N° 53.

MÉTAYER A FAMILLE-SOUCHE

DU PAYS D'HORTE (GASCOGNE),

TENANCIER-METAYER ET CHEF DE MÉTIER

DANS LE SYSTÈME DES ENGAGEMENTS VOLONTAIRES PERMANENTS.

d'après

LES RENSEIGNEMENTS RECUEILLIS SUR LES LIEUX EN 1879.

PAR

M. LE BARON D'ARTIGUES .

Propriétaire-Agriculteur.


Sommaire


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Observations préliminaires définissant la condition des divers membres de la famille.

Définition du lieu, de l'organisation industrielle et de la famille

§ 1. État du sol, de l'industrie et de la population.

[341] Le village de Saint-Étienne d'Horte, habité par la famille décrite dans la présente monographie, est situé par 3° 31' long. O., 43° 33' lat. N. ; à 9 kilomètres de Peyrehorade, à 20 kilomètres S.-O. de Dax et à 72 kilomètres O. S.-0. de Mont-de-Marsan, chef-lieu du département des Landes. Sa superficie totale est de 1,106 hectares 96 ares 20 centiares, et occupe la rive gauche de l'Adour, à 6 kilomètres en amont du confluent du Gave et de l'Adour (Bec-du-Gave). Pour décrire le relief général de Saint-Etienne d'Horte, je supposerai l'observateur placé à peu près au centre de la commune, sur l'éminence que domine l'église. Au nord, un plateau (42 mètres d'altitude), coupé de gorges étroites, offre deux parties très tranchées. Tandis qu'au nord-ouest, les maisons sont nombreuses et les champs cultivé ; à l'est, on ne voit que des landes couvertes de bois de pins. Si l'on fait face au sud, l'on a à ses pieds une pente rapide: puis [342] du sud-est au nord-ouest, s'élargissant en forme de triangle, une déelivité continue ; c'est la plaine, semée de maisons et cultivée sur toute son étendue. Cne ligne, bien nettement marquée du nord-est au sud-ouest, limite un rectangle vert, au niveau des eaux de l'Adour : les gens de la localité l'appellent barthe. Les trois aspects s'équilibrent à peu près comme étendue, s'ils diffêrent come nature. Sur le coteau, un heureux mélange d'argile et de sable permet, à l'ouest, les travaux agricoles. Des sables tertiaires caractérisent au contraire le sol de la région est. Dans la plaine, les alluvions humifères, qu'on rencontre déjà sur la pente la reliant au coteau, donnent une composition aussi homogène que fertile. La barthe est argileuse, compacte, froide et humide. Le sous-sol appartient aux tmps teriaires. Sur le coteau, il est tantôt graveleux ou sablonneux, c par conséquent perméable, comme dans la région agricole ; tantôt argileux et imperméable, ainsi quiil arrive dans toute la lande. Plus bas, se rencontrent des marnes argilo-cale caires donnant de 5 à 18 de matières utiles. La composition sablonneuse domine sous la plaine, tandis que l'argile, souvent mêlée de silice, est le fond de la barthe. Dn voit d'ores et déjà que les eaux pluviales s'écoulent promptement là où le sous-sol est sblonneux ; les landes, au contraire, assises sur un sous-sol compac, gardent l'humidité. Les gorges dont le coteau est entrecoupé lui servent de drains naturels. Elles conduisent les nappes souterraines dans la vallée et forment deux ruisseaux principaux, l'un au nord. l'autre au sud, dont les directions sont parallèles (est à ouest), et qui tous deu aoutissent à la barthe, après avoir alimenté deux étangs de meunerie. Les puits sont nombreux et peu profonds sur toute la partie haute. Les chaleurs n'éprouvant pas sérieusement la plaine, on peut en inférer la présence d'eau souterraines. Elles se tiennent vraisemlablement au-dessus de la couche marneuse signalée plus haut. La barthe, par son défaut de pente, de perméabilité, et son peu d'élévation au-dessus du niveau de l'Adour, reçoit et garde tous les égoûts du haut. Des digues très rudimentaires permettent aux moindres crues d'y pénétrer. Sauf l'été, c'est un lac marécageux. bn a cherché à remédier à ces inconvénients par un système de fossés et de canaux assez mal entretenus (§ 20).

Le climat est tempéré dans la moyenne. L'hiver, les plus grands froids dépassent rarement -4°; en été, quelques semaines sont très chaudes et l'on y voit le thermomètre monter jusqu'à +35° ; mais[343]en général la température se maintient entre +14° et +25°. La canicule amène des orages, quoique la grêle soit rare. Les vents régnants d'entre sud-est et nord-ouest, rendent les pluies fréquentes et, depuis quelques années, les saisons sont très irrégulières. Le voisinage de la mer produit des sautes brusques du thermomètre ; les habitants de la localité s'en garent en portant toujours de la laine (§ 10). Le grand fléau du pays, ce sont les pluies fréquentes signalées ci-dessus ; les fontes de neige s'y mêlent parfois. Dans les deux cas, le fleuve déborde et couvre toutes les parties basses. Mais la barthe seule en soufre grièvement.

Les productions végétales sont nombreuses. Le sol, abandonné à lui-même, produirait de la lande sur le coteau et du bois dans la plaine. On sème le pin maritime dans les parties sablonneuses et imperméaubles des hauteurs. Sous son ombre poussent le genèt, la 1ougère, l'ajonc épineux et la bruyère, dont la réunion forme le soustrage. Les diverses parcelles sont séparées par des talus plantés de laux-acacias, de chênes et de châtaigniers, exploités en taillis. Sur certaines parties, on remarque quelques futaies de chênes. Dans la plaine et le marais, le faux-acacia, le chêne blanc, le vergne (aune commun), diverses variétés de saules, plantés en bordure des champs oOu des prairies, sont coupés ous les quatre ans environ. Quant aux végétations variées, l'examen des comptcs annexés au budget (§ 16) indiquera suffisamment leur nature et leur abondance. Qu'il suffise de remarquer que la barthe ne fournit que de l'herbe et des jons employés comme lourrage et comme litière, et une espèce particulière servant à la fabrication des sièges de chaise : tandis que la plaine et la partie agricole du coteu produisent les céréales, les racines, les 1ourrages, la vigne et les cultures potagères. Au reste, les conditions particulières faites à la barthe nc permettraient pas d'autres récoltes que celles qu'on y trouve.

Culture du tabac à Saint-Étienne d'Horte en 1879 [§1]
Culture du tabac à Saint-Étienne d'Horte en 1879 [§1].

[344] Les productions animales naturelles sont rares quant aux moyennes espèces. Le gibier du pays est peu abondant aujourd'hui. Le gibier de passage offre des alternatives de pénurie et d'abondance (§ 7). On fait aux deux catégories une guerre acharnée qui explique leur rareté croissante. En revanche, les espèces dont la vente n'est pas lucrative sont très respectées. Les grandes variétés n'existent pas. Le blaireau et le renarl commencent la série très bien fournie des carnassiers inférieurs (§ 6), les petits oiseaux y pullulent, les reptiles y sont rares et peu dangereux. Les étangs et les ruisseaux nourrissent des anguilles . brochets, tanches. carpes, goujons et poissons blancs. Dans la barthe, on trouve plusieurs représentants des poissons de rivière, notamment la carpe qui y remonte parfois en grandes bandes. Enfin l'Adour. trés poissonneuse, permet en outre la pêche de l'alose. On verra que, par la situation de sa métairie, la famille ne profite que très faiblement de ces diverses ressources (§ § 7 et 10).

Nous donnons ci-après le cadastre de la commune. ous le bénéfice des observations qui précèdent, on en comprendra le sens.

L'organisation du travail ressortira suffisamment de la présente monographie. Cependant, les familles de la localité profitent plus de la barthe que le type étudié (§ 20), et y trouvent le pâturage, la chasse et la pêche fluviale. Celle-ci devient trés importante pour le groupe de Raz-Port, voisin immédiat de l'Adour. La propriété ou la location d'un foyer comprend au moins un poltager, souvent une culture fragmentaire. L'art des forêts est représenté par l'exploitation des bois, et celui des mines par l'exploitation des marnières. Les travau de fabrication à la main ou au bois sont presque tous d'industrie domestique accessoire (§ 6), quelquefois principale. Les moteurs à eau consistent en deux moulins : ceux à la houille, en une locomobile actionnant des batteuses et une scie mécanique ; c'est pour leurs propriétaires une industrie domestique accessoire, avec l'aide exceptionnelle d'ouvriers journaliers. Les transports par animaux de bât ou de trait ont un caractère essentiellement particulier, et ceux par batellerie sont rares. Cependant, ils seraient faciles si l'on pouvait aisément rejoiundre le fleuve, car l'Adour est navigable jusqu'à Bayonne (30 kilomètres) et jusqu'à Dax (20 kilomètres). La vicinalité est mauvaise sur le territoire de la commune ; elle devient excellente sur le chemin de grande communication n° 6, de Dax à Port-de-Lanne (3 kilomètres) ou à Orthevielle (6 kilomètres), qui [346] mettent les habitants en rapport avec Peyrehorade, le chef-lieu de canton. Enfin, la ligne du chemin de fer de Pau à Bayonne se trouve a 7 kilomètres et celle de Bayonne à Paris à 10 kilomètres de la localité.

Cadastre de la commune de Saint-Etienne-d'Horte (Landes) [§1]
Cadastre de la commune de Saint-Etienne-d'Horte (Landes) [§1].

Tableau de la population sous le rapport de la proprieté [§1]
Tableau de la population sous le rapport de la proprieté [§1].
Corps de métiers [§1]
Corps de métiers [§1].
Tableau des familles, d'aprés de nombre de membres qui les composent [§1]
Tableau des familles, d'aprés de nombre de membres qui les composent [§1].
Tableau des familles, d'aprés de nombre d'enfants [§1]
Tableau des familles, d'aprés de nombre d'enfants [§1].

Le rapport de la propriété familiale à la propriété communale et patronale est suffisamment indiqué dans les tableaux précédents. La composition des biens, leur mode de possession et de transmission, les subventions diverses sont sensiblement analogues à ce qui sera décrit pour la famille étudiée, avec cette différence, que les mé[347]tayers transmettent seulement à l'héritier associé le contrat qui les lie au maître ; mais au point de vue des droits utiles, on peut dire qu'ils possédent la propriété familiale limitée du foyer et du domaine. L'exemple choisi fera sufisamment apprécier les points essentiels concernant les biens mobiliers, le salaire, l'épargne, la famille ouvrière, son mode d'existence, les phases que cette existence peut présenter et le patronage qui la complète. L'organisation sociale dont fait partie la famille décrite apparaitra suffisamment dans la suite de cette étude. Nous signalerons seulement ici quelques traits complémentaires afin de pas surcharger les paragraphes suivants. Il suffira de s'y reporter pour avoir une idée exacte de l'ensemble et des détails.

Le village de Saint-Étienne comprend une agglomération de foyers. disposés en forme de rue le long de la route principale et sur la montée qui aboutit au coteau. Sur la côte se trouvent l'élise, la mairie . les écoles. le presbytère, quelques maisons de propriétaires et de métayers, ainsi que les rares petits commercants de la localité. Un second groupe. voisin de l'Adour, porte le nom de Ra-Port. Enfin, la partie agricole du coteau et l'etrémité de la plaine forment deux quartiers désignés par le nom du principal paysan qui les habite. Dans la plaine, les métairies sont en général à portée de la voix. Il est rare que le domaine soit d'un seul tènement. Cependant l'agglomération relative du bourg. le morellement des propriétés, ne semblent pas porter avec eux les conséquences habituelles. Les dispositions du lieu. rendent toute culture agricole diffieile sur la lande et impossible dans la barthe. L'origine des familles de paysans-propriétaires constituant leurs biens parcelle par parcelle, suivant les occasions d'achat, et se développant sur l'espace restreint où s'obtiennent les céréales, n'a pas permis la constitution de domaines agglomérés. Les nécessités défensives des temps passés, accusées par l'emplacement des églises. toutes au point culminant des localités. par la forme des clochers, véritables tours carrées, ont sans doute groupé les habitations près de l'abri commun. Les terres cultivées ont été acquises. puis conquises pied à pied, par défrichement des bois ou des terres vaggues et l'on s'est établi au centre déijà constitué, pour rayonner à l'entour. La tendance générale du pays. comme dispositions morales, est plutôt contraire à la promiscuité du voisinage. On se ferme volontiers chez soi ; on est jalou de l'indépendance domestique; on se clôt par des murs., des fossés, des haies épaisses, et l'on recherche[348]avidement l'occasion d'étendre par des acquisitions, même onéreuses, la zone qui sépare du voisin. La proximité des foyers est subie plutôt que recherchée. Il 'existe aucun château dans la commune (§ 3). En revanche, les paysans propriétaires sont nombreu. Ils ont, outre une réserve, de une à dix métairies. Le groupe des salariés comprend surtout des ouvriers journaliers agricoles. Quelques-uns sont attachés à des chantiers ou à des artisans chefs de métier. La permmanence des engagements envers un seul patron n'existe pas, mais la permanence du travail et des rapports produit les mêmes effets. En raison de la diversité des travaux, le salaire à la tâche n'apparait qu'exceptionnellement. Les petits commerçants ne vendent que des objets de première nécessité et vivent, pour une part égrale à celle de leur commerce, d'un travail agricole ou du produit de petites industries domestiques.

En résumé, l'ensemble agricole est prédominant. Rien n'y vient modifier sensiblement l'égalité des conditions. Sauf un plus grand luxe et un bien-être plus abondant, les familles de cette localité resemblent outes à celle que nous allons décrire.

§ 2. État civil de la famille.

La famille est originaire de la localité et constituée en famille-souche (§ 12), ancien régime de la famille dans le Béarn et le pays d'Horte. Ce régime se conserve particulièrement chez les métayers, qui se font remarquer par une rare fidélité au mœurs patriarcales et à la tradition.

