N° 92 bis

PRECIS DUNE MONOGRAPHIE

PECHEUR-COTIER

MAITRE DE BARQUES

DE L'ARCHIPEL CHUSAN (CHINE)

OUVRIER-PROPRIÉTAIRE, CHEF DE MÉTIER DANS LE SYSTÈME DU TRAVAIL SANS ENGAGEMENT

d'après

LES RENSEIGNEMENTS RECUEILLIS SUR LES LIEUX EN 1857

PAR M. G-EUGÈNE SIMON

Consul de France à Fou-Tchéou

COORDONNÉS

PAR M. PAUL ESCARD 1



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Observations préliminaires définissant la condition des divers membres de la famille

Définition du lieu, de l'organisation industrielle et de la famille

§ 1. ETAT DU SOL, DE L'INDUSTRIE ET DE LA POPULATION

[061] Les côtes chinoises offrent un développement de plus de quinze cents lieues ; et, en avant de ces côtes, une foule d'îles s'échelonnent les unes [062] à la suite des autres, depuis le fond du golfe de Tong-King jusqu'aux bouches du Mang-Tsê-Kiang. Parmi ces archipels, celui de Chusan est, entre tous, d'une prodigieuse fécondité. Après l'agriculture et la navigation, on peut dire qu'il n'y a pas en Chine d'industrie plus répandue que celle de la pêche. La nature des lieux l'a voulu ainsi. C'est d'abord la longue étendue des rivages, offrant dans de nombreuses et profondes anfractuosités des abris commodes et sûrs. C'est ensuite, en avant de ces côtes, la multitude des îles qui s'alignent en files ou se groupent en archipels. En outre, dans l'intérieur, ce sont des fleuves aux cours larges et puissants, d'innombrables rivieres et de grands lacs ; enfin, jusque sur les hauts plateaux de la Mongolie, des lacs salés où se rencontrent des représentants de la faune marine. De telles conditions naturelles, dans un pays aussi peuplé que la Chine, où les besoins sont si impérieux, ont fait depuis longtemps de l'exploitation des eaux l'une des principales industries de la population.

Aussi le poisson entre-t-il pour une part importante dans la nourriture ordinaire. On estime que chaque Chinois consomme par an de 20 à 25 kilogrammes de poisson sec ou salé. Le chiffre de 20 kilogrammes peut être considéré comme une moyenne pour toute la Chine, car il n'y a pas de localité qui ne puisse être approvisionnée, soit en poisson see qui s'expédie partout, soit en poisson frais dont toutes les rivières abondent.

En admettant que la Chine contienne 400 milions d'habitants, on voit qu'il ne lui faudrait pas moins de 8 milliards de kilogrammes de poisson par an, valant trois à quatre milliards de francs. Il y a donc là une branche d'industrie fort considérable, qui occupe environ huit à dix millions d'hommes. Malgré l'effrayante destruction qu'implique une pareille consommation, le poisson croit et se multiplie partout en abondance. Il n'y a pas de flaque d'eau formée par les dernières pluies où il n'apparaisse bientot ; il n'y a pas de rivières qui ne soit prête à fournir son contingent, et quant aux grands lacs, ce sont les plus beaux viviers que l'on puisse rêver. Mais, de ces viviers, il en est trois qui sont d'une merveilleuse richesse : le lac Po-Yang, qui a 32 lieues de tour ; le lac Tong-Ting qui en a 80; et, dans la mer, l'archipel Chusan.

Rien de plus beau, de plus grandiose que le lac Tong-Ting au jour levant. A sa surface flottent les vapeurs de la nuit, qui se divisent bientôt aux premiers rayons du soleil, et s'en vont au gré d'un vent léger puis apparaissent dans le lointain, sur le bleu verdatre du ciel, des montagnes qui s'élèvent du milieu de ses eaux ; bientôt surgissent[063]de tous côtés des essaims innombrables de voiles blanches. Ce sont les barques des pêcheurs ou des acheteurs qui se rendent dans les cantonnements ; par leur mouvement tranquille, elles donnent à tout l'ensemble du spectacle une animation paisible, d'un charme singulier.

L'archipel Chusan ou Tchou-San, qui se trouve en face de la côte orientale de la Chine, au sud de Shanghai, est situé par 29°56' et 30°10' de latitude Nord; l'extrémité de l'île principale touche au 120° degré de longitude Est2. L'aspect en est tout à fait spécial. On ne voit pour ainsi dire rien que par surprise ; à peine a-t-on aperçu un convoi de petites barques qu'il disparait derrière l'une des quatre-vingts îles dont l'archipel est composé, et l'on ne découvre les cantonnements qu'au moment presque où l'on est déjà engagé au milieu des rues de ces grandes cités flottantes.

Un des cantonnements les plus importants de l'archipel Chusan est celui de Kin-Shan, île située aux confins du groupe et au nord de la grande île de Chusan. Il y a là quatre mille barques de toutes grandeurs, parmi lesquelles sont ceelles des pêcheurs que la présente monographie se propose d'étudier.

La famille de Seng-Kong-Chan, ainsi que celles de cinq ou six cents de ses confrères, habite au village de So-Kong-San (ou Zo-Kong-San), qui se trouve au nord de Ning-Po, dans la province de Tchê-Kiang.

§ 2. État civil de la famille.

La famille se compose de cinq personnes :

1.SENG-OU-CHAN, né à Zo-Kong-San (§ 17)............ 42 ans.

2.Sa femme............ 40 —

3.Leur fils aîné, marié depuis un an............ 22 —

4.La femmede celui-ci............ 19 —

5.La plus jeune fillede Seong-ou-Chan............ 17 —

Le fils n'a pas encore d'enfants. Il est resté dans la communauté. Une première fille, âgée de 20 ans, est mariée comme son frère aîné : le cultivateur qu'elle a épousé demeure à cinq lieues de So-Kong-San. La seconde fille est fiancée à un pêcheur propriétaire.

§ 3. Religion et habitudes morales.

[064] Malgré les obstacles que leur profession oppose à l'exercice du culte des ancêtres, qui est le fond le plus sérieux3des croyances des Chinois, il faut pourtant reconnaître que, chez les pêcheurs, ces croyances, avec leur cortège de superstitions, paraissent plus vives encore que dans les autres classes de la populatio. Ainsi, pour rien au monde, ils ne manqueraient à chaque départ et à chaque arrivée, oû qu'ils aillent et d'où qu'ils viennent, de brûler au moins quelques pétards et quelques paquets de papier. Mais il serait dificile de dire à quelle intention, et si les uns, les plus intelligents, le font pour se rendre le ciel favorable, beaucoup d'autres, le plus grand nombre peut-etre, n'ont pour but que de conjurer le mauvais sort ou d'apaiser quelque divinité redoutable, surtout le mauvais dragon. Ce dragon a même des temples et des fêtes régulièrement instituées. Ainsi l'on voit parailtre ici avec plus d'évidence qu'ailleurs des superstitions qui ne semblent guère être, dans la plus grande partie des autres professions, que le triste privilège des classes les plus infimes et les plus ignorantes.

Seng-ou-Chan lui-même n'y échappe pas. Il est, en effet, maître de barques, et c'est lui qui, au moment du départ pour la pêche, réunit ses hommes ; puis l'on offre des prières au ciel et des sacrifices aux deux patrons des pêcheurs, afin de se les rendre favorables.

