00. — Total, 111f 00.
VÊTEMENTS DES FILLES (161f 00).
Évalués, pour la fille aînée, à 65f 00 ; pour la deuxième fille, à 654f 50, et pour la troisiéme fille, à 31f 50. — Total, 161f00.
VALEUR TOTALE DU MODILIER ET DES VÊTEMENTS............ 1,585f 50
§ 11. — Récréations.
Les récréations sont peu nombreuses, la famille ayant contracté à cet égard les habitudes des campagnards fribourgeois qui trouvaient, jusqu'ici, des récréations saffisantes dans la vie de famille. Elle ne prend part qu’à celles qui ont lieu à l’époque de la fête communale, à l'occasion d’un concert ou d’une représentation théâtrale donnée par la société de chant, à laquelle appartient l’un des fils. A l'époque des fêtes de Noêl et du nouvel an, les ouvriers de la fabrique Cailler jouissent de quelques jours de congé qui peuvent être considérés comme des récréations pour la famille. Celle-ci en profite pour aller revoir des parents éloignés ou pour prendre un repos mérité.
La fête communale, nommée dans le pays « la bénichon », se traduit par des repas avec des menus plus abondants et plus variés, accompagnés de quelques rasades de vin. Cette fête est réglementée dans le canton de Fribourg. Le gouvernement, voulant endiguer les abus occasionnés par la multiplicité de ces fêtes — qui avaient lieu anciennement dans les villages, à l’époque de la fête patronale de la paroisse — a fixé deux dates pour leur célébration : l’une au deuxième dimanche de septembre pour la partie de la plaine; l'autre, pour la partie montagneuse, au deuxième dimanche d’octobre (après la descente des troupeaux). Dans ces circonstances seulement, la danse, qui constitue la principale distraction de ces réjouissances, est autorisée en principe (loi fribourgeoise sur la danse, du 11 décembre 1882).
A Broc, malgré les instances réitérées des autorités, on n'est pas parvenu à supprimer l'ancien usage qui fixe « la bénichon » à l’époque du carnaval, soit le dimanche, le lundi et le mardi. Les tenanciers des éta[309]blissements publics, en particulier, y trouvent profit, malgré les fortes amendes auxquelles ils sont condamnés. (Voir le § 23.)
Les autres récréations des membres de la famille consistent surtout en voyages auprès de parents éloignés et en assez fréquentes courses à Bulle, le samedi après midi, suivies de quelques haltes dans les cafés, sans qu'il se produise cependant d’abus.
Le fils aîné trouve des distractions dans les répétitions, concerts et représentations théâtrales de la société de chant dont il fait partie.
Il y a à Broc d'assez nombreuses sociétés, qui toutes, pour trouver des ressources, organisent des soirées récréatives, auxquelles les membres de la famille ne prennenl gén éralement pas part.
L’usage du tabac n’est pas considérable : le père seul fume quelques cigares le dimanche et les jours de congé ; à cet égard, la dépense est minime.
Durant les jours de printemps, d’été et d’automne, la famille s’occupe de la culture du jardin, principalement après le travail de la fabrique. Le père aime à faire fructifier ce lopin de terre qui lui remémore les anciennes occupations de ses parents et celles de son enfance.
Histoire de la famille
§ 12. PHASES PRINCIPALES DE L’EXISTENCE
La vie de cette famille fut assez mouvementée ; elle revêt un caractère semi-nomade. Mari et femme appartiennent, de par leurs origines, à des familles de paysans. Le premier se voua aux travaux des champs jusqu’à l’âge de vingt-deux ans, puis il entra en apprentissage chez un tonnelier, qui s’occupait de travaux de boissellerie ; après quelques mois, il quitta ce métier pour apprendre celui de boulanger, sous la direction d’un frère plus âgé, propriétaire d'une boulangerie à Berlens, il y resta un an. Dès 188i, i s’installa à son compte dans cette même localité. Il y demeura durant dix ans. Trouvant le prix de loction de sa boulangerie trop élevé — c’est encore sans doute un prétexte pour changer de[310]domicile — il quitta Berlens pour aller exploiter, à Attalens, une boulangerie, avec magasin d’épicerie et de mercerie. Trois ans après, cette entreprise laissa des mécomptes et G. fit faillite. Cette fâcheusbe aventure, qui se répétera plus tard encore, peut s'expliquer par la trop grande confiance que G. avait dans ses capacités et par sa trop grande bonasserie. Cette déconfiture le ramena à Berlens, où il avait débuté. Après quelques mois passés dans son village natal, il entreprit, au nom de sa femme, qui possédait une petite fortune, un commerce de boulangerie et d’épicerie à Autigny. Là encore, les affaires ne furent pas brillantes et le petit pécule de la femme fut absorbé par les mécomptes de l’entreprise et par un procès malheureux.
Les affaires en étaient là, lorsqu'en 1903, l'ouverture de la nouvelle fabrique Cailler, à Broc, vint offrir la perspective d’une ressource inespérée, en lui permettant de trouver des salaires, sinon avantageux au début, du moins suffisants pour faire face à l'entretien d’une famille nombreuse. Dès ce moment, c’est-à-dire dès qu’elle se fut fixée à Broc, elle vit sa situation s’améliorer. A l’heure actuelle, le père et les deux fils travaillent seuls à la fabrique Cailler : ils gagnent des salaires dont le total est aussi élevé que l’était le total des salaires gagnés, en 1908, par trois ouvriers et deux ouvrières.
Le père de famille déplore aujourd'hui encore la faute qu'il a commise — c'est son expression — en quittant la culture de la terre pour se vouer à l’exercice d'un petit métier et d'un commerce, puis pour terminer sa vie dans une fabrique.
§ 13. Mœurs et institutions assurant le bien-être physique et moral de la famille
En choisissant, comme sujet de cette monographie, une famille venue à Broc, attirée par la perspective d'une industrie nouvelle, une famille issue de la classe des paysans fribourgeois, ayant passé, il est vrai, par les déboires du petit commerce local, nous avons voulu essayer de dégager le rôle de la grande industrie et son influence dans un centre agricole, où elle était précédemment inconnue.
Le résultat de nos recherches ne peut être formulé d'une manière aussi précise et aussi complète que nous l’eussions désiré. Il est certain cepen[311]dant que l’arrivée de l’industrie chocolatière dans un pays qui souffrait — qui était en pleine crise — du ralentissement, du recul considérable d’une vieille industrie domestique, l’industrie de la paille tressée, a été un événement heureux pour un grand nombre de familles. L’influence de la fabrique de Broc s’étend non seulement aux villages immédiatement voisins, mais encore à des populations éloignées de plusieurs lieues, grâce aux moyens de communication quirelient Broc aux autres villages du district.
Il faut noter aussi l'influence de cette industrie au point de vue agricole. Ici, le rôle qu'elle exerça a été double. D’un côté, elle a procuré la vente des laits à des prix rémunérateurs, mais en même temps, elle a entravé l’élevage du bétail et a enlevé à l'agriculture un grand nombre de bras. Les agriculteurs, trouvant l’écoulement du lait à des prix élevés et inconnus jusqu’alors (17 à 20 centimes le litre) préférèrent le céder et en recevoir chaque mois le prix, plutôt que de l’employer à l'élevage plus rémunérateur du bétail, entouré, il est vrai, de risques, et dont le produit n’est pas immédiatement réalisable.
Comme on le voit, la question de l’augmentation du bien-être dans les populations de Broc et des environs est un problème complexe, qui exige une expérience d’un plus grand nombre d’années.
Beaucoup de familles purent, après l’établissement de la fabrique, gagner des salaires durant l’année entière, alors qu'elles trouvaient avec peine des occupations rémunératrices, pendant les mois d'hiver. Cependant, les salaires du début ne furent pas très élevés et la facilité du gain entraîna trop tôt des suppléments de dépenses qui auraient pu se traduire en épargne.
Grâce à l’initiative généreuse du révérend prieur de Broc, qui voua du reste son activité à d’autres œuvres sociales encore, une caisse d’épargne fut organisée. Elle donna — du moins dans les premières années — de sérieuses espérances. Le curé de Botterens, paroisse voisine de Broc, organisa aussi, ainsi que plusieurs curés des environs, des caisses d’épargne pour les ouvriers et ouvrières de sa paroisse. En trois ans, treize déposants ont effectué, à Botterens, une épargne totale de 11,000f.