Le présent tableau comprend le chef de famille et sa femme, un frère de celle-ci, célibataire ; la fille aînée mariée au foyer et destinée à succéder à ses parents dans la gestion de la métairie, le gendre, deux filles et deux garçons issus de ce mariage, soit :

1°PIERRE DARTHÈS, chef de famille............ 69 ans.

2°CATHERINE BORTHARY, sa femne............ 64 —

3°CATHERINE DARTHÈS, première fille, mariée depuis vingt-deux ans............ 38 —

4°JEAN MONTAUZÉ, mari de Catherine Darthès, né à Orthevielle, commune limitrophe............ 49 —

5°MARIE-LOUISE, leur première fille............ 21 —

6°HENRI, leur premier fils............ 11 —

7°PIERRE, leur deuxième fils............ 3 —

8°PASCAL dit Pascalon, frère de Catherine Borthary, célibataire............ 58 —

Marcelle, âgée de dix-neuf ans, deuxième fille de Jean Montauzé, est en service depuis un an dans la commune même. Marie Darthès,[349]âgée de trente-six ans, seconde fille de Pierre Darthès, habite Pey, commune limitrophe ; elle est mariée depuis quatorze ans à un fermier dont elle a eu quatre enfants. Pascalon ne reçoit pas de gages. Il vit dans la famille, y est entretenu, logé et nourri. Il travaille un quart de l'année hors de la maison et pour son propre compte. Il a un patrimoine de mille francs placé dans le pays. Il dispose de son revenu et de ce qu'il gagne pendant qu'il travaille hors de la maison. La famille ne sait rien de ses affaires, mais ne croit pas qu'il économise, parce qu'il aime « à faire la fête ». Jean Montauzé, le gendre, a un frère établi a Port-de-Lanne, et une sœur à Orthevielle, tous deux mariés et avec des enfants. Lanne et Orthevielle confinent à Saint-Etienne-d'Horte (§ 9).

§ 3. Religion et habitudes morales.

Culte et croyances.

1° Culte privé. — Le personnel actif du culte privé comprend habituellement la mère et la fille, exceptionnellement le curé. Le personnel passif se compose des membres de la famille. Les rites et coutumes se manifestent par la prière dite en particulier le matin et en commun le soir ; et par des images religieuses appendues dans chaque chambre. Le curé vient bénir les étables. les chambres, soit en cas de maladie, soit la veille d'un mariage, soit quand un appartement est remis à neuf. On conserve le cierge de la Chandeleur pour le cas où un mort serait dans la maison, et on l'allume également par les temps d'orage. Si l'on est malade, on demande au curé la récitation d'un évanggile ; pendant cette cérémonie, l'étole est posée sur la tête du malade. Enfin, à certaines fêtes et notamment à la Saint-Jean, on va boire l'eau à certaines fontaines. L'enseigement privé et sa doctrine se bornent à rappeler les ensei,gnements du curé. La fille fait la lecture du catéchisme et des Annales de la Propagation de la Foi. Dieu est souvent invoqué comme auteur des choses heureuses ou malbeureuses. comme devant récompenser ou punir, ain l fortifier les cœurs dans la résignation et la crainte. Tous prennent une part égale à ces manifestations du culte privé.

2° Culte public. — Le personnel actif se compose du curé, et, dans une certaine mesure, des Servantes de Marie. L'influence du premier[350]est grande ; elle augmente encore quand il y joint des qualités personnelles. Celles qui sont le plus appréciées sont le désintéressement pécuniaire, le dévouement aux enfants et aux malades, l'impartialité dans les rapports, la sympathie discrète mais affectueuse qui rend siennes les joies et les tristesses mais non les affaires d'autrui. Le personnel passif comprend les membres de la famille. Les rites et coutumes sont ceux du culte catholique. On constate encore l'intervention de l'Egalise dans les actes importants de la vie matérielle : processions des Rogations, cérémonies publiques dans les cas de féau ou d'épidémies, bénédiction annuelle des bestiaux, eiin les divers cas prévus par les rituels romains. Les exercices de piété sont fréquents. et la vie religieuse se manifeste avec intensité. La doctrine est celle de l'Eglise catholique, l'enseignement s'en inspire. Il se compose des sermons du dimanche et du catéchisme fait aux enfants pendant deux ans. La famille Montauzé pratique très eactement les obligations de sa religion. Autant que l'éloignement le lui permet. elle prend part aux exercices de piété. Elle s'approche régulièrement des sacrements et compte parmi les plus fidèles aux rites et coutumes indiqués plus haut.

3° Corporations religieuses. — La grand'mère, la mère et la fille font partie d'une confrérie purement religieuse. Marie-Louise appartient à la Congrégation de la sainte Vierge et la famille est associée de la Propagation de la Foi.

4° Relations auec les dissidents. — Il n'en existe pas dans la commune. Les quelques juifs du pays sont peu aimés. Le mot « juif »» est un terme de mépris.

Habitudes morales. Education.

La tradition, l'enseignement religieux et l'expérience personnelle confirment chaque génération dans un ensemble d'idées et de meurs auxquelles la famille demeure fermement attachée. L'ensemble des principes qui règlent la vie morale est inspiré par la religion chrétienne. Le père et la mère se partagent le dépôt et l'enseignement de ces principes. Montauzé est cependant la premiêre autorité de la famille. Par sa soumission à la loi de Dieu, par son respect pour la tradition des ancêtres, tant au point de vue moral qu'au point de vue matériel, son rôle de gardien vigilant des coutumes héréditaires lui donne tous les droits à la première place. Il la partage la plupart du temps avec sa femme. Celle-ci n'a rien de la soumission servile ou de la rivalité[351]intéressée. D'un commun accord, ils président au gouvernement de leur foyer avec les nuances de conduite et de procédé qui dérivent de leurs différents caractères. Le père apporte la gaité, la bonté habituelle que corrigent au besoin les éclats d'une vivacité rude. La mêre montre la même vivacité mais plus ordinairement. Elle veut que les affaires de son ressort marchent énergiquement et rondement. Actuellement, ils ont la direction effective de toutes choses, leurs parents. très âgés, se reposant sur eux du courant de la vie. Au reste, tout se succède dans cette famille, et la génération suivante ressemble à eelle qui précède.

Ils restent attachés à la terre, paysans de cœur, et ils en sont fiers: ils ont l'amour du foyer (§ 12), de la langue gasconne, des coutumes locales, des procédés d'éducation morale et agricole particuliers au pays. résistent à la nouveauté tant que son utilité n'est pas démontrée avec évidence. Cet esprit traditionnel se révèle par mille indices. Il apparait dans le costume (§ 10), dans la nourriture (§ 15. sect. I), dans lesméthodes de travail (§8), dans les principes particuliers qui règlent la morale. l'éducation et le savoir-vivre (§ 18), la politesse, les coutumes spéciales des fiançailles, des mariages, des baptêmes. des enterrements (§ 19), dans l'estime accordée à certaines qualités de caractère. dans l'indifference à l'égard d'autres aptitudes, dans l'attachement aux coutumes testamentaires, à celles qui règlent le métayage, le patronage, le voisinage et une foule d'usages particuliers ( § 14,15 et 16), notamment les subventions, les payements en nature. enfin dans le culte des morts. sur la tombe desquels on prie chaque fois que l'on va à l'église et pour lesquels on fait célébrer de nombreux services (§ 19). V'oiei les trait les plus saillants de cette éducation morale. commune à cette familleet à celles qui l'entourent, et qu'on n'hésite pas à graver dans l'esprit des enfnts par des corrections fréquentes quand l'exemple ne suffit ps. La famille rȩoit l'enseignement religieux du clergé et l'enseignement scolaire de l'insltituteur. Hors du domaine strictement limité de ces deux enseignements, elle n'accepte aucune ingérence étrangère dans la formation de ses enfants. Les représentants des cultures intelleetuelles se plaignent de n'être pas secondés par la famille, et par suite de l'insuffisance de l'éducation. On le fait à dessein. Les parents tiennent à passer intacts à leur postérité les sentiments. les manières de voir. les affeetions et les haines héréditaires aussi bien que les procédés de travail. L'émigration vers la ville, que détermine le développement de l'instruction, n'est pas faite pour adoucir ce sentiment d'ex[352] clusivisme familial et même communal, qui a pour conséquence de marquer d'une forte empreinte les membres d'un même foyer. Le respect des parents, l'attachement au foyer, l'esprit de famille, et un caractère marqué d'originalité en résultent. On se sent les coudes, et cela dans la famille et entre les foyers voisins. La famille forme donc une unité très forte et très compacte. Les caractères apparents sont : la virilité, la fermeté presque entêtée, la susceptibilitéet le défaut de conciliation dans les relations, un prolond sentiment égalitaire, une émulation orgueilleuse à se maintenir au niveau commun, qul, pour avoir quelques inconvénients, n'en produit pas moins de grands résultats, car je la crois le levier de presque toutes leurs actions. Entre eux et avec l'étranger ils sont hospitaliers, serviables, charitables et dévoués, s'entr'aidant ; le tout à titre de revanche et par apprécation très juste de la solidarité qui existe entre les hommes. La discipline maintenue dans la famille, produit le respect et la déférence envers les supérieurs. Leur sentiment d'égalité marque son empreinte sur la façon dont ils considèrent les classes dirigeantes. Ils ne leur reconnaissent nullement une supériorité native ; ils n'aiment pas les chapeaux ; en revanche, si les représentants de ces classes fondent leur ascendant sur le travail, la vertu et les services rendus, ils apprécient l'utilité de leur rôle, sentent de quel intérêt est pour eux l'existence de ces familles patronales et savent le témoigner. D'autre part, ils ont une idée très nette de la valeur de leur propre rôle ; par suite, leurs rapports avec les classes supérieures sont caractérisés par une grande tierté, de la dignité et de l'indépendance ; mais rien qui ressemble à l'antagonisme ne s'y montre. Il y a chez ces métayers plus de race que dans bien des milieux qui représentent aujourd'hui l'ancienne aristocratie française.

§ 4. Hygiène et service de santé.

L'apparence de la famille indique la santé. Les vieux parents, amaigris par l'âge et le travail, n'en ont pas moins une verte vieillesse. Ils n'ont jamais été malades. Montauzé est de taille moyenne, carrément bâti. et très fort ; ses yveux bleus et la coupe générale de sa figure sont d'un type assez rare. Il n'a pas les caractéristiques arabes très fréquentes dans le pays d'IHorte ; le nez est droit, le front et le menton carré, les lèvres assez épaisses ; le teint est hâlé mais clair : il appar[353]tient à la race indo-germanique, et à la famille des Goths. Sa bonne humeur et sa gaieté sont des indices assurés de son état de santé habituel. Il a eu cependant dux fois les fièvres malignes, en 1865 pendant vingt jours, et en 1870 pendant un mois. Catherine, sa femme, est grande, très maigre, très active : c'est un paquet de nerfs. Les yeux et les cheveux châtains, le front bombé. le nez recourbé, les lèvres minces, le menton pointu, elle offre. comme ses parents et presque tous les indigènes, le type arabe qu'on observe en Syrie. Des considérations tirées de ia constitution physique, du caractère et des habitudes, du langage et des souvenirs du pays, font en effet reconnaître, à quiconque a vécu de la vie orientale, que cette population appartient en grande partie aux conquéraunts de l'spagne, venus se greffer sur un fonds celtique et gothique ; mais le sang arabe l'emporte. MarieLouise et Henri rappellent leur mère par les traits. En grandissant, comme on le remarque chez les enfants de ce pays. la fille prend les allures maternelles, tandis que le fils tend à ressembler à son père dans l'ensemble de sa maniêre d'être. Quant à Pascalon, il n'offre rien de particulier ; c'est une figure ronde, au nez rouge, au teint enluminé. Dn voit que la bouteille n'est pas son ennemie. La famille a des habitudes de grande propreté. Les ablutions sont fréquentes. Elles ont lieu chaque matin et aprés tous les travaux un peu sales. A cet effet un essuiemains est suspendu près de la cruche dans la cuisine. Les bains généraux sont pris tous les trois mois environ.

Comme on pourra s'en convaincre en examinant la nourriture (§ 15, section I), la prédominance du sel et des crudités fait tomber les dents de bonne heure. Cependant il n'en résulte aucun autre effet d'échauffement. Le pain de mais (méure) est nourrissant et rafraichissant. Les conditions dans lesquelles il est fait (§ 16) lui laissent toutes ses qualités nutritives. On sait que le grain de mais est très riche en acide phosphorique et en aote. C'est à son inluence que j'attribue la solide carrure des gens du pays et la richesse de leur sang. Les conditions hygiéniques résultant du lieu ont été (§ 1) ou seront décrites (§ 10). Les vêtements, par la présence du béret de laine. du tricot et de la ceinture de laine rouge qu'on ne quiltte jamais, marquent qu'on se tient en garde contre les brusques changements de température. Il corrigent les dangers que pourrait présenter, en été, le port exelusif de la toile (§ 1). La maison est construite en vne de se défendre contre la chaleur (§ 10). Les lits sont chaudement couverts. Cela tient à la fraicheur des nuits succédant à la chaleur des jours.

[354] Le médecin est à huit kilomètres de la localité. C'est un officier de santé jouissant d'une popularité universelle. Cette confiance n'est pas altérée par l'insuccès de plusieurs cures, insuccès dû à l'habitude invétérée du paysan d'appeler le médecin trop tard. bLes paysans cependant ne se médicamentent pas eux-mêmes. Muand ils se sentent atteints, ils gardent la diète, prennent des tisanes (15, sect. IV) et se font des applications de sangsues. très abondantes dans la barthe. L'homme influent du pays est le rebouteur, quoique le vétérinaire lui asse concurrence. La population a confiance dans les pratiques secrètes et mystérieuses : la famille s'en distinggue par son incrédulité à cet endroit. En revanche, ils aiment l'intervention du prêtre et les bénédictions nombreuses du rituel romain, principalement quand les bestiaux sont malades.

§ 5. Rang de la famille.