Les patrons qu'on invoque ainsi dans le Fo-Kien et le Tché-Kiang (province à laquelle appartient l'archipel Tchné-Kian), et probablement aussi dans tout le sud de la Chine, sont Yang-Fou et Tien-Feï-Kong. Kang-Fou a le pouvoir de pousser les poissons vers les filets des pêcheurs pour lesquels il se sent quelque prédilection. Quant à Tien-Feï-Kong, la patronne, c'était, il y a huit cents ans, sous l'empereur Yuen-You, de la dynastie des Soung, une jeune fille de dix-huit ans, qui. après un songe révélateur, sauva héroiquement un de ses frères naufragés. L'Empereur, admirant un amour fraternel assez puissant pour ins[065]pirer de tels pressentiments, ou révérant le don miraculeux que la jeune fille semblait avoir reçu du ciel, fit d'abord accorder à elle et à ses parents (à la vieillesse desquels elle se consacra) de grands honneurs. Puis, lorsqu'elle mourut, on continua de la célébrer et de l'invoquer au ciel. Depuis ce temps, c'est elle que la piété populaire charge de protéger les pêcheurs dans les mauvais temps ; elle a, ainsi que Yang-Fou, de nombreux temples où son image est placée, et l'on dit qu'elle a un grand pouvoir4. Les sacrifices qu'on offre à Yang-Fou et à Tien-Feï-Kong se composent d'une oie ou d'une poule (que l'on égorge au commencement de la cérémonie, et d'après certauins rites déterminés), de quarante-huit œufs, deux poissons, des légumes et du vin. On brûle aussi deux chandelles, autant de bâtons d'encens qu'il y a d'hommes, des paquets de papier, et l'on fait partir les inévitables pétards. Lorsque tous les aliments sont restés sur la table pendant un temps convenable, on y ajoute d'autres mets, et du tout on fait un festin auquel tout le monde prend part avant de commencer la pêche.

On pourrait ajouter, à ce qui concerne ces divers rites, les pratiques qu'on observe pour construire les maisons (§ 10). On consulte le Fong-Choueï. Mais qu'est-ce donc que le Fong-Choueï5 ? — II semble que ce soit une sortede système de géomancie fondé sur des observations empiriques ou qui paraissent telles aux Européens, faites sur les conditions topographiques qui doivent présider au choix du terrain sur lequel on se propose de bàtir une maison, d'édiier une sépulture, etc. Si ces conditions sont observées, on aura pour soi toutes les chances de bonheur ; s'il arrive au contraire que l'on ait à supporter une série de malheurs ou d'insuccès, c'est qu'elles auront été méconnues. Il ne faut point, par exemple, que le vent fong, venant de certains côtés, soit arrêté par un obstacle tel qu'une colline ou n'importe quelle éminence, tandis que l'on doit en opposer à d'autres vents de mauvaise influence. Il ne faut pas non plus que jusqu'à une distance déterminée un cours d'eau, chouei, coule parallèlement à la façade d'une maison. Si la situation et la topographie du terrain — plaine, val ou coteau — ne réunissent pas les circonstances favorables, les habitants élèvent à frais communs une [066] tour dont la hauteur est calculée d'après certaines données, afin de détourner les mauvais courants. On doit encore veiller à éviter le voisinage d'édifices ou de lieux d'ou les regards d'une personne pourraient plonger chez vous. Voilè quelques-unes des conditions du Fong-Choueï, mais il y en a beaucoup d'autres dont l'ensemble constitue une sorte de savoir exploité par des individus qui s'y adonnent spécialement et que l'on ne manque pas de consulter.

Ce sont là des pratiques extérieures : les Chinois croient-ils à leur efficacité ? A cette question ils pourraient répondre : Vous nous embarrassez beaucoup ; quelquefois nous croyons, souvent nous ne croyons pas. Quelquefois nous rions de ceux que nous voyons aller aux pêlerinages, et il nous arrive assez souvent d'y aller nous-mêmes, cela dépend6. Bref, on accomplit ces rites par habitude et la prospérité des habitants semble ressortir de eette fidélité au culte, fidélité plutôt machinale que réfléchie, mais avant tout intéressée. Ici comme souvent ailleurs, la religion n'est pas profonde chez les masses et la philosophie reste la part des lettrés. Le confucianisme contient de sublimes théories que le peuple adopte dans ce qu'elles ont de pratique. Quant au bouddhisme, il est professé par la majorité des Célestes depuis le 1er siècle de notre ère, quatre cents ans après la mort de Confucius, époque a laquelle le culte national était de nouveau envahi par les fausses pratiques dont l'avait dégagé l'illustre sage; mais il n'est pas, à proprement parler, pratiqué. Il n'est pas non plus la religion nationale : on est bouddhiste en Chine, comme beaucoup en France sont catholiques du fait de leur baptême et sans plus. Le culte, d'ailleurs, en est peu suivi, les Chinois préférant les cérémonies domestiques aux rites des « prêtres » boudhistes dans leurs temples.

§ 4. Hygiène et service de santé.

Tous les hommes de So-Kong-San sont d'une santé très robuste ; on comprend qu'en effet les faibles se tournent vers un autre métier. Aucun d'eux n'est jamais ou ne se dit jamais malade, caur on ne peut appeler maladies les légères indispositions qui ne résultent que d'un excès de[067]fatigue et que deux ou trois jours au plus de rapos à la cabane suffisent à faire disparaître.

Lorsqu'ils deviennent trop vieux pour les supporter ou lorsqu'ils sont atteints d'infirmités précoces, ils renoncent à leur métier et se font généralement cultivateurs soit à gages, soit pour leur compte. Ce dernier cas est le plus fréquent, car il est bien rare qu'un pêcheur, pour peu qu'il ait pu travailler pendant huit ou dix ans à la mer, n'ait pas plusieurs méous7de terre à sa disposition, à moins qu'il n'ait employé ses économies à quelque société de pêche. Ceci est fréquent, mais alors il trouve facilement à céder sa part, et de pêcheur il se fait cultivateur, sinon sans regret, du moins sans répugnance, et sans craindre les moqueries et les sarcasmes dont, dans certaines localités maritimes de la F'rance, les paysans et les pêcheurs se poursuivent réciproquement.

§ 5. Rang de la famille.

L'égalité la plus parfaite semble exister en Chine entre tous les citoyens ; les fonctionnaires seuls font exception à cette règle. Aussi ne pourrait-on établir de classement et assigner un rang à la famille dont nous nous occupons, qu'en divisant systématiquement la population maritime en plusieurs catégories d'après la richesse de ceux qui exercent la profession de pêcheurs. A ce point de vue, Seng-ou-Chan appartiendrait à la première ou au moins à la seconde de ces catégories, vu le nombre de matelots qu'il emploie et les bénéfices qu'il réalise.

Seng-ou-Chang, en effet, quoiqu'il continue encore son fatigant état de pêcheur, est assez riche, comme le prouve l'inventaire de ses propriétés.

Moyens d'existence de la famille

§ 6. Propriétés.

[068](Mobilier et vêtements non compris)

Immeubles............ 17,760f 00

1 maison à 5 « kiennes » (§ 10) et à un étage, 6,000f 00 ; — 34 méous de terre [plus de 2 hectares], dont 15 reçus en héritage, à 330f 00 l'un, soit 11,220f 00 ; — 3 cabanes de pêcheurs meublées, à 180f 00 l'une, ou 540f 00. — Total, 17,760f 00.

Argent. — La famille prête la plus grande partie de ses capitaux a 10 ou 12% (§ 8) aux autres habitants de la localité ; elle emploie le reste en spéculations qui lui rapportent 15 a 20%............ 40,000f 00

Somme reçue en héritage, 12,000f 00 ; — ressources provenant de l'épargne, 28,000f 00. — Total, 40,000f 00.

Matériel spécial des travaux et industries............ 20,786f 25

1° Mobilier et engins de pêche. — 6 grands bateaux avec leurs 3 bachots, 5,960f 00 ; — 2 autres petits bachots en mauvais état, 120f 00; — gréement des 6 bateaux, à 2396f 00 l'un8,376f 00. — Total. 20,456f 00.