On verra plus loin (§ 19) l’énumération des œuvres qui ont été créées à la fabrique Cailler et autour d’elle, en vue d'assurer au personnel de cette entreprise la plus grande somme possible de bien-être physique et moral. La direction de l'usine n'a pas hésité, dès le début, à s'occuper des intéréts de la population ouvrière qui allait être appelée à changer d’habitudes et qui ne connaissait pas, si ce n’est d’une manière rudi[312]mentaire, la prévoyance sous ses formes diverses. Souvent, en effet, nous avons constaté l’hostilité des populations des campagnes envers les organisations de prévoyance ; elles comprennent sans doute les avantages de l’épargne, mais elles ont de grandes méfiances à l'égard des caisses de secours en cas de maladie, d’accident, de vieillesse ou de chômage. En faisant, dès la création de la fabrique, d’importants sacrifices pour établissement d’œuvres de prévoyance, la dirction de l’établissement a rapidement initié son personnel aux besoins inhérents aux ouvriers de la grande industrie.
Déjà, avant son arrivée à Broc, G. faisait partie d’une société de secours mutuels en cas de maladie, fondée vers 1850, dans un petit village de la campagne fribourgeoise. Cette société accorde à ses membres une indemnité de 1f 50 par jour de maladie et 0f 80 par journée de convalescence. La cotisation, pour tous les membres, est de 1f par mois.
On a l'impression très nette, en étudiant la vie de cette nouvelle population ouvrière, qu'elle manque d'une éducation sociale sérieuse et qu’elle est encore trop livrée à ses propres forces. On a essayé, mais sans grand succès, semble-t-il, de former des groupements ouvriers. Il y a évidemment des transformations qui s'opèrent en des sens divers par le passage, ne fût-ce que d'un seul membre d'une famille, dans une usine, cette usine fût-elle organisée d’une façon irréprochable. L’ouvrier et l’ouvrière, occupés jusqu’ici aux travaux des champs, vivant de la vie paisible des cultivateurs, perdent de vieilles et bonnes habitudes, abandonnent des mœurs anciennes sous l’influence de camarades qui pensent que l’ouvrier doit toujours être un mécontent et un révolté pour mériter le titre d’ouvrier.
Le clergé catholique de Broc a exercé une heureuse influence dès le début, et la direction de la fabrique — quoique ne partageant pas les mêmes croyances — a trouvé en lui un auxiliaire puissant. L’entente et les rapports les plus bienveillants ne cessèrent jamais d’exister entre les curés des paroisses de Broc et des environs, d'un côté, et le patro-nat, d’autre part. C’est grâce à cette collaboration, peut-on dire, que le ministère du prêtre a pu s'exercer pour le bien de tous. Le clergé de Broc et des environs a veillé, avec un soin spécial, à la préservation des bonnes mœurs, à la conservation des sentiments chrétiens; c'est dans ce but surtout qu'il s’est occupé de l’organisation de pensions pour les ouvriers et ouvrières, qu’il a contribué à la création du Home pour les jeunes ouvrières, qu'il s'est intéressé au sort des ouvriers[313]étrangers, et qu’il n’a cessé de favoriser les bons éléments de la population ouvrière. Cette activité nouvelle demandait une expérience qui ne pouvait être acquise en peu de temps. C’est pourquoi il s'est produit des hésitations qui peuvent encore être attribuées à un manque de formation sociale.
Éléments divers de la constitution sociale
FAITS IMPORTANTS D’ORGANISATION SOCALE ; PARTICULARITÉS REMARQUABLES ; APPRÉCIATIONS GÉNÉRALES ; CONCLUSIONS.
§ 17. C0UP D'ŒIL SUR L'HISTOIRE ET LE DÉVELOPPEMENT DÉ LA FIRME CAILLER ET DE L'INDUSTRIE CIOCOLATIÉRE EN SUISSE
[323] La fabrique de chocolat Cailler a été fondée en 1819, par FrançoisLouis Cailler qui, le premier, installa la fabrication mécanique du chocolat. Jusqu’à cette date, ce produit n’arrivait guère à la portée du consommateur que par l'entremise d’artisans ambulants, qui s'en allaient de ville en ville et broyaient à la main le cacao et le sucre pour en faire un mélange plus ou moins réussi, qui se vendait à des prix relativement élevés. La mise de la mécanique au service de cette industrie servie par des procédés rudimentaires devait, dans l’esprit de François-Louis Cailler, arriver à la production d'un article beaucoup plus fin, plus régulier et surtout meilleur marché. I1 fonda la firme et construisit l'usine qui devait être appelée plus tard à prendre une si belle axtension. Celle-ci s'installa tout d'abord « en Coppet », commune de Corsier, près Vevey. En 1863, l’établissement fut transféré à V'evey o, dès 1887, il était dirigé par le petit-fils de son fondateur, M. Alexandre Cailler.
À partir de 1895, M. Alexandre Cailler, grâce à l'active collaboration de son beau-frère, M. Jules Bellet (mort en 1904), prit la direction de la firme qui devait acquérir, dans la suite, un grand développement. Les affaires furent considérablement augmentées. Les installations de Vevey ne tardèrent pas à devenir insuffisantes. La nécessité de trouver à la fois un centre d’approvisionnement en laits, à raison de la vogue croissante du chocolat au lait, et une force motrice puissante en même temps qu'économique, conduisit les chefs de la Société en commandite[324]F.-L. Cailler et Cie à jeter leur dévolu sur la Gruyère, où se trouvaient réunies plusieurs des conditions indispensables à l’exploitation de l’usine nouvelle.
Le village de Broc, dont nous avons déjà noté la situation topographique, fut choisi pour l’établissement de la fabrique construite en 1898. Cette localité répondait à la double préoccupation de l’industriel Cailler, qui cherchait du lait et une chute d’eau.
Les eaux de la Jogne furent détournées sur la rive droite, au moyen d’un tunnel, long d'un kilomètre environ, débouchant vis-à-vis des usines. On eut ainsi une chute de 44 mètres de hauteur, procurant, à l’aide d’installations hydro-électriques, une force de plus de 2,000 H9. Les usines elles-mêmes furent construites et équipées tout spécialement pour la fabrication du chocolat au lait, et installées suivant les données les plus modernes, tant au point de vue de l’agencement industriel et mécanique qu’au point de vue de l’hygiène, de la salubrité et du bienêtre du personnel.
En 1900, le développement de cette entreprise nécessita encore sa transformation en société anonyme et elle porta dès lors le nom de Société anonyme des chocolats au lait F.-L. Cailler.
A son début en pays de Gruyère, la fabrique Cailler occupait environ 200 ouvriers. Ce nombre passa rapidement à 800, franchit le millier, pour atteindre, cinq ou six ans plus tard, le chiffre de 1500 ouvriers et ouvrières. Dès lors, c’est par l’introduction de machines automatiques que se traduisirent principalement et l'activité croissante de l’usine, et les progrès constants apportés soit dans la fabrication, soit dans le rendement des installations.
En 1911 se produisit une nouvelle transformation. Pour assurer une pénétration plus sûre de la marque sur les différents marchés du monde en vue de limiter les frais généraux et les dépenses pour la réclame, la Sociéteé anongme des chocolats au lai Cailler décida sa fusion avec la Sociéteé geéneérale des chocolals suisses Peter et Kohler réunis et la nouvelle organisation prit le nom de Peter, Cailler, Aohler, Chocolats Suisses, S. A.
La production des usines de Broc, depuis leur installation, fut la suivante :[325]


![La fabrique Cailler [notes annexes]](https://gallica.bnf.fr/iiif/ark:/12148/bpt6k6154186x/f413/548,195,1964,1339/full/0/default.jpg)
[326] La situation continentale de la Suisse, son manque de matières premières, font que l’industrie y a surtout dirigé son activité vers le travail des matières premières d'outre-mer (coton, laine, soie, cacao). Celles-ci, provenant de pays lointains, ne lui coûtent guère plus qu'aux pays voisins baignés par la mer4.