Le chef de la famille, par sa profession principale, appartient à la catégorie des tenanciers-métayers. Les nombreuses industries qu'il exerce le rangent éggalement parmi les chefs de méltiers, propriétaires de la petite industrie faumiliale et domestique accessoire. Il est co-propriétaire de ses animauux domestiques, propriétaire du matériel aggricole et industriel, du mobilier meublant et personnel. Les droits utiles dont il jouit, sur l'ensemble du domaine, l'assimilent du reste à la catégorie des propriétaires possédant la propriété limitée du foyer et du domaine. Par la considération due à l'ensemble de ses qualités morales, par son esprit de tradition et de travail, la famille occupe un rang élevé dans l'estime publique, mais aucun indice ne permet de conjecturer qu'elle s'élevera au rang de paysan propriétaire. L'avenir certain que lui ofire sa condition ne lui fait pas désirer d'y changer quelque chose. Elle vit largement et se contente de pourvoir a l'établissement périodique des enfants mariés au dehors.

Moyens d'existence de la famille

§ 6. Propriétés.

[355](Mobilier et vêtements non compris.)

Immeubles............ 0f 00.

La famille ne possède aucune propriété de ce genre ; mais les droits dont elle jouit (§ 7) sur le domaine qu'elle exploite sont sensiblement les mêmes que ceux d'un propriétaire. Voiei la composition de ce domaine :

Maison d'habitation et bâtiments d'exploitation, 6.000f00 ; — fournière et loge à porcs. 1.800f00; — terres labourables (42 journades), 21.000f00 (la journade vaut 14a 89c); — vignes (5 journades), 2.000f00; — taillis (27 journades), 4.250f00; — landes (44 journades), 6.600f00; — pâtures (2 journades 1/2), 375f00; — barthes (18 journades), 4.500f00 ; — aunaies (30 carreau : il y en a 3 dans une journade), 200f00. — Total, 46.725f00.

Argent............ 1.400f00.

Somme gardée par la maîtresse de maison et son mari et constituant avec les grains, les bestiaux et les provisions, le fonds de roulement de la famille, 400f00; — économies réalisées depuis quatre ans (l'état emmbarrassé des affaires de la famille n'ayant cessé qu'à cette époque,§12), 500f00; — somme possédée à titre iundividuel (réserve personnelle du grand-père), 500f00. — Total, 1.400f09 (non compris une somme de 1.000f00, placée à intérêts dans le pays et appartenant au frère de Catherine).

ANIMAUX DOMESTIQUES entretenus toute l'année............ 971f50.

1° Bêtes à cornes. — 1 paire de bœufs achetés 800f00, vendus au bout d'un an, et pesant alors 1.492k, à 0f70, soit 1.034f40 : valeur moyenne annuelle, 922f20, dont 50 0/0 au métayer soit 41f 10; — 1 vache laitière gardée 8 ans, achetée : 300f00 valeur moyenne annuelle, 230f00, dont 50 00 au métayer, soit 115f00. — Total, 576f10.

2° Basse-cour. — 2 cochons achetés 60f00, tués au bout d'un an et valant alors 246f00 ; valeur moyenne annuelle, 153f00; — 3 poules et poulets, 131f25 ; — 16 oies, 54f25 ; — 10 canards, 31If 90; — 1 chien de garde, 25f00. — Total, 395f 40.

ANIMAUX DOMESTIQUES enretenus une partie de l'année............ 388f92.

1 paire de bœufs achetés 790f00, vendus au bout de 6 mois et pesant alors 1.450k, ̀à 0f 70, soit 1.O15f00 : valeur moyenne annuelle, 451f25, dont 50 0/0 au métayer, soit 225f62 : — 1 paire de bœufs achetés 820f00, vendus au bout de 6 mois et pesant alors 1.470, à 0f70, soit 1.029f00 : valeur moyenne annuelle, 462f 25, dont 50 0/0 au métayer, soit 231f12; — 1 paire de bœufs achetés 835f00, vendus au bout de 3 mois et pesant alors 1.440k, à 0f75. soit 1.080f00 : valeur moyenne annuelle, 239f37, dont 50 0/0 au métayer, soit 119f68 ; — 1 veau gardé 3 mois et vendu 50f00, valeur moyenne annuelle, 12f50. — Total, 588f92.

Matériel spécial des travaux et industries............ 1.715f 40.

1° Exploitation des champs, des prairies, des arbres et du bois de chauffage. — 4 faux, 11f50; — 2 paires de marteaux, pierre et repoussoir pour les faux, 12f00; — 6 rateaux, 12; — 6 fourches en bois, 3f00; — 5 barres pour presser le foin sunr les charrettes, 7f09: —[356]2 charrues pour le blé, 140f00; — 2 raineaux à charrue (leuilh), 8f00; — 3 herses, 25f00. — 4 pieux, 2f50; — 2 aiguillons à charrue, 1f00; — branches pour suspendre le tabac, 1f30; — clous pour ixer le tabae, 2f50 ; — 4 pieux pour le porter, 2f00; — 2 charrues à fer en tréfle pour le malis, 40f00; — 2 charrues à fer en couteaux, 40f00; — 1 coutre, 6f00; — 2 claies pour une charrette à mais, 6f00 ; — 4 charrue à tracer le mais, 6f00; — 3 hoyaux pour les vignes t(pics), 6f0; — 3 hoyaux pour la culture, 9f00 ; — 3 hoyaux d'une forme plus grande, 18f00 ; — 4 volants (dail), 24f 00; — 8 bines (houssepres), 24f00 ; — 4 rateau a fumier (arrestepiche), 10f00; — 4 fourches (hourcate), 8f00; — 3 béches (pades), 12f00; — 4 bines plus petites, 12f00; — 10 saes de toile, 10f00; — 11 paniers de paille 4f00 ; — 1 petit panier, 1f25; — 6 faucilles, 12f00; — 4 serpes (poudeu), 8f00 ; — 8 barriques, 80f00; — 2 demi-barriques, 12f00; — 2 barils, 7f00; — 1 scie, 2f25 ; — 2 brouettes, 30f00 ; — 1 chèvre, 2f00 : — 1 petite cuve pou mettre le vin en barrique, 3f00; — 1 entonnoir, 0f25; — bondes et bouchons de barriques, 1f00; — 1 cuvier, 6f00 ; — 2 vieillcs barriques, 8f50; — bis pour faire rouler les barriques, 7f00; — bois pour tenir le cuvier, 4f00; — support pur le cuvier, 6f00. — Total, 648f 05.

2° Exploitation des bêtes a cornes et de la vache laitiére. — 2 charrettes, 500f00; — 3 mangeoires, 18f00 ; — 3 jougs complets, 90f00; — a5 jougs pour mener les bœufs, 6f25 ; — 2 paires de filets contre les mouches, 8f00; — 8 jougs, 24f00 ; — 2 peaux pour jougs (gues). 12f00; — 3 paires de toiles contre les mouches pour aller au marché, 22f50; — planches pour les charrettes, 12f00: — 2 seaux pour l'étable, 6f00; — 6 hachoirs, 12f00; — 1 auge à hacher, 30f00; — 1 hache-paille, 15f00 ; — 1 vase a traire la vache, 1f50 ; — 6 plats de terre pour faire crémer le lait, 0f90. — Tota, 758f 15.

3° Exploitation du jardin potager et de la partie du domaine cultivé par la famillde d son propre compte (outre les instruments de l'exploitation agricele qui servent aussi aujardin). — 3 sécateurs, 18f00 ; — 2 piéges a taupes, 1f0 — 1 arrosoir, 5f00. — Total, 24f50

4° Exploitation de la basse-cour et des porcs et transformation des viandes en conserves alées. — 1 cage a poulets, 2f00 ; — 1 auge en pierre pour les porcs, 8f00; — 1 saloir, 15f00 ; — 1 trépied, 4f00; — 1 tamis, 1f00 ; — 2 coffres, 20f00; —10pots de terre, 15f00; —2 cuillers, 0f50. — Tota, 65f0.

5° Exploitation de l'atelier de menuiserie, charpenterie et charronnage. — 1 établi et 1 valet, 10f00; — 1 planche servant à suspendre les ustensiles suivants, 0f60; — 1 hachette de charpentier, 6f00; — 1 hachette plus petite, 3f00; — 2 scies à mains, 3f00; — 2 rabots de fer, 6f00; —1 cuiller à plomb, 0f50; —1 hachette spéciale pour charrettes appelée guo. 2f009; —2 anneaux pour emmancher les outils, 0f20; — 4 1arières, f00; — 1 petite hache de charpentier, 6f00 ; — 1 petite hache a téte earrée, 4f60; — 1 fer a cercler les timons de charrette, 1f00; — 1 équerre en fer, 1f00; — 2 crochets à porte, 0f50 ; — il de fer, 0f10 ; — 2 marteaux, 3f00. — Total, 54f90.

6° Battage des grains. — 4 fléaux pour le blé, 8f00 ; — 1 dépiquoir à mais (desquillède), 12f00. — Total, 20f00.

7° Fabrication du pain de mais. — 1 coffre à farine, 10f00 ; — 8 cercles à méture, 3f20 ; — 1 pétrin, 15f00 ; - 1 pelle en bois, 1f00. — Total, 29f20.

8° Blanchissage du linge et des vêtements. — 2 baquets, 6f00; — 1 cuve, 30f00; — cordes pour secher le linge, 6f00 ; — 3 fers à repasser, 4f50. — Total, 46f50.

9° Filage du lin et confection de la toile. — 5 queunouilles (usegiches), 3f 20; 2 dévidoirs à lin, 4f50 ; — 2 autres dévidoirs, 3f00; — 1 rouet et ses accessoires, 6f00. — Total, 16f70.

10° Confection des vêtements, du linge, ds couvertures des eufs, et du trousseau de ia jeune fidde. — 2 paires de ciscaux, 5f00; — aiguilles, 0f 75 ; — aiguitles à tricoter, 0f30 ; — dé à coudre, 0f20; — 1 poiņon, 0f25 ; — 1 passoire, 0f10. — Total, 6f 60.

11° Exploitation des proluctions spontaées et des fruits (outre les ustensiles de ménage). — 2 paniers à faire le marché, 4f 30.

12° Exploitation de la chasse. — 1 fusil, 12f00; — 1 canardiére, 18f00. — Total, 30f00.

13° Exploitation de la pêche. — Houche à auguilles, 3f00; — nasse à anguilles, 8f00. — Total, 11f 00.

Valeur totale des propriétés............ 4.675f82.

§ 7. Subventions.

[357] L'examen des comptes relatifs aux subventions fera connaître leur nombre et leur variété. Elles ont pour origines le patronage, le voisinage et les productions spontanées, notamment les fruits, le gibier et la pêche. Parmi celles qui proviennent du patron, les unes pourvoient au chauffage et à tous les besoins de l'entretien des outils et du matériel d'exploitation. Les autres viennent faciliter dans une large mesure l'existence de la famille ; il suffit pour s'en convaincre de jeter un coup d'œil sur le compte des produits de la vache laitière. Les principales subventions consistent certainement dans l'abandon gracieux fait par le maître au métayer, des droits utiles de la propriété, dans son renoncement aux menus profits de l'exploitation, dans la permanence volontaire des engagements. qui produit, par la force de la coutume, toutes les conséquences heureuses du régime des engager ments forcés (§ 13). Quand l'année est exceptionnellement mauvaise et que l'épargne de la famille ne peut faire face aux exigences de la situation, le maître intervient par des dons en nature et en argent. Quoique le métayer soit débiteur des valeurs ainsi fournies, on n'en exige le remboursement que dans le cas où la prospérité de la famille le lui permettrait. Elle-même mettra son amour-propre à s'acquitter d'une façon ou d'une autre.

Le voisinage et ses obligations fournissent à la famille des ressources de toute nature. La première loi de cette institution est l'assistance mutuelle dans tous les cas et pour toutes les nécessités que peuvent présenter les phases de l'existence (§ 18). La principale application de ce principe général apparait dans les échanges des journées à l'époque des grands travaux. Au reste, qu'il s'agisse le l'un ou de l'autre genre de subventions, la réciprocité est de rêgle. Elle est presque absolue entre familles voisines ; à l'égard du patron, elle se manifeste par des redevances minimes, et, si ce dernier a demandé quelques services à son métayer, ils trouvent leur récompense dans le repas du jour de l'an, dans un verre de vin, un repas, un cadeau. Les subventions perdent ainsi le caractère d'aumônes ; elles présentent, aux yeux des familles ouvriêres, une sorte d'égalité morale entre les classes, et, par suite, contribuent très efficacement à la bonne harmonie des rapports.

[358] Les productions spontanées apportent leur contingent au bien-être de la famille. Ces subventions seraient plus importantes, si la famille était voisine de la barthe, où elle trouverait le pâturage, les produits de la chasse et de la pêche en plus grande abondance.

§ 8. Travaux et industries.

1° Sommaire des travaux de l'année.

Janvier. On fait le bois, on taille les vignes et l'on coupe le soustrage (§ 1). — Février. Soins donnés à la vigne, continuation des travaux de janvier. — Mars. Labours préparatoires du mais. Préparation des baradeaux et des clôtures. — Avril. Labours et semailles du mais, précédés du transport des fumiers. — Mai. Hersage des mais semés ; soins divers ; semailles des terres les plus froides. Semailles et soins donnés au tabac. — Juin. Continuation des semailles du mais ; sarclages et soins divers donnés au mais et au tabac. — Juillet. Fauchage et battage du blé, sarclages et soins du mais et du tabac. — Août. Travaux de nettoyage du mais, sarclages fréquents ; semis de navets-raves. Préparation des terres pour les semailles des verdures d'automne, récolte du fourrage de mais (cimes). — Septembre. Fourrage de mais (feuilles ) ; semailles de verdures d'automne. — Octobre. Continuation des semailles de verdures ; récolte du mais, dépouillement du mais : préparation des terres pour le blé ; coupe et transport du soustrage. — Novembre. Semailles du blé. Coupe et transport du soustrage. — Décembre. Confection du matocq (couche d'herbe superficielle mêlée au fumier), quand on n'a pu le faire en été : coupe et transport du soustrage et du bois ; confection

Pendant toute l'année, on coupe soit les fourrages verts soit les navets-raves ; on porte le fumier sur les champs où on l'empile en tas mélangé au matocq; enfin on se livre à diffTérents travaux d'entretien et de nettoyage. Il faut ajouter à ces travaux les soins courants donnés aux bestiaux, à la basse-cour, au ménage, au jardin potager. Les soins donnés au tabac remplissent tous les mois d'été.

