N° 95
MINEUR
DU BASSIN HOUILLER DU COUCHANT DE MONS
(Borinague. — Belgique)
OUVRIER-TACHERON
DANS LE SYSTÈME DES ENGAGEMENTS MOMENTANÉS
d'après
LES RENSEIGNEMENTS RECUEILLIS SUR LES LIEUX EN 1900
PAR
LE PÈRE G.-C. RUTTEN , S. Th. L.
DES FRÈRES PRÊCHEURS
Docteur en sciences sociales et politIques, Membre des Unions de la paix sociale
Sommaire
- Observations préliminaires définissant la condition des divers membres de la famille1
- Éléments divers de la constitution sociale
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Observations préliminaires définissant la condition des divers membres de la famille1
Définition du lieu, de l'organisation industrielle et de la famille
§ 1ᵉʳ. — État du sol, de l'industrie et de la population.
La famille décrite dans la présente monographie habite la commune de D., localité de 11,047 habitants, située à l'ouest du bassin du Couchant de Mons.
[214] Comme dans tous les villages borains, l'immense majorité de la population de D. se compose de familles d'ouvriers houilleurs.
En effet, l'exploitation des mines est l'industrie presque exclusive du Borinage.
Une moitié à peine de la superficie de la région est laissée à l'agriculture, en parcelles très morcelées ; leur étendue moyenne est de 40 à 75 ares et les champs de 4 à 5 hectares sont très rares.
IH n'y a au Borinage que trois verreries, quelques ateliers de métallurgie et de construction, une diaine de fabriques de sucre, de tuiles, de[215]tuyaux réfractaires, de produits céramiques, quelques briqueteries, enfin quelques fours à chaux destinés exclusivement à la consommation locaule et n'occupant pas en tout plus de 150 ouvriers.
Toutes ces industries sont relativement peu importantes. Le Borain est avant tout et essentiellement charbonnier et rien que charbonnier2.
Dans une très intéressante étude sur l'ouvrier borain, parue dans la euvuegenerale, en 1899, M.l'ingénieurE. armant indique les causes auxquelles il faut attribuer le fait du peu de développement, au Borinage, des industries métallurgiques et verrières, qui ont pris tant d'extension dans les autres bassins houillers de Belgique. Ce fait s'explique tout naturellement par l'absence des matieres prenières nécessaires à ces industries.
« Le sol sous lequel il s'étend ne contient pas, en effet, et n'a jamais recélé des minerais proprement dits. On n'y trouve pas non plus de pierre calcaire, si ce n'est la craie, qui ne convient pas pour le hautfourneau ni le four à verre ; et le sable que l'on y rencontre est fortement coloré en jaune ou en brun par de l'oxyde de fer, ce qui le rend impropre pour ce dernier usage.
Ajoutons que la configuration générale du sol, accidenté au centre, ne se prêtait qu'imparfaitement, a du moins dans l'origine, à l'établissement d'un réseau serré de chemins de fer, reliant économiquement cette partie aux endroits de production des matières premières, ou consommant les produits fabriques3.
« Enfin, il y a une autre raison inhérente à la population même qui forme le Borinage.
« Le Borain, en général, est resté réfractaire aux idées nouvelles.
« Il n'est pas entreprenant et n'a pas le désir de s'enrichir ou, plus exactement, n'a pas l'organisation intellectuelle pour chercher des moyens d'arriver à la fortune. Il se cantonne dans son endroit, n'y admeottant qu'à regret l'étranger, va peu au dehors, sinon par nécessité, et n'a pu, par conséquent, s'inspirer en temps utile de l'esprit des affaires industrialles. »
[216] Le Borinage ne possède qu'une seule voie navigable : le canal de Mons a Condé. La laine et la Trouille ne sont que de très petites rivières.
Le terrain est généraulement asse plat, saui au centre, vers Vasmes et Paturages, où l'on voit des vallons assez profonds.
La population est extrêmement dense dans le Borinage. Les principales localités houillères, telles que Boussu, Dour, Frameries, ornu, Jemmapes, Paturages, Quaregnon, Wasmes, dépassent le chiffre de 10,000 habitants. D'autres ne sont pas beaucoup moins considérables, notamment Cuesmes (8737 habitants) et La Bouverie (6,993 habitants).
Le plus important des charbonnages borains, tant par le nombre des ouvriers que par l'étendue des concessions, appartient à la Compagnie de charbonnages belges. Cest là que travaille le chef de la famille étudiée4.
§ 2. État civil de la famille.
La famille comprend les deux époux et trois enfants, savoir :
1. Pierre E., chef de famille, né à D***, marié le 18 février 1882............ 45 ans.
2.Adèle E., sa femme, née à D. ............ 45 —
3.Joséphine, leur fille aînée, née à D. ............ 17 —
4.Pauline, leur seconde fille, née à D. ............ 15 —
5.Marthe, leur troisième fille, née à D. ............ 10 —
Pierre et Adèle descendent tous deux de familles de mineurs.
§ 3. Religion et habitudes morales.
Au point de vue de la religion et des habitudes morales, la famille observée ne représente pas la situation moyenne des ménages d'ouvriers borains. Elle la dépasse de loin. Sous ce rapport, celle dont il est question plus loin (§ 17) refête à peu près exactement la situation de la majorité.
[217] Pierre E., né d'un père protestant et d'une mêre catholique, est devenu catholique avant son mariage.
Il est maintenant catholique convaincu et pratiquant. Il est membre du Cercle ouvrier catholique et de la confrérie du Saint-Sacrement. Adèle fait partie de la confrérie de la Sainte-Famille.
Les deux filles aînées ont été premières au catéchisme de première communion.
Tous les membres de la famille prient le matin et le soir, ainsi qu'avant et après les repas. Leur conduite est irréprochable.
Pierre est, en général, content de son sort. Cela ne l'empêche pas de se plaindre quand les diminutions de saulaire ne lui semblent pas suffisamment justifiées. Il trouve qu'on pourrait, sans trop d'inconvénients, rogner encore quelque peu la part de l'actionnaire, pour accroître celle de l'ouvrier. Il n'attend cependant rien de la violence et ne mord pas à l'hameçon des promesses socialistes. La plupart de ses camarades, au contraire, y mordent gloutonnement et aiment à oublier les réalités parfois assez prosaiques du présent, pour rever du futur paradis collectiviste.
§ 4. Hygiène et service de santé.
Le père est de taille moyenne, fortement membré ; il n'est jamais ma
Quoiqu'il travaille dans la mine depuis trente-quatre ans, son excellente santé semble devoir se maintenir longtemps encore. Il faut l'attribuer en grande partie à sa sobriété et à son habitude de passer presque toutes ses matinées au jardin.
La mère est grande, maigre, nerveuse ; elle jouit, comme son mari, d'une forte santé. Ses filles sont douées, toutes les trois, d'une solide constitution.
Le climat du Borinage est, en général, tempéré et ne présente rien de caractéristique. Cependant, les changements de température y sont parfois assez brusques.
Le Borinage serait une région très saine, s'il possédait une bonne distribution d'eau et un réseau d'égouts régulièrement construits. Malheureusement, tout ou presque tout, est encore à faire sous ce rapport. Il en[218]résulte que les petits ruisseaux et les cours d'eau sont tous contaminés. Beaucoup de ménages n'ont pas d'eau potable dans la maison et doivent s'en procurer chez des voisins. Une commission spéciale s'occupe assez activement d'un projet de distribution d'eau ; elle espère aboutir prochainement à des résultats satisfaisants.
§ 5. Rang de la famille.
La famille occupe un rang ordinauire, analogue à la généralité des familles de mineurs borains.
Les trois filles ont reçu une éducation soignée et une solide instruction primaire.
Dans quelques années, les deux aînées seront probablement mariées, et le père pourra songer à faire des économies, qui lui assureront une vieillesse à l'abri du besoin. Il pourra bénéficier encore des subsides accordés par la loi belge du 10 mai 1900 sur les pensions ouvrières à tous les ouvriers afiliés a la Caisse générale de retraite de l'État. En vertu de cette loi, il pourra recevoir annuellement de l'État une prime qui est susceptible de s'élever jusqu'à 14f 40, sans compter les subsides de la province et de la mutualité.
Une institution originale, due à l'initiative de M. lIe directeur gérant lIsaac, a été fondée, le 9 août 1896, au charbonnage où travaille l'ouvrier : c'est la Société des décorés de la Compagnie de charbonnages belges. Ses membres assistent en corps aux solennités de la SainteBarbe, aux funérailles de leurs confrères, à certaines manifestations patriotiques ; ils organisent parfois des excursions.
Dans le discours prononcé à la première réunion, M. Isaac exposait en ces termes le but qu'il s'étauit proposé :
Ayant l'honneur d'etre tous attachés au même établissement, nos idées, nos aspirations seront nécessairement les mêmes ; nous nous verrons plus souvent, nous ferons plus intime connaissance, échangeant l'expression de nos sentiments, tous heureux, tant patrons qu'ouvriers, de pouvoir de temps en temps nous serrer amicalement lae
Nous avons cru utile de vous réunir en une société de décores parce[219]que nous avons pensé que si la rue appartient parfois à des hommes qui ont tout fait hormis le bien, le haut du pavé pouvit bien aussi appartenir à vous qui êtes des hommes d'ordre. Depuis quelque temps, des gens, qui n'ont pour eux que l'audace et l'astuce, parviennent à intimider même ceux qui, comme vous, n'ont qu'un passé d'honneur et de probité. On est presque honteux d'être resté brave et honnête.