Cette considération, jointe au fait que la Suisse possède des laits ayant des qualités exceptionnelles, explique le grand développement de l’industrie chocolatière dans ce pays. Il est vrai que plusieurs fabriques de chocolat en Suisse durent s’incliner devant la puissance du capital des grands concurrents, devant les installations nouvelles, extrêmement perfectionnées, et devant la renommée dont jouissent quelques marques importantes. Plusieurs firmes ne luttent qu’avec peine et finiront par tomber devant la concurrence formidable qui leur est faite.
La statistique suivante de l’exportation des chocolats suisses (chiffres officiels) montre l’importance du développement de cette industrie.


[327] On peut, en outre, évaluer à 20 millions de francs par année la consommation indigène du chocolat suisse.
§ 18. DES DIFFÉRENTES INSTITUTIONS OFFICIELLES CONTRIBUANT AU BIEN-ÊTRE DE LA POPULATION OUVRIÉRE DE BROC ET DES ENVIRONS
Plusieurs lois fédérales, sans compter les dispositions du Code fédéral des obligations, ayant en vue, d’une manière spéciale, la protection des ouvriers en général, s’appliquent aux ouvriers de l’industrie chocolatière.
La première de ces lois est celle du 23 mars 1877, concernant le travail dans les fabriques. Cette vieille législation est actuellement en revision. Elle établissait les principes de la responsabilité du patron provenant de l'exploitation des fabriques, indiquait la durée de la journée, en la fixant à onze heures, excepté pour les industries insalubres. Cette loi a été complétée, en ce qui concerne la durée du travail, par celle du 1er avril 1905, qui, pour les établissements soumis à la loi sur les fabriques, fixe la journée de travail, le samedi et la veille des jours fériés légaux, à neuf heures, y compris le temps nécessaire pour les travaux de nettoyage. Le travail ne doit, en aucun cas, être prolongé après cinq heures du soir.
La fabrique Cailler a toujours respecté ces dispositions d'une manière scrupuleuse. Elle a même accordé le repos complet du samedi après midi et des veilles de jours fériés, en maintenant la journée de salaire intégrale.
La loi fédérale de 1877 interdit également le travail de nuit, c’est-à-dire entre huit heures du soir et cinq ou six heures du matin, et le travail du dimanche et des jours fériés.
Nous renvoyons le lecteur au texte de la loi pour ce qui concerne les dispositions du travail des femmes et des mineurs dans les fabriques.
Signalons également dans ce domaine la loi fédérale du 25 juin 1881 sur la responsabilité civile des fabricants, complétée par celle du 26 avril[328]1887, sur l’extension de la responsabilité civile, la loi fédérale du 26 juin 1902, concernant le paiement des salaires et les amendes dans les entreprises soumises à la responsabilité civile, conformément à la loi fédérale du 26 avril 1887.
Le 4 février 1911, le peuple suisse adoptait une loi relative à l'assurance en cas de maladie et d'accident. Dès son application — en 1914 probablenent — cette loi aura les plus heureuses conséquences pour la classe ouvrière5.
Outre les bienfaits de l’instruction primaire obligatoire, de l’apprentissage légalement organisé, les familles ouvrières jouissent de l’institution d’écoles ménagères, actuellement établies dans tous les centres importants du canton de Fribourg, en vertu de la loi additionnelle du 10 mai 1904 «ur l’instruction primaire.
L’article 1er du règlement général des écoles ménagéres du canton de Fribourg stipule qu’elles sont destinées à compléter les connaissances spéciales que les jeunes fllles ont acquises à l'école primaire. Elles y reçoivent des leçons de cuisine, de coupe, de blanchissage et de repassage, d’économie domestique, d’hygiéne et de jardinage. En principe, le cercle d'une école ménagère e mbrasse toutes les communes dans un périmètre tracé depuis le centre scolaire avec un rayon de quatre kilomètres. Le programme de l’enseignement comporte deux années d’études avec un jour de cours par semaine. Les élèves de chaque année sont divisées en groupes ou cours de douze au maximum. Toutes les jeunes filles émancipées de l’école primaire, vers quatorze ou quinze ans, et domiciliées dans une des communes du cercle sont astreintes à la fréquentation de l’école ménagère.
Cette obligation est sanctionnée par l'amende et la prison6.
Le principe de l’obligation peut paraître à première vue exagéré, mais les pouvoirs publics fribourgeois sont arrivés à la conviction que sans l’obligation il n’est pas possible d'obtenir des résultats atteignant l’ensemble de la population et les classes peu aisées, qui ont surtout le plus grand besoin d’une formation professionnelle que seule l'école obligatoire parvient à leur donner.
L’institution de ces écoles s’est heurtée, dans les débuts, à une certaine résistance de la part des populations, mais à l'heure actuelle l'œu[329]vre nouvelle a gagné les faveurs de toutes les familles qui comprennent l'importance de cette formation. Dans un centre industriel comme Broc, l’école ménagère a une utilité toute spéciale. La jeune fille, dès sa libération de l’école primaire, s’en va à la fabrique ; elle n'aurait dès lors plus l'occasion de s’initier aux travaux du ménage, si l’école ne venait suppléer à cette formation que, dans de nombreux cas, la famille ne donne plus.
La loi fribourgeoise du 14 novembre 1895, sur la protection des apprentis et des ouvriers, constitue la seconde tentative faite en Suisse en vue de réorganiser sérieusement l’apprentissage. La loineuchateloise est d’un an plus vieille.
L’apprentissage avait été désorganisé, nous le savons, par la suppression des corporations.
La loi fribourgeoise de 1895, comme du reste les lois d’un grand nombre d’autres cantons, poursuit quatre buts principaux : 1° rétablir l’obligation du contrat écrit entre le patron, l’apprenti et ses représentants légaux ; 2° déterminer les devoirs des patrons et des ouvriers ; 3° organiser l’enseignement professionnel destiné à compléter l’enseignement pratique de l’atelier ; 4° enfin donner une sanction à l’apprentissage par l’examen de fin d'apprentissage.
Nous ne pouvons ici développer les deux premiers points7. En ce qui concerne l’enseignement professionnel pour les apprentis de l’industrie et du commerce, nous devons nous borner à souligner le principe posé par les articles 37 et suivants de la loi de 1895, qui stipulent que des cours professionnels d’adultes sont établis dans les communes les plus importantes du canton et que la fréquentation de ces cours est obligaoire pendant toute la durée de l'apprentissage, pour tous les apprentis et apprenties domiciliés dans la commune ou l'arrondissement de com-munes où ils sont donnés. Les absences à ces cours sont punies de l'amende ou de la prison.
En vertu de l’article 9 de la loi de 1895, le patron qui veut s'adonner à la formation d'apprentis doit avoir été reconnu capable. Cette capacité est constatée par l’examen de fin d’apprentissage, qui est ainsi devenu obligatoire pour toutes les personnes qui veulent former des apprentis.
Les résultats des examens de fin d’apprentissage peuvent être classés en trois groupes, très différents, suivant les cantons. Le succès plus ou[330]moins grand des examens correspond à l'état d’avancement de la réglementation de l'apprentissage.
L’examen de fin d’apprentissage étant le grand moteur qui doit améliorer la siluation des apprentis, il s'ensuit que là où l'examen n'est pas obligatoire, les résultats sont, d'une façon générale, assez médiocres. Sans doute, les États confédérés qui possèdent des lois sur la matière, même sans l’examen obligatoire, ont réalisé certains progrès ; mais il n'en demeure pas moins vrai, comme on l'a dit souvent, qu'une loi qui n’institue pas l'examen obligatoire ne peut réaliser entièrement le but qu’elle poursuit. La faculté laissée aux apprentis de ne pas subir les épreuves inales constitue pour eux un oreiller de paresse et, d'autre part, dégage les patrons d'une partie de leur responsabilité, en ce qui concerne la préparation de leurs apprentis.