2° Sommaire des heures de travail, de repos et de chomage.

Printemps. — Cette saison agricole commence vers le 15 février et se termine dans la premiêre quinzaine d'avril. Elle comprend neuf di[359]manches, le mardi gras, le lundi de Pâques. Pendant ces fêtes chômées, on se contente des soins indispensables à donner aux bestiaux et au ménage. Les jours ouvrables, le travail commence à 5 heures, est coupé par le déjeuner de 8 heures (§ 9), par le dîner à midi et la sieste ou repos jusqu'à 1 heure, par le goûter à 4 heures et demie, et se termine, vers 8 heures, par le souper.

Eté. — Il dure jusqu'au 15 septembre environ. Il comprend vingtpuatre dimanches, deux fêtes chômées, et quatre jours au moins de fétes locales. Le travail commence à 4 heures, les heures de repas restent les mêmes, mais la sieste de midi dure jusqu'à 2 heures et demie. Le souper a lieu à 8 heures et demie. et l'on prend le frais jusque vers 9 heures et demie.

Automne. — Il dure jusqu'au 15 novembre environ. Les dimanches et fêtes chômées y comptent pour sept jours. Le travail commence vers 6 heures du matin ; les repas ont lieu aux mêmes heures ; la sieste de midi est remplacée par un repos ou de menus travaux d'intérieur. Le souper a lieu vers 8 heures.

Hiver. — Il dure jusqu'au 15 février environ. Il comprend treize dimanches et une fête chômée. Le travail commence vers 6 ou heures, et la journée est à peu près semblable à celle de l'automne.

3° Sommaire des travaux d'une journée.

Les travaux journaliers varient selon les saisons. Les menus travaux ont lieu le matin ; le repas des animaux précède ou suit celui des métayers. C'est après la premiêre ration qu'on attelle pour les charrois ou façons. A midi, il faut de nouveau nourrir les beufs; on reprend ensuite les gros travaux, et le soir a lieu la distribution de la dernière ration aux animaux. Les femmes n'ont guère plus de régularité dans leurs habitudes. Le ménage des chambres est fait aux moments libres ; sauf la préparation du repas de midi, du souper, et de la pâtée des porcs, on donne aux soins intérieurs et aux travaux ménagers les heures que ne prennent pas les occupations et les nécessités de la culture.

4° Repartition des travaux entre les membres de la famille.

Hommes. — Le grand-père a la direction générale de l'atelier, et Montauzé, celle des travaux journaliers. Les gros travaux, tels que labourages, hersages, conduite des attelages, coupe et transport des produits agricoles, fourragers ou forestiers ; soins, manipulation, trans[360]port et épandage des fumiers et composts, prestations vicinales ou patronales, entretien du mobilier, assistances aux foires et marchés, sont réservés aux hommes. Dans certains travaux intérieurs, les hommes apportent une aide temporaire aux femmes (§ 14).

Femmes. — Sauf le labour, le hersage et la conduite des attelages. elles partagent les travaux des hommes. Elles donnent une grande part de leur temps aux travaux d'intérieur. Catherine est plus spécialement chargée des soins domestiques, els que cuisine, ménage, soins de la basse-cour, et Marie-Louise, des travaux extérieurs et de la couture. Il est à remarquer que ce ne sont pas les femmes, mais les hommcs, qui traient les vaches.

Enfants. — Henri passe presque tout son temps à l'école. Les vacances ont lieu au mois de septembre. Il prend part aux travaux de la saison. sans faire rien qui excède ses forces. Environ deux mois par an, il reste à la métairie, pour aider aux travaux urgents.

5° Remarques genérales.

L'âge du plein travail est de quinze à soixante ans. Tous les membres de la famille s'occupent, autant que possible, en commun, des travaux des champs et de quelques travaux spéciaux, tels que l'abatage des cochons, la nourriture des bestiaux, la culture du jardin poager. Les gens de ces contrées ne sont pas accoutumés à un grand effort de travail : c'est la continuité des petites forces enployées, qui produit les résultats obtenus. Aussi trouve-t-on rarement des gens inoccupés. Le repos consiste principalement dans le changement d'occupations. L'habitude d'être ensemble, de causer en travaillant, soit entre eux, soit avec les animaux, répand beaucoup d'entrain et de diversité dans la suite monotone des jours ouvrables. Ils en prennent gaîment à leur aise avec le labeur, comme des gens sûrs du lendemain et qui n'ont, partant, nul besoin de se presser.

§ 9. Aliments et repas.

Repas ordinaires. — Le matin vers 8 heures (§ 8), a lieu le premier déjeuner. Il se compose de meture (§ 16 G), de fromage ou de lait. Pendant quatre mois environ (ceux où la pénurie du lait ne permet pas la confection des fromages et dont l'époque est variable), le fromage est remplacé par des sardines fumées, à raison d'une douzaine par mois, [361] et par des œufs en omelette ou frits dans la graisse. A l'époque des Salés (décembre). les produits accessoires des animaux, transformés en conserves, entrent dans la composition de ce premier repas (§ 15, sect. I). A midi, le dîner comprend la soupe ou garoure, mélange de choux, haricots, pommes de terre, légumes de saison, cuits longuement dans de l'eau additionnée de graisse et de salé (oie, canard, ou porc), et fortement épicée (§ 15, sect. I) ; on la trempe avec du pain de froment ou de la méture, souvent les deux sont réunis, mais la consommation du pain n'est que d'un kilogramme tous les trois jours environ. Le morceau de salé, cuit dans la marmite, et des légumes de saison fricassés dans la poêle, forment le reste de ce repas ; la méture sert de pain ; on l'assaisonne avec toute sorte de condiments. Le dessert se compose de figues, de noix, ou de pommes, selon l'abondance ou la saison. A 4 heures, on goûte, aux champs ou à la maison, avec un peu de méture ou de pain, un oignon, un fruit, du fromage, du piment, un reste du repas. La composition du goûter est essentiellement variable selon la saison et le goût de chacun. Vers 8 heures du soir, a lieu le souper : on mange une soupe de légumes à la graisse, du fromage, du lait. des œufs, des légumes.

Repas exceptionnels. — La volaille, le poisson, les œufs au jambon, exceptionnellement la viande de boucherie, varient l'ordinaire. L'examen du § 15, sect. I, montre que ces aliments ne sont pas d'un usage fréquent. Une indisposition, une visite, une pêche heureuse, motivent ces dérogations au régime habituel.

Caractères genéraux de la nourriture selon les époques de l'année : liments solides. — Le fond commmun à toutes les saisons est formé de méture et de pain, de salé, de fromage, d'œufs, de lait. L'hiver, les pommes de terre, haricots, pois, choux, carottes, potirons, châtaignes, sont d'usage constant, sauf les deux dernières espèces, restreintes, par leur époque de maturité ou leur peu d'abondance, aux seuls mois d'automne. La graisse est, pendant ces mois, l'assaisonnement courant, avec tous les légumes-épices qui peuvent se conserver ; la cuisine parfaite est graisseuse et très montée. L'été, les légumes verts (les salades surtout) accommodés à l'huile et au vinaigre, quelquefois au sel ou à la graisse, dominent dans l'alimentation : ce sont les laitues, piments, ail, tomates, fruits ; les champignons appar raissent vers le mois de septembre, mais toutes les années ne les voient pas aussi nombreux. La famille observe les périodes d'abstinence fixées par le culte catholique, mais elle ne supprime alors que[362]la viande ; la graisse est permise comme assaisonnement, sauf les jours de jeûne (§ 3).

Boissons. — Le vin et l'eau sont de tous les repas, mais on ne consomme pendant le travail, sauf dans les grandes fatigues, que de l'eau ou de la piquette.

Caractères généraux des repas. — Le bien-être relatif dans les choses de la table est un luxe recherché et apprécié. Il est pour chaque famille aussi grand que le comporte sa position. Ici, c'est une nappe très blanche, une propreté scrupuleuse, un couvert bien mis. un certain cérémonial ; tous sont réunis autour de la table commune, les femmes font le gros du service, mais mangent entre temps. mêlées aux hommes. C'est le moment du repos, de la causerie: on procède lentement, avec l'affaissement paresseux des gecns qui se délassent.

Repas de fête et de famille. — Les repas de famille ont lieu tous les deux mois environ. Ils sont rendus par les parents dans la même proportion. Leur composition tient le milieu entre les repas ordinaires et le repas de fête locale, dont voici le menu : soupe au bœuf et à la poule farcie ; bouilli à la sauce tomate ; jambon ; poule au pot, poulet et canard rôtis ; crème à la canelle ; pàté à la farine. aux œufs et à la fleur d'oranger ; café, eau-de-vie, tabac. Le pain remplace la méture, et est fait exceptionnellement à la maison. Cependant certains invités restent fidèles à la méture..

§ 10. Habitation, mobilier et vêtements.

Située sur le bas côté de la plaine, au S. S.-E. du territoire de la commune, ombragée de grands peupliers et de chênes touffus, sous lesquels serpente, toujours clair et abondant, le ruisseau le Leuilh, la métairie de Labarraille demeure cachée aux yeux du passant. Entourée de ses champs comme d'un rempart, se sufisant presque à elle-même, dissimulée dans son repli de terrain et dans la verdure de ses arbres, elle offre une apparence de paix, de sécurité et de bonheur tranquille qui frappe l'esprit le plus indifférent, si toutefois on a su la découvrir et pénétrer jusqu'à sa porte. Ces conditions physiques ni sa faible alitude (5m,10) ne nuisent à la salubrité de ce petit coin perdu, et la famille atteste. par sa santé persistante, combien lui[363]est favorable l'ensemble des conditions, au sein desquelles s'écoule sa tranquille existence. La maison est parfaitement saine et sèche, son aération plus que suffisante ; abritée par un toit en tuiles, dont la forme en accent circonflexe marque son origine ancienne et l'esprit de tradition de son propriétaire, elle a vraiment bon air et l'apparence aisée. L'habitation est tout entière construite en moellons du pays. La charpente forme un angle très obtus, débordant sur des murs de 0,48 d'épaisseur. L'orientation du pignon est E.-0.

Superpficie de la maison et de ses dépendances [§10]
Superpficie de la maison et de ses dépendances [§10].

Comme toutes les vieilles métairies du pays, l'habitation de la famille Montauzé n'a qu'un rez-de-chaussée. On doit attribuer l'adoption de ce modêle unique aux fortes chaleurs de lété. Les paysans reconnaissent que les nouvelles constructions carrées et à deux étages sont beaucoup moins fraiches.

La maison (oustao) est divisée en deux parties égales par un préau long de 15m,75 et large de 5 mêtres. Au fond, un petit escalier conduit au grenier principal, situé au-dessus, et à un grenier-décharge dont la porte est à gauche en montant. Ce préau sert à battre le blé. à dépiquer le mais, à remiser les charrettes, enfin à tous les travaux d'intérieur. C'est aussi le lieu de réunion en été, l'atelier de couture pour les femmes. Deux portes, aux extrémités, le font communiquer avec le jardin à l'ouest et la cour à l'est. La muraille nord est percée de deux portes ouvrant l'une sur l'étable et l'autre sur la chambre de Montauzé et de sa femme. Les autres pièces de la maison ouvrent sur la muraille sud, à savoir : la chambre de Marie-Louise, celle du grand-père et la cuisine. Les chambres sont carrées, d'une superficie moyenne de 10m,82, et sont éclairées chacune par une fenêtre de 1m,30 de haut sur 0m,80 de large. La cuisine ouvre sur la cour et sur le préau. Elle a 5m,55 sur 4 mètres. Deux portes intérieures conduisent l'une à la laiterie et au chai ou cellier, l'autre à la chambre de Pascalon. La hauteur de toutes ces pièces estde 4m,50. La fourniêre (ou fournil), séparée de l'habitation et bâtie en moellons, est couverte de tuiles plates. Elle est grande pour le pays. La buanderie se trouve[364]dans la salle sur laquelle ouvre le four. La porcherie, petite construction en bois, comprend une sortie entourée de claies.

Le sol de la cour disparait sous une épaisse couche de soustrage. Les allées du jardin sont bordées de fleurs les plus brillantes par leurs couleurs, quoique les plus modestes dans leurs espèces. Des carrés, nettement divisés, proprement tenus, quelques arbres fruitiers, et l'on trouve dans ce quadrilatère, adossé au mur 0. de la maison, tout ce qui peut nourrir ses habitants. 'en excepte pourtant les haricots et les pommes de terre, qu'on sème un peu partout, mêlés aux autres récoltes. La jouissance de ce jardin appartient exclusivement à la famille. Elle le prouverait à voir le soin avec lequel elle l'exploite. Il en est de même de la maison. Là aussi brille une propreté scrupuleuse due à des balayages quotidiens et aux énergiques nettoyages du samedi. Les humbles chenets de fer de la chambre de Marie-Louise reluisent à l'égal des landiers de la cuisine.

Meubles. : ils sont nombreux, d'excellente qualité, solidement faits ; presque tous sont en noyer, quelques-uns en châtaignier et en chêne. On les nettoie toutes les semaines en les frottant avec du vinaigre. Le luxe du paysan est d'avoir un mobilier complet de cette apparence. Ils y mettent leur amour-propre et leurs économies jusqu'à ce qu'ils soient parvenus à posséder la moyenne fiée par les usages. Il y a plusieurs années que la famille a réalisé ce veu de tous les métayers du pays d'Horte. Rien ne peut rendre l'aspect confortable et solidement aisé de leurs chambres, décorées avec goût et d'un style sobre, sévère, dont la simplicité est pleine de vraie richesse............ 1.218f95.