« Eh bien ! il faut que cet état de choses prenne fin, et notre Société contribuera pour sa part à ce que cela finisse. Vous quiavez risqué votre vie pour sauver votre semblable, vous qui avez arraché au grisou et rendu à leurs familles des existences précieuses, vous qui avez passé toute une vie et avez blanchi au service de la Compagnie, vous qui avez rendu des services inappréciables à l'industrie de notre pays, vous tous qui avez appelé sur vous l'attention royale, levez-vous, portez fièrement votre décoration, faites voir que vous ne craigne pas de paraitre ce que vous êtes tous, c'est-à-dire d'honnêtes gens, et l'immense majorité du peuple vous respectera et vous applaudira. »
A l'heure actuelle, le nombre des membres de la Société des décorés est de 127.
Moyens d'existence de la famille
§ 6. Propriétés.
(Mobilier et vêtements non compris)
Immeubles............ 0f 00
La famille ne possède aucune propriété immobilière et ne songe pas à en acquérir.
VALEURS MOBILIÈRES............ 20f 00
Une action de la Coopérative catholique de Quaregnon-Pâturages, 20f 00.
Argent............ 200f 00
Depot à la Caisse d'epargne, 200f00.
[220] ANIMAUX DOMESTIQUES ENTRETENUS UNE PARTIE DE L'ANNÉE............ 60f 00
30 lapins par an en moyenne, 60f 00.
Matériel spécial des travaux et industries............ 53f 25
1° Matériel de l'ouvrier mineur (recarreur de cheminée). — 1 scie, 1 apiette, 1 marteau, 8f25.
2° Matériel servant à l'exploitation du petit jardin. — 1 bêche, 1 houe, 1 rasette, 1 râteau, 1 trident, 1 sarcloir, des cordes d'alignement, 15f 00
3° Matériel servant au raccommodage des vêtements domestiques. — 1 « carreau » contenant : fil, aiguilles à remailler et à tricoter, épingles, boutons et passe-cordons, 6f00.
4° Matériel servant au blanchissage du linge et des vêtements et au travail de la femme repasseuse. — 3 fers à repasser avec sous-fers, 1 planche à repasser, des pinces à plis, 1 bassin en zinc, 1 rinçoir, 1 marmite, 24f 00.
Valeur totale des propriétés............ 333f 25
§ 7. Subventions.
La Compagnie de charbonnages belges vend à ses ouvriers, comme toutes les autres sociétés minières, le charbon à un taux inférieur au prix marchand. Elle le leur cède encore actuellement au prix de revient dil y a quatre ans, quoique le prix de vente normal ait considérablement augmenté depuis cette époque.
En cas de maladie ou d'accident, la Compagnie procure gratuitement à tous ses ouvriers, ainsi qu'à leur famille, les soins médicaux nécessaires. Les membres du service de santé sont répartis par circonscription. En cas de nécessité, la Compagnie assure aussi gratuitement à ses ouvriers les soins de médecins spécialistes étrangers. Nous empruntons à la notice mentionnée plus haut les renseignements suivants concernant les diférentes caisses de secours instituées par la Compagnie.
CAISSE DES BLESSÉS. — Les ouvriers blessés au cours de leur travail reçoivent gratuitement de la Compagnie des secours journaliers en argent, dont l'importance est en rapport avec le taux du salaire. Ces secours sont continués intégralement jusqu'à complète guerison, sans toutefois pouvoir être accordés pendant plus de six mois. Au bout de ce temps, les ouvriers blessés et non guéris tombent à la charge de la Caisse de prevoyance (accidents).
[221] Des secours extrauordinaires en nature ou en argent sont accordés aux ouvriers nécessiteux ou exigeant des soins spéciaux.
CAISSE DES MALADES. —Une Caisse des malades, alimentée en partie par des retenues sur le salaire des ouvriers, en partie par des subventions de la Compagnie, permet d'accorder des secours en nature ou en argent aux ouvriers malades. Elle est administrée par une commission composée entièrement d'ouvriers, sous la présidence d'un délégué de la Compagnie.
CAISSE DE PRÉVOYANCE (ccidents). — Les ouvriers blessés qui, au bout de six mois, ne sont pas guéris tombent à la charge d'une caisse des accidents instituée en commun par tous les charbonnages du Couchant de Mons, sous le nom de Caisse de prévoyance des ouvriers mineurs. Elle est alimentée exclusivement par les subventions patronales.
Des pensions provisoires mensuelles sont accordées aux ouvriers blessés, ainsi qu'à leurs enfants en bas âge, jusqu'à ce que les médecins spéciaux de ladite Caisse les déclarent guéris.
Des pensions viagères sont accordées aux ouvriers dont les blessures sont incurables ou qui sont mutilés.
Des pensions sont aussi données aux ascendants dont l'ouvrier blessé ou tué était l'unique soutien.
En cas de mort du blessé, la pension est réversible sur la tête de la veuve ou des parents dont il était le soutien.
CAISSE DE PRÉVOYANCE (retraite). — Elle constitue une section de la Caisse de prévoyance et est alimentée exclusivement par les subventions des patrons.
Elle accorde des pensions viageres aux ouvriers âgés de soixantecinq ans et ayant trente-cinq ans de service, ainsi qu'aux ouvriers âgés de soixante ans seulement et comptant trente-cinq ans de service, mais reconnus incaupables de travailler.
Ces pensions varient d'importance avec le nombre d'années de service. En cas de mort du pensionné, la réversibilité est accordée à la veuve.
A la fin de 1899, le nombre de pensionnés (anciens ouvriers ou veuves d'anciens ouvriers de lae Compagnie) était de 390.
§ 8. Travaux et industries.
Pierre est actuellement recarreur de cheminées, chargé par conséquent[222]de l'entretien et du dégagement des cheminées par ou l'on fait descendre le charbon : travail dangereux, qui exige de l'habileté et beaucoup de prudence.
Adèle est repasseuse; elle travaille deux fois par semaine comme femme de journée et exécute chez elle des travaux de repassage pour une moyenne de 2 francs par semaine.
La fille aînée est servante. La seconde fille est apprentie repasseuse, mais ne gagne encore rien. La troisième continue à fréquenter l'école.
Quant aux industries entreprises par la famille, elles ne présentent rien de caractéristique, elles sont indiquées au budget.
Pierre, ne descendant « à fosse » que l'après-midi, consacre presque toutes ses matinées à la culture de son jardin, de celui d'un voisin et du petit terrain « à petotes ».
Adèle travaille le soir jusqu'à minuit, heure où son mari revient de la fosse. Comme elle est repasseuse et qu'en rentrant, Pierre prend, avant de souper, un bain d'eau tiêde, on s'explique aisément l'assez forte consommation de charbon indiquée au budget. Nous nous contentons d'y mentionner le chiffre de vente, d'ailleurs minime, d'un petit dépot de margarine que tient la femme.
Mode d'existence de la famille
§ 9. Aliments et repas.
La famille fait trois repas par jour. Asse souvent on mange en outre une tartine à quatre heures après midi.
Au dîner on prend de la soupe,des pommes de terre, des légumes, de la viande (deux fois par semaine) et quelquefois des fruits.
Au souper : des tartines, du fromage blanc, souvent du café et des œufs, et parfois des restes de viande.
Aux deux repas on boit de la bière.
[223] Au déjeuner : café et tartines.
L'ouvrier, en partant pour le travail, emporte, comme tous les houilleurs, deux ou trois tartines et un petit bidon de café.
En remontant de la fosse, il prend un ou deux petits verree de genièvre et un demi-litre de bière.
La famille ne mange que rarement du lard, du ri, du poisson, des saucisses et des boudins.
§ 10. Habitation, mobilier et vêtements.
La famille loue une petite maison dont les dimensions et la disposition intérieure sont celles d'un très grand nombre de maisons ouvrières du Borinage.
En franchissant le seuil de la porte, on entre directement dans la pièce principale. Les maisons ouvrières où la porte d'entrée s'ouvre sur un petit corridor sont très rares. Cette pièce principale, qu'on appelle « la maison, sert à la fois de cuisine, de salle à manger, de chambre de travail et de salle de réception. Elle mesure 450 de longueur, 5 mètres de largeur et 350 de hauteur. Les murs sont soigneusement badigeonnés et le pavement en pierres bleues est très proprement entretenu. L'air pénètre abondamment par une grande fenêtre et par la porte d'entrée qui, en été, est presque toujours ouverte.
Derrière cette pièce, une seconde, située au-dessus de la cave, mesure 5 mètres de longueur sur 3 mètres de largeur et 2 mètres de hauteur. Cest la chambre à coucher des deux petites filles.
Sous l'escalier qui mène au grenier se trouve un peotit réduit de 3m50 de longueur gur 1m80 de largeur et 3m50 de hauteur. C'est là que le père se lave en revenant de la fosse. On y a accès par une petite porte donnant sur la pièce principale. Une autre semblable s'ouvre sur un corridor d'un mètre de largeur, conduisant à la petite cave et au jardin. Lae cave mesure 3 mètres de longueur sur 3m50 de largeur et 2 mètres de hauteur.
Le grenier a 5 mètres de longueur sur 4 mètres de largeur et, au milieu, 3P50 de hauteur. Au fond se trouve une grande mansarde qui sert de[224]chambre ̀ coucher aux parents. Elle a 5 mètres de longueur, 2n75 de largeur et 2 metres de hauteur.
A côté de la maison s'élèvent deux petits réduits mesurant 3 mètres sur 2 mètres et 250 de hauteur. L'un sert de remise à charbon et contient en outre les outils de jardinage et deux grandes caisses ou sont enfermés les lapins. L'autre sert de buanderie et contient un petit foyer où l'on fait la cuisine quand il fait trop chaud pour faire du feu dans lae maison.
Le jardin est spacieux et parfaitement entretenu par l'ouvrier. Sa superficie est de 350 metres carrés. On y trouve diférents légumes : haricots, pois, choux, épinards, oignons, salades, poireaux, oseille, cerfeuil persil, céleri, etc.
Le petit terrain s à petotes que loue l'ouvrier mesure 2 ares et demi. Il py cultive, outre ses pommes de terre, quelques rangées de carottes, de navets et de betteraves pour les lapins.