Il est réjouissant, dit le compte rendu des examens de fin d’apprentissage par l’Union suisse des arts et métiers pour 1904, de voir le vif intérêt que les autorités et les maîtres d'état portent à cette institution dans bien des contrées où de grandes difficultés financières et locales mettent obstacle à son organisation. D'un autre côté, nous avons le regret de constater que, dans quelques grandes villes, où la participation est pourtant rendue si facile, beaucoup de patrons manifestent la plus compléte indifférence à l’égard des examens de fin d’apprentissage. Si l’obligation n’y existait pas pour les éiéves des ateliers d’apprentissage et des écoles professionnelles ou pour les apprentis des ateliers de l'État et des communes, a fréquentation serait vraiment pitoyable. L’obligation des examens est le seul moyen de vaincre cette indifférence.
Le canton de Neuchtel, après une expérience de dix-huit ans, a été amené à introduire l’obligation des examens. Cet État avait un service de surveillance de l’apprentissage bien organisé, et cependant 50%, des apprentis échappaieut au contrôle de l’examen final.
La participation aux examens dans les grands cantons de Berne, de urich et de Lucerne, avant l’introduction des lois imposant l'obligation de l'examen, était de 10 ou 20%, seulement du nombre des apprentis. Dans le canton de Lucerne, par exemple, le nombre des participants est monté de 42 à 120, soit une augmentation de 185%, sous le régime de l'examen obligatoire.
Le rapport de l’Union suisse des arts et métiers pour 1907 constate que le nombre des participants aux examens est monté de 2,825 qu’il était en 1906 à 4,33 ; l’augmentation est donc de 53,3%, elle doit être attribuée à l’introduction des lois bernoise et zurichoise sur l'apprentissage. En[331]1909, le chiffre des participants a de nouveau subi un accroissement ; il est monté de 4,80 à 5,14. C’est une augmentation de 7%, bien que l'obligation n’ait été décrétée dans aucun canton durant l’année.
La statistique du nombre des apprentis ayant subi l’examen (de 1877 à 1910, il y a eu 40,325 participants) permet de constater que l’assertion fréquemment répétée, que, par suite de la législation sur les apprentissages, la formation des apprentis est en décroissance, repose sur une erreur. La diminution du nombre des patrons se vouant à la formation des apprentis, fait incontestable dans un certain nombre de métiers, tient à des causes d'une tout autre nature.
Parmi les autres résultats d'ordre général que procurent les examens de fin d'apprentissage, nous devons signaler ceux qui se rapportent :
1° Aux apprentis ; 2° aux maîtres d’apprentissage ; 3° à l’amélioration des professions et à l’organisation des examens.
L'examen de fin d’apprentissage est un stimulant pour l’apprenti, surtout lorsque, grâce à l’obligation de ces épreuves, tous sont atteints.
L’apprenti qui vient d’entrer dans un atelier, à un âge où il n'a pas encore l’expérience de la vie, éloigné de la maison paternelle, a besoin d’être encouragé dans son travail par la perspective et la nécessité d’un but à atteindre. L’examen provoque, non seulement l’application, le zèle à l’atelier, mais oblige encore le jeune homme à développer ses connaissances professionnelles et son instruction primaire. L'organisation de l’enseignement professionnel et des cours de dessin a été singulièrement facilitée par la sanction de l’examen qui tient compte de l’instruction professionnelle. Dans le canton de Neuchâtel, on a constaté, avantl’existence de la loi sur la protection des apprentis, que la participation aux cours publics de dessin, de langues, de technologie des métiers, de coupe, etc., pouvait être considérée comme nulle. Neuf ans après la mise en vigueur de la loi, on voit que, sur le nombre des apprentis venus des centres aux examens professionnels, 76% en ont profité d’une manière assidue.
L’examen de fin d’apprentissage est une sanction pour le patron. Celui-ci sera classé par les organes de surveillance dans la catégorie des bons ou des mauvais maîtres d’apprentissage, suivant les résultats obtenus par ses élèves. Dans les cantons de Fribourg et de Neuchâtel, pour ne citer que ces deux exemples, les noms des patrons sont publiés à côté des résultats des examens. C’est là une bonne ou une mauvaise réclame pour une maison.
Comme sanction des examens obligatoires, le conseil d’tat du canton du Valais a décidé que les adjudications de travaux ne seraient accor[332]dées qu'aux patrons établis avant le 1er mars 1904, et à ceux qui, depuis cette date, auraient obtenu leur diplôme de fin d’apprentissage. Le service des apprentissages a demandé à toutes les communes du canton de prendre la même décision.
Les examens de fin d’apprentissage constituent des indications précieuses au point de vue du relèvement des métiers, de l'établissement des programmes d’apprentissage et du perfectionnement de l’organisation même des examens.
Il suffit de parcourir les résultats des examens des différentes professions pour se rendre compte des lacunes qui existent dans de nombreux ateliers, en ce qui concerne l’outillage, les procédés de fabrication, l’organisation de la vente, etc. Les pouvoirs publics, les organisations professionnelles, trouvent dans ces rapports des documents précieux pour guider les patrons, les apprentis et les parents.
Combinés avec la fréquentation obligatoire des cours professionnels, les examens ont l'avantage, non seulement de perfectionner le savoir théorique de l'apprenti, mais encore celui de lui faire abandonner la routine. On remarque avec plaisir, en ces dernières années, que bon nombre de jeunes gens qui ont obtenu leur diplôme ont à cœur de faire leur tour de France. Grâce aussi à l’action des fondations en faveur de l'apprentissage, les apprentis qui subissent d’une manière distinguée les examens vont se perfectionner à l’étranger. On a observé que lorsqu’ils rentrent au pays pour s’y installer, leurs travaux sont excellents, aupérieurs à ceux de leurs devanciers qui ont fait un apprentissage sous le régime de la liberté absolue. Les notions qu'ils ont acquises dans le dessin, dans la partie théorique du métier, etc., leur sont d’un précieux secours pour leur perfectionnement.
Cependant les apprentis de certains métiers qui ont passé leur examen avec succès sont, parfois, de médiocres ouvriers. Dans les ateliers on s’attendait à mieux de la part de possesseurs d’un diplôme de fin d’apprentissage.
Il faut encore observer que nos lois ne peuvent donner les résultats qu’elles n’ont pas préparés. Beaucoup d’apprentis sont encore formés par d'anciens patrons routiniers et peu qualifiés. Ce n’est que progressivement, en tenant compte du développement de l’école professionnelle, qu’il sera possible d'exiger une plus grande somme de connaissances, une plus grande habileté chez les apprentis8.
[333] Les premières heures de la restauration de l’apprentissage furent difficiles. L’action bienfaisante de la loi fut entravée par le mauvais vouloir de tous les intéressés. Les patrons désiraient une loi qui leur donnât une autorité plus grande et leur impost moins d’obligations ; en un mot, ils trouvaient les charges trop lourdes. Les apprentis avaient peine à se plier aux exigences nouvelles et ne voulaient pas voir les avantages de l’école professionnelle. Dans tous les cantons, l'application des lois fut pénible lors de la mise en exécution. L'amende et la prison durent avoir raison des récalcitrants. Grâce à l'action des associations professionnelles qui appuyèrent les efforts des pouvoirs publics, grâce aussi aux excellents résultats acquis, nous pouvons dire aujourd’hui que la situation nouvelle est acceptée par la grande majorité des patrons et des apprentis.
Nos autorités législatives ne firent pas fausse route en votant les lois sur l’apprentissage, et si tous les succès prévus ne couronnent pas encore les efforts, il faut faire crédit à notre législation de quelques années d'expériences pour lui permettre son plein et entier développement.
Il y a cependant un domaine dans lequel l'ensemble des résultats est particulièrement réjouissant et bien tangible : nous voulons parler de l’amélioration des rapports entre patrons et apprentis, de la protection efficace qui a fait cesser le plus grand nombre des abus dont les apprentis étaient victimes sous le régime de la liberté absolue. Les patrons sont également mieux protégés dans l'exercice de leurs droits. A ce point de vue, nos lois sont parvenues à changer, d'une façon très heureuse, la mentalité des intéressés.
Nous pouvons dire que la législation sur l'apprentissage, combinée avec l’action des associations et de l’initiative privée, donne au patron la conscience de sa situation de maître d’apprentissage et met l’apprenti en face de sa condition d'élève. C’est là, nous semble-t-il, le grand résultat obtenu et son importance mérite d’être soulignée et retenue.