2° Instruments de culture. — 1 pompe à pieds à 2 hommes (vieille), 20f 00; — 2 houes à 4 dents, 6f 00; — 2 houes à petites dents, 3f 40; — 1 râteau de rizière, 1f 60 ; — 4 seaux à engrais, 18f 00 ; — 2 petits seaux à engrais, 6f 00 ; — 1 grande cuillère à engrais, 1f 90; — 1 petite cuillère à engrais, 1f 40; — 2 faucilles, 6f00; — 1 vieille caisse à battre le riz, 12f00 ; — 2 jarres à engrais, 21f00. — Total, 100f30.

3° Ustensiles de greniers et magasins. — 2 nattes à battre le riz, 6f50; — 1 van, 24f 00 ; — 2 tamis, 2f 80; — 2 balais, 0f 30; — 1 pelle en bois, 1f75 ; — 6 sacs en toile, 6f 60; — 1 moulin à décortiquer, 9f 00 ; — 1 moulin à farine, en pierre, 27f 00; — 1 mortier en pierre, 2f 00 ; — 30 pots à conserves, 60f 00. — Total,158f 95.

4° Instruments pour la confection des tissus. — 2 tours à filer, 6f 00; — 1 métier à tisser, 35f 00; — 1 autre metier à tisser, 30f 00. — Total, 71f 00.

[069] ANIMAUX............ 195f 00

1° Animaux entretenus toute l'année. — 6 poules, 9f 00; — 1 coq, 2f 00 ; — 1 chien et 1 chat (p. mémoire). — Total, 11f 00.

2° Animaux entretenus unz partie de l'année. — 2 porcs gras, 184f 00.

Valeur totale des propriétés............ 78,741f 25

Indépendamment des propriétés rapportant un revenu ou employées aux industries, la famille, au moment où les observations ont été recueillies, avait des provisions en magasin pour une valeur de 1,971f50, ainsi réparties :

Denrées ou provisions en magasin. — 4,800 kg. de riz en paille, à 9f 00 les 61 kg., soit 708f 00 ; — 1,500 kg. de riz blanc, à 12f 00 les 61 kg., soit 295f 00 ; — 6,000 kg. de paille, à 0f 75 les 61 kg., soit 73f 50 ; — 80 kg. de poisson salé à 30f les 61 kg., soit 40f 00 ; — 60 kg. de porc salé, à 96f les 61 kg., soit 95f 00 ; — 400 kg de choux salés, à 8f 50 les 61 kg., soit 55f 00 ; — 144 kg. de sel, a 2f les 61 kg., soit 28f 00 ; — 200 kg. de vin. à 36f 00 les 61 kg., soit 16f 00: — 120 kg. d'huile, à 75f 00 les 61 kg., soit 147f 00 ; — 15 kg. de tabac a 1f 05 les 0 kg. 604, soit 26f 00 ; — 22 kg. de sucre commun à 0f 30 les 0 kg. 604, soit 11f 00 ; — 20 kg. de thé, a 1f 30 les 0 kg. 604, soit 43f 00 ; — 20 kg. de gingembre, à 13f 00 les 61 kg., soit 4f 00. — Total, 1,971f50.

§ 7. Subventions.

Dans tout autre pays que la Chine, — en Europe particulièrement, — la pêche est soumise vis-à-vis de l'Etatà des droits fort onéreux. En Chine, au contraire, on pourrait la considérer comme une subvention à peu près gratuite, malgré un faible impôt de 30f par barque, si elle ne nécessitait d'autre part une grande dépense de travail et de capitaux (§ 8).

La famille de Seng-ou-Chan ne semble donc jouir véritablement que d'une seule sorte de subvention : la récolte de la vase retirée des canaux, et qui est une fumure de premier ordre, presque équivalente à l'engrais humain dont les Chinois font, on le sait, un usage si habile et si impor

§ 8. Travaux et industries.

Si Seng-ou-Chan ne fait pas valoir lui-même tout son capital, et s'il en prête une partie au taux faible de 10 ou 12%. (§ 6), ce n'est pas par[070]philanthropie, mais par nécessité. La plupart du temps il est éloigné du village, presque séparé de la terre et des autres hommes ; il ne peut donc se livrer à des spéculations de quelque importance avec la suite indispensable, pour éviter de perdre ou d'être trompé. D'ailleurs, un peu loin des villes, les opérations de commerce sont moins actives et moins productives, de sorte qu'au fond le sacrifice que lui impose sous ce rapport son état de pêcheur n'est pas aussi grand qu'on pourrauit le penser. En outre, en prêtant à intérêt fixe, il choisit ses débiteurs, et, s'il retire moins, il est sûr de ne rien perdre. Pour les mêmes motifs, Seng-ou-Chan a renoncé aussi à faire valoir ses champs. Il n'en cultive que 8 méous pour s'occuper, lui et son fils, pendant les moments qu'ils viennent de temps en temps et à tour de rôle passer à la maison, lorsque l'époque des pêches abondantes est finie (§ 1er). Il loue le reste à raison de douze francs le méou. Quant aux femmes, dispensées de soins domestiques nombreux par suite de l'absence presque continuelle des hommes, elles n'ont à peu près à faire que leur propre ménage, mais elles emploient leurs loisirs soit à tisser des pièces de coton, soit à coudre ou à broder certains objets de leur habillement, tels que les souliers et les langes qui enveloppent leurs pieds (§ 13, note). La pêche est donc à peu près la seule industrie de la famille, et elle est pratiquée sur une assez grande échelle, puisque Seng-ou-Chan y emploie constamment six grands bateaux à deux mâts montés chacun par six hommes. Les Seng-ou-Chan, pour mieux entrainer leurs matelots, travaillent avec eu et comme eux. Ils ne s'absentent jamais ensemble de leur cantonnement de Kin-Shan où la pêche a lieu toute l'année, excepté pendant les deux ou trois mois de juin à septembre.

A l'époque de la grande pêche, qui, pour beaucoup, commence en octobre et se prolonge jusqu'en juin, on compte dans les cantonnements près de trente-cinq mille barques. A la pêche d'août, il y en a encore quinze ou vingt mille. On y vient de loin, du Fo-Kien, du Quan-Tong et même de Formose. On part ensemble par flottilles de cent cinquante, deux cents ou trois cents barques, et l'on s'arrête au bas de la rivière. Là on attend des bateaux armés de canons, dont nous parlons plus bas et qui doivent escorter les pêcheurs et les protéger contre les pirates pendant tout le temps de la pêche ; quand tout le monde est réuni, on profite de la première marée et l'on arrive ensemble au cantonnement de Kin-Shan. Le cantonnement est formé par les barques groupées deux aù deux et composant ainsi des quartiers avec de larges rues (d'eau) où l'on dispose les engins entre les files parallèles de bateaux.

[071] Les bateaux se suivent et pêchent ainsi deux à deux ; à terre (à Kin-Shan), ils ont une cabane pour deux : chaque paire de bateaux a un patron chef, qui est payé 45f par mois, un deuxième patron, qui est payé 36f, et dix hommes à qui l'on donne 1f par jour. Tous ont, en outre, la nourriture estimée à 0f 50 par jour ; et enfin il est accordé à chaque paire de bateaux, et pour être distribués entre les hommes qui les montent, 10% sur les bénéfices qu'ils produisent ; mais ceux qui quittent la peche avant la fin de la saison ou ceux qu'on est obligé de renvoyer perdent leur part, qui rentre dans la masse commune.

Une paire de bateaux peut rapporter jusqu'à 20,000 ou 22,000f, quand l'année est bonne, mais elle peut faire perdre aussi jusqu'à 2,500 ou 3,000f, car les frais sont considérables. La solde et la nourriture des marins par deux bateaux reviennent environ à 560 par mois, ce qui fait 5,600f pour les dix mois de pêche. Pendant les deux mois de repos, on garde, pour faire les réparations, les patrons et quelques matelots, que l'on paie comme s'ils étaient à la mer, ce qui fait encore 400f par paire pour chacun de ces mois. Il y a de plus l'intérêt annuel de la valeur des bateaux et du bachot, soit, à 10e, environ, 200f ; puis l'intérêt annuel de la valeur des gréements, à raison de 2,396f par bateau, ou 4,792f par paire, auxquels il faut ajouter la valeur de la cabane, meublée d'une table et de ses chaises, qui est de 180f. En tout 4,972f, représentant à 10 °/ un intérêt de 497f. Encore n'est-ce pas tout : chaque paire de bateaux coûte pour son entretien annuel, en gréement à remplacer, en peinture et réparations de tout genre, 600f. Enfin, il faut payer l'impôt et le droit de protection. Le premier est de 30f pour chaque grand bateau ou 60f par paire, et est payé aux mandarins. Le deuxième est payé à une compagnie qui a l'entreprise de la protection9et qui doit avoir un grand bateau armé de 2 canons et monté par 15 hommes au moins pour une moyenne de 30 grandes barques de pêcheurs. Ce droit de protection est de 120f pour chaque paire de grands,bateaux. Les autres paient de 36 à 72f.

[072] Les dépenses afférentes à une paire de bateaux peuvent donc se récapituler ainsi :

Main-d'œuvre pendant les 0 mois de pêche, 5,600f 00 ; — pendant les deux mois de repos, 800f 00 ; — intérêt à 10% de la valeur des deux bateaux, 200f 00; — intérêt à 10% de la valeur de deux gréements et de la cabane, 97f 00; — entretien et réparation, 600f 00 ; — impôt, 60f 00 ; — droit de protection, 120f 00. — Total, 7,87700.

Telle année (1866), chaque paire de bateaux, outre le remboursement de ces 7,900f de dépenses, a produit une recette de 6,000f. On regarde le chiffre de ces bénéfices comme une moyenne ordinaire, plutôt un peu faible. Comme le poisson se vend en moyenne à raison de 0f 30 le kilog., cette somme brute de 13 à 14,000f produite par chaque paire de bateaux correspond à une peche annuelle de 45,000 kilog. environ.

Bien que la pêche du poisson comestible soit le but quasi exclusif du travail de Seng-ou-Chan, les hommes qu'il emploie, de même que ses confrères de Kin-Shan, cherchent aussi à capturer des poissons dont les vessies natatoires servent à préparer de la colle ou même une sorte de vermicelle, ou souvent encore à falsifier des nids d'hirondelles.

On attaque et l'on prend également les petits requins ou les autres gros poissons qui passent à portée des harpons. Seng-ou-Chan obtient de la sorte 80 ou 100f pour 250 à 300 lilog. d'huile ; 1,200 ou 1,500f de vessies de poissons et une centaine de francs de peaux de requins.

Les pecheurs, une fois le poisson débarqué, ne s'en occupent que pour le vendre. C'est à l'acheteur aè le conserver et à lui donner les préparations nécessaires. Il y a à cet efet, a Kin-Shan et vis-à-vis de tous les cantonnements, de grandes glacières abondamment pourvues où l'on trouve, pendant presque toute la durée de la chaleur, de la glace à 0f 02 ou 0f 03 le lilog. Cependant lorsque la mer est tellement mauvaise que les acheteurs n'osent pas se risquer à venir de la terre ferme, il faut bien que le pêcheur assure la conservation de ses produits, mais ce n'est là qu'une exception rare.

Les accidents survenus dans le travail et les grosses avaries sont entièrement à la charge du maître. Si un des marins se noie pendant la pêche, la famille doit être indemnisée. L'indemnité n'est pas fixe : elle dépend des besoins que la mort de ce membre de la famille laisse en soufrance ; elle est plus forte pour un père de famille que pour un célibataire, pour un jeune que pour un vieux. Elle est en général de 4 à 500 pour un célibataire ; mais on a vu des maîtres de pêche condaumnés par les mandarins à payer jusqu'à 2,500 ou 3,000f pour un père de famille. Ces sortes de procès sont d'ailleurs très peu fréquents.

Mode d'existence de la famille

§ 9. Aliments et repas.

[073] Les provisions alimentaires sont distribuées, avant le départ de Soong-San, par la femme et la bru de Seng-ou-Chan, et renouvelées pendant la saison entre les mains du premier patron de chaque paire de bateaux. A l'arrivée à Kin-Shan, elles sont transportées dans les cabanes respectives, et la cuisine est faite par l'un des hommes.

Pendant la station à Kin-Shan, les pêcheurs font cinq repas par jour et six quand la pêche se prolonge dans la nuit. Les repas ordinaires ont lieu au lever du jour, à neuf heures, à midi, à quatre heures et le soir. Le riz et le poisson naturellement en font la base. La viande n'y entre qu'en très petite quantité, encore est-ce presque uniquement de la viande séchée des canards que tout l'archipel et surtout la grande île de Chusan élêve et fournit par centaines de mille. On y ajoute tantôt des légumes salés, tantôt des herbes marines (si-houi, espèce de varech), du fromage de pois10sec, du gingembre11, des pousses de bambous que la grande île Chusan produit aussi en abondance, et des coquillages.

On ne boit de l'eau-de-vie de riz que deux fois par jour : à midi ou une heure, et le soir.

§ 10. Habitation, mobilier et vêtements.

Les maisons sont construites en Chine d'une manière uniforme : on éléve de distance en distance des colonnes de bois sur lesquelles on dispose la toiture et on entoure le tout d'un mur cloisonné en briques. Un ienn est un de ces entre-colonnements. Comme ils ont toujours le même espacement, on connaît l'importance de la maison au nombre de « kienns ».

[074] L'habitation de Seng-ou-Chan en compte cinq. Elle est orientée nord et sud12et elle s'ouvre de ce dernier côté. C'est de là, dit-on, que souflent les vents les plus favorables ̀ la santé (§ 3).

Les trois cabanes ou baraques qui servent chacune aux douze hommes d'une paire de bateaux sont construites en bambous et en torchis. A l'intérieur, elles sont divisées en deux ou trois compartiments dont l'un sert de cuisine et de magasin et les deux autres de dortoirs. Chaque homme se construit un lit dans un angle, c'est-à-dire que, sur quatre piquets enfoncés en terre, il installe un caudre garni d'un treillis de chanvre de palmier sur lequel sa couverture est roulée. Chacun a le plus souvent deux couvertures qui ne sont pas de trop pendant l'hiver. Ces couvertures ainsi qu'un manteau en fil de palmier sont leur propriété personnelle, mais les cadres appartiennent à Seng-ou-Chan. Deux hommes couchent à bord de chaque bateau et sont remplacés la nuit suivante par deux de leurs camarades, dont ils prennent les lits. Le chef de famille et son fils s'astreignent à suivre en tout le même régime que leurs hommes (§ 13).

On remarquera, d'après les listes données ci-après, que les vêtements des deux hommes sont en double, ou du moins que chaque espèce en est représentée par un chiffre pair : le père et le fils doivent avoir, chacun, un égal nombre de vêtements ; de même pour la mère et la bru. Les vêtements des hommes ont presque moitié moins de valeur (501f) que ceux des femmes (901).

Meubles............. 1,143f50

1° Mobilier du salon ou chambre de cerémonie. — 1 longue table, 36f 00 ; — 1 table carrée, 30f 00 ; — 9 chaises, 30f 00; — 2 escabeaux, 12f 00; — 4 guéridons, 16f 00 ; — 1 tableau, 4f 00 ; — 1 autel des ancêtres, 22f 00 ; — 2 chandeliers d'étain. 14f 00 ; — 1 brûle-parfums, 41f 00. — Total, 168f 00.

2° Mobilier des chambres à coucher. — 1 grand lit, 1I50f 00 ; — 1 autre grand lit, 120f 00 ; — 2 petits lits, 60f 00 ; — 2 grandes armoires, 108f 00; — 4 couvertures, 120f 00 ; — 2 grands matelas, 24f 00; — 2 petits matelas, I8f 00; — 2 nattes, 5f 00 ; — 2 petites nattes, 2f 50 ; — 2 grands moustiquaires, 60f 00 ; — 2 petits moustiquaires, 32f 00; — 4 oreillers, 10f 00; — 2 tables, 36f 00; — 3 escabeaux, 18f 00 ; — 1 petite armoire, 15f 00; — 6 chaises en bambonu, 15f 00 ; — 2 coffres en bois, 21f 00 ; — 1 coffre en cuivre, 14f 00; — 1 paire de chandeliers d'étain, 12f 00 ; — 2 ehandeliers en cuivre, 5f 00 ; — 2 petites lampes, 1f 50 ; — 1 réchaud, 3f 00 ; — 2 lavabos vernis, 20f 00; — 2 chaises percées, 20f 00; — 1 autre chaise percée, 6f 00; — 1 cuvette en cuivre, 5f 00 ; — 1 théière de chambre en étain, 6f 00. — Total, 910f 00.

3° Mobilier de la cuisine. — 1 fournaau en briques à 3 foyers, 30f 00 ; — 1 ar[075]moire à vaisselle, 18f 00; — 1 table, 4f 50 ; — 1 longue table, 7f 00; — 6 chaises en bambou, ordinaires, 6f 00. — Total, 65f 50.

Ustensiles............ 149f 05

1° Ustensiles de cuisine. — 3 marmites en fer, 3f 60 ; — 2 marmites (petites). 3f 00; — 2 cuillères en cuivre, 1f 20; — 3 couvercles de marmite, 1f 05; — 1 paire de pincettes, 1f 50; — 3 pelles, dont 1 en fer et 2 en cuivre, 4f50 ; — 1 couteau de cuisine, 1f 50; — 1 grande jarre, 18f 00 ; — 1 petite jarre, 12f 00; — 20 pots à conserves, en terre, avec les couvercles en étain, 18f 00 ; — 50 tasses, 15f 00; — 20 assiettes, 5f 00 ; — 10 grands plats, 12f 00 ; — 50 paires de baguettes noires, 1f 00; — 100 paires de baguettes en bambou, 0f 50; — 20 petites tasses à vin, 1f50; — 2 grandes cuillères en porcelaine, 1f 00; — 20 tasses à thé, 6f 00; — 2 théieres en porcelaine, 9f 00 ; — 2 bouteilles à vin en étain, 12f 00. — Total,127 f35.

2° Objets divers. — 1 pipe à eau, 7f 00; — 1 pipe en bambou, 3f 00 ;— 3 parapluies, 4f 95 ; — 1 Souam pan (machine à compter), 1f50 ; — 7 eventails, 5f 00;— 1 écritoire, 0f 25. — Total, 2f70.

VÊTEMENTS............ 1,586f 50

VÊTEMENTS DES DEUX HOMMES (501f 00).

2 chapeaux de cérémonie, 20f 00 ; — 2 chapeaux en feutre ordinaires, 6f 00; — 2 bonnets de soie doublés (§ 22), 2f 00; — 4 cols, 2f 00 ; — 6 blouses-chemises, 19f 50 ; — 6 pantalons, 19f 50 ; — 4 larges pantalons-braies pour le travail, doublés et ouatés, 48f 00; — 4 calecons simples, 14f 00 ; — 4 pardessus ouatés, 36f 00; — 4 pelisses doublées, 18f 00 ; — 4 pardessus simples, 21f 00 ; — 6 paires de bas, 6f 00; — paires de souliers, 14f 00 ; — 4 gilets simples, 24f 00; — 2 ceintures de soie, 11f 00 ; — 2 ceintures de coton, 6f 00; — 2 manteaux doublés en mouton, 72f00; — 2 gilets doublés en mouton, 30f 00 ; — 2 robes de soie doublées, 84f 00; — 2 manteau limousines en fil de palmier, 12f 00. — Total, 501f 00.

VÊTEMENTS DES DEUX FEMMES (901f 00).

6 chemises, 36f 00 ; — 4 gilets ouatés, 48f 00; — 2 gilets doublés en mouton, 36f 00; — 2 pelisses doublées en mouton, 120f 00 ; — 2 tabliers jupons, 36f 00 ; — 2 tabliers jupons, plus ordinaires, 24f 00; — 4 tabliers coton, 14f 00 ; — 2 bonnets, 12f 00; — 4 robes de soie, 192f 00; — 2 pelisses de soie, 60f00; — 2 pelisses ouatées, en coton, 24f 00 ; —.2 grands manteaux ouatés, 72f 00; — 2 pelisses ouatées, 36f 00; — 4 grandes épingles d'argent, 24f 00; — 2 petites épingles d'argent, 7f 00 ; — 2 paires boucles d'oreilles, 15f 00; — 2 coiffures en cheveux, 8f 00 ; — 2 paires de bracelets d'argent, 18f 00 ; — 2 paires de souliers ordiaires, 5f 00 ; — 2 pelisses doublées en bourre de soie, 48f 00 ; — 2 paires de souliers de fêtes, 12f 00; — 2 ceintures de soie, 24f 00. — Total, 901f 00.

VÊTEMENTS DE LA JEUNE FILLE (148f 50).

Il épingle de tête en argent, 2f 50; — 1 bonnet soie, 4f 00 ; — 4 chemises coton, 9f 00 ; — 2 pantalons, 4f 00 ; — 1 pardessus ouaté, 11f 00 ; — 2 pantalons bourre de soie, 18f 00; — 1 robe coton, 12f 00; — 1 robe soie, 30f 00; — 1 ceinture soie, 6f 00 ; — 1 pardessus soie, 20f 00 ; — 1 ceinture coton, 3f 00 ; — 1 pelisse, 18f 00 ; — 1 gilet ouaté, 7f 00 ; — 1 paire de souliers ordinaires, 1f50; — 1 paire de souliers de fêtes. 2f50. — Total, 148f 50.

Objets divers. — Jarretières, linge de pieds, rubans, etc., 36f 00.

Valeur totale du mobilier et des vêtements............ 2,879f 05

§ 11. Récréations.

[076] Les pagodes en Chine ne sont pas seulement des temples : presque toutes, excepté celles qui sont affectées au culte des ancêtres ou au culte de la terre, sont plutôt des lieux de réunion, des cercles, placés sous l'invocation d'un patron choisi par la société ou par l'individu qui a fait construire l'édifice. C'est ainsi que dans chaque ville, chaque corps de métier a sa pagode, et que, dans les villes fréquentées par les voyageurs d'une autre province, il existe une pagode contenant un certain nombre de chambres destinées à les recevoir et à les loger (de même que dans beaucoup de nos monastères et couvents européens), s'ils ne veulent ou s'ils ne peuvent aller à l'auberge. Les voyageurs ont même la faculté d'y déposer leurs marchandises, et à certains jours de la semaine, on y tient marché. La pagode comprend, outre l'autel du patron auquel elle est vouée, des cours plus ou moins vastes et un théatre, où l'on appelle de temps en temps des troupes d'acteurs13.

Remarquons, à cette occasion, qu'en Chine le seul métier réellement méprisé, et qui rend méprisable quiconque le pratique, est celui d'acteur14. Mais il faut reconnailtre que l'art dramatique n'y est point compris et exercé comme il l'est en Europe et que les comédiens méritent assez leur mauvaise réputation dans le Céleste Empire.

Les pagodes de Kang-Fou et celles de Tien-Feï-Kong, à Kin-Shan, renferment donc un théatre sur lequel des troupes nomades viennent aux principales fêtes donner des reprèsentations. Il y en a du reste toujours quelqu'une en tournée dans l'archipel et rien n'est plus facile que de lae faire venir. C'est, pour les pêcheurs comme pour les autres Chinois, la distraction la plus recherchée, et ils l'aiment avec passion.

Il y a encore les jeux de cartes et d'autres jeux de hasard ; mais, bien que les matelots ne puissent s'y livrer que pendant les très mauvais temps qui les forcent à rester à terre, ils donnent lieu à trop d'inconvénients pour que les maîtres de pêche et les patrons de barques ne les surveillent et même souvent ne les interdisent d'une facon très sévêre.

[077] Quelques-uns en font une condition d'engagement. Seng-ou-Chan permet le jeu ; mais il exerce une surveillance, et, d'ailleurs, la plupart de ses matelots sont des hommes faits et mariés, qu'il connaît, qu'il emploie depuis longtemps et dont il ne redoute pas les excès.

Quant à Seng-ou-Chan et son ils, personnellement ils ne jouent jamais. Leurs dépenses de théatre sont, d'un autre côté, assez modérées : elles ne s'élèvent qu'à 18 francs par an. Pour le tabac, la consommation annuelle est de 90 ilos, qui coûtent 273 francs.

Histoire de la famille

§ 12. Phases principales de l'existence.

Seng-ou-Chan est le deuxième fils d'une famille de pêcheurs dont le chef est mort, il y a onze ans, à l'âge de soixante-deux ans, laissant une veuve qui mourut peu de temps après, à soixante et un ans, et cinq enfants, dont quatre garçons. La fille est mariée dans un autre village ; les trois autres frères habitent aussi So-Iong-San et sont également pêcheurs. Le partage des intérêts a été fait à la mort de la mère et ils vivent séparément.

Seng-ou-Chan devrait s'appeler ˉLo-Seng-ou-Chan, si les cinq ou six cents familles de o-long-San ne portaient pas toutes, comme lui, ce premier nom de Lo, qu'elles ont hérité du fondateur du village (§ 17), leur aieul. Il a quarante-deux ans ; il est marié et a trois enfants : un garçon et deux filles (§ 2). Il n'est pas seul l'auteur de toute sa fortune. A la mort de la mère, lorsque les enfants se partagèrent l'héritage, il eut pour sa part 15 méous de terre et 12,000 francs. Mais il a gagné le reste depuis lors, c'est-a-dire depuis onze ans.

§ 13. Mœurs et institutions assurant le bien-être physique et moral de la famille.

Parmi les avantages que la constitution sociale de la Chine assure à[078]la famille que nous venons d'étudier, il faut signaler d'abord le goût général de la nation pour le plus noble et le plus utile des arts, l'agriculture — art pratiqué quelque peu par les Seng-ou-Chan (père et fils) sur 8 de leurs 34 méous de terre (§§ 6 et 8) ; — ensuite, le respect de l'autorité paternelle (§§ 17,18 et 19), qui se traduit par le culte des ancêtres et la liberté testamentaire ; puis, le r̂le très important, quoi qu'on en pense en Europe, que joue la femme dans le ménage chinois, car elle y tient la bourse15, et aussi la précocité des mariages alliée à la vie en communauté de famille ; enfin, le petit nombre des fonctionnaires (à peine 1 par 400,000 citoyens)16et leurs sérieuses responsabilités : tel est le controle effectivement exercé sur les actes privés et publies de l'Empereur par la « cour de censeurs17; » et, en dernier lieu, la modicité de l'impot18, qui n'est que de 3 fr. pour chaque habitant.

Ajoutons maintenant que le caractère personnel du chef de famille, et en particulier sa persévérace dans un travail pénible (§§ 8 et 10), est la meilleure garantie de la prospérité des Seng-ou-Chan.

BUDGET DOMESTIQUE ANNUEL§§ 14 et 15. RECETTES ET DÉPENSES DE LA FAMILLE

Bien que le budget de la famille ne puisse pas être établi en détail, les observations très précises recueillies sur place permettent d'apprécier dans leur ensemble ses recettes et ses dépenses, et de dresser le compte des industries qu'elle exerce.

Éléments divers de la constitution sociale

FAITS IMPORTANTS D'ORGANISATION SOCIALE PARTICULARITÉS REMARQUABLES APPRÉCIATIONS GÉNÉRALES ; CONCLUSIONS

§ 17. LA TERRE ET LA FAMILLE

[082] La plupart des villages empruntent leur nom au plus antique cultivateur qui s'est établi dans le lieu ; et cette étymologie est même tellement commune qu'il semble que, dans le pays, tout le monde la connaisse. Cependant, ce nom de famille donné à tout un canton, consacré par les siècles, devenu — en s'étendant sur la surface au fur et à mesure qu'il se prolongeait dans le temps — le nom administratif, géographique, d'une partie du territoire, ce nom, par les effets qui résultent de son origine, mérite une sérieuse attention ; il exerce sur les meurs une influence considérable ; il y a là comme un air de féodalite sans que, pourtant, ce soit réellement féodal.

Les habitants de tel village sortent tous de cette antique maison, qui est la plus vieille de toutes ; et, à mesure qu'ils en sortaient, se sont établis au plus près. Aussi, le terrain qu'ils cultivent porte-t-il le même nom que cette maison et ce nom est le leur (§ 12). Ils sont donc bien chez eux, non pas chez un autre, et n'appartiennent qu'à eux-mêmes. De maîtres, ils n'en ont pas ; de chef, ils en ont bien, mais c'est celui de cette même vieille maison et ce n'est que pour cela qu'il est leur chef, c'est le père.

Essayez de faire sortir un Ouang-Ming-Tse, par exemple, du pays des Ouang ; propose-lui même, ailleurs, dans un autre pays, le double de ce qu'il possède chez lui; proposez-lui le triple, et ne craignez pas qu'il accepte.

[083] Sa terre aura beau être plus grande, ce ne sera plus sa terre autant que la première. Ce sera une terre des Mu — si c'est le pays des Mu que vous lui indiquez — appartenant à Ouang ; lui-même ne sera plus un Ouang, et il deviendra seulement M. Ouan; autant vaudrait proposer à quelqu'un de vendre sa nationalité. Cela est si vrai que dans les jugements de famille, la condamnation à l'exil se borne très souvent à l'exclusion du territoire habité par la famille. Cette peine suit. On en peut sourire d'abord, mais ensuite on comprend et on plaint l'exilé.

Il est à l'étranger, puisque l'étranger commence pour lui hors de la limite du domaine des siens. Ce n'est pas qu'il manque de tout ; en le condamnant à l'exil, on ne l'a pas nécessairement condamné à la pauvreté ni à la misere ; suivant les circonstances, on a pu lui permettre de réauliser ses biens et d'en emporter la valeur, d'emmener sa femme et ses enfants ; le père a même pu ne pas le déshériter et lui faire sa part de l'héritage, afin qu'il n'y ait plus rien de commun ; dans tous les cas, sa mère lui aura bien probablement glissé une partie de l'épargne du ménage, mais il n'est plus sur le territoire de la communauté : il est puni.

Ainsi l'on voit que c'est bien ici qu'on peut dire de la terre ce qu'en France on dit de la noblesse, à savoir : qu'elle oblige et qu'elle moralise.

Les filles sont exhérédées par la loi de tout droit aux immeubles de la famille, et par les mœurs de tout droit aux autres propriétés. Quand il y a des enfants màles, on donne aux filles, à leur mariage, un trousseau comprenant quelques meubles et proportionné à la fortune de la famille ; à la mort des parents, elles peuvent encore recevoir un souvenir, mais c'est tout. Cependant nul ne trouve mauvais que le père ou la mère leur fassent de temps en temps des cadeaux d'argent ou d'objets mobiliers, pourvu que cela ne fasse pas tort au patrimoine des enfants mâles. Quand il n'y a pas d'enfants males, elles héritent. Maintenant, en ce qui concerne les enfants males, la liberté du père est entière, aucune loi ne la règle ni ne la limite. Il peut faire de son bien ce qu'il veut et n'en doit compte à personne.... si ce n'est à tout le monde, c'est-à-dire à l'opinion publique, aux mœurs dont linfluence est si grande et se fait sentir à chaque instant.

§ 18. LE LIVRE DE FAMILLE EN CHINE

Quand un jeune homme est séparé du tronc familial et qu'il s'aventure, par caprice ou par force, au courant de la destinée, l'usage est, en Chine,[084]qu'il emporte avec lui une copie du livre de famille. Non pas pourtant du livre tout entier, il suffit qu'il remonte jusqu'au premier de ses ancêtres qui, s'étant trouvé dans les mêmes circonstances que lui, aura créé la ramification à laquelle il appartient ou, le plus souvent, jusqu'au quatrième ou au troisième aieul.

Revêtu du sceau du chef de la maison et de celui du chef du village, qui n'est lui-même presque toujours que l'aîné de la plus ancienne branche d'où proviennent tous les ménages environnants, ce livre constitue désormais les pénates et l'état civil du jeune homme. Si, par suite soit d'insouciance et d'imprévoyance, soit au contraire de la volonté du chef présidant le conseil de famille, il n'y a pas eu, avant son départ, de partage d'intérêts, ce livre lui réserve sa part dans les chances heureuses de la famille, comme il doit, d'autre part, enregistrer tous ses profits. Mais si la séparation d'intérêts a été prononcée, il ne lui donne droit à rien prétendre, et ce n'est plus que sur lui-même qu'il doit compter.

Cependant, et quoiqu'il le sache parfaitement, il lui semble, avec ce livre, n'être ni seul ni abandonné ; c'est là qu'il concentre maintenant ses souvenirs et ses affections. Puis il n'est pas un vagabond, et viennent des circonstances favorables, il fécondera ce germe d'une nouvelle famille. Le voilà prêt à faire souche à son tour. Il est né.

C'est un membre de la branche aînée qui est conservateur des archives de la famille et de la salle des ancêtres ; c'est lui qui inscrit les naissances et les décès ; c'est en ses mains que les petits-fils viennent déposer la tablette de leur aieul à la mort de leur père ; c'est aussi sous sa présidence que se célèbrent les fêtes et les anniversaires des ancêtres. A ces fêtes, ou du moins aux principales, le chef de chaque famille sans exception vient assister.

Là s'arrêtent les relations générales qui rattachent les familles les plus éloignées à la branche principale, et elles ne se resserrent davantage que suivant le degré de parenté, les sympathies particulières, l'analogie de conditions, etc. Inutile d'ajouter que si quelque membre avait besoin d'un secours urgent, il pourrait le trouver en s'adressant au chef des archives ; mais, en général, ce n'est qu'à la dernière extrémité qu'on se décide à l'invoquer. Tous les Chinois aiment mieux emprunter, même à des taux très élevés et à des étrangers, que de demander à des parents. Ce serait, en effet, d'après les mœurs, obliger ceux-ci ù prêter et pour cela peut-être a se gèner, car on ne connait pas exactement leurs moyens, ou encore à rougir de ne pouvoir le faire. Or, il est aussi mal d'avoir mis[085]quelqu'un dans le cas de rougir (ou, comme ils le disent, « de perdre la face ») qu'il serait mal à un parent de ne pas prêter quand il le peut.

Il y a encore une autre raison, c'est que, les mœurs interdisant de parent à parent l'intérêt de l'argent et l'emploi de la contrainte pour se faire rembourser, il faut bien prendre garde que celui à qui on s'adresse ne puisse soupçonner qu'on a l'arrière-pensée de profiter de ces empêchements. Et puis, si on ne pouvait pas rembourser, comment oser paraître sans rougir aux assemblées de famille, sous les yeux d'un créancier mécontent et besogneux Mieux vaut mille fois emprunter ailleurs : pour peu qu'on ait d'amis, il n'est pas difficile d'inventer quelque Hoei-Tsienn (petite société d'argent), dont il sera loisible aux parents de faire partie.

Mais qu'il s'agisse d'un procès, d'un litige quelconque, comme c'est un scandale et peut-être la ruine (car, hélasl les juges, sinon la justice, coûtent cher en Chine)19, il faut l'éviter à tout prix. Tout le monde s'unit ; la cause d'un seul devient la cause de chacun, et personne ne recule devant les sacrifices même diliciles. La famille se retrouve là tout entiere, et du côté du bon droit l'opinion, et malheur à qui la brave !

§ 19. LES RITES DU RESPECT ET DES FÈTES DE LA VIEILLESSE CHEZ LES CHINOIS

Les domestiques ont leur entrée dans la cour intérieure de la maison les jours de fête ou de cérémonie, où ils se présentent vêtus de leurs plus beaux habits, et tous ensemble font trois fois le Ko-Téou (prosternation) devant le chef de la famille seul, et deux fois devant les autres maîtres. Ils sont dispensés pour les autres jours de cette salutation. Mais les enfants l'observent chaque matin, et les vieux parents eux-mêmes de l'un à l'autre. Enfin tout le monde se réunit encore au salon pour les instructions que le Chinois, qui tient aux vieilles traditions, ne manque pas de faire.

Quelquefois on fête la cinquantaine, mais assez rarement ; l'on attend d'habitude la soixantaine. C'est alors pour tout le monde une occasion de distraction et de réjouissances : pour les pauvres, une occasion à libéralités. Tous les anciens du village, les jeunes et les propres enfants de la famille sont rassemblés dans la première cour, chacun revêtu de son[086]plus beau vêtement. Puis, à un moment donné, la porte s'ouvre, et deux messagers s'avancent : ils font le e-Teou et présentent les cartes de visite des principaux de ceux qui demandent à entrer. Puis la porte s'ouvre de nouveau, et des porteurs de présents s'avancent qui déposent leurs cadeaux. La porte s'ouvre encore, et ce sont des enfants, puis les anciens, puis tous les gens du village qui viennent deux à deux se prosterner en souhaitant au vieillard dix mille félicités et une longue vie. Celui-ci offre à son tour un immense repas et des représentations de théàtre-foire qui durent toute la journée et toute la nuit devant la maison. On renouvelle cette fête tous les dix ans, mais à soixante-dix ans elle est encore bien plus solennelle. Il est rare que les mandarins ne s'y associent pas, en envoyant au moins leur carte de visite ù l'heureux septuagénaire, et, quand ils veulent particulièrement l'honorer, ils vont en personne lui adresser leurs félicitations.

On voit combien le respect est pratiqué à l'égard de la vieillesse, non pas seulement par les enfants vis-à-vis de leurs aieuls ou de leurs parents âgés ni même uniquement de la part des domestiques envers leure maîtres. De hauts personnages le professent et ne croient nullement s'abaisser loin de là, en payant aux favorisés du temps le tribut de leur vénération. Le fait suivant, parmi bien d'autres analogues, le prouve encore d'une façon plus évidente. Le respect, du reste, y est dicté par une sincère gratitude.

Il y avait à ou-i-Mang. capitale de la province de oung-chéou (l'une des plus occidentales de la Chine), un pharmacien-médecin qui méritait d'être appelé le médecin des pauvres, car il ne leur faisait pas payer ses visites ou ses conseils. Quant à ses remedes, s'il les vendait, ce n'était pas pour y retrouver le prix de ses visites, mais seulement pour limiter ses sacrifices. Et même, depuis qu'il s'était fait chrétien, il ne les vendait plus. il les donnait. A la vérité, la pharmacie était bien quelque peu approvisionnée par la mission, mais ce n'était pas seulement aux frais de la mission qu'il se montrait généreux : il fournissauit aussi de lui-même des remèdes qui lui occasionnaient certaines dépenses.

Après le soin des pauvres, il avait encore la spécialité du traitement des enfants ; il les sauvait presque tous, et il y avait peu de familles dans la ville qui ne lui dussent la vie de quelqu'un des leurs. Il eut un jour, en particulier, le bonheur de guérir d'une maladie grave le jeune fils du gouverneur ; et, soit que cette cure ait coûté peu de frais, soit qu'il pensât, au contruire, qu'en refusant tous les présents du gouver[087]neur, la reconnaissance de celui-ci rejaillirait sur toute la chrétienté, il ne voulut point changer ses habitudes et n'accepta rien, malgré les instances qui lui furent faites.

On répête, entre autres aménités, que les Chinois ne sont pas reconnaissants ; mais ceux qui le disent seraient fort embarrassés de prouver leur jugement. La vérité est que les Chinois sont à peu près comme tous les autres hommes, et qu'ils n'ont le cœur ni plus haut ni plus bas. En tous cas, il parait que le bienfait du médecin pesait fort au gouverneur ; aussi bien s'avisa-t-il que ce brave homme ne devait pas être loin de sa soixante-dixiême année (il en était à la soixante-huitième). Et, deux ans après, qui fut étonné ? — Le généreux bienfaiteur.

Le gouverneur sortit de son palais avec toute la pompe des plus grands jours, entouré de tout son cortège — plus de deux cents personnes — faisant porter ses éventails, ses parasols, ses drapeaux, et accompagné de ses musiciens. Puis, suivi de tous les obligés du bon docteur, il se rendit chez lui, et le premier inclina le front jusqu'à terre devant le dévoué médecin ; et, pendant que le déilé continuait, il s'assit près de lui, fit suspendre au-dessus de sa tête une inscription d'honneur et enfin s'invita au dîner, auquel il prit part du meilleur appétit. L'épilogue de ce récit, c'est que le gouverneur, qui n'était point un méchant homme, a continué désormaisà être favorable aux chrétiens.

Notes

1. La Société d'économie sociale a cru intéressant, dans les circonstances actuelles, de publier quelques-uns des renseignements monographiques recueillis en Chine par M. E. Simon. Le temps, en effet, dans ce pays de la stabilité, n'en a pas altéré l'exactitude et la précision.

2. La capitale Tang Haï est au milieu de la côte méridionale de l'île Chusan, par 30°1' de latitude Nord et 9°45'50'' de longitude Est.

3. Ce culte ne parait pas être idolâtrique. Les offrandes que l'on fait aux tablettes familiales sont chose courante. Même aux vivants que l'on respecte, sans les adorer nullement, on présente, en certaines circonstances, de l'encens, des aliments, etc. C'est un signe de sympathie, d'intérêt porte à toute la gen (humanité), aux morts comme aux vivants, sans plus ni moins de vénération.

4. A Niéou-Tchang, en Mandchourie, il existe un temple aux murailles et aux plafonds duquel sont suspendus, en manière d'ex-voto, comme à Notre-Dame de la arde ou à Sainte-Anne d'Auray, une foule de modèles réduits de bateaux sauvés des naufrages par le patron du temple. Il en existe aussi sur beaucoup d'autres points du littoral.

5. G.-Eug. Simon, ˉLa Cite chinoiseˉ. Paris, 1891, p. 337, 338, 339.

6. Cf. G.-Eug. Simon, ˉLa Cite chinoiseˉ. Paris, 189l ; p. 68 et seq. — Il y a aussi en Chine des taouistes, des mahométans, des juifs et des chrétiens.

7. 6 ares 37 centiares (1 quinzième d'hectare).

8. Détail de la valeur du gréoment : 1 grand mat. 1I80f 00 ; — 1 petit mat. 60f 00; — 1 grande voile, 72f 00 ; — 1 petite voile, 36f 00 ; — vergues en bambous, 30f 00 ; — 1 ancre en bois, 240f 00 ; — 1 grande ancre en fer, 180f00; — 1 petite ancre en fer, 150f 00 ; — cordages, 120f 00 ; — 2 fourneaux en terre, 24f 00 ; — grandes marmites, 18f 00 ; — 3 cuillères en cuivre, 1 pelle en fer, 2 pelles en cuivre, 4 haches. 2 marteaux, 1 couteau, 60f 00 ; — 1 grand filet, 510f00; — 1 autre filet, 180f 00; — lignes de pêche garnies d'hamecons, 160f 00 ; — 20 harpons petits et grands, 60f 00; — 20 paniers à mettre le poisson, 60f 00 ; — 2 gaffes, 6f 00; — 1 gouvernail, 140f 00 ; — 2 grands avirons, 50f 00 ; — 2 petits avirons, 30f 00. — Total, 2,396f 00.

9. Rien n'est plus défectueux que ce système de protection en régie. Le cantonnement de in Shan en est un exemple ; pour les 4,000 barques de pêche qui y sont établies, grandes ou petites, il faudrait au moins 70 bateaux armés et 1,000a 1,200hommes. Or, il n'y a en réalité que 10 bateaux ; seulement, au lieu de n'être armés que de 2 canons et montés de 15 hommes, ils ont 4 ou 6 pièces de canon et 30 hommes. Ceux-ci, à défaut d'une surveillance sévère, se trouvent assez forts pour se transformer eux-mêmes, contre tonus leurs devoirs, en pirates à l'égard des malheureux bateaux qui passent sans défense à quelque distance des cantonnements, et attendent naturellement d'eux aide et secours en cas de danger.

10. Le Deu-Wou (ou Theou-vou) est une farine de pois jaunes fermentée et salée, puis réduite en pate (ˉLes ˉOuovriers des deux ondes, 1e série, t. IV, ne 30, Paysans en communauté du Ning-Po-Fou, note L, p. 152).

11. On assaisonne aussi avec la oia ou a Sauce noire, n connue maintenant des Occidentaux.

12. Cf. G.-Eug. Simon, ˉLa Cite chinoise, Paris, 1891, p. 338 et suiv.

13. Ces pagodes sont quelquefois fort belles. Celle de iang-Si, à Han-éou, était partout revêtue de porcelaines et de briques vernissées de diverses couleurs, et ses toits étaient en tuiles vernissées. La pagode de Fo-Kien, à Ning-Po, est une de plus riches de la Chine ; elle a coûté huit millions.

14. Ainsi que celui qu'exercent les débitants d'opium.

15. Notons bien ici que la mode en Chine, pour les femmes, de se serrer les pieds dans de petites chaussures courtes ne leur a pas été imposée dans l'intention de les retenir au foyer domestique : elles savent faire leur devoir sans cette contrainte, que du reste elles pourraient facilement éviter en sortant en chaise à porteurs. Mais l'origine en remonte, croit-on,. à une impératrice qui, pour cause d'infirmité ou pour tout autre motif, avait pris cette habitude et fut ensuite courtoisement imitée.

16. G.-Eug. Simon, ˉLa Cite chinoiseˉ. Paris, 891, p. 192.

17. Ibid.. p. 152 et suiv.

18. L'opium seul est soumis à une forte taxe : l'on veut par là détourner les Chinois de l'emploi néfaste de ce produit si abondamment importé par les Anglais civilisateurs.

19. Il est inutile de dire qu'il y a à cette règle de très nombreuses et honorables exceptions.