Meubles............. 600f 00
1° Mobilier de la pièce principale. — 1 armoire garde-robe en bois blanc avec montants en chêne, 70f 00; — 1 buffet, dit au Borinage « bonheur du jour », 60f 00; — 1 poêle-cuisinière, 60f 00; — 6 chaises, 2f00; — 1 table, 20f 00; — sur la cheminée, un christ, deux globes et quelques petits cadres : valeur totale, 20f 00; — 2 lampes à pied, 5f 00 ; — 1 « trotteuse », lampe à manche, 2f00. — Total, 258f 00.
2° Mobilier de la chambre à coucher des petites filles. — 1 lit en chêne avec paillasse, bon matelas, oreillers, traversin, draps blancs très propres et bonnes couvertures, 125f 00 ; — 1 chaise, 3f50 ; — 1 armoire en bois blanc contenant le linge de ménage, 40f00. — Total, 168f 50.
3° Moblier de la mansarde servant de chambre à coucher aux parents. — 1 lit en chene avec paillasse, matelas, oreillers, traversin, draps et couverture, 125f 00 ; — 1 vienx berceau, 15f 00 ; — 1 chaise, 3f 50 ; — 1 petit lavabo, 15f 00. — Total,158f 50.
4° Dans la cave. — 1 chantier, 7f00 ; — 3 cuvettes, 8f00 ; — quelques bouteilles vides (pour mémoire). — Total, 15f 00.
UTENSILES............ 55f 15
Ustensiles de cuisine. — 6 jattes, 0f 40 ; — 18 tasses, 1f 20; — 2 verres à bière, 1f50 ; — 6 verres à liqueur, 0f30 ; — 3 pots à café, 2f50 ; — 3 pots à lait, 1f50 ; — 2 poêlons, 2f 00; — 2 marabouts, 2f 00; — 1 pot à bière, 1f50 ; — 4 coquetiers, 0f50; — 18 assiettes plates, 2f50 ; — 12 assiettes à soupe, 2f50 ; — 12 petites assiettes, 2f00 ; — 1 beurrière, 1f25 ; — 1 sucrier, 0f50 ; — 6 boîtes pour sucre, chicorée, café, poivre, thé, etc., 1f 00; — 12 couteaux, 8f50; — 12 cuillers et 12 fourchettes, 12f 00 ; — 12 cuillers à café, 3f00; — 2 saladiers, 2f00 ; — 4 plats à viande et à légumes, 3f 50. — Total, 55f15.
Linge de ménage............ 172f 00
10 paires de draps de lit, 160f00 ; — 2 douzaines d'essuie-mains, 12f00. — Total, 172f00.
[225] VÊTEMENTS. — Selon le détail porté au paragraphe 16, E, sauf a tenir compte de la dépréciation par l'usage. Il est à noter que la plupart des vêtements sont hors d'usage après une année............ 618f 70
Vêtements de l'ouvrier (141f 00).
VÊTEMENTS DE L'OUVRÈRE (101f 00).
VÊTEMENTS DE LA FILLE AÎNÉE (111f50).
VÊTEMENTS DES DEUX PETITES FILLES (265f20).
Valeur totale du mobilier et des vêtements............ 1,445f 85
§ 11. Récréations.
Les jeux favoris des ouvriers borains sont le tir à l'arc et le jeu de crosse. Ils préfèrent le tir à la perche au tir à la cible, quoique ce dernier soit également fort en vogue.
Les Borains dépensent fréquemment, au tir à l'are, des sommes considérables. Les a tirs taxés, c'est-à-dire ceux où la mise est plus ou moins éleée suivant les prix alloués aux différents oiseaux, leur coûtent parfois jusqu'à 50f pour la mise, sans compter les frais qu'entrainent les déplacements et les libations toujours copieuses. L'ensemble des mises atteint parfois 50,000 francs.
Les tirs gratis sont formés : 19 par une somme déterminée à répartir entre tous les prix abattus et donnée en subside par les autorités locales, par diverses sociétés, par les brasseurs, etc. ; 2° par des mises des tireurs ne dépassant guère 1 ou 2 francs. Ces sommes, déduction faite de 10 % payés au connétable n, sont réparties entre ceux qui ont abattu les diférents oiseaux.
Les jeux de balles, de quilles, de boules et de crosse sont beaucoup moins coûteux. Il en est de même en général du billard.
Ces diférents jeux n'entrailnent que trop souvent, pour les ouvriers, des dépenses considérables et absolument diseproportionnées avec leurs ressources. Nous aurone à en reparler au chapitre contenant les appréciations générales et les conclusions.
Histoire de la famille
§ 12. Phases principales de l'existence.
[226] Pierre E. est le type du houilleur borain pur sang ; son histoire nous fait traverser successivement les diférentes phases de la vie de l'ouvrier borain.
Fils de charbonnier, Pierre descend dans la fosse à l'âge de 11 ans et demi. Il est porteur de lampes, descend à trois heures du matin, remonte à trois heures de l'après-midi et gagne 90 centimes par jour. Trois mois après, Pierre devient manuvre et sa besogne consiste à porter le bois aux ouvriers qui montent les cheminées. Il descend à une heure de l'après-midi, remonte à dix heures du soir et gagne 1f 10.
A 16 ans, il devient déjà coupeur-voie au puits où son père est chef porion et est payé au mètre carré d'avancement. Il descend à cinq heures du soir, remonte à quatre heures du matin et touche en moyenne un salaire de 3f 605.
A 19 ans, il devient ouvrier à veine (abatteur). II descend à trois heures du matin, remonte à deux heures de l'après-midi et gagne en moyenne 3f 806.
A 26 ans, il est porion et touche la somme fixe de 27f par semaine. l descend à trois heures du matin, remonte à trois heures de l'aprèsmidi, puis fait son rapport au chef-porion et est libre à partir de six heures.
Pierre ne reste porion que pendant cinq ans. Son ingenieur persistant à exiger, afirme-t-il, qu'il obtienne des ouvriers dont il a la surveillance une quantité de charbon abattu impossible à fournir, Pierre préfère redevenir simple ouvrier pour garder son indépendance.
[227] A 31 ans, il redevient donc ouvrier à veine, mais cette fois dans un charbonnage voisin de celui où il avait travaillé auparavant. Sa journée de travail est de doue heures et lui rapporte en moyenne 4f10.
A 34 ans, Pierre se fait bouvleur dans un troisième charbonnage et son salaire est de 3f 80.
A 40 ans, il devient de nouveau, pour six mois, ouvrier à veine au charbonnage ou il a fait ses premières armes n et touche 3f 60.
Enfin, à 40 ans et demi, il est recarreur de cheminée à l'un des puits de l'Escouffiaux, dépendant de la Compagnie de charbonnages belges. Sa journée commence à deux heures de l'après-midi et finit à minuit. Elle lui rapporte actuellement (août 1900) un salaire moyen de 4f 50.
§ 13. Mœurs et institutions assurant le bien-être physique et moral de la famille
En cas de maladie, d'invalidité prématurée ou de vieillesse, l'ouvrier bénéficiera de subsides accordés par la Caisse de prévoyance des ouvriers mineurs du Couchant de Mons.
Cette caisse, instituée en 1841, est alimentée par les cotisations des exploitants, par les subsides de l'État et de la province, par les intérêts des capitaux placés et par des dons. Elle comprend, depuis 1891, une caisse des accidents et une caisse de retraite.
Le montant de la cotisation des exploitants est de 2 e, des salaires payés, en ce qui concerne la caisse des accidents, et de 1 e/, en ce qui concerne la caisse de retraite.
Les retenues sur le salaire des ouvriers ont été supprimées en 1891.
En 1899, les recettes des deux caisses réunies ont éte de 999,168f 92. Les dépenses ont été de 784,677f 29.
La Compagnie de charbonnages belges où travaille l'ouvrier observé a versé 104,154f34 à la caisse des accidents et 52,077 16 ̀ la caisse de retraite.
Voici le détail des pensions servies en 1899 par les deux caisses réunies :
[228] Les autres bassins houillers du pays ont également leurs Caisses de prévoyance en faveur des ouvriers mineurs. Celles de Charleroi et de Liège ont supprime aussi les retenues sur les salaires. Au Centre, le montant des cotisations des exploitants est égal au montant des retenues sur les saulaires.
En vertu de l'arrêté royal du 1 août 1874, pris en exécution de l'article 4 de la loi du 28 mars 1868, une commission permanente est chargée de l'examen des comptes annuels des six Caisses de prévoyance du royaume.
Voici, d'après les statistiques de la direction générale des mines, les recettes et les dépenses des six Caisses de prévoyance du royaume :
[229] Quant aux caisses particulières de secours, auxiliaires des premières, leurs recettes et leours dépenses ont été respectivement de 2,126,599f50 et de 2,05,198f 36.
La somme globale des pensions et des secours des cauisses communes de prévoyance et des caisses particulières de secours a été de 4,877,023f 77 (frais d'administration non compris).
Les caisses de prévoyance sont à la veille de devoir subir de profondes transformations. La loi récente sur les pensions ouvrières et la future loi sur la réparation des accidents du travail entraîneront une refonte de ces institutions.
Éléments divers de la constitution sociale
FAITS IMPORTANTS D'ORGANISATION SOCALE.
PARTICULARITÉS REMARQUABLES,
APPRÉCATIONS GÉNÉRALES ; CONCLUSIONS.
§ 17. QUELQUES Notes SUR UNE SECONDE FAMILLE DE MINEUR BORAIN
I. — Définition du lieu, de l'organisation industrielle et de la famille
[241] Le milieu oui oit la famille. — C'est au Borinage, dans le milieu qu'a présenté la précédente monographie, que vit le second ouvrier observé. A côté du mineur sobre, laborieux, économe, arrivant à une aisance relative avec un salaire plutôt au-dessous qu'au-dessus des sa-laires moyens actuels, il représente le type du Borain négligent, imprévoyant, gaspilleur et buveur. Les gens de son espèce ne sont malheureusement que trop nombreux dans cette région ; ils deviennent la proie de la misère dès qu'une maladie les surprend.