§ 19. DES DIFFÉRENTES INSTITUTIONS PRIVÉES CONTRIBUANT AU BIEN-ÉTRE DE LA POPULATION OUVRIERE
Nous avons noté déjà que la direction de,la fabrique avait créé une série d’œuvres en vue du bien-être physique et moral de son person[334]nel. Sans vouloir instituer des œuvres de charité, on a cependant compris que tout ne devait être fait uniquement ni par l’ouvrier, ni par le patron. La coopération des intéressés est intervenue pour édifier ce beau faisceau d'institutions qui ont pour but de venir en aide à la classe ouvrière dans les circonstances dilficiles de la vie, à préserver l'ouvrière contre les multiples dangers dont elle peut devenir victime.
En 1907, la direction de la fabrique créait un service médical gratui. Un cabinet de consultation fut installé dans la fabrique même. Il est ouvert chaque jour durant la matinée. Ouvriers et ouvrières peuvent en bénéficier pendant les heures de travail. Durant la premiére année, la statistique des consultations médicales données à la fabrique accuse les chiffres suivants :

En 1911, il y a eu 3,199 consultations et 536 visites à domicile.
Cette institution a produit de très heureux effets, au double point de vue de l'hygiène et de l’économie du personnel. Celui-ci recourant plus facilement aux services du médecin, grâce aux facilités qu'il rencontre, a été mieux soigné, son rétablissement a été plus prompt et le nombre des journées perdues pour cause d'incapacité de travail s’en est trouvé sensiblement diminué. Le fait que les ouvriers peuvent consulter un médecin sur place, pendant les heures de travail, sans subir de retenue de salaire, a réduit la durée du chômage dû à la maladie ou aux accidents.
Devançant une des excellentes dispositions de la loi fédérale sur les assurances en cas de maladie et d’accidents, la fabrique Cailler a institué l'allocation d'un secours pour accouchement. L’ouvrière qui relève de couches reçoit, lorsqu’elle reprend son travail régulier, une somme de 50f.
Ces allocations ont été distribuées à 17 mères de famille en 1907, à 47 en 1908, 43 en 1900, à 40 en 1910, à 37 en 1911, soit, pour les cinq années, une distribution totale de 9,650f.
Parmi les œuvres sociales créées par la fabrique Cailler, il faut citer surtout la société de secours mutuels en cus de maladie. Tous les ouvriers et toutes les ouvrières y sont affiliés. Les hommes payent 1f par mois et les femmes 0f 75. Grâce à ces cotisaticns et aux allocations de la Direction — ces dernières ont atteint, pour 19i1, un montant de 6,243f — la caisse de secours en cas de maladie paye à ses membres tous les[335]frais de traitements (médecin et pharmacien) et accorde une indemnité journaliére de 1f 50 pour les hommes et 1f pour les femmes.
Sur ces bases la société a distribué en indemnités :

Signalons une autre institution sociale importante de la fabrique : la Caisse de preogance en faveur du personnel. Cette œuvre est exclusivement alimentée par la Société Peter, Cailler, Kohler et ci-devant par la Société Cailler. Le capital de cette caisse est destiné, dans un avenir plus ou moins éloigné, à fournir une pension de retraite aux ouvriers et aux ouvrières.
En 1907, il a été versé à ce fonds une somme de 50,000f. Il est alimenté, depuis quelques années, par les sommes versées à titre de gratifications au personnel, et prélevées sur les bénéfices annuels de l'entreprise. Ce fonds s’élevait, au 3t décembre 1911, à 384,143f 45.
La caisse de secours en cas de décés a payé aux familles des employés décédés les sommes suivantes :

Cette caisse est fornée par contributions du personel de la fabrique lors de chaque décès (50 centimes par personne), et par un versement de la Société Cailler s’élevant à 10 % de la contribution du personnel. Il est payé aux familles des employés décédés une somme de 350f. Le surplus des cotisations et de l'allocation est versé au fonds de réserve de la caisse.
Un grand nombre d’ouvriers et d’ouvrières de la fabrique de Broc sont recrutés dans les villages des environs. Ils ne peuvent donc pas rentrer à midi pour aller prendre leurs repas en famille. En vue d’éviter des dépenses à son personnel, et pour lui permettre de trouver le repas de midi dans de bonnes conditions, la Société a fait installer, en juin 1907, une cuisine ouvriére, dans un réfectoire de la fabrique. Elle a pris à sa charge les frais de premier établissement. Un comité choisi dans le per[336]sonnel a procédé à l'organisation et les repas se sont, dés lors, succédé sans interruption, chaque jour ouvrable. Le repas de' midi (dîner) est composé d’un potage, d’une viande, d’un légume et de pain ; il coûte 50 centimes, ou 30 centimes, s’il ne comprend qu'une soupe, un légume et du pain.
Cette cuisine a été fréquentée, au début, par 64 ouvriers. Ce chiffre s'est élevé ensuite à 120 et 130 et est tombé, pour y demeurer ensuite, à une centaine. Sur un personnel de plusieurs centaines d'hommes et de femmes, c'est peu, et il semble qu'on ne s’est pas encore rendu compte de la valeur d’une alimentation régulière, abondante et à bon marché.
Au début de la fabrique, bien des abus ont été constatés chez les teneurs de pensions ouvrires, et principalement dans les pensions donnant logement et nourriture à des Italiens. Ceux-ci étaient arrivés nombreux à Broc dès le début de la fabrique Cailler. Cet élément a été remplacé, en ces dernières années, en grande partie du moins, par l’élément indigène.
Les neuf dixièmes des jeunes filles italiennes arrivées à Broc, dans les années 1903 1908, venaient de la région des Apennins appelée « Frignano » et comprenant, dans l’arrondissement de Pavullo, les communes de Sestolla, Farrano (province de Modène), et de Lizzano, et Montese (province de Bologne). Quelques-unes, peu nombreuses, viennent de Parme et de la Toscane. Ces jeunes filles, surtout celles de la montagne, sont arrivées avec des caractères timides, elles étaient embarrassées dans leurs larges habits aux couleurs vives ; elles avaient besoin de protection et de surveillance pour les préserver de l’influence socialiste. Elles étaient embrigadées, dès leur arrivée en Gruyère, par des compatriotes intéressés à les avoir en pension, et sans qu’ils eussent le moindre souci de leurs autres besoins.
Des personnes dévouées et soucieuses du bien-être de la population ouvrière comprirent toute l’importance qu’il y avait de s’occuper d'elles, pour leur assurer une bonne pension, en les confiant à des familles sérieuses. Néanmoins, beaucoup de jeunes filles placées dans des pensions particulières manquaient de surveillance ; les soins de propreté et d'hygiène étaient méconnus, et on ne s'occupait guère de la moralité ; la nourriture était mauvaise ; une promiscuité effrayante régnait sous l’œil bienveillant du chef de pension qui se taisait, par crainte d'être abandonné de ses pensionnaires. Ces pensions particulières donnaient lieu à d'autres abus encore ; elles servaient de rendez-vous à la jeunesse italenne des deux sexes et de lieux où l’on vendait clandestinement des[337]boissons. Elles furent le théâtre de rixes, dans lesquelles le couteau joua un rôle sanglant.
Pour remédier à ces graves inconvénients et à ces réels dangers, la fabrique Cailler créa à Broc le Home pour les jeunes filles mineures de toutes nationalités qui ne prenaient pas la pension dans leur famille ou chez un proche parent. C'est l’entreprise Cailler qui a construit et meublé cette pension et en a confié la direction aux Révérendes Sœurs de Menzigen. Les locaux du Home sont vastes, bien éclairés, bien aménagés. Les jeunes filles y trounvent une seconde famille, et les pensionnaires de cette institution sont, au dire des contremaîtresses de la fabrique, les plus soumises, les plus actives au travail, les plus fidèles, les plus consciencieuses et surtout les plus propres. La moralité est l’objet des soins les plus vigilants. Les socialistes combattent cette institution. Est-ce peut-être à cause de l’ordre et de la protection que la vertu rencontre dans cette maison ? Nous aurions bien des motifs de le croire.