1° Literie. — 4 lits style Louis XIII à colonnes, avec 1 paillasse, 1 couette, 2 atelas, 1 traversin, 1 oreiller, 5 couvertures, les rideaux, pantes, couvre-pieds. apis pour la table de toilette en cretonne rouge Van Dyck, 682f 00 ; — 1 bois de lit non employé, 15f00. — Total, 67f00.

2° Mobilier des chambres. —2tables, 20f 00; — 2 petites tables, 3f00 ; 12 chaises, 36f00;—1 petite chaise, 2f 00 ; —1 prie-Dieu,3f00; —2fauteuils,10f 00 ; —-3 armoires,120f00;— 2 commodes, 65f 00 ; — 1 bahut, 15f00 ; — 4glaces, 12f50; — 4 gravures encadrées, 4f00;— 1 petite glace à barbe. 0f15 ; — 3 bénitiers, 1f50 ; — 2 bouquets artificiels, 0f50 ; — 1 coffre, 15f0. — Total, 307f65.

3° Mobilier de la cusine. — 2 tables à manger avec leurs rallonges, 31f00 ; —10 chaises de cuisine, 20f00 ; — 1 armix à vaisselle, 60f00 ;— 1 horloge, 50f00 ; —1 boite à horloge, 30f00. — Total, 191f00.

4° Meubles divers. — 1 parapluie, 4f00; — 1 bâton (maquila), 3f00 ; — 2 parapluies en soie et coton, 12f00 ; — 2 paniers à faire le marché, 4f30. — Total, 23f30.

Ustensiles : solides ; on a largement pourvu au nécessaire ; tout est entretenu avec soin et propreté............ 332f 75.

1° Employés à la préparation des aliments. — 3 poêles à frire de 3f00 chacune, 9f00; — 2 casseroles à long manche (cachéceusse), 11f00; — 1 casserole en cuivre, 7f00; — 2 casse[365]roles d'étain, 3f50; — 3 chaudrons, 90f00 ; —2 petits chaudrons, 41f00; -planches servant à suspendre la batterie'de cuisine,8f00 ; — 2 cuillers en fer étamé, 1f50; — 3 entonnoirs, 0f75 — 1 écumoire, 0f65 ; — 2 fourchettes en fer,0f70 ; — 2 passoires, 0f70;— 2 poelons. 0f40; — 8 pots de terre, 4f 90; — 1 gril, 2f00 ; — 2 coquilles, 4f50;—4tamisoires, 7f25 ; — 1 potde fer, 5f00. — Total, 197f5.

2° Employés indirectement à la préparation des aliments. — 1 trépied, 2f00; — 1 jusqu'à à feu, 1f25 : — mesures : 1,4 de litre, 12 litre, 1 litre entier, 6f50 ; — 4 paniers, 3f05 ; — 1 balance, 3f00 ; 1 boîte à sel,'1f50; — 1 paire de landiers, 20f00; — 1 paire de chenets en fonte, 2f50. — Total, 39f80.

3° Employés à l'éclairage. — 2 chandeliers, 3f00; — 3 chandeliers en cuivre, 8f50 ; — 1 lampe à pétrole, 1f25 ; — 1 bouteille à huile, 0f50 ; — 1 lanterne, 1f00. — Total, 14f25.

4° Employés a la consommation des aliments. — 7 soupières en terre, 3f50; — 9 plats en terre, 0f45 ; — 1 écuelle pour le ehien, 0f20; — 1 douzaine 1,/2 d'assiettes en faïence, 1f65 : — 1 douaines 1/2 d'assiettes en faïence, 7f60; — 1 douzaine 1/2 d'écuelles en faïence, 2f80; — 7 plats en faienee, 5f55 ; — 2 soupières en faïence, 3f00 ; — 8 tasses à café, 2f 00; — 3 cafetieres en terre, 0f85 ; — 2 douzaines de verres à boire, 4f80; — 5 bols en faïence, 1f25 ; — 2 cruches,0f80; — 1 cafetière en faïence, 0f70 ; — 1 bouteille pour l'huile à manger, 0f50; —10 litres, 2f50; — 10 couteaux, 3f00; — 1 salière, 0f20 ; — 1 sucrier, 0f30 ; — 1 huilier, 0f65 ; — 32 cuillers en étain, 16f00 ; — 22 fourchettes en étain, 22f00. — Total, 80f90.

Linge de ménage : solide et abondant ; sa durée est assez longe............ 960f 76

45 paires de draps de lit, 263f00 ; — 9 couvertures, dont 5 en laine, 155f00; — 6 douzaines 1/ de serviettes, 39 nappes et 6 douzaines de torchons, 369f00; — 2 matrassines aux vieux parents, 10f00 ; — 2 linceuls, 24f00; — 3 douaines de mouchoirs de poche, 22f00; — provision de ltoile pour faire des chemises d'homme, 40f00; — fil prêt au tissage, 38 l1ivres a 1f44, 54f72 ; — t donné au tisserand, 16 livres à 1f44, 23f04. — Tota, 960f76.

Vêtements : le superflu absent est largement remplacé par le nécessaire ; les vêtements sont simples, solides, d'apparence aisée. S'il fait froid, une robe de laine, de couleur sombre, une petite casaque et un large tablier seront l'uniforme des femmes. L'été, de jolies cotonnades aux vives couleurs, une casaque grise ou jaune recouvrant le corsage de la robe, sêmeront de points clairs la verdure sombre des champs de mais. Été et hiver, un mouchoir de couleur enveloppe le chignon, laissant à découvert le sommet de la tête. Les modes se modernisent, mais la coquetterie féminine a su retenir énergiquement ce gracieux fichu. Les hommes n'ont de caractéristique, dans le costume. que la ceinture de laine rouge, le béret bleu et leur inséparable gilet de tricot. L'instabilité de la température explique suffisamment cet amour de la laine. Sauf ces trois parties de leur habillement, la toile et le coton en sont, pour toute saison (sauf pendant les grands froids), le fond dominant. Une escouade de travailleurs, au pantalon bleu, à la ceinture écarlate, à la chemise d'une blancheur éclatante, est un des spectacles les plus gais à observer. On devine la bonne humeur naturelle du paysan en voyant comment il se vêt. Les habits du dimanche deviennent avec le temps les vête[366]ments de travail ; mais la durée de ces derniers est presque indéfinie, grâce à l'ingéniosité des ménagères. Leur affectation individuelle est à remarquer ; chacun possède sa provision de linge et d'habits, même les enfants.

VÊTEMENTS DES HOMMES............ 1.048f60.

1° Vêtements de Montaucé. — 4 blouses de laine, 30f00; — 2 blouses de coton, 10f00; — 5 pantalons de drap et 6 gilets, 102f00; — 3 pantalons de coton, 19f00; — 1 paire de bretelles, 2f00 ; — 2 caleçons, 3f 00; — 2 gilets de tricot, 8f00; — 2 ceintures de laine rouge. 3f00 ; — 3 bérets de laine, 8f25 ; — 1 chapeau de paille, 1f00 ; — 1 paire de rasoirs, 6f00; — 4 paires de bas de laine, 12f00 ; — 2 paires d'espadrilles, 2f50 ; — 2 paires de sabots, 2f00; — 2 paires de souliers, 20f00 ; — 40 chemises de bonne toile, 200f00. — Total, 428f75.

2° Vêtements du grand-père. — 3 blouses de laine, 26f00 ; — 2 blouses de coton, 10f 00; 4 pantalons de drap usés, 30f00; — 2 pantalons de coton, 14f00; — 4 gilets, 20f00 ; — 1 gilet de tricot, 6f00 ; — 2 ceintures de laine rouge, 4f00; — 3 bérets, 8f 00 ; —1 chapeau de paille 1f00; — 1 paire de bas de laine vieux, 1f00; — 1 paire de rasoirs, 3f 00 ; — 1 paire de souliers, 12f00; — 2 paires de sabots, 2f00 ; — 1 paire d'espadrilles, 1f25 ; — 36 chemises, 171f 00. — Total, 309f25.

3° Vêtements de Pascadon. — 2 blouses, 8f00; — 2 vestes, 14f00 ; — 2 gilets et 3 pantalons de drap, 21f00,; — 2 pantalons de toile, 6f50 ; — 2 bérets, 7f00 ; — 2 ceintures rouges. 4f00; — 1 gilet de tricot, 6f00 ; — 1 paire de bas de laine, 2f15; — 1 paire de soulies et 2 paires de sabots, 10f00; —15 chemises, 75f00; — 6chemises en lanelle, 18f00 ; —6 gilets en anelle, 24f00; — 1 chapeau, 1f25. — Total, 196f90.

4° Vêtements d'Henri. — 2 blouses de coton, 6f50 ; — 2 blouses de laine, 8f00; — 3 pantalons, 6f 00 ; — 2 bérets et 1 chapcau, 5f30 ; — 2 paires de chaussettes de laine, 4f00 ; — 1 paire de souliers, 2 paires de sabots et 1 paire d'espadrilles, 9f05 ; — 1 ceinture en caoutchouc. 0f60 ; — 10 chemises, 15f00. — Total, 4f45.

5° Vêtements de Pierre. — 5 chemises, 6f25 ; — 1 costume de toile, 3f25 ; — 1 costume d laine, 4f00 ; — 1 paire de chaussettes de laine, 0f75; — 1 bonnet, 0f20; — 1 paire de sabots 0fs0. — Total, 15f25.

6° Vêtements communs. — 16 paires de chaussettes de coton, 44f00.

VÊTEMENTS DES FEMMES............ 815f 70.

1° Vêtements de la grand'ére. — 15 chemises, 45f00; — 1 jupe de laine et une robe de laine, 13f00; — 1 jupe de coton et 3 robes de coton, 23f 00; — 1 robe de toile, 2f50 ; — jupons, 8f00 ; — 4 tabliers, 9f00; — 1 cape, 15f00 ; — 1 cape vieille, 6f00 ; — 1 chatelaine, 4f00 ;— 1 chapeau, 0f75 ; — 8 mouchoirs de tête,5f00;— 1 paire de bas de laine, 1f00; —1 paire de souliers, 8f00; — 2 paires d'espadrilles, 1 paire de savates, 2 paires de sabots, 4f50. — Tota, 144f75.

2° Vêtements de Catherine. — 20 chemises de bonne toile, 60f00; — 2 robes de fête, 30f00; — 2 robes de dimanche, 12f00; — 2 casaques, 10f00; — 2 robes de travail en laine. 20f00; — 2 robes et 1 jupe en coton, 12f35 ; — 2 jupons, 12f00; — 5 tabliers, 9f80 ; — 4 mouchoirs de tête, 5f75 ; — 1 chapeau de paille, 0f85 ; — 1 cape, 30f00 ; — 1 lainage, 1f00 ; — 1 cape moins belle, 10f00 ; — 1 cravate de cou, 3f00 ; — 2 manteaux de lit, 1f50; — 4 chales de laine en couleur unie, 40f 00; — 4 paires de bas de laine, 9f75 ; — 2 paires d'espadrilles. 1 paire de souliers, 2 paires de sabots, 12f50. — Total, 280f50.

3° Vêtements et trousseau de Marie-Louise. — 1 paire de souliers, 8f00; — 2 paires de sabots,2f00 ; — 2 paires d'espadrilles,2f50; — 2 casaques en lainage,17f40 ; — 4 casaques en cotonnade, 15f13 ;— 3 robes de laine,50f26 ; — 8 robes en cotonnade, 34f24 ; — habits blancs des fêtes religieuses, 11f35 ; — 15 chemises de toile, 76f 47 ; — 5 camisoles, 13f20 ; — 5 cols, 4f40; — 6 tabliers, 18f40; — 3 tricots pour cravates, 7f13 ; — 1 gilet en laine tricotée, 5f60 ; — 2 jupes de dessous, 7f55; — 8 paires de bas de coton, 14f77; — 12 mouchoirs de tête[367]achetés, 19f15; — 5 mouchoirs de téte reçus en cadeau, 5f00 ; — 7 cravates achetées, 10f75; — 3 cravates reçues en cadeau, 6f50 ; — 3 douzaines de mouchoirs de poche, 22f40; — 2 livres de messe, 5f25. — Total, 357f 45.

4° Vêtements en commun. — 12 paires de bas de coton, 33f00.

5° Vêtements et trousseau de Marcelle. — Comme ci-dessus. — Total, 357f45.

BIJOUX : peu nombreux dans la contrée ; ici le strict nécessaire............ 54f00.

1 paire de boucles d'oreilles en or, 10f00 ; — 2 bagues dont 1 alliance en or, 14f00; — 4 paires de boucles d'oreilles aux filles, 20f00; — 6 chapelets, 3f00; — 2 cierges, 2f00 ; images religieuses pendues dans les chambres, 5f00. — Total, 54f00.

Valeur totale du mobilier et des vêtements............ 4.430f 76.

§ 11. Récréations.

Les récréations habituelles de la famille ne sont pas une exception à son mode habituel d'existence. Les travaux les plus légers sont regardés comme un repos et un divertissement. On cause beaucoup en travaillant, et c'est pour la famille la principale source de distractions (§ 8). L'hiver, les veillées réunissent parfois les voisins ; on y cause, en racontant des histoires du pays, mais le merveilleux ou la superstition n'y tiennent aucune place. Matériellement parlant, les excitants divers ne sont que très exceptionnellement une source de plaisirs. La consommation du tabac est très modérée : le grand-père fume pour environ 0f, 50 par semaine, et le gendre pour 0f, 10. Le vin ne figure presque qu'aux repas (§ 9). Le café et l'eau-de-vie apparaissent sur la table pour la fête locale. En dehors de la vie journalière, la famille a deux sources de récréations ; ce sont les fêtes religieuses ou de famille, et les toires et marchés. Les fêtes religieuses sont au nombre de cinquante-six, le mardi-gras et le lundi de Pâques sont à peu près fériés, la fête locale dure un jour plein, et les réunions de famille sont au nombre de douze, souvent motivées par le fêtes locales du voisinage (§ 2). L'assistance aux offices, le repas de midi. en constituent le principal attrait: on se promène un peu à l'issue des vêpres et, s'il y a bal, on regarde danser. Les jeunes filles qui y prennent part ne sont pas très nombreuses, par suite du caractère que le clergé attache à ce divertissement. Une fois par an, la famille fait un pèlerinage au sanctuaire de Notre-Dame de Buglose, et cet acte de dévotion est en même temps une partie de plaisir. Certains actes [368] de la vie domestique ou agricole sont très aimés de la jeunesse, tels que le dépouillement du mais, fait chez le maître d'abord, chez le métayer ensuite ; les voisins viennent aider, on leur rend la pareille: les garçons et les filles se groupent autour des tas, à la lueur des chandelles de résine, on bavarde, on chante, on se fait la cour et l'on rentre chez soi trés tard dans la nuit ; tels aussi la tuerie des porcs et les bahuts, sorte de veillées ayant un caractère particulier : les jeunes gens et les jeunes filles se réunissent dans une maison, et, grâce à une cagnotte commune, boivent du vin, mangent des châtaignes, et se font mutuellement la cour. On ne prétend pas que ce divertissement soit très moral. La famille Montauzé s'en abstient.

Quant aux foires et marchés, ils mettent la famille en mouvement chaque semaine. La dépense qu'on y fait est motivée seulement par les usages commerciaux du pays (§ 15, sect. IV), mais le plaisir de se voir, de causer, de se sentir bousculant et bousculé est irrésistible pour les gens du pays d'Horte. C'est Peyrehorade qui est le grand centre. On ne va à Dax que pour quelques affaires indispensables.

§ 12. Histoire de la famille

La famille tout entière, sauf Montauzé (§ 2), est originaire de la localité. Le père de Darthès est entré chez un propriétaire de Saint-Eienne en 1805 ; son fils, chef actuel de la famille, est né en 1809, s'est marié en 1839, et a quitté, en 1873, la métairie devenue trop petite. Pendant cette longue période, les relations de maîtres à métayers ont été d'une cordialité inaltérable et les bons rapports persistent encore malgré le changement de maître. Montaué est originaire d'Orthevielle, commune limitrophe (S. S.-E. de Saint-́tienne). Il est né dans une métairie que ses parents habitaient depuis vingt-quatre ans. Cette métairie fut vendue et l'acquéreur vint s'y établir. Montauzé cultiva trois ans la métairie de l'ˉOustaaa, puis se maria avec Catherine et resta dix-huit ans dans l'ancien domaine de la famille. Son maître l'avait investi de la plus grande confiance, et, en revenant sur ces souvenirs, il était en proie à une profonde émotion. Là naquirent trois enfants, l'exploitation devint trop petite, la famille s'endetta, puis quitta son maître du plein gré de celui-ci. Dans leur nouvelle résidence de Labarraille, les affaires prospérèrent : ils purent se libérer entiêrement [369] en 187I5, et depuis ils luttent contre la dépréciation des denrées agricoles, la cherté croissante de la vie, les années mauvaises, sans cependant entamer leur réserve, et en préparant peu à peu la dot de leurs enfants. Questionné sur le passé, Montaué m'a dit que tout allait comme à présent, que les usages n'avaient pas changé. La seule particularité qu'il ait notée, c'est ce qu'il avait entendu dire aux vieux : « Dans le temps, il y avait bien des années, quand une famille était restée cent ans sur une métairie, elle en devenait propriétaire. Cette tradition, jointe à ce que l'on sait de la propriété au moycn âge, dans le pays d'orte ; de la présence dans les diverses communes de biens à usage commun très répandus jadis ; de l'absence d'anciennes familles féodales, sauf une seule ; de la composition et de l'histoire des principales propriétés du pays, tout en un mot explique le grand nombre de paysans propriétaires qu'on rencontre dans le canton de Perehorade, et dont l'origine vient évidemment, pour quiconque a étudié le moyen âge, de ces haux à long terme. suivis de l'accession à la propriété, auxquels Montauzé faisait allusion.

Comme on le voit, l'histoire des Montauzé n'est marquée par aucun incident remarquable. Elle le devient par son uniformité même. qui atteste la persistance de ses qualités natives et la force de ses traditions (§ 1). Je vais esquisser à grands traits l'histoire de la génération présente, qui est, aux dates et à l'instruction près, celle des parents et des ancêtres. Montauzé a donc épousé Catherine en 1857. Il l'avait connue dans les réunions dont il est question plus haut (§ 11) ; après lui avoir parlé, les familles se sont arrangées. Catherine apportait un trousseau comme celui qu'elle donne à Marie-Louise et fait dans les mêmes conditions ; Montaué, de son côté, offrait la chambre garnie (§ 10). On s'était marié après de longues fiançailles, pures et chrétiennes. La noce, conforme au cérémonial traditionnel (§ 19), terminée, les époux avaient repris le cours de leur existence, Montauzé n'était qu'un enfant de plus. Marie-Louise nait en 1858, Marcelle en 1860, Henri en 1868, Pierre en 1876. Mais dans l'intervalle, la naissance d'IHenri avait mis sa mère au lit pour trois mois, et pendant près d'un an elle dut cesser tout travail (§ 1). A sept ou huit ans, les enfants commencentà aller à l'école et au catéchisme. L'instruction religieuse seule avait été donnée aux parents. IPeu à peu on habitue les enfants aux travaux que comporte leur sexe (§ 3). Mais la misère vient, les dettes avec elle ; on quitte la métairie de l'Oustaau pour entrer à Labarraille. La première communion des enfants est l'époque de leur [370] adolescence agricole. Ils rentrent définitivement dans la famille, travaillent avec elle et augmentent ses ressources. On se libère de ses dettes en 1875. Comme pour la génération précédente, quand MarieLouise a diN-huit ans, on prépare son trousseau. Puis ce sera le tour de Marcelle. enfin les économies péniblement faites doteront encore celui des garçons qui ne sera pas héritier. Marie-Louise est provisoirement héritière ; mais qu'unbon mariage se présente, ellele fera, et, s illui faut quitter la maison, IIenri lui succédera1. Il aidera son père à doter ses sœurs et son frère, il aura pour toute part dans la succession paternelle le contrat qui lie la famille au patron. Il devra acquitter les emprunts que les mauvaises années nécessiteront pour établir les autres enfants. Ceux ou celles qui resteront au foyer demeureront à sa charge. Comme son père à l'égard de Darthès, il sera de plus en plus mêlé à la direction des affaires ; un jour viendra où les travaux journaliers lui seront confiés, et où sur ce terrain il donnera des ordres, même à son père. Puis celui-ci, s'affaiblissant, ne prendra qu'une part lointaine à la direction de l'entreprise, dont la tradition d'ailleurs fixe les limites, et lenri verra grandir un héritier ou une héritière qui joueront dans la famille le même rôle que lui, gardien des coutumes traditionnelles d'une longue suite d'ancêtres.

§ 13. Mœurs et institutions assurant le bien-être physique et moral de la famille.

L'examen des §§ 14, 15, 16 montre suffisamment la nature et l'étendue des ressources matérielles et morales que la famille trouve à sa disposition. On peut les résumer en quelques traits. L'esprit de tradition est encore vivant dans le pays. Il attacbe les familles à diverSes coutumes, que nous caractériserons ainsi : Mode d'existence en rapport avec les productions du sol, prédominance des recettes et des dépenses en nature et, par suite, vie quotidienne habituellement assurée. Dans les phases de l'existence interviennent les deux grandes institutions du pays : le patronage du maître, du propriétaire influent et riche2, du clergé puis le voisinage (§ 7).

[371] La famille est gardée par son isolement, du danger des agglomérations ; elle vit dans son domaine comme en une place forte à la porte de laquelle meurent les influences délétères. Elle est profondément chrétienne, garde sa langue et ses institutions, les infuse à ses enfants, et l'héritier les transmettra aux générations suivantes. Elle est asse riche de produits en nature pour ne pas connaître le besoin du pain quotidien ; elle ne l'est pas assez en argent monnayé pour connaître les tentations du luxe. Les deux écueils qu'elle a à franchir seront le séjour à la caserne de l'éritier institué et son mariage. La connaissance qu'il a acquise de la langue française, lui rendra périlleux ce séjour. L'esprit de nouveauté, de désobéissance et d'individualisme, le mépris de la vie rurale, les habitudes de plaisir et dinconduite, sont en effet d'autant plus développés que le jeune homme parle mieux le français, est plus intelligent et est parvenu à un plus haut grade. Il choisit alors sa compagne parmi les brillantes filles du village ; elle pporte dans la famille des habitudes de luxe, de paresse, des airs demoiselle qui amenent promptement la ruine matérielle et morale. La famille décrite trouvera des garanties sérieuses dans la forte et sévère éducation donnée à ses enfants, dans l'autorité du pèreénergiquement et au besoin même brutalement imposée, pour en assurer le res pect et pour maintenir intacte la pratique des coutumes familiales et des traditions morales.

Éléments divers de la constitution sociale

FAITS IMPORTANTS D'ORGANISATION SOCIALE; PARTICULARITÉS REMARQUABLES ; APPRÉCIATIONS GÉNÉRALES; CONCLUSIONS.

§ 17. SUR LE CONTRAT DE MÉTAYAGE DANS LE PAYS D'HORTE.

[396] La part réciproque du maître et du métayer est suffisamment établie par les renseignements précédemment donnés ; elle varie cependant selon les règles adoptées pour le partage. Ces règles sont la plupart du temps fixées par un simple accord verbal ; les contrats écrits sont la très petite exception. Certains métayers partagent à moitié tous les produits, et, parois, donnent la dime du mais. Nous ne pouvons indiquer ici que la coutume le plus généralement suivie ; quant aux clauses générales, les conventions particulières ne les modifient pas d'une facon sensible. Nous allons supposer un changement de métayer et exposer les usages suivis en pareil cas. Nous omettrons tout ce qui ressort de la présente monographie, qui fournira Sur ces divers points les détails nécessaires.

Le congé doit être donné avant le 15 août, et, généralement, on le signifie au règlement de comptes du 15 janvier. Le métayer sortant continue l'exploitation, mais n'emploie plus le fumier à partir du 15 août. A l'entrée du métayer, le fumier avait été mesuré. en tas : il doit donc en laisser autant. Le surplus est parltagé, et la part du métayer lui est payée par le maître ou par le nouveau métayer. Celui-ci en serait débiteur au cas où le maître l'aurait acheté et réciproquement ; l'estimation est faite par deux experts choisis amiablement. Le bétail doit être vendu au 15 août, et sur le marché, à moins d'entente ou d'expertise amiable. Au prix fait, le maître peut garder le hétail ; sil n'use pas de cette faculté, il peut en exiger la vente à un tiers, Sur le prix, le maître reprend le capital fourni par lui et le bénéfice se partage. L'étable vidée sert à abriter le bétail que le métayer sortant reçoit de son nouveau maître et il s'en sert pour travailler les terres de sa future métairie. Souvent la vente du bétail n'a lieu que[397]fort tard et le métayer sortant travaille ses nouvelles terres avec les attelages de son ancien maître. En fait, la bonne entente mutuelle engendre la réciprocité des services. Les fourrages suivent des règles snéciales. La cime et les feuilles de mais appartiennent au métayer sortant, tandis que la part de dépouille du maître va au nouvel entrant qui a dû venir le dépouiller. Les verdures (trèfle, farouch, luerne) sont la propriété du métayer sortant ; le nouveau métayer aura le foin, qu'il a du reste dû venir faucher. Le métayer sortant n'a pas le droit de couper du bois de moins de quatre ans, et il ne peut en emporter hors de la métairie, quoique, en fait, cette clause soit l'objet d'une tolérance. Enfin, les réparations locatives sont à la charge du maître, pour ce qui résulte du fait de l'usure. Le métayer doit au contraire payer les dégradations, quoique, en fait, on ne les exige pas. Les améliorations mobilières fixes (couées) faites par le métayer devraient rester à la maison ; ici encore le fait est plus tolérant que le droit. Le métayer doit au maître un nombre illimité de corvées de bétail pour lesquelles il est nourri; en fait, on n'en exige que pour les transports de grains et les bâtisses. De même. le métayer doit aider au battage et il est nourri ce jour-là. Il vient dépouiller le mais dans la grange du maître qui, en échange, lui abandonne la dépouille.

Quand le maître meurt, ce sont les métayers qui portent le cercueil. On leur offre une collation composée de pain. de fromage et de vin. Le métayer assiste au repas de noce et aide la famille du maître pour les soins du bétail. En revanche, c'est le maître qui fournit la planche pour la bière de son metayer, faite gratuitement par le charpentier. qu'on nourrit ce jour-là (§ 18).

§ 18. SUR LE VOISINAGE.

Le « voisinage a tous les caractères d'une institution traditionnelle, imposant des charges et donnant des droits aux familles qui en 1ont partie. Son importance est telle qu'on n'en viole pas les règles, si grandes soient les haines de famille à famille. Manquer à ces devoirs constitue l'offense la plus grave y renoncer équivaut à la rupture de toutes relations.

Choix des oisins. — Ce n'est pas la position topographique qui établit le voisinage. La tradition détermine ce choix ainsi que la hiérarchie des voisins. Lorsqu'un métayer prend un domaine, il connence[398]par demander quels sont les voisins et quel est leur rang. La maison qui fait face à la porte principale est en général premier ooisin. Les visites en déclaration de voisinage se font alors suivant la hiérarchie établie. On n'est pas astreint à la respecter ni à subir les voisins traditionnels, mais ce changement a des conséquences si graves qu'on ne s'y expose généralement pas. Les visites faites, les voisins opèrent le déménagement et les voisines président à l'installation, terminée par un repas.