ˉLes membres de la famille. — Le père de la famille, Guillaume O., habite le village de C. ; il a toujours été houilleur et rien que houilleur. — Il a trente-trois ans et demi et s'est marié à vingt-cinq ans.
Sa femme, Alice O., a vingt-neuf ans.
La fille aînée, Louise O., a neuf ans et neui mois.
La seconde fille, Jeanne O., a sept ans et un mois.
L'aîné de deux garçons, Philippe O., a six ans et cinq mois.
Le second garçon, Jean O., a cinq ans.
La troisiême fille, Léontine O., a deux ans.
La quatrième fille, Adèle O., a huit jours.
Reigion et aboitudes morales. — Guillaume est le type de l'ouvrier sans conviction, sans énergie, vivant au jour le jour et s'abrutissant par l'usage immodéré de l'alcool.
a été religieux autrefois, mais il est devenu socialiste pour faire comme les autres. Il ne va, du reste, aux meetings qu'en temps de grève.
[242] Les enfants fréquentaient jusqu'en ces derniers temps les écoles communales, réputées socialistes ; depuis la rentrée des cours de cette année, gràce aux instances d'un voisin charitable qui avait donné des secours à la femme et des fournitures de classe aux enfants, ceux-ci ont été envoyes aux écoles des surs.
ˉHygiéne et service de sante. — Guillaume a détruit sa santé par l'abus de l'alcool ; depuis plusieurs mois, il est incapable de travailler.
Alice a joui autrefois d'une santé excellente; mais une nourriture chetive et peu substantielle n'ayant pas sufisamment réparé la déperdition de forces occasionnée par des couches fréquentes, elle semble menacée d'un lent dépérissement et parait beaucoup plus âgée qu'elle ne l'est efectivement.
II. — Moyens d'existence de la famille
Proprietes. — La famille n'a aucune propriété et ne songe même pas à la possibilite d'en acquérir. L'ouvrier possède uniquement ses quelques outils de mineur. La préoccupation exclusive de la mère est de pouvoir donner chaque jour à ses enfants la nourriture indispensable.
Subentons. — Aucune subvention patronale à cause de l'irrégularité du travail de l'ouvrier. La famille reçoit de quelques voisins des secours en aliments; mais trop souvent le mari ne se sert des quelques sous que lui donnent des personnes charitables que pour satisfaire son goût pour l'alcool. C'est encore à la générosité des voisins que la famille doit les vieux vêtements que portent la femme et les enfants.
raoaux. — Le père est ouvrier à veine ou abatteur. Son travail consistait, avant sa maladie actuelle, à abattre le charbon dans les veines, puis à faire le boisage au fur et à mesure de l'avancement de sa tache, et à aider, pour sa part, à bouter n le charbon abattu, c'est-à-dire à le pousser de la veine jusqu'à l'entrée de la voie.
La mère ne peut vaquer à aucun travail rémunérateur : son état de santé et le jeune âge de ses enfants l'empechent de travailler hors de se maison ou pour le compte d'autrui.
III. — Mode d'evistence et histoire de la famille.
Aliments et repas. — La famille prend quatre repas par jour : le matin, à midi, vers quatre heures et le soir. La nourriture étant l plupart du temps fort peu substantielle, la femme et les enfants mangent souvent une tartine entre les repas.
[243] Depuis que le père ne travaille plus, on ne se nourrit guère que de pain, de fromage blanc, de pommes de terre et de légumes.
La famille reçoit régulièrement une livre de viande par semaine ; de temps en temps des bourgeois ou de bons ouvriers du voisinage lui en achètent quelques morceaux.
En fait de boisson, elle n'a que du café de qualité inférieure et de l'eau. Elle n'a plus le moyen, depuis que le père est malade, de se procurer de la bière.
ˉHabitation, obilier et oetements. — Le ménage occupe une petite maison ou plutôt une masure louée 6f par mois.
Cette masure est située au fond d'une impasse de 130 de largeur. Un mur de clôture atteignant la hauteur du toit lui faisant face, l'air et la lumière sont absolument insuffisants.
La maison comprend deux pièces : la pièce principale où se tient toujours la famille a 410 de longueur,. 410 de largeur et 230 de hauteur.
Comme il n'y a de feu que là et que l'espace de la seconde chambre est, comme on va le voir, presque totaulement occupé par les lits, le père est obligé de procéder à ses ablutions devant ses petits enfants.
Le mobilier et les ustensiles réunis dans cette pièce se composent de : 1 grande table en bois blanc travaillé, peint en rouge, 20f00; 5 chaises en mauvais état, 9f 00; — 1 cruciix sur la cheminée, 1f25; — 1 vieux poêle acheté d'occasion, 10f00; — 1 « dresse (vieille armoire), 35f00; — 1 miroir, 0f40; — 2 petits vases en verre bleu, 0f60 ;— 2 chromos insignifiants, 0f40; —1 réveille-matin, 4f50 ; — 1 cruche à pétrole, 1f10 ; — 1 bac à charbon, 3f50; — 2 seaux, 2f50; — 1 cuvier, 5f85 ; — 7 assiettes, 0f70; — 9 jattes, 0f60; — 2 couteaux, 6 cuillers et 6 fourchettes, 4f 00. — En tout pour une valeur de 99f40.
La seconde pièce a 410 de longueur, 2P30 de largeur et 250 de hauteur. Elle sert de chambre à coucher aux huit personnes qui composent la famille.
Cette petite pièce contient : 1 lit en bois peint en rouge, avec matelas, pour les parents, 40f00; — 1 lit en bois blanc, pour les enfants, 15f00; — 1 lit en fer, pour les enfant, 20f00 ; — 1 vieux berceau, 8f00. — Valeur totale, 83f00.
Le lits se touchent ; il reste à peoine un peu de place pour se tourner.
Seul, le lit des parents a aune couverture de coton. Les autres n'en ont pas. Pendant l'hiver, les enfants sont recouverts de vieilles nippes et la chambre est chaufée par le poêle de la pièce adjacente et par le nombre même de ses occupants.
[244] La pièce est aérée par une petite fenêtre donnant sur l'impasse.
Point de cave. Il y a un grenier, mais il est inoccupé, car on n'y a accès que par une lucarne du toit donnant sur la ruelle et il faut une échelle pour y arriver.
La maison est dépourvue d'eau potable, comme beauucoup d'habitations ouvrières du Borinage. La femme va chercher de l'eau chez un particulier et la paie 0f10 par semaine.
Le loyer de la maison est de 6f 00 par mois. La famille ne paie aucune contribution.
Le mari a 3 chemises, 2 de couleur pour le travail et 1 blanche, 1 vetement de travail et 1 costume complet de dimanche. La femme a 2 chemises, jupons, jaquettes. Les enfants n'ont que les vêtements qu'ils portent journellement et qui leur sont donnés par des personnes charitables.
Personne ne donnerait 300f00 pour tout ce qui se trouve dans la maison, y compris les vêtements.
eereations. — Guillaume ne connait d'autre récréation — et quelle récréation l — que la fréquentation habituelle des cabarets, où il boit l'alcool de façon excessive.
Histoire de la famille. — Guillaume travaille au charbonnage depuis qu'il a fait sa première communion. Il est descendu dans la mine à onze ans ; son travail consistait à ouvrir et à fermer les portes d'aérage au passauge des rames de vagonnets. Depuis lors, à part quelques semaines pendant lesquelles il a travaillé dans un autre charbonnage borain, Guillaume O. est toujours resté au même charbonnage. Sa femme, Alice O., n'a jamais travaillé au dehors, et aucun des enfants n'est en âge d'aller « à fosse .
IV. — Budget domestique annuel.
Il n'est pas possible de dresser un budget quelque peu précis des dépenses de cette famille ; car il y a régné le plus complet désordre qu'on puisse imaginer ; ni le mari ni la femme ne savent detailler ce qu'ile ont dépensé.
Il y a quelques mois, quand il travaillait encore, le mari ne remettait jamais à sa femme que 16 ou 17 francs par semaine de travail complet. Une seule fois il lui a remis pour six jours de travail 19f 00. Or, les semaines où il travaillait six jours et faisait au fond de la besogne sérieuse, ses salaires dépassaient toujours 30f 00. Et comme il ne jouait[245]pas et ne payait de cotisation d'aucune sorte, la moitié, et parfois plus de la moitié de son salaire, était dépensée en l'alcool.
Sur les 16 ou 17 francs dont disposait la femme pour entretenir pendant toute la semaine un ménage de sept personnes, elle devait encore prélever quatre ou cinq fois par semaine 0f30 pour acheter de l'eau-de-vie que le mari prenait en rentrant, ce qui coûtait généralement 1f20 par semaine.
Les 15 francs qui restaient en moyenne étaient naturellement dépensés en entier pour le loyer et la nourriture. En fait d'habits, la femme et les enfants portaient les vieilles nippes que leur donnaient de temps en temps des voisins.
Enfîn, il est à remarquer qu'il y a eu trois semaines pendant lesquelles le mari n'a travaillé que deux jours, deux semaines ou il n'a travaillé que trois jours, et pDendant lesquelles la femme et les enfants devaient acheter à crédit leur chétive nourriture, ou la recevoir des voisins.
On trouvera dans le tableau ci-joint, semaine par semaine, les chiffres des salaires et des journées de travail de Guillaume, pour l'année 1899, alors qu'il pouvait encore travailler.