Le Home peut loger environ 170 jeunes filles. Celles-ci payent 0f80 par jour pour la nourriture, l'éclairage, le blanchissage. Outre les trois repas principaux, elles reçoivent du pain qui est mangé pendant les interruptions courtes du travail, à dix heures et à quatre heures. La fabrique fait une retenue de 0f 10 par semaine et par ouvrière, à titre de location des locaux. S’il se produit des déficits dans l’exploitation du Home, c'est encore la Société Cailler qui en prend la responsabilité.
Le Home est dirigé par huit religieuses, payées par la fabrique.
Au début de l’installation de l’usine Cailler, il avait été créé, dans un village voisin, une pension pour les ouvrières italiennes, confiée à une direction laique. Cette institution, qui avait êté favorisée également par la Société Cailler, ne donna gure que de mauvais résultats et elle fut supprimée après quelques années d'existence.
Nous mentionnerons encore, parmi les oeuvres créées par la direction de la fabrique, le payement des salaires aux ouvriers qui, chaque année, font une période de service militaire de treize jours.
§ 20. DES M0TIFS 0UI DÉTERMINÈRENT LE CHOIX DE L'EMPLACEMENT DE LA FABRIQOUE CAILLER
« Ici, comme en cent autres endroits, c'est la houille blanche qui a attiré les capitaux et les efforts de l’industrie moderne. » Ainsi s'exprimait M. Charles Huit. C'est exact, mais pour moitié seulement.
[338] A côté de la houille blanche — nous dirons tantôt pourquoi l'endroit choisi est favorable à la création d’une usine électrique — Broca été désigné comme emplacement de l'usine, parce qu'il se trouve au centre d'une contrée riche en lait, et en lait de première qualité. L’excellence des herbages des paturages de la Gruyère a fait, depuis longtemps, la réputation du fromage de gruyère et les chocolats fins qui sortent des usines Cailler suivent la réputation mondiale du « Gruyère », grâce, en partie du moins, aux qualités du lait qui entre dans la fabrication des produits de cette marque.
Nous avons noté que l’usine Cailler a été construite à quelque cent mètres de l’embouchure de la Jogne, dans la Sarine, c’est-àdire à l’extrémité de la vallée. Cette rivière a une pente relativement raide et surtout irrégulière (en escaliers ou paliers successifs). Par la forme resserrée en plusieurs endroits et comme étranglée de la vallée, cette rivière se prêtait très bien (comme tous les torrents alpins) à une exploitation électrique.
Si on considère également le régime de la rivière, on constate que l’emplacement choisi est excellent. En effet, durant toute l'année, la Jogne peut fournir de l'eau : celle-ci provient de l'infiltration à travers la roche calcaire. Cette eau est sans doute plus abondante en été, à cause des pluies fréquentes qui sont amenées par les vents humides de l’ouest qui viennent heurter la montagne (le versant nord-ouest du massif de Brenleire est exposé au « Regenschlag »).
A l’étiage, l'eau de la Jogne suffit à la production de l’énergie électrique nécessaire à l’usine Cailler; mais lorsque les eaux sont basses, il doit être fait appel à une usine électrique, située également en Gruyère, l’usine de Montbovon.
§ 21. DES BIENS COMMUNAUX, SUIVANT LE RÉGIME DE LA LOI FRIBOURGEOISE
La loi sur les communes et paroisses, du 19 mai 1894, statue que les biens communaux forment le domaine public de la commune. Dans les communes qui disposent de ressources ordinaires suffisantes pour faire face aux dépenses publiques, l’administration communale peut distribuer des lots de bois ou des terres communales, gratuitement ou contre payement plus ou moins modique. Pour être admis à cette jouissance des bénéfices communaux, il faut être bourgeois de la commune,[339]majeur, chef de ménage ou d’établissement, domicilié dans la commune pendant la plus grande partie de l'année et avoir une économie séparée.
Si celui qui est admis à la jouissance d’un bénéfice communal meurt habiles à continuer sa jouissance, ses héritiers ont le droit, dès que les travaux de culture ont été exécutés en vue de la prochaine récolte, de recueillir celle-ci et de participer aux répartitions faites dans le courant de l'année, à condition de remplir les obligations du défunt et de verser dans la caisse communale un montant équivalent à celui de la valeur locative du lot et à la valeur des répartitions dont ils profitent, calculées au prorata du temps qui reste à courir.
La part du bénéflce communal ne peut être saisie pour dettes autres que celles qui sont dues à la commune à titre d’impôt, redevances ou prestations publiques (art. 268v.
Celui qui néglige la culture de son lot de terrain communal peut en être privé (art. 269) par décision du conseil communal, sous réserve de recours au préfet.
Le partage des lots de terrains communaux est soumis à une revision générale, au moins tous les trente ans
Dans les communes fortunées, ces lots (parchets) sont très utiles, spécialement aux familles pauvres. Ils leur permettent de cultiver quelqurs légumes, des pommes de terre, en particulier, et de récolter des fourrages pour la nourriture d'une ou deux chèvres qui fournissent une partie du lait nécessaire au ménage.
Cependant, la loi de 1894, voulant éviter les dangers et les inconvéniente qui existaient antérieurement, a posé en principe (art. 259) que les biens communaux sont essentiellement destinés à pourvoir aux dépenses locales ou générales que la loi met à la charge des communes (assistance des pauvres originaires de la commune, frais d'instruction primaire, entretien des chemins communaux, etc.). Les conseils communaux pourront, si les besoins de l’administration l’exigent, frapper les bénéfices communaux d’un impôt, qui ne peut jamais atteindre les bourgeois admis à l'assistance publique. Le conseil d'litat pourra aussi, sur le préavis du préfet, après examen de la situation administrative et des besoins publics de la commune, ordonuer cet impôt. Dans les cas extraordinaires, lorsque les intérêts publics de la commune l’exigent, le conseil d'État peut ordonner la vente d’immeubles communaux, aux conditions qu’il détermine. Il peut, de même, dans le but de favoriser[340]les progrés agricoles, ordonner le partage trentenaire des terres vaines ou pâturages susceptibles de culture.
§ 22. DU RENcEERISSEMENT DE LA VIE
Dès 1910, le problème du renchérissement de la vie s’est posé d’une manière impérieuse en Suisse comme dans tous les pays environnants. En octobre 1910, le Conseil fédéral suisse s'occupait du malaise qui lui était signalé de différents côtés, à la suite du renchérissement des denrées alimentaires, malaise qui frappait toutes les classes de la population. Dans son Message à l'assemblée fédérale du 23 mars 19119, cette autorité dit qu’elle a étudié, d'une manière approfondie, les conditions d’alimentation en Suisse et qu'elle a chargé les légations suisses à Berlin, à Vienne et à Londres de lui adresser des rapports sur ces mêmes conditions en Allemagne, en Autriche-Hongrie et en Grande-Bretagne.
« Constatons d’abord, dit le Message précité. que, dans ce moment-ci, on peut bien parler chez nous de cherté de la viande, mais non de la rareté ou de disette proprement dite. Il faut donc bien distinguer entre ces expressions. Les causes de la cherté de la viande sont à peu près les mêmes que celles du renchérissement des denrées en général. Ce sont ;
1. La dépréciation générale de l'argent.
2. L’augmentation plus grande de la consommation comparée à la production.
3. L'augmentation des frais de production due au relèvement de la valeur foncière et à la majoration des salaires.
4. La demande plus forte, depuis quelques dizaines d’années, de la plupart des articles nécessaires à la vie, provoquée par des exigences plus grands de la population dans son ensemble, par la création de nouveaux débouchés et, surtout aussi, par le mode d’alimentation toujours plus exclusif de notre peuple. »
Cet intéressant document ajoute A ce propos, nous ne pouvons nous empêcher de dire, au risque de soulever des protestations, qu'en général notre alimentation est trop riche et, en même temps, mal comprise. Il y a là un double danger de la plus haute importance au point de vue de[341]l’économie nationale, et contre lequel la physiologie moderne a, depuis longtemps, mis en garde. »
On a prétendu, en Suisse comme ailleurs, que les droits élevés grevant les denrées alimentaires étaient la cause du renchérissement de ces articles. Or, le citoyen suisse paye en douane, pour 10 kilos de chacune des denrées suivantes : froment, seigle, orge, avoine, fèves de cacao, café, thé, sucre, beurre et saindoux, qui toutes occupent une place importante dans l’alimentation, 0f 50 environ, aiors que l’Allemandpaye 3f 10, TItalien 5f57, Autrichien 5f 20, le Français 5f 45 et l'Anglais libreéchangiste 1f 77.
Le grand débat sur le renchérissement de la vie en Suisse a porté principalement sur l’augmentation du prix de la viande.
Le Conseil fédéral, dans son Message aux Chambres, s’exprimait de la manière suivante : « Il y aurait un moyen bien simple de faire baisser chez nous le prix de la viande, ce serait d’ouvrir toutes grandes les frontières à l'entrée du bétail de boucherie et à l'importation de toutes les viandes et préparations de viande, telles que les fournissent en masse les pays riches en bestiaux (Amérique, Australie, Argentine, Nouvelleélande), et qui comprennent d’abord la viande congelée. Mais la libre entrée du bétail sur pied et des viandes de toutes catégories, abstraction faite du tort porté à notre agriculture, présenterait un réel danger au point de vue de l'hygiéne publique. Nous ne saurions nous résoudre à prendre une mesure de ce genre. Mais nous ferons notre possible pour donner suite aux vœux des consommateurs. »
La production animale ne suffisant pas à couvrir complètement les besoins de l'alimentation de notre population, l'importation de la viande congelée a été autorisée, sous certaines réserves et conditions.
Nous ne pouvons songer à exposer plus en détail la question de l'augmentation du prix de la vie en Suisse, mais nous donnons, dans le tableau suivant, une comparaison du prix des denrées qui étaient principalement consommées par la famille monographiée, entre les années 1908 et 1912. Le budget subirait du fait de cette hausse une maioration de 150f 34, provenant surtout du renchérissement de la viande.

L'augmentation totale serait de fr. 150,34
[342] La Société de consommation de Broc vendait, en 1912, la viande de bœuf congelée pour bouillir au prix de 1f 10 le kilo. On constatera la différence considérable entre ce prix et celui de 2f payé pour la viande de bœuf livrée par la boucherie du pays.
§ 23. DE LA RÉGLEMENTAITION DE LA DANSE DANS LE CANTON DE FRIBOURG
La réglementation de la danse est très ancienne dans le canton de Fribourg. Le texte de l’article de la loi du 1ff juin 1804 nous donne la raison et la justification de cette législation un peu spéciale, dans les termes suivants : « L’expérience ayant suffisamment démontré les dangers des danses et divertissements publics aux jours de dédicaces particulières (anniversaire de la dédicace des églises paroissiales) et de fêtes de patrons, soit d'églises paroissiales, soit de chapelles, et le concours auquel ces fêtes donnent lieu entrainant presque ordinairement des rixes, batteries et scandales, toute danse publique et vogue relative à cette solennité est absolument défendue dans le canton, à l’exception des trois jours de la édicace générale qui tombe sur le second dimanche du mois de septembre, et qui ne pourra être transférée sur un autre jour. La danse ne commencera le dimanche qu’après les vêpres et finira les trois jours une demi-heure avant la nuit. »
Les contraventions à cette disposition étaient punies d’une amende de 100f.
Un décret du 10 août 1829 défend la danse, « les dimanches et fêtes de commandement », cela à deux exceptions près.
[343] Sous le régime radical qui gouverna le canton de 1847 à 1856, les dispositions de la loi sur la danse furent adoucies, puis rendues plus sévères par les lois de 18064 et de 1878.
La réglementation de la danse a surtout pour but la répression des progrès de l’alcoolisme, en empèchant les tenanciers d’établissements publics de tirer profit de ces réjouissances pour attirer un plus grand nombre de consommateurs. On ne peut nier non plus que la danse offre des dangers au point de vue de la moralité, si l’on songe qu’elle se pratique souvent dans des lieux propices à la débauche et par des personnes dont les sens sont excités par l’alcool.
La loi actuelle sur la danse, du 11 décembre 1882, pose quatre grands principes :
1° La danse publique, c'est-à-dire celle qui a lieu dans les établissements publics soumis à la loi sur les auberges, ou daus les dépendances d’une auberge, ou encore dans son voisinage immédiat, est réglemeutée et ne peut avoir lieu qu'à des époques fixées par la loi. La danse est libre jusqu’à huit heures ou onze heures du soir pendant les trois jours de la vogue générale (fête communale annuelle), le dimanche et les deux jours suivants, soit en septembre pour une partie du pays, et en octobre pour l'autre.
Le préfet, sur le préavis du conseil communal, accorde celui des deux permis dont l'heure de clôture est en rapport avec les usages reçus dans la contrée ou la localité.
Par contre. toute danse au delà de onze heures et tout bal masqué restent soumis à une contribution. Cele-ci est de 35f pour le permis de danse jusqu'à quatre heures du matin, et de 100f pour un bal masqué.
2° La danse est entièrement défendue :
a) Dans tout le canton, huit jours avant et huit jours aprs Pâques, le jour de l'Ascension, le dimanche de Pentecôte, de la Prière générale et de Noél;
b) Dans les communes où la religion catholique est dominante, depuis le premier dimanche de l’Avent jusqu’à Noêl, pendant le Carême, pendant la semaine des ogations et l’octave de la Fête-Dieu, les jours des Quatre-Temps et du patron de la paroisese, enfin aux fêtes de l’Assomption et de la Toussaint ;
c) Dans les communes où la religion évangélique réformée est dominante, les jours de communion et pendant le temps de préparation aux communions.
La danse publique peut être interdite les autres jours fériés, savoir :[344]a) Dans tout le canton, les dimanches (sauf celui de la vogue générale) et le jour de la Circoncision ou nouvel an.
b) Dans la partie du canton qui professe le culte catholique, les jours de l’Épiphanie, de la Purification, de l’Annonciation, de l'Immaculée Conception, dans chaque paroisse le jour de la fête de la Dédicace.
3° La danse peut être autorisée par le préfet du district. Cette autorisation est soumise à une contribution en faveur du fonds d'école de la commune.
Elle est de :

Le préfet peut refuser l’autorisation de danser :
a) Aux chefa d’établissements (auberges, bains, « pintes », cafés, brasseries, etc.) qui, dans les douze mois qui ont précédé, ont été punis pour contravention à la loi sur les auberges ;
b) A ceux qui seront reconnus hors d'état de faire par eux-mêmes la police dans leur établissement;
c) Les jours de foire ou de grand concours, lorsqu’il est à prévoir qu’une surveillance suffisante ne pourra être exercée;
d) Lorsque la danse offre des inconvénients dans la commune.
Ce refus doit être motivé, et il y a recours de cette décision au conseil État.
4° Toute danse sans autorisation est punie d’une amende égale à la contribution afférente à l'heure à laquelle elle a été prolongée ou à la danse elle-même. En outre, la contribution est payée à la commune.
La prolongation de la danse au delà de l’heure fixée dans le permis est punie d’une amende de 25 à 35f.
Pour les contraventions commises les jours où la danse est entièrement défendue, l'amende est doublée.
§ 24. DE LA PRODUCTION AGRICOLE DANS LE CANTON DE FRIBOURG
Nous ne songeons pas, en écrivant ce titre, à faire un résumé, même sommaire, du vaste sujet qui mériterait une étude complète, mais bien à en tracer les grandes lignes.
[345] Le canton de Fribourg, au point de vue de la production agricole, peut être divisé en deux grandes zones : la plaine et la montagne. Dans l’une comme dans l’autre, la culture fourragère domine, mais, dans la plaine, la culture des céréales est plus abondante qu’elle ne l’est dans la partie montagneuse.
La montagne, surtout celle du pays de Gruyère, grâce à l'excellence de ses pâturages, a donné à l’agriculture, à l’élevage du bétail et à ses produits laitiers une renommée mondiale.
Dès le xvr siècle, l’agriculture dans le canton de Fribourg — comme, du reste, dans l’ensemble de la Suisse — semble prendre une allure plus commerciale. Le paysan commence à travailler pour le marché et non plus uniquement pour l’alimentation de sa famille Ainsi que le fait justement remarquer M. Villiam E. Rappard10, le paysan suisse ne travaille plus directement pour soi, mais pour autrui, son ambition n’est plus de posséder l’exploitation la plus variée et la plus complète, mais bien celle qui lui rapporte le plus grand profit. Il se spécialise dans la branche de l’agriculture où l’écart entre les frais de production et les prix de vente est plus considérable. De plus, il tend à préférer les méthodes de culture qui lui permettent le plus de produit net, et, s'il est intelligent, c’est avec une impatience croissante qu'il subit les prescriptions traditionnelles de l’alternance des récoltes, de la vaine pâture et de l'usage collectif des communaux.
« Comment l’économie générale se ressent-elle de cette transformation des conditions de la production agricole? Les pâturages s’étendent aux dépens des champs de blé. La nation exporte toujours plus de fromage et de bétail, mais elle se nourrit toujours plus généralement de pain étranger. » Cette tendance s'accentue encore durant le xxf siècle.
La configuration du sol est certainement un élément prépondérant dans la répartition de l’activité agricole, dans les districts montagneux du pays fribourgeois. Durant la belle saison — du 20 mai au 10 octobre, — une partie du bétail occupe les pâturages élevés de la montagne : c’est le bétail alpé ». Il rentre dans les étables de la plaine vers la mioctobre, mais comme le nombre des têtes de bétail doit être proportionné aux ressources des fourrages engrangés, il s’ensuit qu’une partie doit être livrée au commerce. C’est à l'alpage que se fabrique le meilleur fromage. La réputation du « gruyére » réside en grande partie dans le fait[346]que les meilleures « parties » de ce produit proviennent de la monta-gne.
« Le principal centre de production fromagére en Suisse, au xvur siècle, écrit encore . WIliam E. Rappard11, paraît avoir été la Gruyère et Gessenay (pays limitrophe de la Gruyère), d’où l'on exportait annuellement, en France, par Genève, dès 1790, environ 30,000 quintaux de fromage12. De nombreux Fribourgeois avaient émigré à Lyon pour y établir l’entrepôt général de ce commerce13. La France n’était cependant pas le seul débouché de la production fromagère. On exportait aussi des quantités considérables de fromage en Italie, à dos de mulets, par le Grand Saint-Bernard, et le nom de Gruyère était fameux dans toute l'Allemagne, en Espagne, dans les Balkans, en Orient et jusqu’en ÉgNte. »
Dès le commencement du XXe siècle, la production laitière va en augmentant. Les associations fromagères se multiplient. Les cultivateurs d'un village ou d'un hameau s’associent, btissent une laiterie ou « fruitière » avec l’aide de leurs seules ressources ou parfois avec le concours financier de la commune. La société engage un « fruitier » chargé de la fabrication du fromage. Chaque sociétaire vient verser son lait, « couler » et retire sa part de petit-lait et de beurre. A la fin de la campagne, les fromages sont vendus en gros. Après avoir prélevé le salaire du « fruitier », l’excédent du bénéfice est partagé entre les associés. Ce régime subsiste encore dans plusieurs communes.
Dans le pays de Gruyère, les montagnards louent des pâturages et des vaches ; ils passent la saison d’été à la montagne avec le troupeau. Le fromage est vendu en gros à des marchands et le produit sert au paiement des fermages.
Le bétail « alpé » de par son séjour sur l'alpe, s’améliore et acquiert une plus grande valeur marchande. L’élevage du bétail, favorisé par les progrès d’une meilleure instruction professionnelle et par l’action des syndicats, a eu comme résultat, depuis trente ans, une augmentation considérable de l'activité de cette branche de l’économie nationale. Il est[347]vrai de dire que la mise en vigueur de la loi fédérale du 22 décembre 1893 a contribué puissamment à ce résultat.
L’article premier de cette loi statue que la Confédération (le pouvoir central de la Suisse) contribuera à l'amélioration de l'agriculture, notamment en favorisant les institutions créées et les mesures prises dans le même but, par les cantons et les sociétés agricoles. La Confédération favorise, par l’octroi de bourses, pouvant s’élever jusqu’à 600f par an, les éléves qui se destinent à l'enaeignement de l’agriculture ou au génie agricole.
Des subsides fédéraux importants sont affectés à seconder les efforts des cantons pour doter les campagnes de bons taureaux reproducteurs ; à augmenter l’effectif des femelles (vaches et génisses) reproductrices et à en améliorer la qualité ; à une participation aux frais de création de syndicats d’élevage et à des primes décernées pour les familles et grou-pes de bétail reproducteur dont la descendance serait établie par un registre d’élevage régulièrement tenu ; à subventionner la participation de la Suisse aux expositions de l'espéce bovine qui ont lieu à l'étranger ; à l'amêlioration de l’espèce chevaline.
La Confédération accorde une subvention annuelle régulière aux cantons qui possèdent ou qui ont l'intention de créer des écoles théoriques et pratiques d’agriculture et des cours d'agriculture d’été ou d'hiver et qui soumettent le programme de ces écoles à lIa sanction du conseil fédéral.
Des subventions fédérales sont êgalement allouées aux cantons qui engagent des professeurs itinérants d'agriculture et organisent des conférences itinérantes et des cours spéciaux sur des matiéres agricoles, de même qn'à ceux qui font procéder à des inspections de fromageries, d'étables et d'alpes ou à d'autres enquêtes tendant à l’amélioration de l'agriculture.
La Confédération accorde son appui financier, suivaut les besoins, à la création et à l'exploitation de stations laitières, de fromageries modéles et de stations d'essais pour l’arboriculture, la viticulture et autres stations d'analyses et d’essais agricoles, à l'amélioration du sol, aux scciétés et syndicats agricoles.
Ainsi que le montre le tableau suivant, les efforts des pouvoirs publics ayant en vue le développement de la production agricole et l'améliora-tion de la capacité de rendement de notre agriculture sont remarquables.[348]
![Subsides de l'État et de la Confédération en faveur de l'agriculture dans le canton de Fribourg de 1870 à 1910 [notes annexes]](https://gallica.bnf.fr/iiif/ark:/12148/bpt6k6154186x/f436/328,299,2316,1242/full/0/default.jpg)
Notes
1. M. Jean Brnhnes cite le village de Broc comme un exemple particulièrement remarquable d'un village installé et allongé sur le méplat régulier de grandcs terrasses quaternaires. La géographie humaine, 2° édit., IParis, 19l2, D. 156.
2. Voir l’intéressant chapitre » La maison de bois » de l’Furope frestiére dans le magnifique ouvrrage déjà cité de M. Jean Bruhnes (2° édit., p. 89 et sui.).
3. Voir notre étude : La loi suisse sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents, dans le ouvement social, numéros 8 et 9, aoùt et septembre 1912.
4. Voir notre ouvrage L'apprentissage en uisse, le milieu, p. 22 et sui. Louvain, Peeters ; Faris, Larose et Tenin ; Fribourg, Gschvend, 1910.
5. Voir notre monographie : La loi suisse sur l'assurunce en cas d'accidents, dans le Mouvmeent social.
6. Voir le compte rendu du premier congrès de l'enseignement ménager, tenu à Fribourg en 1910.
7. Voir notre ouvrage L'apprentissage en Suisse, Paris, 19l0.
8. Consulter, sur ce point, notre ouvrage : L'upprentissge en Suisse.
9. Voir Feuie fdérale suisse, année 1911, vol. II, p. 474.
10. Le facteur écononique dans 'avénement de la dénocratie moderne en Suisse, p. 207. Genéve, 1912.
11. Op. cit, p. 56.
12. Andreae, l763, Brief aus dr Schci: nac lanorer geschrieben in dena ahre f 763 2 edit. urich et Wiuterhur, 1776. Cité par Rappard.
13. Diesbach, 1899. La chronique scandaleuse des miséres qui ont agité la maistratre, a bourgcoisie, les terres anciennes et Ia meture partie des bailliages du canton de ribourg en f 78 e 2, par François-lgnace de Cas-tella, publié et annoté par Max de Diesbach. Fribourg, 1899.