Baptêmes. — La première voisine est avertie avant tous et vient visiter le nouveau-né. Elle annonce la nouvelle aux autres voisins. qui doivent alors une visite de compliments. On leur offre du pain, du vin et du fromage.

Mariages. — La première et la dernière voisine vont recevoir le trousseau. Lorsque le char, qui porte le mobilier et le trousseau de la future, arrive devant la maison du futur, la mère de celui-ci, ou l'une des proches parentes, s'avance hors des limites de la cour et vient suspendre aux cornes des bœufs deux tortillons de pain. Le trousseau reçu, les deux voisines l'installent dans les armoires. Les autres voisines sont invitées à venir les voir et fournissent les contreeoux et les contre-épouses (§ 19) concurremment avec la parenté, qui conserve un droit analogue.

Maladies et mort. — En cas de maladie grave, on fait avertir les voisins, si l'on désire qu'ils visitent le malade. Si on doit l'administrer, les deux premières voisines sont prévenues, elles disposent la chambre, et vont, un cierge à la main, au-devant du prêtre qui porte le Saint-V'iatique. La famille n'assiste pas à cette cérémonie non plus que ceux qui ne sont pas voisins. Lorsque l'agonie commence, la famille se retire également. Seuls les voisins entourent le malade. Quand la mort est venue, les voisines s'emparent de la maison, 1ourbissent et nettoient tout de la cave au grenier. Le premier et le dernier voisin font les déclarations à la mairie et à l'église, et creusent la fosse. Le charpentier de la famille fait la bière gratuitement (§ 17). Les autres voisins vont prévenir les parents et amis.

ˉEnterrements. — bLa première et la dernière voisine font les honneurs de la cérémonie. Le premier et le dernier voisin portent la croix, l'un de la maison à l'église, l'autre de l'église au cimetière. Avant la levée du corps, le premier voisin baise la croix, reçoit de la première voisine un petit cierge qui lui est destiné, et en offre un pour les enfants de chœur. Ce sont les basiliques, droit d'entrée à[399]l'église. Les autres voisins et amis portent le cercueil. Ils sont toujours de même qualité que le défunt : garçons pour un garçon, pères de famille pour un père de famille, etc. A l'offTertoire de la messe a lieu la premiêre offrande. La première voisine prend le cierge (§ 19). le remet à la dernière voisine, et celle-ci va le porter à la personne qui doit l'ofrir. Celle-ci est choisie par la famille. Pour les petits enfants, c'est le parrain ou la marraine, suivant le sexe. Pour les adultes, ce sont les plus proches parents. Le maître passe avant tous pour ses métayers, et le propriétaire pour ses locataires. A l'absoute, a lieu la seconde offrande. Le dernier voisin, avec le cérémonial décrit plus haut, présente un cierge (basilique) pour le chantre. Au retour du cimetière, on chante un ˉLibera, et pendant cette cérémonie a lieu la dernière offrande. La dernière voisine prend le cierge qu'elle porte à la première voisine, celle-ei l'offTre à la personne qui doit faire l'offrande. C'est toujours un parent du mort. La personne qui va à l'offrande doit toujours être du même sexe que le mort. près la cérémonie, on revient à la maison et l'on prend un repas composé de pain, de vin et de fromage de Hollande. La famille y assiste au haut bout de la table. Ce cérémonial' n'est que l'indice extérieur des obligations qu'entraine le voisinage. La règle fondamentale de cette institution est l'assistance mutuelle que se doivent tous les voisins, dans toutes les circonstances de la vie et pour tous les besoins extraordinaires que présentent le mode ou les phases de l'existence. Violer une de ses obligations est une faute des plus graves, je ne saurais trop insister sur ce point.

§ 19. SUR L'ORIGINE DES ABONNEMENTS EN NATURE SERVIS AUX CURÉS ET SUR LES DÉPENSES QUE LE CULTE IMPOSE AUX POPULATIONS.

Au moment où le Coneordat fut mis en vigueur, les ressources du clergé avaient une triple origine : 1° lindemnité allouee par l'Etat: 2° les rétributions fournies par les fideles dans certaines circonstances (mariages et enterrements), et que l'on désigne sous le nom de casuel, 3° les suppléments en argent ou en nature, fournis par les communes. Le 14 mai 1806, une convention est passée entre M. Dussaut. curé de Saint-Eienne, et le conseil unicipal, qui s'engage à fournir 25 hectolitres de froment, 50 hectolitres de mais, recueillis par[400]quatre commissaires délégués par le conseil municipal. Le 23 novembre 1806, le préfet des Landes ordonne que le supplément sera réglé conformément à l'arrêté du 20 floréal an XIII. Le conseil émet le vœu suivant : Il sera donné au desservant 22 hectolitres de froment et 44 hectolitres de mais, plus 13 heetolitres 1 4 pour indemnmité de logement, le tout, bon, marchand, et bien conditionné, rendu et porté chez M. le desservant, savoir, le froment le 15 août, le blé d'nde (mais) le 1r mars 1808, à peine d'y être contraint par arrêté rendu par M. le préfet ». Le rôle de cotisation fut formé par le conseil municipal. Le 20 février 1816. le role est renouvelé. On accorde 25 hectolitres de froment, 50 hectolitres de mais, 200 francs pour indemnité de logement, et le maire est autorisé à poursuivre les récalcitrants. En 1822, une dernière convention fixe la subvention à 22 hectolitres de froment et à 44 hectolitres de mais. En 1879. la quantité fournie par les familles est de 3 hectolitres de froment, de 11 hectolitres de mais et d'à peu près 300 francs en argent. Quelques familles portcnt encore les étrennes au curé. Ces étrennes consistent en chapons, poules ou gàteaux. En dehors de ces abonnements, le casuel, à Saint-Étienne d'Horte, varie selon les familles. Voici le détail des dépenses que les diverses cérémonies religieuses entrainent avec elles pour les métayers de condition moyenne. Nous y joindrons les frais de toute sorte dont elles sont l'occasion. lappelons que. pour les cérémonies principales, le curé est payé par l'abonnement.

t et à 44 hectolitres de mais. En 1879. la quantité fournie par les familles est de 3 hectolitres de froment, de 11 hectolitres de mais et d'à peu près 300 francs en argent. Quelques familles portent encore les étrennes au curé. Ces étrennes consistent en chapons, poules ou gàteaux. En dehors de ces abonnements, le casuel, à Saint-́ie Baptêmes. — On peut estimer la dépense de la manière suivante :

Dépenses occasionnées par un baptême à Saint-Étienne d'Hortes (notes annexes)
Dépenses occasionnées par un baptême à Saint-Étienne d'Hortes (notes annexes).

faut y ajouter le vin, le pain et le fromage donnés aux voisins (§ 18) au moment de la naissance, le repas qui leur est offert et les stations dans les auberges au sortir de l'église. Le parrain amene avec lui un suivant et la marraine une suivante. La cérémonie terminée, ils doivent se laver les mains auprès des fonts baptismaux, comme ayant touché à un objet impur.

La veille de Noel, les enfants se réunissent devant chaque maison où, dans l'année, est né un enfant, en criant : Prous prous. on leur donne des lruits ou de la monnaie. Si l'on n'est pas généreux à leur égard, les injures rcmplacent les vœux adressés au nouveau-né

[401] Patchiec Patchoc

Que démouri coum l'esclop

(Qu'il reste grand comme un sabot:)

Parfois, le prous est un repas offert aux parrains et aux amis.

¯Première communion. — Les vêtements sont souvent donnés par le parrain. Le cierge est fourni par la marraine, et vaut 2 francs. Le parrain y joint une pièce de 2 francs qu'on colle au cierge, et la cérémonie est l'occasion d'un repas de famille. Les parents offrent au curé des poulets ou un gâteau.

Mariages. — Les frais qu'ils imposent peuvent se calculer ainsi :

Dépenses occasionnées par un mariage à Saint-Étienne d'Hortes (notes annexes)
Dépenses occasionnées par un mariage à Saint-Étienne d'Hortes (notes annexes).

Les contre-époux (§ 18) de l'épouse vont chercher l'époux, ceux dle l'époux vont chercher l'épouse. On leur offre du pain, du vin et du fromage. En route on décharge des fusils et des pistolets. Les jeunes filles offrent un bouquet au garçon qu'elles choisissent pour cavalier. et le jeune homme offre une paire de gants ou une pièce d'argent. Le cortège est précédé d'un violon. Après la cérémonie, on fait la tournée des auberges, et l'on danse jusque vers 3 ou 4 heures du soir. Le dîner termine la journée et se prolonge très avant dans la nuit.

Services funebres. — Voici les frais qui s'y rapportent :

Dépenses occasionnées par un service funèbre à Saint-Étienne d'Hortes (notes annexes)
Dépenses occasionnées par un service funèbre à Saint-Étienne d'Hortes (notes annexes).

Sur les 12 cierges du catafalque et de l'offrande, il en revient 5 à la famille, 4 au curé et 3 à la fabrique. La famille fait brûler les siens à la messe du dimanche, pendant les dix-huit mois que dure le deuil. Les petits cierges de l'offrande sont pour les enfants de chœur et les[402]voisins qui portent la croix (§ 18). La veillée mortuaire, le service funèbre, le bout de l'an, occasionnent des dépenses de nourriture en vin, pain, fromage, et, pour les amis intimes, un repas complet est servi. Toutes ces dépenses sont à charge de revanche, la famille reçoit donc d'un côté, ce qu'elle perd d'un autre. D'autres cérémonies n'occasionnent aucun frais à la famille. Le jour des Saints Anges jardinens (2 octobre), on bénit à l'église les enfants de un à douze ans et le Jeudi Saint on les amène à l'Adoration de la Croix. C'est l'occasion d'un assaut de luxe pour l'habillement des enfants. Le 16 août, jour de Saint-lRoch, a lieu la bénédiction du bétail, amené sur la place publique (§ 3). Enfin, les jeunes filles faisant partie de la Congrégation reçoivent des honneurs spéciaux le jour de leur mariage ou de leur enterrement. Chaque famille a sa place marquée à l'église, et les hommes se tiennent dans une tribune ou sous le porche. C'est une mesure d'ordre que cette séparation des sexes. Il y aurait lieu d'exposer quelques faits intéressants touchant le rôle, l'influence, et l'attitude du clergé de ce pays. Pour être sérieuse, cette étude nécessiterait d'être complète. L'état des esprits, à l'endroit de la question religieuse, ne permet pas de le faire. Cependant, en dépit de quelques défauts, leslouanges l'emporteraient de beaucoup sur le blame.

§ 20. EXTRAITS DES CLAUSES ET CONDITIONS DU SYNDICAT DE LA BARTHE DE SAINT-ÉTIENNE D'HORTE3.

ART. I. — Tous les propriétaires sont tenus de réparer et d'entretenir les chaussées, baluarts et rigoles, correspondant à chaque bout de leurs propriétés.

ARr. I. — Lorsque les débordements des grandes eaux occasionneront à la chaussée qui borde l'Adour un ravage assez considérable, les syndics en donneront avis à M. le maire, qui réunira les membres du conseil municipal et les invitera à se transporter sur les lieux et à délibérer s'il y a lieu à faire procéder à la réparation par corvée générale ou par les propriétaires.

ART. III. — Les syndics ordonneront de fermer la barthe le 25 mars de chaque année ; ils ne pourront en reculer l'époque qu'en cas d'inondation.

[403] ART. 1V. — Les propriétaires devront curer et récurer leurs rigoles et canaux toutes les fois que les syndics le jugeront nécessaire.

ART. V. — Les syndics pourront ordonner des corvées pour la réparation des chemins de communication pour la sortie des récoltes de la barthe. Les syndics pourront également faire des réparations aux ponts et à l'écluse et en construire de nouveaux, mais après avoir pris l'avis et obtenu l'assentiment du conseil municipal.

ART. V. — Les syndics feront exécuter par les propriétaires toutes les constructions et réparations par eux jugées nécessaires.

ART. V. — Les syndics inviteront les propriétaires à fermer les propriétés communales aux saisons accoutumées.

ART. V. — Les propriétaires forains seront tenus soit d'exécuter les travaux qui leur seront assignés sur les communaux de la barthe, soit de payer par jour de travail une indemnité.

ART. N. — Le droit de parcours pour les propriétaires exclusivement, droit qu'ils ne pourront céder, existera depuis l'enlèvement des foins jusqu'au 25 mars.

ART. NI. — S'il arrivait que les syndics fussent dans la nécessité de faire opérer un travail à prix d'argent, la dépense serait supportée u prorata des propriétés dans la barthe.

REMARQUE. — En vertu d'une tolérance passée en droit, les pauvres de la commune peuvent envoyer leurs vaches et chevaux dans la barthe du mois d'août au 2 mars. Ils donnent en échange des prestations en nature dans la barthe. Du mois d'août au 15 octobre, existe aussi le droit d'aller faire du matocq ou terreau sur les communau de la barthe et de Poureille.

§ 21. SUR L'ORIGINE DE LA PROPRIÉTÉ DANS LE PAYS D'HORTE4.

La vicomté d'Horte5appartenait à la famille de ce nom. Les bois[404]et les landes constituaient la plus grande partie dece territoire6, et les plaines basses étaient en partie couvertes par le fleuve. Les défrichements ont dû commencer de bonne heure. Les églises datent du treizième au quinzième siècle, et toutes ont un clocher en forme de tour carrée, dont la destination défensive est hors de doute. Dès cette époque, le pays était habité et comptait onze paroisses7. Si l'on examine le cadastre, constatant d'après les traditions une situation de propriété rês ancienne, on remarque des parcelles de formes très variées, et, à côté, de grands rectangles dont la longueur est égale pour tous et dont la largeur suit une certaine proportion. Or les terres labourables sont toutes dans la première catégorie, tandis que les figures régulières et proportionnelles enferment les landes et la barthe, celle-ci se composant des terres que la nouvelle embouchure de l'Adour mit définitivement à découvert en 1578. Parmi ces landes et ces prairies, une partie relativement petite est encore possédée par les communes. Mais une grande étendue de ces mêmes natures de sol n'a été partagée que tout récemment. a l'exemple de ce qui auvait eté fait précedemment par d'autres communes, et proportionnellement à l valeur des biens possedes pDar es propriétaires u oment du pardage. Antérieurement à ces partages, ces biens

moyenne et haute qui appartenait aux maires et jurats de cette ville. Un arrèt du Parlement (26 aout 1611) fait mention d'une charte de fondation donnée par Charlemagne en 800 et dans laquelle la vicomté d'Horte était nommée. Cet arrêt, qui condamne les caviers à faire hommage au vicomte, nous apprend que la vicomté fut démembrée de la prévôté de Dax par Edouard Hl. en 1344.

Des communes actuelles (V. l'Annuairedu département), Hastingues et Sordes étaient villes royales,Saint-Cricq faisait partie du Béarn, Cauneille était une baronnie séparée. toujours mentionnée à part ; mais dans les cours générales elle votait avec la vicomté. Ces cours, formées des syndics, des caviers, des jurats et des délégués des pa roisses, se tenaient devant l'église de Saint-Martin de Pardies à Peyrehorade (Ygas). Les caveries(transaction de Arnaud Ramond, vicomte d'orte. avec les nobles, manants et habitants de la vicomté. 1e mars 1343) étaient au nombre de 14. La première est celle de Pruilh de Peyreforade. la deuxieme celle de Gestède. Parmi les autres : villemayan (de Lapeyrère), Ordoze, Camiade, Pey, Orist, Lanne, Lue, Villenave, Belus.[405]étaient d'usage commun. D'autre part, si la propriété individuelle est assez respectée dans les parties agricoles, les habitudes de maraude dans les landes et dans la barthe sont très enracinées. Les familles pauvres les considèrent sans doute comme des biens dont elles ont été injustement privées. Au reste, des témoignages que j'ai recueillis prouvent que c'est là leur maniêre de voir. Enfin, je rappelle ici la tradition à laquelle faisait allusion le métayer décrit (§ 12), et les documents historiques sur cette région8. De ces données, je conclus que les seigneurs du pays, c'est-à-dire les vicomtes d'orte, ont dû, ainsi que cela se passait dans le Laonnais pour les serfs du sire de Coucy9, amener graduellement à la propriété individuelle les familles d'élite. La gradation se trouvait dans le bail emphytéotique signalé plus haut (§ 12). Il maintenait les relations avec le seigneur et les devoirs d'assistance de ce dernier, pendant la période du défrichement, tout en donnant au travail du tenancier le stimulant lointain de la propriété individuelle. A côté de ces créations de paysanspropriétaires, on avait, comme partout, fait une large part aux besoins des pauvres. Les bois, les landes et les prairies de barthe leur étaient abandonnés, et ils devaient, en retour, comme les métayers et les propriétaires, reconnaître cette tolérance par des services personnels ou des redevances en nat ure. De là l'origine de ces nombreux droits10de toute sorte que conservent les maîtres et des tolérances non moins nombreuses accordées aux métayers. Les sentiments qui attachent entre elles les diverses classes, la hiérarchie sociale admise par tous, non comme un droit divin, mais comme nécessaire à tous, et fondée sur la nature même des choses, plusieurs des coutumes encore en vigueur sont propres à confirmer cette conclusion. J'ajoute qu'aucune grande famille n'habitait le pays, avant les temps très modernes, sau les vicomtes d'Horte11. Aucune des propriétés actuelles n'estd'un seul tènement, on voit, par leur composition, que ce sont des domaines de[406]paysans, agrandis par le travail et des acquisitions successives, lorsque d'autres familles descendaient à un rang inférieur dans la hiérarchie des conditions.

La propriété commune a donc été suivie de la propriété patronale et féodale, et celle-ci a peu à peu émancipé les familles d'élite en les élevant graduellement au rang de paysanspropriétaires. Cette marche est du reste conforme aux faits observés pour d'autres contrées. A quelle époque les communes se sont-elles substituées à la propriété seigneuriale, c'est ce qu'il est difficile de savoir2 Peut-être seulement à la Révolution, car rien dans la contrée n'indique que la conception de la commune du moyen âge existe dans quelques esprits ou soit trahie par quelque tradition. Au reste, avant le partage des biens communs, les propriétés de paysans étaient fort restreintes. Une grande partie des terres actuellement en culture sont de récents défrichements de bois, de landes et de prairies dont la forme actuelle dénonce le partage proportionnel, auquel certaines communes n'ont procédé que tout récemment, et dont nous avons parlé plus haut. Les défrichements eux-mêmes ne datent que de quelques années. Les plus anciens n'ont guère plus de cent ans.

En résumé : à l'origine, steppes du genre landes et forèts ; puis apparition des barthes exploitées en prairies. La propriété est féodale ; sous son impulsion et a mesure que la population s'agglomère, les sols les plus fertiles sont défrichés. Ces défrichements partent de centres fortifiés, ce sont les églises, construites par les moines de Sordes et de lastingues12. La terre soumise au régime agricole est exploitée dans le système des engagements forcés, puis dans le système transitoire dont les paysans russes à l'abrocl nous offrent un exemple enfin, probablement sous la forme de l'emphytéose et avec des redevances personnelles ou en nature, apparition graduelle de la propriété moyenne et petite, et maintien d'une propriété commune, ou plus justement, usage commun des landes, des bois et des barthes, sur une très grande étendue. Ce régime s'est continué jusque vers la Révolution. La paroisse, comme représentant des biens à usage com[407]mun, remplace le seigneur. Peut-être ces riches et puissantes abbayes de Sordes et de Hastingues ont-elles acheté ces biens aux vicomtes d'Horte. dont la famille décline rapidement13à partir de la fin du seiziême siêele 2 La Révolution arrive ; les communes sont constituées ; elles prennent possession des biens à usage commun : les paysans, de leur côté, augmentent leurs possessions avec les débris des biens ecclésiastiques, car le clergé régulier a disparu. Puis, peu à peu, les conseils municipaux partagent les biens communaux au prorata des contributions, les afferment, ou les vendent. Les témoins de cette dernière série de faits existent encore. Ainsi s'est constituée, à travers les temps, la situation actuelle des familles et des propriétés.

§ 22. SUR LES SYMPTÔMES DE PROSPÉRITÉ ET DE DÉCADENCE QU'OFFRE LA COMMUNE DÉCRITE.

Les éléments fondamentaux de la paix sociale sont relativement intacts, au moins dans les familles de métayers. Celle qui fait l'objet de la présente monographie offre le plus haut tvpe de ce qui existe actuellement comme pratique des coutumes traditionnelles. La commune est relativement loin des centres de nouveauté et la métairie de Labarraille est elle-même très isolée par sa situation. Au point de vue matériel, la crise agricole s'accentue là, comme ailleurs. Les prix de vente s'avilissent, les salaires augmentent. les exigences des enfants ou des serviteurs deviennent plus grandes et les budgets s'en ressentent. au point que plusieurs familles sont gravement endettées. L'émigration vers la ville enlève à la terre des bras nombreux. Au retour du service militaire . les jeunes gens consentent difficilement à reprendre la profession de laboureur. Ils apportent des habitudes de plaisir et de boisson auxquelles la ville offre une satisfaction plus facile. Les filles les y suivent et préfèrent la situation dépendante de domestiques à celle plus digne et moins périlleuse de femmes de métayers. Sans contredit, l'augmentation des dépenses en argent, par suite de la surexci[408]tation des besoins que le sol ne peut satisfaire, est la principale cause de ce commencement de souffrance. D'autre part, les produits vendus le sont moins avantageusement. Les prix du bétail se soutiennent. Les céréales ont baissé de plus d'un tiers. Il est superflu de décrire par le menu un état de choses aujourd'hui général. Qu'il suffise de savoir que le marché de Peyrehorade est en relations par voies fluviales et par voies ferrées avec Bayonne, où affluent les produits américains. Il en est de même de celui de Dax.

Les remèdes proposés par les hommes les plus en vue, je veux dire la culture rationnelle, un outillage perfectionné, l'achatde semences de choix, la constitution d'associations agricoles, supposent un développement intellectuel qui n'existe pas dans ces contrées. Au reste, ce développement intellectuel produirait-il de bonseffets2 L'émigration vers la ville est, dans cette contrée, en raison directe du degré d'instruction des individus. Les faits observés par moi le prouvent surabondamment. Quiconque fera ainsi, aboutira aux mêmes conclusions. La même observation des faits montre que les familles qui ont le mieux résisté à la crise agricole sont celles qui, organisées en familles-souches, sous le patronage des propriétaires résidents, et placées, par leur condition d'existence, assez loin des villes et des chemins de fer, ont trouvé, dans leur attachement entèté à la tradition, la force de demeurer fidèles à la pratique des aieux. Cette pratique, c'était le domaine procurant à la famille la plupart de ses moyens d'existence ; le complément étant principalement fourni par voie d'échanges en nature. La famille, ayant peuà acheter, se trouve affranchie de toutes les conséquences que peuvent entrainer les variations dans les prix de vente. Celle qui est ici décrite a vu son aisance se restreindre, depuis que la mort de la grand'mère est venue diminuer l'industrie de la fabrication domestique de la toile et du linge, et que, poussée par l'esprit de nouveauté, elle achète au dehors une plus grande partie des denrées nécessaires à son alimentation. Ces tendances, plus développées encore dans la classe des paysans-propriétaires, font que celle-ci se trouve relativement plus gènée que les familles obligées, par la pénurie de leurs ressources, de vivre du sol et par le sol.

Notes

1. En 1880, Marie-Louise s'étant mariée, Henri est devenu héritier.

2. Cette double fonction de patron et de propriétaire inluent et riche s'est trouvée, pendant de longues années, pour le plus grand avantage de la famille Montauze, réunie dans la personne de M. Penne, maire de Saint-Étienne d'Horte. L'affection que lui ont conservée ses anciens métayers, l'influence dont il jouit si justement dans la commune, les aptitudes éminentes que révèle tout commerce avec lui. le passé honorable et les services de sa famille dans la localité, en font un type remarquable des autorités sociales, assurant la paix et la prospérité par le plus intelligent patronage, dans leur voisinage comme dans leur atelier de travail. M. Penne et M. l'abbé Tauzin ont été les collaboraeurs très complaisants, et plus utiles encore. de cette monographie. Je suis heureux de les en remercier ici. — B. D'A.

3. Les statuts primitifs de la barthe sont datés du 18 aout 1763, homologués par le Parlement de Bordeaux, le 21 mai 1764.

4. Limites du pays d'IHorte, d'apres Cassini : à l'E. et à l'0.. les Gaves réunis de Peyrehorade au Bec du Gave : du S. au N.N.E., l'Adour et le Leuy entre Siest et Tercis ; du N. au S., la ligne courbe formée par le Leuy etle Bassec de Saint-Lon à Cazorditte et à Cagnotte ; au S. de Cagnotte. la ligne de démarcation longe le bois d'Horte et descend vers la ligne séparative de Cauneille et Peyrehorade et vient tomber à Peyrehorade au-dessous du confluent des Gaves.

5. La vicomté d'Iorte relevait de la prevôté d'Acqs (Dax) pour la justice basse.

6. Placet au roi, de 1668. Ls habitants se plaignent des entraves que le vicomte met à la pêche. leur unique ressource, car cette terre d'Horte est la plus sterile et la plus infertile du royaume, toute composée de sablons, bruyères, landes, montagnes et roches découvertes, le tout presque inculte ; sujette aux ravines fréquentes et à être submergée par le débordement des deux fleuves, causé par les torrents précipités des montagnes voisines et des Pyrénées. lesquelles presque toutes les années entrainent. avec la superficie de ces terres sablonneuses, presque tout le peu de semence demenu grain. Il n'y aqu'environ soixante ans que cette terre était un marais inaccessible qui demeurait submergé sous les eaux.

7. Ces paroisses étaient : Bélus, Cagnotte, Caorditte, Lanne, Orist, Hortevielle. Pey, Saint-́tienne, Saint-Lon, Sicot, gas depuis Peyrehorade.

8. Manuscrit de Wolfenbuttel. Recogitiones feudorum Vasconix.

9. V. Réforme socale du 1 aout 1883. Le régime municipal dans une seigneurie du moyen aège.

10. Une enquete faite par Amanien d'Albret et Pierre de Bordes (1257) nous apprend que les citoyens d'Acqs ont droit de pacours en terre d'Horte et usage dans les bois de toute nature.

11. Luce-Antoinette d'Aspremont est la seule fille noble dont on trouve trace dans les archives du pays : encore était-elle de la famille des vicomtes d'Horte. Mariée l 1. vrier 1I775 au vicomte Jean de Monréal. ci-devant marquis de Trois-Villes (Treville), elle se sépara de son mari et émigra a la Révolution. Elle possédait àSaint-Etienne d'lHorte le moulin de Miremont, jardin, barthe. terre en friche. en tout 23arpents. d'un revenu de 1.142 fr. 15, estimés 22.855 livres.

12. Les moines de Sordes avaient des droits sur plusieurs églises de la vicomté, entre autres sur celles de Saint-Vincent de Bortes (le B remplace l'l). Sanche. ducde Gascogne. leur donna (1010-1o32 la villa de ce nom. La richesse et le style des églises ne permettent pas. vu la pauvreté du pays, de leur accorder une autre origine que l'origine monastique. De là a la propriété terrienne, acquise par ces riches abbayes aux prises avec des seiggneurs besoigneux. il n'y a qu'un pas.

13. La famille des vicomtes d'Horte sétait corrompue, comme lant d'autres. Du role de patron, elle avait passé a un genre de vie plus coûteux. Le placet au roi voir cidessus) avait pour but de réclamer contre les tracasseries relatives à la pêche. mais il se basait sur ce que les vicomtes s'étaient emparés des meilleurs fonds parmi les terrains laisses à découvert par l'Adour, à la suite de la formation de l'embouchure du louau. Ces petits faits expliquent bien certains cotés de l'histoire de la Révolutiou de 1789.