§ 18. LE BASSIN HOUILLER BELGE, CONDITIONS ÉCONOMIQUES
I. — Le gisement ouiller de ˉBelgigque en géneral7.
[246] Le royaume de Belgique est traversé du sud-ouest au nord-est par un dépot houiller gisant dans une vallée de calcaire carbonifêre. Ce dépôt, qui constitue à la surface une longue et assez étroite zone, passe par les provinces du IHainaut, de Namur et de Liège. Dans la deuxième de ces provinces, la zone houillère présente un point d'interruption (au ruisseau de Samson, à deux lieues à l'est de Namur), par l'eet du relêvement, de part et d'autre, du fond de la vallée calcareuse qui sert d'assise et de cadre au bassin houiller.
Par suite de cette circonstance, le bassin est peu profond et peu important dans la province de Namur. Il en est autrement dans la province de Liège, où la profondeur du dépôt peut atteindre 1,700 mètres, et surtout dans le ainaut, où, un peu au delà de Mons, elle parait devoir dépasser 3,000 mètres.
La one houillère belge présente une longueur totale de 170hilomètres ; sa largeur, qui est en moyenne de 8 à 9 kilomètres, atteint un maximum de 15 kilomètres dans le ainaut, un peu à l'ouest de Charleroi, et de 18 dans la province de Liège (plateau de erve). Elle se prolonge à l'est en Allemagne (bassin d'Aix-la-Chapelle) et à l'ouest en France (bassins du Nord et du Pas-de-Calai). Sur cette longueur de 170 kilomètres, se sont établis depuis longtemps trois grands groupes de charbonnages : les charbonnages du Couchant de Mons ou Borinage, les charbonnages du pays de Charleroi et ceux du pays de Liège.
Entre Mons et Charleroi, dans une région où le terrain houiller était rendu presque partout difficilement accessible par des morts-terrains de[247]formation postérieure à la formation houillère, s'est développé plus tard le groupe des mines du Centre.
Quant aux exploitations namuroises, elles se rattachent les unes aux charbonnages de Charleroi, les autres à ceux de Liège8.
La formation houillêre belge renferme un grand nombre de couches reconnues et exploitées de 030à 2 mètres de puissance utile. Les couches dépassant 1 mètre de puissaunce utile sont rares. La puissance moyenne des couches en exploitation approche de 066. En 1899, elle s'est trouvée être de 067, 1 centimètre de plus que les quatre années précédentes. — Le nombre des couches gisantes aux divers points du bassin belge est généralement en rapport avec la profondeur locale de celui-ci. On en évalue le nombre maximum à Liêge, à Charleroi et à Mons, respectivement à 60, 107 et 114 couches exploitables. A Mons cependant il peut y en avoir d'inconnues9. Beaucoup de couches supérieures sont considérées comme complètement déhouillées.
L'allure des couches du bassin belge est fort tourmentée au midi, offrant de ce côté des alternances de dressants et de plateures. Ces plissements ont été produits par le soulèvement de l'Ardenne, qui a refoulé du sud au nord les terrains antérieurs au dépot houiller. Cette dernière formation butte au midi à une grande faille de rupture qui plonge au sud, et au delà de laquelle les assises sous-jacentes ont été relevées à la surface. A l'est de Liège, une branche de cette faille se borne à couper le bassin en deux régions, tout en les dénivelant. Cest ce qui explique la grande largeur du gisement en ce point, alors qu'il est cependant moins profond qu'à Charleroi et à Mons.
L'allure des couches est plus régulière au nord, où elles se profilent en grandes plateures.
L'exploitation de ces couches donne lieu à une riche série de produits. IHs comprennent depuis le « fénu supérieur jusqu'à l'anthraciteux, les charbons à ga, les charbons de forge et à cole, les charbons à grande production de vapeur, et les charbons propres aux usages domestiques.
Sauf quelques lambeaux stériles ou presque stériles situés au nord et de petites parties situées au midi, où l'on est occupé à faire des recon[248]naissances, toute l'étendue du bassin belge est concédée à des exploitants réunis en sociétés.
On compte 220 concessions, dont 115 sont actives. Certaines d'entre elles sont considérées comme actuellement inexploitables.
II. — Le gisement houiller du ˉCouchant de Mons.
Cest dans le bassin du Couchant de Mons que se rencontrent les plus grandes profondeurs d'exploitation, le plus grand nombre de couches et la plus grande variété de houilles10.
La profondeur moyenne d'extraction y a été en 1899 de 564 mètres, tandis qu'elle n'a été que de 422 mètres dans le Centre, de 445 dans le bassin de Charleroi, de 313 mètres dans la province de Namur et de 334 mètres dans la province de Liège.
Au contraire, c'est au Couchant de Mons que la puissance moyenne des couches est le plus petite. Elle n'y a été que de 0n54 en 1899, alors qu'elle était de 0n64 dans le Centre et de 076 à Charleroi, de 079 dane la province de Namur et de 071 pour la province de Liège.
Presque toutes les concessions boraines ont pour origine « des remises de couches n par les seigneurs hauts justiciers de la région, auxquels étaient dues des redevances. Celles-ci ont été supprimées à la suite de l'abolition des privilèges féodaux.
Parmi ces hauts justiciers figuraient les abbés de Saint-Ghislain et le chapitre des dames de Sainte-Vaudru de Mons. Les abbés de Saint-Ghislain avaient, dans la délimitation de leurs remises, des idées plus larges et plus pratiques que les dames de Sainte-Vaudru. Celles-ci fractionnaient trop leurs remises et en étaient un peu chiches, sans doute parce qu'elles étaient mal conseillées.
L'exploitation est beaucoup plus dificile au Borinage qu'en n'importe quel autre point du bassin belge. Le prix de revient y est toujours plus élevé qu'ailleurs, quoique les salaires y soient plus bas.
Les morts-terrains recouvrent presque entièrement la région du Couchant de Mons. Ils acquièrent une grande épaisseur au centre et au versant nord du bassin. Sur le versant sud, principalement dans les vallées des ruisseaux qui coulent vers Boussu, Vasmes et Pàturages, se voient des coupes dans le terrain houiller, où les afleurements des veines.[249]n'ont pu manquer d'attirer, de bonne heure, l'attention des populations boraines.
III. — Situation des exploitations.
Le nombre de sièges en exploitation en Belgique a été, en 1899, de 259; 52 ont été tenus en réserve et 15 sont en construction. Le nombre d'ouvriers a été de 125,258, dont 92,438 ouvriers du fond et 32,820 ouvriers de la surface. Le nombre des ouvriers à veine, qui constituent le seul élément producteur de la mine, a été de 22,789, soit un sixième de l'effectif total du personnel ouvrier des mines. L'extraction brute a été de 22,072,068 tonnes, d'une valeur globale de 274,443,900 rancs. La valeur moyenne de la tonne a été de 12f 43, le prix de revient de 10f72. De ce prix de revient, 6f 63 sontallés aux salaires..Ila été payé 146,240,500 francs de salaires. La moyenne du salaire journalier net a été de3f 94.
Le nombre des sièges d'extraction en activité dans le bassin du Borinage a été, en 1899, de 57. Sept sièges sont tenus en réserve et 3 sont en préparation. Le nombre d'ouvriers houilleurs a été de 30,286, dont 23,277 ouvriers du fond et 7,009 ouvriers de la surface. Le nombre d'ouvriers à veine (abatteurs) a été de 6,295. L'extraction brute a été de 4,536,280 tonnes, d'une valeur globale de 59,0338,100 francs. La valeur moyenne de la tonne a été de 13f 01, et le prix de revient de 11f 33. De ce prix de revient, 7f 04 sont allés aux saulaires et 4f 29 aux autres frais. Il a été payé, en 1899, 31,948,900 francs de salaires. La moyenne par journée a été de 4f 55 pour les ouvriers à veine, de 3f 94 pour les ouvriers du fond réunis, de 2f 54 pour les ouvriers de la surface, et de 3f 61 pour les ouvriers du fond et de la surface réunis. Ces moyennes, notablement inférieures à celles des trois autres bassins houillers de Belgique, auront beaucoup augmenté dans le cours de l'exercice 1900.
IV. — Organisation d travail.
L'organisation du travail est à peu près la même dans toutes les mines belges. Citons seulement quelques-unes des principales catégories de travailleurs. A la tête de chaque siège d'exploitation se trouve un ingénieur placé sous les ordres de l'ingénieur en chef, directeur des travaux. Après lui, vient le chef-porion, appelé aussi maître-ouvrier ou chef-mineur, qui est chargé de la surveillance générale des travaux du fond. Puis viennent les porions marqueurs, les simples porions ou survaillants[250]de chantier, les ouvriers à veine, appelés aussi abatteurs ou haveurs, les ouvriers à la pierre, appelés bouveleurs ou baneurs, qui creusent les galeries à travers bancs, les coupeurs-mur ou coupeurs-voie qui font le travail d'avancement des voies au fur et à mesure de l'abatage ; les chargeurs, les meneurs, appelés aussi hiercheurs ou sclauneurs, les boiseurs, les accrocheurs qui se trouvent au sommet et au pied des plans inclinés et accrochent les berlaines aux cordes qui passent sur une poulie, les recarreurs de cheminée, les encageurs, ete.
A la surface, les catéories sont naturellement moins nombreuses : les mécaniciens, les chauleurs, les moulineurs qui poussent les berlaines vides et retirent les berlaines pleines de la cage, les lampistes et les ouvriers du triage, qui sont la plupart du temps des filles, les gardes, etc.
Travail des femmes et des enfants. — De l'année 1891, qui a précédé celle de la mise en vigueur dans les mines de la loi du 13 décembre 189 sur le travail des femmes, des adolescents et des enfants, à l'année 1899, le nombre d'ouvriêres du fond est descendu de 3,691 a 289 unltés, soit une diminution de plus de 92 .. Je ferai remarquer que la décroiesance du nombre des femmes employées au fond, tout en s'étant considérablement accentuée depuis la loi de 1889, avait déjà commencé longtemps auparavant à se produire de tous côtés ; l'efectif du personnel féminin du fond, qui était en 1869 de 8,567, soit 12 e. de l'efectif total du fond, était descendu en 1891 a 3,691, soit 4 %, du personnel du fond.
Enfin, comme l'age minimum des jeunes filles qui peuvent être admises dans les travaux du fond, par continuation, s'est élevé, en 1898, à vingt ans, le personnel féminin aura disparu completement de nos mines d'ici à quelques années, les femmes ne descendant plus quand elles n'y ont pas été habituées dès leur jeune âge.
On constate également une diminution du nombre des jeunes garçone de moins de quatore ans, employés au fond ; mais la diminution est très lente ; ils étaient 2,535 en 1891 et sont maintenant 2,015. La diminution a été plus forte pour les enfants âgés de quatore à seize ans ; leur nombre est passé de 6,075, en 1891, a 4,488, en 1898. Le travail du fond pour les garçons âgés de moins de quatore ans est très facile et peu fatigant. l ne consiste guère qu'̀ ouvrir et à refermer les portes d'aérage au passage des vagonnets, ou à porter des lampes ou du bois. L'idéaul serait cependant de n'admettre aux travaux du fond, queds qu'ils soient, que les enfants âgés de quatore ou quinze ans. Mais il faut reconnaltre que les difficultés croissantes de la concurrence avec les pays étrangers, et la condition économique toute spéciale de l'industrie houillère belge,[251]constituent un obstacle à l'introduction de cette mesure ; espérons qu'il ne sera pas insurmontable.
Voici, d'après les dernières statistiques de M. le directeur général des mines, un relevé du personnel ouvrier des mines de Belgique, en 1899 :
§ 19. LA COMPAGNIE DE CHARBONNAGES BELGES, SON EXPLOITTATION
La Compagnie de charbonnages belges, dont le siège social est à Frameries, près de Mons, fut constituée en 1846.
Les concessions exploitées par elle et agrandies successivement en 1856, en 1874 et en 1896 atteignent aujourd'huiune superficie de2,796 hecetares et s'étendent sous quine des principales localités boraines.
En 1899, le personnel de lae Compagnie s'est elevé à 5,500 ouvriers et contremaîtres. Le chiffre d'extraction, qui est le plus élevé de toutes les sociétés charbonnières de Belgique, a été de 644,700 tonnes. La production en cole a été de 135,338 tonnes.
[252] La Compagnie de charbonnages belges possède onze sièges d'extraction, dont deux sont actuellement en non-activité. L'un des puits, le numéro 10 de Grisœuil, extrait à 1,000 mètres de profondeur, parcâbles plats en aloès à 10 aussières. Un nouvel étage d'exploitation est en préparation à 1,050 mètres. C'est un des sièges d'exploitation les plus profonds du pays. Le puits Sainte-Henriette, appartenant à limportant charbonnage voisin des Produits, extrait à 1,150 mètres. C'est la plus grande profondeur atteinte jusqu'ici en Belgique.
La Compagnie de charbonnages belges possédant une des plus vastes concassions houillères de la Belgique et une des plus difciles et des plus dangereuses exploitations de l'Europe, nous croyons intéresser les lecteurs des ˉOuoriers des ˉDeux Mondes en leur donnant ici quelques détails. Ils sont empruntés à la notice que vient de publier la Compagnie à l'occasion de l'exposition de Paris, où elle a obtenu le grand prix :
GIEMENT HOUILLER EXPLOITÉ PAR LA COMPAGNIE. — L'ensemble de se concessions constitue un polygone irrégulier, qui s'étend depuis Noirchain jusqu'à Dour, sur une longueur de dix kilomètres et sur une largeur qui varie de 1,600 à 2,600 mètres pour la concession de 'Escouffiaux.
Le terrain houiller se montre à découvert sur quelques points de la concession, le long de la limite méridionale. Ailleurs, il est recouvert par des terrains de formation posterieure que l'on désigne sous le nom de morts-terrains . Leur épaisseur est de 8 à 20 mètres dans la région où sont établis les sieges d'eoxploitation de l'Escouffiaux et les sièges numéros 5, 3 et 2 de l'Agrappe. A l'est de ce dernier siège, cette épaisseur augmente ; au puits numéro 12, situé sur Noirchain, le terrain houiller se trouve à 55 metres de profondeur. A ce siège, la nappe aquifere a 25 mètres environ de hauteur.. Si l'on descend du sud vers le nord dans la concession de l'Escoufiaux, on trouve que les morts-terrains s'enfoncent rapidement ; leur épaisseur est de 225 mètres environ au chemin de Binche, limite nord de la concession de Grisuil ; elle est encore plus importante sous le territoire de Saint-Ghislain.
Les concessions de l'Agrappe, de Grisœuil, de Jolimet et des Tas, se trouvant dans la région méridionale du baussin houiller du Couchant de Mons, l'allure générale des couches dans la partie supérieure est très tourmentée ; elle présente une succession de dressants et de plateures avec de nombreux plissements et de fréquentes cassures.
Ce renversement du terrain houiller s'est produit sur toute la lisiere[253]méridionale du bassin. Il est le résultat de la grande poussée du midi provoquée par le soulêvement du terrain dévonien.
NATURE ET COMPOSITION DES HOUILLES. — Les concessions de la Compagnie de charbonnages belges possèdent les qualités des charbons connus dans le district sous le nom de :
19 Houille d gaa à longue flamme.
2° Houille demi-grasse industrielle.
3° Houille grasse maréchale.
4e Houille naigre brûlant presque sans flamme.
Les faisceaux des couches fournissant les trois premières qualités de charbon ont seuls été exploités jusqu'ici par la Compagnie, et les exploitations seront continuées dans ces mêmes couches jusqu'à la profondeur de plus de 1,500 mètres. Quant aux couches de charbons maigres, elles occupent le fond et le sud du bassin et ne seront rencontrées que dans un avenir plus éloigné.
Les diverses qualités des houilles exploitées trouvent leur emploi :
1e° Le charbon à ga, dans la fabrication du gaz d'éclairage et les foyers domestiques.
2° Le charbon demi-gras dans les verreries, les brasseries, les distilleries, les fours à puddler et à réchauffer, les foyers domestiques ; il fait un très bon mélange avec les charbons maigres flambants pour chaudières à vapeur (Crachet-Picquery et Escoufiaux).
3 Le charbon gras convient spécialement à la forge, à la fabrication du cole, au chauffage des chaudières en général et à tous usages où l'on recherche un combustible à la fois riche en cole et en ga.
Quarante-sept couches, jusqu'à ce jour, ont été exploitées ou reconnues exploitables dans les concessions, dont 12 à gaa, 15 de nature demi-grasse, 12 de nature grasse et 8 maigres.
Ces quarante-sept couches représentent une épaisseur totale de 24e62 de charbon ; l'épaisseur des stratifications traversées est de 1,200 mètres, ce qui donne 0,02 pour le rapport du charbon à la totalité des roches.
AÉRAGE. — Toutes les couches de la Compagnie de charbonnages belges sont grisouteuses ; la plupart d'entre elles sont classées dans la catégorie des couches à dégagements instantanes. C'est pourquoi la direction de la Compagnie a toujours attaché la plus grande importance à la question de l'aérage des mines. Non seulement elle a installé de puissants ventilateurs à chacun des sièges d'extraction, mais elle a également cherché à diminuer la résistance que l'air éprouve à circuler[254]dans la mine, de façon à augmenter le volume fourni pour une même dépression.
° C'est pourquoi on a remplacé les machines d'épuisement à traction directe des sièges numéros 2 et 3 de l'Agrappe et numéros 1 et 8 de l'Escouffiaux par des pompeuses souterraines, de manière à enlever l'attirail de ces anciennes pompes qui encombrait les puits de retour d'air de ces sièges.
Dans le même ordre d'idées, on travaille activement à l'élargissement du puits d'appel d'air du siège numéro 7 (Cscouffiaux). Ce puits, qui a 1P80 à 2n40 de diamètre, est porté à 4 mètres à lintérieur de la maconnerie.
L'aérage des travaux souterrains des sièges de la Compagnie est assuré par 19 ventilateurs, dont 9 en réserve, savoir 18 Guibal et 1 Rateau.
A l'exception des 4 ventilateurs de Crachet et du ventilateur en réserve au siège numéro 7 (Escouffiaux), tous les ventilateurs sont mis en mouvement au moyen de courroies, afin de pouvoir augmenter la vitesse et, par conséquent, le volume, lorsque les circonstances l'exigent.
Nous aurons à revenir plus loin sur cette question caupitale de l'aérage.
De terribles catastrophes ont rendu tristement célèbres les concessions de l'Agrappe. appartenant à la Compagnie de charbonnages belges. Le grisou y it, le 16 décembre 1875, 112 victimes ; le 17 avril 187, 121 ; et le 1er septembre 1892, 25 victimes.
§ 20. L'ÉTAT SANITAIRE DES MINES
MALADIES. — Les progrès immenses réaulisés dans l'aérage des mines ont fait disparailtre sinon totaulement, du moins en très grande partie, les maladies professionnelles des mineurs.
A la 11e session de l'Association française pour l'avancement des sciences, tenue à La Rochelle en 1882, M. le docteur Draunsart, directeur de l'nstitut ophtalmique des mineos d'Anin, lut un mémoire dont nous extrayons les lignes suivantee :
Il résulte de mon observation personnelle et de celle de la grande majorité des médecins houilleurs du Nord et du Pas-de-Calais :
1e Que l'anémie n'est pas plus fréquente chez les houilleurs que che les ouvriers des autres industries ;
[255] 2° Que l'anémie chez les mineurs est absolument identique à l'anémie qui se voit partout et que, par conséquent, il n'existe pas une anémie spéciale dite anémie des mineurs ;
3° Que l'anémie chez les mineurs n'a pas une étiologie spéciale professionnelle ;
Qu'exceptionnellement (deux fois sur cent d'après mon observation) l'air des mines peut être incriminé, et cela dans le travail des galeries en cul-de-sac ou la désoxygénation de l'air entraine l'anoxhémie ; et qu'enfin, tout en admettant la possibilité de l'anémie helminthiasique chez les mineurs, il y a lieu de faire bien des réserves sur la fréquence de cette anémie et d'attendre les résultats de l'observation d'un grand nombre de faits.
Quoique l'anémie ait sévi avec intensité autrefois chez les mineurs du Couchant de Mons, on peut presque appliquer aujourd'hui aux mines voisines du Borinage ce qu'écrivait M. le docteur Dransart des mines du Nord. En fait de maladies endémiques des houilleurs, on ne rencontre plus guère que la bronchite pulmonaire.
Il n'y a plus chez nous d'autres galeries en cul-de-sac que les bouveaux (travers bancs) en creusement, qui sont du reste aérés par des tuyaux (canars), et où ne travaillent d'ordinaire que deux ou trois ouvriers. Il y en a aussi dans les galeries que l'on remblaie ou dans les puits que l'on approfondit, mais l'air y est distribué en quantité sufisante.
Il a été beaucoup question en ces derniers temps, parmi tous ceux qui s'intéressent à l'hygiène des mines, de l'anbylostomasie, qu'on a souvent confondue avec l'anémie à cause de la ressemblance des symptômes des deux maladies.
L'anbylostomasie est due à la présence d'un petit ver avide de sang, qui s'installe dans l'intestin de l'homme. Elle se propage parl'absorption des larves du parasite. Elle semble avoir été connue une première fois en 1884, dans le bassin de Liège, chez un ouvrier d'un charbonnage où l'on croit qu'elle fut apportée par des ouvriers ayant travaillé au tunnel du Saint-Gothard. Eteinte ou paraissant éteinte, elle reparut en 1894 dans un autre charbonnage de la région, et, depuis, elle s'est étendue à des exploitations voisines. Dans ces derniers temps, les cas se sont singulièrement multipliés ; et il est avéré que les mines de toute une région du bassin de Liege sont infectées par la maladie11. Une circulaire minis[256]térielle du 15 mars 1900 nous apprend que la commission provinciaule du Hainaut déclare que le personnel ouvrier des charbonnages du ainaut n'en est plus indemne. De plus, et d'après une communication récente à l'Académie royale de médecine, l'épidémie se serait propagée dans cette dernière province et la présence de l'anlylostome aurait été reconnue dans de nombreux cas.
Déjà, en 1884, M. Van Beneden avait signalé a l'Académie des sciences la présence de l'anblylostome dans les selles de divers houilleurs du bassin de Mons.
Les conditions favorables au développement des œufs et des larves de l'anlylostome duodénale sont, indépendamment de l'absence de la lumière, un milieu humidge et une température de 25 à 30 degrés centigrades. Il n'est cependant pas certain que l'anlylostome ne puisse se développer que dans un milieu à la fois obscur, très chaud et très humide. En efet, on a constaté la maladie en Allemagne, chez des gens qui n'avaient jamais été occupés qu'à la surface ; et l'on sait qu'il y a de grandes différences entre les conclusions des expériences de laboratoire et celles de la pratique. Un projet de réglementation concernant les mesures à prendre pour enrayer le développement de l'anlylostomasie fut soumis aux délibérations des sections houillêres des conseils de l'industrie et du travail du royaume.
Tout d'abord, au point de vue des mesures à prendre pour combattre l'anblylostomasie, les mines de houille étaient classées en deux catégories : les mines ou sévit l'épidémie ou qui sont fortement menacées par celle-ci ; les mines demeurées indemnes. Le projet de règlement comprenait deux catégories de presariptions. La première spécifiauit les mesures à prendre afin d'empêcher la contamination des mines jusqu'ici indemnes. La seconde contenait l'énumération des mesures d'hygiène à observer pour rendre les mines contaminées plus saines et empêcher la propagation du mal.
Quelques dispositions préaulables étaient communes à toutes les mines.
Toutes les mines de houille seraient pourvues, pour la recherche de l'anlylostomasie, d'un service médicauletd'un laboratoire appropriéà cet objet.
L'examen clinique suivi d'un examen microscopique serait obligatoire chaque fois qu'un ouvrier se présenterait pour faire partie du personnel du fond. Toutefois, pour celles des mines indemnes où les entrées et les sorties des ouvriers seraient fréquentes, l'examen microscopique ne serait immédiatement de rigueur que lorsque l'examen clinique révélerait chez l'ouvrier des symptômes d'anémie.
[257] L'exploitant serait tenu de dresser un tableau-registre du personnel du
Les cabinets d'aisance en nombre suffisant, convenablement installés et entretenus avec soin, seraient mis à la disposition des ouvriers de la surace ainsi que de ceux qui arrivent à la mine pour travailler dans les travaux intérieurs.
Les chargeages des étages en exploitation de toutes les mines contaminées ou fortement menacées, de mêmé que les abords des chantiers de travail et ces chantiers eux-mêmes, seraient pourvus de baquets mobiles, solides et étanches, destinés à recevoir les déjections des ouvriers. Les ouvriers seraient tenus de désinfecter chaque selle avec des matieres neutralisantes mises à leur disposition.
Il serait interdit aux ouvriers de se servir de l'eau de la mine, même pour les usages externes, et ils devraient enfermer leurs tartines dans des boites de fer blanc.
Dans les mines indemnes, l'emploi des baquets ne serait obligatoire qu'aux chargeages et aux abords des chantiers de travail. L'usage de l'eau de la mine ne serait interdit que comme boisson.
Enfin, suivant le degré d'éventualité de contamination d'une mine, la députation permanente pourrait prescrire, en tout ou en partie, les mesures indiquées pour les mines contaminées ou menacées. Toutefois, l'explotant pourrait toujours se pourvoir auprès du ministre de l'industrie et du travail contre les décisions de la députation permanente.
Sur vingt-trois sections qui discutèrent le projet en question, deux ne présentèrent aucune objection de principe ; neuf, sans être hostiles au principe d'une réglementation, opposèrent au projet des objections qui tendaient à y faire apporter d'importantes atténuations ; douae, parmi lesquelles les neuf sections du Couchant de Mons, furent nettement opposées à toute réglementation oficielle, la considérant comme inutile et vexatoire.
Un arrêté royal du 7 août 1900 vient de statuer dans son article 1er ;
« Il est institué des comités chargés de rechercher: 1 A quel degré sévit l'anlylostomasie dans les charbonnages des régions qui leur seront spécialement assignées ;
« 2° Quelles mesures pratiques de prophylaxie il convient de prendre. D
Ces comités viennent d'être constitués. uels que soient les résultats auxquels aboutiront leurs recherches, les mesures proposées par les chefs du corps des mines témoignent une fois de plus de leur infatigable[258]dévouement à l'amélioration du sort des ouvriers mineurs. Certaines prescriptions trop minutieuses ou trop sévères ont déjà été considérablement atténuées; elles le seront encore dans la suite, si les recherches ultérieures en démontrent l'opportunité.
L'efficaucité des mesures prescrites dépendra avant tout du bon vouloir des ouvriers et de la rigueur avec laquelle on sévira, pour le bien de tous, contre les ouvriers de mauvaise volonté. Quant aux chefs d'industrie, trop dédaigneux parfois de ce qu'ils appellent une réglementomanie tout au moins inutile, ils hésiteront d'autant moins à faire exécuter rigoureusement les mesures dont on leur aura démontré la nécessité, qu'en cette matière, leur devoir coïncide manifestement avec leur intérêt.
Une ventilation énergique est plus que jamais la première des mesures hygiéniques à prendre dans les mines très profondes et très grisouteuses du Couchant de Mons.
Le petit tableau suivant donne le volume d'air obtenu par chacun des ventilateurs fonctionnant aux puits en activité du charbonnage où travaille le chef de la famille observée :
L'augmentation de la temperature des roches avec la profondeur est, comme on le sait, d'environ degrés pour 100 mètres, à partir de la one de température constante. Cette température constante est d'environ 10 degrés en Belgique, et se trouve approximativement à 25 mètres de profondeur. Il est donc difficile dans les puits les plus profonds du Couchant de Mons, tels que le numéro 10 de l'Agrappe qui a 1,000 mètres, et le numéro 18 des Produits qui en a 1,150, d'abaisser la température des[259]guleries, malgré une ventilation intense, en dessous de 30 degrés12. On ne pourrait augmenter la vitesse d'air beaucoup au delà de 2n50 par seconde, sans donner au courant des vitesses qui feraient sortir la flamme des lampes de sûreté, ce qui est évidemment inadmissible dans les mines à grisou. Il est probable que cette vitesse pourra encore être dépassée, surtout dans les mines où l'on se servira de lampes cuirassées. L'atmosphère pourrait être rafraichie quelque peu par des pulvérisations d'eau, mais le travail dans l'air humide est bien pénible et surtout plus malsain. De plus, les roches se délitent sous l'action de l'eau ; il en résulte de grandes difficultéss dans l'entretien des voies, ainsi que des dangers d'éboulement.
On le voit, la question de l'aérage est infiniment plus compliquée que ne se l'imaginent certains pourfendeurs attitrés des conditions du travail dans les mines belges. Dans un rapport détaillé et extremement intéressant, présenté au récent Congrès international des mines et de la métaullurgie, M. l'ingénieur Stassart a étudié les conditions de l'exploitation à grande profondeur en Belgique.
L'auteur constate dans ses conclusions que le séjour dans les atmosphères profondes ne parait exercer aucun effet pernicieux spécial sur la santé de l'ouvrier, dont le recrutement n'a présenté jusqu'à maintenant aucune difficulté.
a Le essais tentés pour diminuer la température du courant et des roches au moyen de l'eau n'ont pas réussi. Sous l'action de celle-ci, les schistes à température asse élevée foisonnent fortement, provoquant la restriction des galeries et entrainant un entretien trop onéreux.
« La diminution de température ne peut donc actuellement être obtenue que par le passage de puissants courants ventilateurs...
L'emploi de l'air liquide comme réfrigérant résoudra peut-être la question de l'accessibilité des exploitations en dessous de 1,500 mètres.
Bien avant que cette éventualité se produise, il deviendra probablement l'adjuvant frigorifique du courant d'air pour les travaux moins profonds.
Récemment encore nous avons pu constater au puits Sainte-enriette,[260]des charbonnages des Produits, à 1,150 mètres, un aérage aussi parfait qu'on peut le souhaiter à une pareille profondeur et dans un puits à dégagement de grisou.
ACCIDENTS. — Les progrès continus de l'art de l'exploitation des mines n'ont pas seulement eu pour efet de faire disparaitre presque complètement les maladies professionnelles ; ils ont contribué surtout à diminuer dans des proportions considérables le nombre d'accidents.
Voici quelques chiffres intéressants empruntés aux statistiques publiées par la direction générale des mines :
La vigilance des exploitants, l'extension donnée à l'instruction professionnelle des surveillants, la mise à exécution du règlement général de police des mines de 1884, et l'organisation administrative de létude scientifique. des accidents sont les causes principales auxquelles il convient d'attribuer d'aussi remarquables progrès13.
L'abondance du grisou dans les mines belges, et surtout dans celles du Couchant de Mons, donne tout naturellement chez nous une importance primordiale à la question des explosifs.
M. l'ingénieur V. Vatteyne, chef du service des accidents miniers et du grisou, et M. l'ingénieur L. Denoel ont présenté au récent Congres international des mines et de la métallurgie un rapport magistral sur cette question. Qu'il nous soit permis d'en citer ici quelques passages saillants et quelques-unes des conclusions les plus instructives :
Dans la période 1821-1830, les explosions dues à l'omploi des explo[261]sifs intervenaient pour 21.7 % dans le nombre total ; dans la période de 1851 à 1880, cette intervention étnit de 37.4 (, et dans la période de 1881 à 1890, elle s'élevait à 64 e.. — Cet accroissement relatif s'eoxplique aisément.
« D'une part, toutes les mines quelque peu grisouteuses sont maintenant éclairées au moyen de lampes dont la sûreté est sinon absolue, du moins très grande ; ensuite, une ventilation active et une surveillance vigilante rendent rares les accumulations de grisou, en proportions telles qu'elles forment un mélange explosible.
« D'autre part, tandis que l'exploitation, sans cesse plus intensive, a fait s'accroître l'emploi des explosifs, l'augmentation de la profondeur a rendu les veines plus grisouteuses, de sorte que le grisou, quoiqu'en proportion faible, se trouve plus fréquemment que jadis en mélange dans le courant d'air normal ; or, si l'on considère que l'augmentation de la profondeur et les progrès de la ventilation ont rendu nos mines de plus en plus seches et poussiéreuses, que les poussières soulevées par la secousse de la mine elle-même ont la propriété de rendre explosible une atmosphère qui ne le serait pas sans cela, on comprendra combien sont fréquentes les causes d'inflammations par l'emploi des explosifs, même dans des exploitations où des lampes, fussent-elles défectueuses, pourraient, sans danger réel, être promenées dans toute l'étendue des travaux. D
Malgré tout cela, nous constatons, pendant la période 1890-1899, une diminution importante dans la proportion des explosions dues à l'emploi des explosifs.
La proportion tombe a55e pendant la période 1890-1899. AuBorinage. tandis qu'elle était de 81 . pendant les années 1880-1889, elle n'est plus que de 66 e/s pendant la période 18901899 ; et la proportion dans laquelle intervient l'emploi des explosifs dans le nombre de tués, qui était de 87 % pendant la période 1880-1889, tombe à 29 e en 1890189914.
La cause de cettediminution si considérable est, d'une part, laréduction[262]et même la suppression réalisée dans un certain nombre de charbonnages les plus dangereux, de l'emploi des explosifs ; d'autre part, la géneralisation de l'emploi des explosifs de sûreté remplacant la poudre noire en usage presque partout dans les mines belges avant cette période.
Malheureusement, à l'heure actuelle, la sécurité obtenue gràce a la diminution ou à la suppression de l'emploi des explosifs doit se payer par une augmentation réelle des frais, et le prix de revient en reçoit quelque atteinte.
Cette considération, font observer à juste titre les auteurs du rapport, a beaucoup d'importance, pendant les périodes, parfois prolongées, où l'industrie miniêre est peu prospère, car il arrive alors que l'écart est tellement faible dans maints charbonnages, entre le prix de vente et le prix de revient, que la moindre augmentation de celui-ci peut annihiler le bénéfice, et même constituer le charbonnage en
Dans les époques prospères, comme celles que nous traversons, il intervient une autre considération également fort importante et qui vient aussi limiter l'emploi de ces appareils, c'est la rapidité du travail. Il est incontestable que, mêmelorsque la plus grande facilité d'entretien vient compenser en grande partie l'augmentation des frais qu'entraîne l'emploi des aiguilles, l'inconvénient de la lenteur plus grande subsiste, quoi qu'on fasse. n
Le travail au brise-roches, quoique supérieur, au point de vue de l'avancement et du prix de revient, à celui de l'aiguille-coin est encore bien inférieur, à ces deux points de vue, au travail avec explo
« Quelques sociétés charbonnières de notre pays, et non des moins importantes, ont cependant pris l'initiative de la suppression des explosifs pour le coupage des voies de toutes les couches et même pour tous les usages; et il ne semble pas que ces sociétés soufrent de cette mesure humanitaire prise généreusement par leur direction.
C'est qu'en réalité il y a quelques compensations.
« L'on sait depuis longtemps que les voies ouvertes à l'outil sont d'une plus longue durée, et d'un entretien bien moins onéreux que les voies coupées aux explosifs.
a Et puis, la suppression de ces cataustrophes qui, outre qu'elles affligent l'humanité, occusionnent d'énormes dépenses aux Sociétés char[263]bonnières où elles surviennent constitue aussi une économie qui n'est pas à dédaigner.
En résumé, même dans l'état actuel, on peut dire qu'avec un peu d'eforts, une réduction sensible pourrait encore être opérée dans l'emploi des explosifs pour le coupage des voies ; mais la suppression par mesure générale ne deviendrait possible que si de nouveaux et sérieux progrès étaient accomplis dans les moyens permettant de les rempla
Cest qu'en effet, comme l'observent plus loin les auteurs du rapport, les divers succédanés que l'on a proposés pour les explosifs ne jouissent pas, comme ces derniers, de la propriété extrêmement précieuse de réunir, sous un tout petit volume, une somme énorme d'énergie que l'on peut faire agir au moment et à l'endroit précis où l'on en a besoin.
Aussi a-t-on activement recherché et ne cesse-t-on de rechercher encore si le problème de la sécurité ne peut être résolu tout en conservant les explosifs.
Mais il ne faut pas se dissimuler néanmoins que si l'on peut espérer réduire à un minimum les chances de linfammation du grisou et des poussières par les explosifs, la sécurité absolue n'existe pas en cette matière.
Aussi, et c'est la conclusion finale du rapport dont nous venons de résumer les principales observations, ne doit-on négliger aucune des précautions de nature à parer à l'aléa qui subsiste toujours avec les explosifs, même les plus surs, et sera-t-il prudent de réduire de plus en plus l'emploi de ces utiles mais dangereux auxiliaires.
Les rapports des deux inspecteurs généraux des mines de Belgique constatent qu'il n'y a eu pendant l'année 1899, et pour tout le pays, que trois inflammations de grisou, qui n'ont occasionné que des blessures légères à six ouvrier15.
Lorsqu'on parcourt les dernières statistiques annuelles des mines, on voit que ce sont les éboulements, en y comprenant les chutes de pierres et de blocs de houille dans les chantiers et les voies, qui constituent le danger le plus fréquent pour les ouvriers mineurs.
Nous trouvons dans le dernier rapport annuel du directeur général[264]des mines le relevé suivant des ouvriers tués par ce genre d'accident, pendant la dernière période décennale :
H faut savoir reconnaître, quoi qu'en aient dit certains chefs socialistes, que les directions de nos charbonnages veillent avec le plus grand soin au boisage.
Sans vouloir prétendre qu'il n'y ait jamais eu des négligences regrettables de la part des directeurs, il faut dire que les accidents proviennent très fréquemment de la négligence que mettent certains ouvriers à faire leur boisage. Les ouvriers à veine ou à la pierre sont parfois tentés, surtout aux époques où le salaire diminue, de négliger le boisage, pour gagner du temps et avancer davantage. Plusieurs d'entre eux nous l'ont avoué.
Les vides provenant de l'insuffisance du remblayage sont loin d'être aussi nombreux et aussi grands que l'ont affirmé certains députés socialistes. Le perfectionnement des moyens de ventilation, la diminution de l'emploi des explosifs obligeant à réduire la section des voies au détriment du volume des remblais expliquent, sans d'ailleurs les justifier, certains défauts de remblayage.
Nous ne possédons pas en Belgique de statistiques détaillées et complètes nous permettant de donner des chiffres exacts concernant le nombre des accidents dus à l'imprudence des ouvriers et leur proportion avec le chiffre total des accidents.
Voici cependant un petit tableau très intéressant produit par M. le[265]directeur général Harzé, au Congrès international sur les accidents du travauil, tenu à Paris en 188916. Il y a classé une suite de 64 accidents miniers :
INSPECTEURS OUVRIERS. — