N° 8.
MANŒUVRE-AGRICULTEUR
DU COMTÉ DE NOTTINGHAM
(ANGLETERRE)
(Journalier dans le système des engagements volontaires permanents)
D'APRÈS LES
RENSEIGNEMENTS RECUEILLIS SUR LES LIEUX EN MAI 1856
PAR
M. J. DEVEY
CHEF D'INSTITUTION A RICHMOND
TRAVAIL TRADUIT DE L'ANGLAIS ET COORDONNÉ PAR
M. E. AVALLE Pp.
Sommaire
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Observations préliminaires définissant la condition des divers membres de la famille
I. Définition du lieu, de l'organisation industrielle et de la famille.
§ 1ᵉʳ. — État du sol, de l'industrie et de la population.
[373] La ferme à laquelle l'ouvrier est attaché dépend de la paroisse de M**, située dans la vallée de la Trent, comté de Nottingham, à 2 kilom. sud de Newark et 199 kilom. nord de Londres. La superficie du Nottinghamshire est de 212,504 hectares ; sa population, qui a doublé depuis un demi-siècle, est de 270,427 habitants. A l'exception des deux vallées de la Trent et du Belvoir, la surface du pays est généralement inégale et montagneuse ; 190,000 hectares environ sont en terres arables ou en prairies, le reste est boisé. Le sol, très-fertile dans les vallées, est composé d'alluvions et de sable léger mélangé dans quelques endroits d'argile ; mais, dans les parties élevées, le terrain est très-pierreux.
L'antique forêt de Sherwood couvrait autrefois tout le côté ouest du comté, mais aujourd'hui elle a presque entièrement disparu pour [374] faire place à des champs bien cultivés. Le pays est partagé en domaines qui varient de 40 à 280 hectares, exploités par des fermiers relevant de grands propriétaires fonciers ; on en rencontre également de 1h60 à 2 hectares cultivés par les propriétaires eux-mêmes. Les tenanciers des grandes fermes mettent à profit, dans leur exploitation, les découvertes les plus récentes qui concernent l'agriculture, et plusieurs d'entre eux peuvent être placés, par leurs connaissances pratiques et théoriques, au nombre des agriculteurs les plus intelligents du royaume (A).
Le prix moyen de la location de la terre est de 68f par hectare ; elle est ordinairement soumise à l'assolement de quatre ans, qui consiste à faire produire alternativement aux mêmes champs, dans l'espace de quatre années, 1° des navets ou des betteraves, 2° de l'orge, 3° des fourrages artificiels, 4° du froment ou de l'avoine (C). La vallée de la Trent est spécialement renommée pour la production de cette dernière céréale.
La partie ouest du comté renferme une grande quantité de mines de charbon de terre qui servent à alimenter les usines de la ville de Nottingham située dans leur voisinage. Cette grande ville est, en Angleterre, le siège principal des fabriques de bonneterie et de dentelles au métier ou à la main.
Les ouvriers ruraux ont généralement des habitudes sédentaires et tranquilles ; on peut les distinguer en deux classes : les uns, parmi lesquels on a choisi le sujet de la présente monographie, travaillent souvent toute leur vie pour le même fermier et habitent presque toujours des chaumières situées autour de la ferme. Il n'est pas rare de les voir, avec le temps, parvenir à se créer une certaine aisance et, en général, leur position ne devient malheureuse que dans le cas où les habitudes de débauche ou d'oisiveté viennent apporter le désordre dans la famille. Leur engagement n'est d'ailleurs pas exclusivement basé sur le travail à la tâche ou sur le travail à la journée : sauf quelques cas exceptionnels, l'un et l'autre y a part égale. Les fermiers, leurs maîtres, ont une préférence marquée pour le travail à la tâche toutes les fois que ce mode d'évaluation est praticable. Lorsque les ouvriers sont employés comme journaliers, ils sont payés à raison de 0f417 par heure ; et la journée, qui est de huit heures, leur vaut un salaire de 3f33. Les autres ouvriers ruraux employés par les petits propriétaires fonciers, dits Freeholders, qui exploitent par eux-mêmes, habitent dans les villages voisins où ils sont, comparativement, moins bien logés que les ouvriers des grandes fermes. Ils sont, en outre, sujets à des changements beaucoup plus fréquents, en raison de la moindre importance des travaux pour lesquels ils sont engagés.
§ 2. — État civil de la famille.
[375] La famille se compose des deux époux et de quatre enfants, savoir :
John N**, chef de la famille, marié depuis 17 ans, né à M**, âgé de............ 36 ans
Margaret P**, sa femme, née à B** (Nottinghamshire)............ 42 [ans]
Jane N**, leur 1re fille née à M**............ 16 [ans]
Élizabeth N**, leur 2e fille, née à M**............ 9 [ans]
Hannah N**, leur 3e fille, née a M**............ 6 [ans]
Mary N**, leur 4e fille, née à M**............ 2 [ans]
La fille aînée, entrée en service depuis un an dans une ferme du voisinage, ne fait plus partie de la famille.
Les trois derniers enfants vont à une petite école de village tenue par une vieille dame qui leur apprend à lire, à coudre et à tricoter.
§ 3. — Religion et habitudes morales.
L'ouvrier et sa famille appartiennent à la religion anglicane réformée ; leurs pratiques se bornent à assister assez régulièrement à l'office du dimanche ; ce jour-là les enfants fréquentent l'école religieuse (sunday school) où on leur enseigne le catéchisme et où on leur fait lire des passages de la Bible.
Aucun membre de la famille n'a reçu, jusqu'à présent, le sacrement de la communion ; aucune dévotion particulière n'est pratiquée dans leur intérieur par les époux, qui ignorent même les dogmes fondamentaux de la croyance à laquelle ils appartiennent. Cette ignorance en matière religieuse est d'ailleurs un des traits caractéristiques de cette catégorie d'ouvriers ; elle doit être attribuée moins a l'indifférence de ceux-ci qu'à l'inexactitude et à la froideur qu'apportent souvent les ministres du culte dans l'exercice de leurs fonctions. En effet, celui auquel est confiée la direction de la paroisse de M** demeure à S**, village éloigné de 12 kilomètres ; il ne vient à M** que pour s'acquitter de son service du dimanche et pour faire entendre aux paysans réunis un langage qui n'est souvent pas à la portée de leur intelligence [les Ouv. europ. XXII (B)].
Malgré le peu de ferveur religieuse observée dans la famille, l'ouvrier et sa femme remplissent tous leurs devoirs sociaux et s'acquittent scrupuleusement de leurs obligations particulières ; leur caractère est doux et tranquille, ils se contentent de la position où le sort les a placés. Les habitudes d'ordre et d'économie règnent dans le ménage sans en exclure cependant un certain degré de bien-être matériel qui paraît être le but prédominant des efforts constants des deux époux.
[376] L'ouvrier fait rarement abus des liqueurs spiritueuses ; les foires de mai et de la Pentecôte, tenues à Newark, sont les seules occasions où il dépasse les limites d'une stricte tempérance.
L'instruction de l'ouvrier et de sa femme est très-peu étendue ; elle se borne à l'écriture et à la lecture, ce qui est déjà assez rare parmi les ouvriers ruraux.
§ 4. — Hygiène et service de santé.
Les membres de la famille jouissent habituellement d'une santé excellente, à l'exception de la femme qui est sujette à quelques indispositions.
Les seuls secours médicaux qu'ils reçoivent leur sont donnés par le médecin de la Société des malades (sick Society) établie à Newark, dont ils font partie moyennant une contribution mensuelle de 1f85.
Cette Société leur assure, outre ces secours, une subvention de 12f 50 par semaine dans les cas de maladie ; elle accorde au mari une somme de 200f à la mort de sa femme, et de 250f à la femme si c'est elle qui survit à son mari.
§ 5. — Rang de la famille.
L'ouvrier appartient à la classe supérieure des ouvriers salariés ; il est parvenu, par ses habitudes rangées et son assiduité au travail, à s'attirer la confiance de son patron, qui en a fait le surveillant de sa ferme. Cette position lui a acquis sur les ouvriers une certaine supériorité que la famille s'attache à maintenir par tous les moyens en son pouvoir ; ainsi, leurs vêtements sont un peu plus recherchés, les dimanches et jours de fête, que ceux des autres ouvriers ; leur intérieur offre plus de confort et la maison est mieux tenue.
La famille semble, du reste, avoir atteint le plus haut degré auquel elle puisse parvenir ; satisfaite de son sort,'elle n'ambitionne pas une position plus élevée qui ne lui assurerait pas la même sécurité. Confiants dans l'avenir, les époux ne cherchent pas à donner une autre carrière à leurs enfants, et ils tiennent surtout à mettre leurs vieux jours à l'abri du besoin.
Il est bon d'observer, d'ailleurs, que le fermier tenancier a beaucoup de sympathie pour la classe d'ouvriers qu'il est appelé à diriger, et qu'il ne laisse échapper aucune occasion de leur venir en aide. Cette bienveillance a pour conséquence de créer une confiance mutuelle entre eux et d'élever le sens moral de l'ouvrier.
Dans presque toutes les localités il existe maintenant des clubs [377] agricoles, institués sous le patronage des propriétaires et des grands fermiers en vue de récompenser le meilleur exemple de travail dans les principales branches de l'agriculture.
Ces réunions, ainsi que celles des Statutes (§ 11) dans lesquelles se contractent les engagements pour l'année, fournissent aux fermiers et aux ouvriers l'occasion de se connaître et de s'apprécier, et contribuent à établir entre eux une communauté de sentiments.
II. Moyens d'existence de la famille
§ 6. — Propriétés.
(Mobilier et vêtements non compris.)
Immeubles............ 0f 00
(La famille dont il est ici question ne possède point d'immeubles).
Argent............ 2,500 00
Composé d'une somme de 1,250f placée à intérêts dans une caisse d'épargne, et d'une somme égale qu'il a prêtée sans intérêts.
Animaux domestiques entretenus toute l'année............ 425 00
1 vache d'une valeur de 375f 00 ; — 1 porc d'une valeur de 50f 00.
Matériel spécial des travaux et industries............ 101 25
1° Outils pour la culture du jardin et du champ. — 1 faucille ; — 2 bêches ; — 2 pelles : — 3 serpettes ; — 2 haches ; — Total, 31f25.
2° Ustensiles servant à la laiterie. — 6 mesures pour le lait, 3f75 ; — 1 baratte à beurre 15f 00 ; — 1 planche à beurre et des balances, 5f 00 : — 1 cuvier et 5 terrines à lait, 31f25; — 1 passoire à lait, 3f10; — 3 seaux, 5f 65 ; — Total, 63f 75.
3° Ustensiles employés pour le blanchissage. — 2 fers cylindriques, 2f50 ; — 4 fers plats, 3f 75 ; — Total, 6f 27.
Valeur total des propriétés............ 3,026f 25
§ 7. — Subventions.
La subvention principale de la famille consiste dans la jouissance de l'habitation et du jardin y attenant ; cette subvention est accordée par le fermier à l'ouvrier en sa qualité de surveillant de la ferme. Une pareille location, faite à tout autre ouvrier par le fermier, s'élèverait à 125f par an, savoir : 50f payés au propriétaire foncier par le fermier et 75f prélevés par ce dernier pour se couvrir de ses faux frais et des non-valeurs.
[378] La position de surveillant vaut encore à l'ouvrier l'allocation d'une ration d'un litre de bière par jour.
Le fermier, son maître, lui accorde également, ainsi qu'à ceux de ses ouvriers qui ont une famille un peu considérable, une portion de terre de 350m carrés environ pour y cultiver des pommes de terre ; les frais de semence et de culture restent à la charge de l'ouvrier.
A l'époque de la moisson, pendant un mois environ, il est nourri aux frais du fermier avec les autres serviteurs.
A l'approche de l'hiver, le patron lui donne une provision de menu bois pour allumer son feu ; il transporte encore gratuitement son charbon de terre du dépôt de Newark chez lui.
§ 8. — Travaux et industries.
Travaux de l'ouvrier. — Le travail principal de l'ouvrier consiste dans les occupations multipliées qui se rattachent à une exploitation agricole. Il se lève à quatre heures du matin pour soigner les chevaux et leur donner à manger ; puis il va [labourer, semer], herser ou tailler les haies jusqu'à neuf heures. Après une demi-heure d'interruption pour déjeuner, il reprend ses occupations et les continue jusqu'à huit heures du soir, sauf une heure et demie de repos à midi pour le dîner, et une demi-heure à six heures pour prendre le thé. Les travaux des autres ouvriers ont lieu de six heures du matin à six heures du soir ; cependant, au temps de la moisson, on travaille autant que le jour le permet. Outre ses travaux personnels, l'ouvrier, en sa qualité de surveillant, reçoit directement les ordres du fermier pour la distribution de l'ouvrage dans l'intérieur de la ferme.
Quoique ayant peu de temps à consacrer à ses travaux secondaires, l'ouvrier s'occupe encore de la culture du jardin potager et du champ de pommes de terre.
Travaux de la femme. — La femme a pour travail principal la garde de toute la basse-cour de la ferme, comprenant environ 250 têtes de volaille; elle est rétribuée, pour ce travail, selon la quantité élevée dans une année, mais ce nombre varie du reste rarement ; on peut encore considérer comme travail principal les soins qu'elle donne à l'intérieur de son ménage ainsi qu'à ses enfants.
Comme travail secondaire, c'est elle qui s'occupe de l'élevage de la vache et du porc, de la fabrication du fromage et du beurre, ainsi que de deux boissons spiritueuses et de la salaison de la viande de porc.
Elle entreprend encore les travaux de blanchissage, de confection et de réparation des vêtements et du linge de la famille.
[379] Travaux des enfants. — La fille aînée, placée en journée comme couturière, ne rend aucun service à la famille, mais ne lui est plus à charge ; les trois autres enfants, qui suivent l'école du village, sont encore trop jeunes pour donner aucune assistance à leurs parents.
Industries entreprises par la famille. — La culture du jardin potager et du champ de pommes de terre, l'engraissement du porc, l'élevage de la vache et la fabrication de deux boissons spiritueuses sont les seules industries entreprises par la famille à son propre compte. La plupart des produits de ces industries servent exclusivement à sa nourriture ; une partie considérable de ceux qui proviennent de la laiterie est distraite de la consommation de la famille pour être vendue au dehors.
III. Mode d'existence de la famille
§ 9. — Aliments et repas.
La famille fait régulièrement quatre repas par jour, savoir :
A neuf heures, déjeuner (breakfast), composé, pour les deux plus jeunes enfants, de lait chaud et de pain ; pour le père, de café et de viande, le plus souvent de lard grillé ; la femme et la seconde fille prennent du thé avec du pain et du beurre.
A midi, dîner (dinner), composé ordinairement de soupe, de viande de bœuf, de mouton ou de porc, bouillie, accompagnée de pommes de terre ou de légumes frais cuits à l'eau ; pour second plat, un pudding au riz, à la farine ou aux légumes, et quelquefois, en été, aux groseilles à grappes ou à maquereau.
La boisson habituelle de la famille est du lait mélangé d'eau, excepté pour l'ouvrier, qui reçoit de son maître un demi-litre de bière (ale).
A six heures, le goûter (tea), composé comme le déjeuner.
A huit heures et demie du soir, le souper (supper), composé de pain et de fromage, ou de quelques restes du dîner et d'un demi-litre de bière (ale) pour l'ouvrier.
§ 10. — Habitation, mobilier et vêtements.
L'habitation se compose de trois pièces et d'une laiterie au rez-de-chaussée ; et de deux chambres à coucher au premier. Sur le devant de la maison se trouve le jardin potager, d'une étendue de [380] dix ares environ et dont un petit espace seulement est consacré aux leurs. Il règne par toute l'habitation un air de propreté et d'aisance.
Meubles : tous tenus avec soin ; quelques-uns offrent une certaine élégance............ 717f 75
1° Lits. — 1 lit à colonnes en bois peint, 20f 00; — 1 lit en bois peint, 12f 00; — 1 berceau, 6f25 ; — 2 lits de plume, 80f 00 — 1 lit de menue paille d'avoine, 12f50 (ce genre de lit, très-sain et très-confortable, est préféré à tout autre par les gens de la campagne : on renouvelle la paille tous les 4 ans ; l'étui, qui est en toile grise très-forte, peut durer 20 ans) ; — 1 matelas en bourre de coton, 10f 00 ; — 1 paillasse en foin, 3f 75; — 1 traversin en bourre de coton, 3f 75 ; — 2 petits oreillers, 7f50; — 6 couvertures de laine, 60f 00 ; — 3 couvre-pieds en étoffe de coton, 12f 00 ; — 3 couvre-pieds faits avec des morceaux de laine rapportés, 5f 65. — Total, 233f 40.
2° Mobilier des deux chambres à coucher. — 1 commode en acajou, 83f75 ; — 1 autre plus petite, 52f 50 ; — 6 chaises de canne, 37f 50 ; — 1 garde-cendres en fonte, une pelle et des pincettes, 6f25: — 2 grands miroirs, 15f 00; — 2 miroirs plus petits, 3f 78. — Total, 198f 75.
3° Mobilier des pièces du rez-de-chaussée. — 1 grande table en chêne; 37f 50 ; — 1 table à deux battants, 26f25; — 4 tables en sapin de différentes grandeurs, 40f 00 ; — 1 table de cuisine, 10f00; — 1 armoire en acajou, 50f 00 ; — 7 chaises en bois peint, 21f85 ; — 2 supports en chène, 25f00; — 1 horloge dans un cadre d'acajou, 75f 00. — Total, 285f 60.
Linge de ménage............ 25 00
8 paires de draps de coton, serviettes, torchons, etc., 25f 00.
Ustensiles employés pour la cuisson et la consommation des aliments, tous en bon état............ 120 30
3 pots de fer, 5f60; — 5 casseroles, 6f25 ; — 2 bouillottes en cuivre, 12f50; — 1 poêle à frire, 0f95 ; — 6 moules en fer-blanc pour la fabrication des puddings, 3f75; — 2 petits tonneaux, 5f 00 ; — 2 bouteilles en bois, 2f50 ; — 6 bouteilles en grès, 5f65 ; — 12 verres, 7f50; — 6 pots en faïence, 5f 60 — 24 bouteilles, 5 00 ; — 12 plats, 7f50 ; — 1 service à thé en porcelaine, composé de 12 tasses, 18f 75 ; — 1 service à thé ordinaire, 5 00 ; — 12 cuillers à thé, 3f15 ; — 6 grandes cuillers, 2f 50 ; — 6 fourchettes et couteaux, 8f10; — 12 petites assiettes à thé, 1f25 ; — diverses petites poteries, 8f 75 ; — 1 bassinoire, 5f 00.
Vêtements : ceux du dimanche sont de formes assez élégantes et se rapprochent beaucoup du genre bourgeois ; ceux de travail sont plus simples, d'étoffes solides, choisis de façon à durer longtemps ; valeur actuelle............ 538f 20
Vêtements de l'ouvrier (243f 95):
1° Vêtements du dimanche. — Habit de drap, 37f 50; — 1 gilet de soie, 13f75; — 1 pantalon de drap, 17f50; — 1 paire de bottes, 10f00; — 1 chapeau de soie noire, 10f00. — Total, 88f75.
2° Vêtements de travail. — 3 paletots de drap, 56f25; — 3 gilets, 18f75; — 1 pantalon de drap, 12f50; — 3 pantalons de velours de coton, 11f25; — 2 gilets à manches, 8f75; — 2 gilet de coton, 3f10; — 4 chapeaux de travail, 4f35; — 2 paires de bottes, 16f25; — 6 chemises de coton, 10f00; — 6 paires de bas de laine, 1f55; — 4 cravates, 7f50; — 6 mouchoirs, 3f10; — 3 bonnets de nuit, 1f85; — Total, 155f20.
[381] Vêtements de la femme (209f05) :
1° Vêtements du dimanche. — 3 robes de laine; 31f25; — 1 chapeau, 7f 50: — 2 châles, 20f 00 ; — 1 corset, 4f25 ; — 1 jupon de flanelle, 1f25 ; — 1 jupe de laie, 1f25 ; — 1 paire de brodequins, 7f 50 ; — 1 mantelet, 12f 50 ; — 3 paires de gants, 2f85; — 1 victorine (espèce de collet de fourrure), 3f10. — Total, 91f 45.
2° Vêtements de travail. — 3 robes ordinaires, 15f 00; — 3 vieux chapeaux, 15f 00 ; — 2 châles, 15f60 ; — 1 corset, 3f25 ; — 4 jupons de flanelle, 3f10; — 5 jupes, 1f85 ; — 6 chemises, 7f 50; — 6 chemises de nuit, 7f50; — 4 bonnets de nuit, 1f85 ; — 6 bonnets de jour, 7f 50 ; — 6 paires de bas de laine, 4f 35; — 6 paires de bas de coton, 3f10; — 2 paires de bottines, 10f 00 ; — 6 mouchoirs, 4f35 ; — 4 fichus, 4f35; — 1 paire de socques, 0f80 ; — anneau de mariage, 12f50. — Total, 117f 60.
Vêtements des enfants (85f20) :
5 robes, 9f 35 ; — 6 chapeaux, 15f 00 ; — 2 corsets, 5f 00 ; — 6 chemises, 6f25: — 6 jupons, 7f 50; — 6 chemises, 5f 60; — 12 paires de bas de laine, 3f 75; — 6 spencers, 7f 50; — 6 mouchoirs, 2f50; — 3 paires de gants, 2f 80 ; — 6 paires de souliers, 12f 50, — 6 bonnets de nuit, 1f85 ; — 6 tabliers, 5f 60. — Total, 85f20.
Valeur total du mobilier, et des vêtements............ 1,401f 25
§ 11. — Récréations.
Les principales récréations de la famille ont lieu les jours de la fête du village et à la fête dite des « Statutes ». Cette dernière arrive le 23 novembre, et dans d'autres localités le 14 mai. A cette époque, les fermiers des environs et tous les ouvriers des deux sexes se réunissent au village pour renouveler leurs engagements de service ou pour en contracter de nouveaux. Cette fête donne lieu à des réjouissances générales qui durent plusieurs jours ; des spectacles forains, des expositions ambulantes, des boutiques de jouets et de gâteaux s'élèvent sur l'endroit de la réunion et lui donnent l'aspect d'une foire. Cette époque est également choisie par les gens de la classe ouvrière pour célébrer les mariages qui ont été décidés entre eux dans l'année. Il est à remarquer que ces unions ont généralement lieu entre personnes ayant servi ensemble dans la même maison et ayant été ainsi mises en contact accidentellement.
La fête du village a lieu au mois d'octobre ; elle dure pendant quatre jours ; ses principaux amusements sont des courses de chevaux et d'ânes qui sont très-suivies par les paysans. Il est à remarquer que la danse ne constitue pas une des récréations ordinaires des gens de la campagne, et est le plus souvent exclue des réjouissances publiques. Indépendamment de cette fête où assiste toute la famille, l'ouvrier fréquente les foires de mai et de la Pentecôte qui se tiennent à Newark ; il s'y rend en compagnie de plusieurs camarades, et il est rare qu'il n'en revienne pas le soir plus ou moins ivre.
Le maître de l'ouvrier est un des fermiers qui ont conservé l'ancienne coutume de célébrer la fin de la moisson par un grand repas :[382]il y convie tous ses ouvriers, qui se régalent d'autant de bœuf rôti, de plum-pudding, de bière et de tabac qu'ils peuvent en consommer dans l'espace de douze heures.
Les relations entre les membres d'une même famille sont généralement peu suivies ; ces réunions domestiques n'ont lieu qu'à la naissance et au baptême des enfants et sont célébrées ordinairement par un repas de famille.
Entre voisins on se prête quelquefois une assistance mutuelle pour terminer quelque ouvrage pressant, tel que la rentrée des foins quand le temps menace d'être pluvieux, etc. Une fois l'ouvrage terminé, tous ceux qui y ont pris part se réunissent dans un repas donné par la famille pour laquelle on a travaillé (Les Ouv. europ. I, II, XX, XXI § 11).
Il n'existe pas de veillées communes pendant les mois d'hiver ; chacun passe les soirées chez soi; l'ouvrier s'occupe à réparer quelques ustensiles de ménage, la femme à des travaux de couture.
Une des distractions journalières de l'ouvrier est de fumer une ou deux pipes et de passer quelques instants dans une taverne du voisinage.
IV. Histoire de la famille
§ 12. — Phases principales de l'existence.
John N** est né dans la paroisse de M**, ses parents étaient de simples ouvriers de ferme. Étant tout enfant, il fréquenta l'école du village, où il apprit à lire et à écrire. Dès l'âge de 8 ans, il entra en service dans une ferme où il fut d'abord occupé à chasser les oiseaux et à conduire les chevaux de labour. Il gagnait alors 3f 75 par semaine ; de 12 à 16 ans, il chargeait les charrettes, et commença à labourer ; ses gages restèrent les mêmes, mais il fut nourri à la ferme avec les autres domestiques ; de 16 à 18 ans, en outre de ses premières occupations, il fut employé à faire des meules, à charger des voitures et à les conduire ; à 18 ans, il devint ouvrier libre et commença à semer et à faucher ; à 19 ans, il entra au service de son maître actuel et épousa quelque temps après la fille d'un charron, dont il avait fait connaissance dans sa nouvelle situation.
Celle-ci avait 25 ans et servait comme domestique dans une ferme du voisinage. L'histoire de cette femme n'offre rien de remarquable ; fille d'ouvriers, elle fut envoyée à l'école dans son bas âge, mais elle quitta ses parents à l'âge de 11 ans pour entrer en service, ses premiers gages furent de 75f par an ; elle changea plusieurs fois de [383] maîtres, et sa position s'améliora peu à peu jusqu'à l'époque de son mariage.
Depuis lors l'existence de la famille n'a été signalée par aucun événement remarquable, si ce n'est par la naissance des quatre enfants (§ 2).
§ 13. — Mœurs et institutions assurant le bien-être physique et moral de la famille.
Il n'existe dans la localité ni institution de bienfaisance, ni aucuns privilèges établis qui puissent procurer à la famille la moindre ressource en dehors de ses efforts personnels. Les pâturages communaux étant même entièrement abolis, l'ouvrier se trouve contraint de payer 150f par an à son maître pour la nourriture de sa vache et pour le droit de la laisser paître dans ses prairies. Il paie en outre 50f pour celle de son porc qui est élevé avec ceux de la ferme.
L'avenir de la famille se trouve néanmoins assuré par son amour du travail, sa tendance à l'épargne et ses mœurs douces et régulières. Mais les ouvriers que des habitudes imprévoyantes ou que quelque malheur inattendu viendraient jeter dans la misère, se trouveraient réduits à avoir recours à la charité publique ou bien à engager leur mobilier et leurs vêtements ; dans ce dernier cas, ils s'adressent à quelque prêteur sur gages (B) habitant la ville la plus voisine, avec l'espoir de pouvoir racheter leur dépôt quand ils se trouveront dans une meilleure position. Lorsque ces dernières ressources viennent encore à leur manquer, il faut qu'ils réclament des secours de la maison de travail de leur paroisse (Union-Workhouse). Mais les ouvriers agriculteurs de district ont en général la plus grande répugnance pour ce dernier mode d'assistance ; il existe chez eux un sentiment d'indépendance et de dignité personnelle qui leur fait prendre en horreur jusqu'au nom même de Workhouse, principalement en raison de l'espèce de réprobation qui s'attache toujours à ceux qui y ont recours, et du peu de bienveillance qu'ils rencontrent généralement de la part des employés de la paroisse chargés de la répartition des secours.
Il est encore assez commun parmi les ouvriers ruraux d'acheter une grande partie de leurs objets de toilette, à des colporteurs écossais et de les leur payer au moyen de petits à-compte, à la fin de chaque semaine ; ces derniers prélèvent d'ailleurs un intérêt très fort pour le crédit qu'ils accordent ; mais enfin c'est à cette classe de colporteurs que les familles imprévoyantes et malheureuses doivent de ne pas rester couvertes de haillons.
§ 14. — Budget des recettes de l'année.
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§ 15. — Budget des dépenses de l'année.
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Comptes annexés aux budgets.
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Notes
Faits importants d'organisation sociale ; Particularités remarquables ; Appréciations générales ; Conclusions.
(A) Sur l'état de l'agriculture et la condition des ouvriers ruraux dans le comté de Nottingham.
[395] La présente monographie ne doit pas être considérée comme offrant un type général du caractère des journaliers agriculteurs du comté de Nottingham, mais plutôt comme montrant un exemple de ce que peut accomplir une famille d'ouvriers laborieux et économes. Les subventions et les droits d'usage sont, pour la plupart, abolis dans cette contrée ; de sorte que la condition d'un ouvrier rural dépend entièrement du fermage de la terre et du taux des salaires. Ce dernier se lie lui-même à la proximité des grandes villes et à la résidence des grands propriétaires dans leurs terres. A ces différents égards, le comté de Nottingham est un des plus favorablement situés du royaume. La forêt de Sherwood, qui en couvrait autrefois une partie considérable, et qui n'était fréquentée que par des voleurs de grand chemin, a été depuis partagée entre un petit nombre de familles de la haute noblesse, ce qui a fait donner à ce territoire le nom de Dukery (petit duché). C'est ainsi qu'on y remarque les vastes propriétés des ducs de Newcastle, de Portland, de Devonshire et de Rutland; des comtes de Mansvers, de Scarborough et celles récemment acquises par la famille Byron.
Ces nobles personnages ont consacré une partie considérable de leur fortune à l'amélioration de l'agriculture sur leurs propriétés, et c'est principalement à leur influence et à leurs constants efforts qu'il faut attribuer la riche culture qui distingue les comtés du centre de l'Angleterre. Les ducs de Portland, entre autres, ont complètement transformé les environs de la ville de Mansfield ; de vastes champs bien cultivés ont remplacé les landes qui y existaient autrefois. Le principal ouvrage que l'on doit au duc actuel est un immense système d'irrigation dans le voisinage de Mansfield. Un petit ruisseau a été converti en un large canal qui arrose 160 hectares de terres ; ce travail seul a coûté un million de francs et donne un produit brut de 625f par hectare. Les prairies qu'il traverse portent deux récoltes de foin par an, et offrent, pendant le reste de l'année, un excellent pâturage à de nombreux troupeaux de moutons [396] Southdowns. Pour se faire une idée juste de l'état de prospérité où est arrivée l'agriculture dans cette localité, il faut visiter la ferme de Clifstone, qui s'élève au milieu de ces prairies, et dont le territoire a une superficie de 1,000 hectares. Sur cette vaste étendue, les plus riches produits agricoles révèlent la plus savante exploitation des ressources de la nature par l'industrie de l'homme.
Les propriétés des ducs de Newcastle et de Portland se distinguent par un autre genre de culture, celle des essences forestières. Dans les parties du sol qui, par leur nature, ne conviendraient pas à la production des céréales, les propriétaires ont fait planter différentes espèces d'arbres. Ces forêts artificielles, entretenues avec soin et entreprises sur une large échelle, compensent amplement les frais qu'elles ont nécessités.
C'est en raison de ces efforts réunis que la majeure partie des terres inférieures du Nottinghamshire a pu arriver à un fermage moyen de 68f environ par hectare, et le taux des salaires s'est élevé à 2f 50 environ par jour.
Il est hors de doute néanmoins que la proximité de la ville de Nottingham a contribué pour une large part à cet état prospère. D'un côté, les besoins journaliers de sa nombreuse population ont fait augmenter les prix de tous les produits agricoles apportés au marché de la ville. D'un autre côté, les ouvriers ruraux pouvant se procurer sans peine un salaire élevé en portant leur travail dans les grands établissements manufacturiers, ne restent dans les campagnes que s'ils sont sûrs d'y trouver un salaire relativement aussi considérable.
L'antagonisme des intérêts agricoles et manufacturiers, et les discussions soulevées par la réforme des lois sur les céréales, ont pu faire croire qu'il existait une hostilité réelle entre l'agriculture et l'industrie ; de telle sorte que si l'une prospérait dans un pays, l'autre devait nécessairement y languir. Les faits qui se sont produits depuis l'établissement de ces nouvelles lois ont démontré que cette opinion serait erronée. Il est, au contraire, facile d'observer que l'agriculture est plus avancée près des grandes villes que dans les pays qui en sont le plus éloignés. Ainsi, dans les districts manufacturiers qui commencent au sud, dans le Warwickshire, et finissent au nord-ouest, dans le West-riding du Yorkshire, le fermage des terres, les bénéfices de l'agriculteur et les salaires des ouvriers ruraux sont plus élevés que dans les districts essentiellement agricoles du sud de l'Angleterre. Les comtés intermédiaires approchent plus ou moins de ces deux extrêmes, selon que l'industrie manufacturière y est plus ou moins développée. On a également remarqué que le nombre des pauvres était plus considérable [397] dans ces dernières localités que dans les premières, car la taxe des pauvres s'y élève par an jusqu'à 12f50 par tête en moyenne, tandis qu'elle n'est habituellement que de 3 à 4f dans les districts manufacturiers.
Sous le rapport de la moralité, les ouvriers ruraux du comté de Nottingham se maintiennent dans un milieu assez satisfaisant. Suffire à leurs besoins journaliers, tout en se conduisant honnêtement, semble être pour eux la préoccupation principale. Les exemples d'ivrognerie sont asse rares, et les rapports illégitimes entre les sexes, très-peu fréquents ; les dernières statistiques du royaume ont montré que, dans le Nottinghamshire, la proportion des naissances illégitimes était de 5 pour 100 seulement. Mais, en revanche, les familles sont généralement nombreuses : il n'est pas rare d'en rencontrer qui comptent de huit à dix enfants, et cette fécondité n'a pas pour conséquence la misère ou même la gêne dans la famille. Les enfants restent seulement jusqu'à huit ou dix ans à la charge de leurs parents ; à cet âge, ils entrent en service et commencent à suffire par eux-mêmes à leurs besoins.
Les gens de la campagne fréquentent l'église une fois le dimanche, mais plutôt pour se conformer aux habitudes de la classe supérieure que pour obéir à un sentiment personnel de piété. Ils ne reçoivent que rarement, ou même jamais, les sacrements, et ne se livrent, dans leur intérieur, à aucune pratique religieuse.
Leur instruction ne dépasse guère une médiocre aptitude à lire les livres imprimés ; sous ce rapport, l'éducation de l'ouvrier des campagnes est bien en arrière de celle de l'ouvrier des grandes villes. Dans celles-ci, l'antagonisme, on pourrait même dire la concurrence des différentes sectes religieuses, provoque la culture de l'esprit par le moyen des nombreuses écoles qu'elles fondent à l'envi l'une de l'autre, et où les frais d'éducation sont mis à la portée des bourses les plus pauvres. Dans les campagnes, au contraire, où l'église se trouve à l'abri de toutes dissensions intestines, le pasteur pense qu'une école tenue par quelque dame du village pourvoit suffisamment à l'éducation des classes inférieures.
Le seul remède à apporter à ces maux serait un meilleur système d'éducation nationale qui placerait, sous ce rapport, les campagnes au niveau des villes ; mais les haines religieuses et les vieux préjugés saxons, favorables aux mesures locales et opposés à toute disposition centralisatrice, font obstacle à tout plan général d'instruction, et il est à présumer que le mal durera longtemps encore. L'éducation des paysans n'a fait aucun progrès depuis les deux derniers siècles, et à voir la lenteur avec laquelle s'effacent les préjugés invétérés,'il est à craindre que, dans cent ans, l'éducation [398] du peuple des campagnes ne soit encore, en Angleterre, dans l'état déplorable où on peut la voir aujourd'hui.
(B) Sur le système des prêts sur gages en Angleterre.
Parmi les institutions qui, en Angleterre, pèsent le plus lourdement sur la classe ouvrière, on doit placer au premier rang celle des prêts sur gages.
Quand le riche emprunte sur des garanties négociables, le taux de l'intérêt suit la valeur de l'argent et n'excède jamais 0 pour 100. Le pauvre, au contraire, lorsque la nécessité le fait recourir à un emprunt, est obligé, le plus souvent, de payer un intérêt quatre fois plus élevé que celui du riche et est, en outre, exposé à mille exigences tracassières et plus ou moins frauduleuses.
Par acte du Parlement, quiconque prend une patente pour exercer l'état de prêteur sur gages est tenu de ne jamais réclamer un intérêt plus fort que 15 pour 100 sur les objets d'une valeur supérieure à 50f, et 20 pour 100 sur ceux d'une moindre valeur ; il est, en outre, tenu de compter cet intérêt par mois, de ne pas tenir compte de fractions de mois moindres que sept jours, et de vendre aux enchères publiques, à l'expiration de chaque année, tous les objets ayant une valeur de 12f 50 èt au-dessus qui n'auraient pas été rachetés dans le courant de l'année. Mais, comme le gouvernement n'exerce que peu ou point de contrôle sur les opérations de cette classe d'usuriers, il en résulte que ces règlements sont rarement exécutés. Ainsi, les prêteurs sur gages ont pour habitude, dans leurs comptes d'intérêts, de prendre les farthings d'appoint (fraction de monnaie équivalant à 0f025) comme des demi-pence (soit 0f05), et s'il s'est écoulé seulement deux jours en outre du dernier mois, ils prélèvent l'intérêt d'un nouveau mois tout entier. La vente publique prescrite par la loi a bien également lieu chaque année, mais le prêteur a soin de retirer clandestinement tous les objets qui peuvent offrir un gain plus considérable en les négociant à prix débattu, et il les expose en vente dans son magasin. Il est encore d'usage, lorsque la somme, demandée dépasse 50f, et que le dépôt est de nature à pouvoir se fractionner, de faire une reconnaissance pour chaque pièce séparément, afin de faire descendre la valeur de chaque dépôt au-dessous de 50f, et de mettre ainsi le prêteur même d'exiger un intérêt de 20 pour 100 qu'il n'aurait pas e le droit de réclamer sans cette combinaison usuraire. Au moyen de pareilles fraudes, le capital des maisons de prêts [399] (pawnbrokingfirms), au lieu de rapporter un intérêt de 18 pour 100 en moyenne, comme l'a fixé le Parlement, donne assez souvent un revenu de 50 et même 60 pour 100. Ces établissements sont ordinairement tenus par des Juifs qui, à l'instar des colporteurs, fondent des associations entre eux pour créer un capital considérable. Les traits distinctifs de cette classe, quels que soient d'ailleurs ceux qui la composent, sont la bassesse, la ruse, et en général l'absence complète de bons sentiments.
Depuis longtemps on a pu constater quelles facilités présentent pour le recel des objets volés des établissements de ce genre dirigés par des personnes dépourvues de délicatesse ; il est même arrivé que, dans certains cas, l'autorisation de tenir leur maison de prêt a été retirée à quelques-uns pour ce motif. Quoi qu'il en soit, les trois quarts des objets volés en Angleterre ne se retrouvent jamais, ce qui n'aurait certainement pas lieu si les maisons. de prêt étaient soumises à une surveillance plus sévère, et si elles venaient en aide aux recherches de la police au lieu de les entraver.
D'autre part on a vu, dans les grandes villes, des prêteurs sur gages annoncer qu'ils avaient été volés, lorsqu'en réalité, après avoir mis certains objets laissés en gage à l'abri de toute découverte, ils ne cherchaient, par ce moyen, qu'à s'en approprier la valeur. La loi ne fournit en pareil cas qu'un recours illusoire aux déposants ; l'emprunteur ne peut recouvrer son bien que s'il est en mesure de fournir les preuves légales de cette manœuvre criminelle.
Chaque personne qui engage un objet quelconque reçoit une reconnaissance, indiquant la nature du dépôt et le montant de la somme prêtée sur sa valeur ; mais les personnes qui ont l'habitude d'avoir recours aux monts-de-piété sont généralement aussi négligentes qu'imprévoyantes, et il leur arrive quelquefois de perdre cette reconnaissance. Dans ce cas elles sont obligées, pour dégager les objets, de comparaître devant le magistrat de leur quartier et de lui détailler sous serment la nature de leur dépôt, ou d'obtenir un nouveau titre. Cette formalité est nécessaire pour empêcher qu'on puisse réclamer un dépôt après en avoir déjà vendu la reconnaissance. Il y a bien des circonstances où le prêteur sur gages est moralement convaincu de la véracité du simple témoignage de son client ; tandis que s'il est faux, au contraire, il a mille moyens de découvrir le mensonge. Suivant l'esprit de sa profession, le prêteur ne manque pas de tourner à son profit ces occasions : il entre en arrangement avec le demandeur, moyennant une certaine somme d'argent, pour le dispenser de se présenter devant le magistrat et pour lui épargner de paraître en public devant une cour de justice.
[400] Il existe encore une manœuvre lucrative bien plus répréhensible par rapport au système des reconnaissances. Le prêteur choisit dans son magasin quelque vieil objet qui n'a pas été réclamé, il le nettoie et le replace avec les autres dépôts ; il fait alors, avec un numéro correspondant, une nouvelle reconnaissance dans laquelle il est dit que l'objet a été engagé pour cinq fois moins qu'il ne vaut; puis il met une date telle que les intérêts paraissent avoir couru pendant neuf mois. Il donne à cette pièce un caractère de vétusté et il la laisse tomber ensuite dans un endroit très-fréquenté. Comme il est rare qu'on avance plus d'un quart sur la valeur intrinsèque d'un dépôt, la personne qui a trouvé la reconnaissance croit tenir une excellente affaire et se hâte d'échanger son argent contre un article sans valeur.
A bien considérer ces établissements, il semble que le Parlement, tout en voulant soumettre les prêts sur gage à une certaine réglementation, a autorisé néanmoins un système de prêts entouré de difficultés nombreuses et fort coûteuses pour l'emprunteur, afin d'empêcher la classe ouvrière d'y avoir recours, si ce n'est dans les cas de nécessité absolue ; mais, à coup sûr, la voie qui a été suivie est d'une injustice et d'une partialité extrêmes.
Le propriétaire, le marchand, lorsqu'ils ont besoin d'une avance temporaire pour profiter de quelque affaire avantageuse, n'ont qu'à porter leurs titres à un prêteur, ils obtiennent les fonds à un taux d'intérêt raisonnable ; mais si le pauvre a besoin d'emprunter pour s'assurer un bon marché, pour acheter des provisions qui diminueront ses dépenses domestiques, ou plus souvent pour des besoins plus impérieux et plus sacrés, il ne peut y parvenir qu'en souscrivant à un intérêt quatre fois plus frt et en se mettant à la merci des moins honnêtes gens du pays.
Pour justifier un système aussi imparfait il faudrait d'abord prouver qu'il est impossible de faire ces transactions d'une manière moins dispendieuse, et ensuite qu'il est extrêmement dangereux de faciliter à la classe ouvrière les moyens d'emprunter à meilleur compte. La première proposition est tout d'abord réfutée par l'exemple des monts-de-piété tels qu'ils fonctionnent sur le continent européen. La moyenne de l'intérêt prélevé par ces établissements est comprise entre 3 ou 4 et 8 ou 9 pour 100. En Italie, c'est même la bienfaisance privée qui se charge généralement d'avancer sans intérêt les fonds nécessaires à ces sortes d'entreprises.
En France, dans les temps les plus pénibles, le taux de l'intérêt s'élève rarement au-dessus de la moitié de la somme prélevée en Angleterre par le prêteur sur gages. En outre, les monts-de-piété [401] ont les moyens de délivrer gratuitement la reconnaissance à l'emprunteur, de lui remettre les intérêts pour un an et deux mois, et de lui réserver sur la vente du gage non racheté ce qui reste après le prélèvement de la somme prêtée, des intérêts et des frais de vente. Si de pareils avantages existaient en Angleterre, et que l'administration des maisons de prêts fût exempte des fraudes qu'on y déplore, les dépenses que supporte la classe malheureuse pourraient être réduites au quart de ce qu'elles sont aujourd'hui.
En supposant que ces institutions ne servent qu'à encourager les habitudes imprévoyantes du peuple et à entretenir ses vices, le reproche atteindrait le système des prêts en général et s'appliquerait à toutes les classes de la société. On ne peut admettre, en effet, que l'imprévoyance soit le seul fait du pauvre, et nier que le riche lui-même n'aille, en maintes circonstances, jusqu'à hypothéquer ses propriétés pour satisfaire des passions déréglées. Mais est-il quelqu'un qui puisse soutenir la nécessité d'abolir un système par la seule raison qu'il y a des personnes qui en abusent
Tout en faisant la part de l'inégalité de nombre entre les riches et les pauvres imprévoyants, on peut penser que ces derniers ne sont pas plus portés à acheter les plaisirs du moment aux dépens du bien-être futur. Si l'instruction leur fait défaut, les privations qu'ils endurent chaque jour leur démontrent encore mieux que le savoir lui-même les avantages de l'épargne.
L'auteur n'entend pas dire cependant que, dans les classes ouvrières, on n'abuse pas parfois des institutions de prêt pour satisfaire des goûts d'oisiveté ou des penchants vicieux ; mais ces institutions fournissent aussi des ressources dont l'ouvrier le plus laborieux ne peut pas toujours se passer, et cela suffit pour qu'on ne puisse songer à les abolir.
Le gouvernement anglais a donc judicieusement agi en autorisant, pour les réglementer, des sociétés de prêts sur gages, afin de prévenir les désordres qui résulteraient inévitablement d'un système de liberté absolue et illimitée ; seulement, les mesures qui ont été adoptées dans leur organisation ont multiplié, au lieu de les amoindrir, les abus qui se rencontrent dans les systèmes continentaux.
Il semble donc qu'il serait urgent d'y apporter remède en soumettant, par exemple, les pauvres à une grande surveillance et en autorisant, en outre, les établissements de prêt à ne recevoir d'engagements que de personnes munies de certificats de travail et de bonne conduite.
La division de chaque comté en communes et paroisses, et la prépondérance prise, dans chaque localité, par des personnes [402] appartenant à la classe élevée qui, par un séjour prolongé dans le pays, ont pu se familiariser avec les pauvres de leur voisinage, offriraient des moyens faciles pour accomplir une réforme de cette nature.
S'il était de notoriété publique que les pauvres honnêtes et consciencieux peuvent seuls profiter de ces prêts sur gages, il n'y a aucun doute que la générosité publique ne fournisse seule et gratuitement les capitaux nécessaires pour faire fonctionner ces établissements sans autres frais que ceux de l'enregistrement et de la garde des objets déposés.
(C) Sur l'assolement de quatre ans pratiqué dans le comté de Nottingham.
Le système d'assolement le plus employé dans le comté de Nottingham comprend la succession de travaux indiquée ci-après.
Si l'on suppose un champ qui vient de fournir une récolte de grains, la première opération à lui faire subir est de le mettre en jachère ; puis on le nettoie dans les mois d'avril et de mai. Si la terre est argileuse, on la laisse en jachère toute l'année ; mais si elle est légère, on y sème des turneps ou des betteraves pour servir de nourriture aux bestiaux, soit en vert, soit à la ferme, pendant la mauvaise saison. Au mois d'avril de la deuxième année, après avoir soumis le champ à de nouveaux labours, on y sème de l'orge et en même temps du trèfle, de la luzerne ou quelque autre herbe fourragère. L'orge se récolte en septembre, les fourrages poussent alors avec vigueur, prennent de la force pendant l'hiver et fournissent d'abondantes récoltes l'été suivant. On laisse ordinairement un intervalle de huit années entre deux récoltes de trèfle, parce qu'on ne pourrait l'obtenir de bonne qualité si on en semait trop souvent dans la même terre. On le remplace alors par une autre espèce de fourrage, tel que des féveroles ou des pois chiches.
Au mois d'octobre de la troisième année on sème le froment ou l'avoine, pour récolter au mois d'août de la quatrième année.
Les différentes espèces d'engrais dont se servent les fermiers sont, en premier lieu, le fumier produit par les bestiaux de leur ferme ; ensuite le guano, les os pulvérisés et dissous au moyen de l'acide sulfurique. On emploie également le phosphate de chaux et un engrais composé de sang et de shoddy, substance huileuse, qui est le résidu obtenu dans les filatures de laine.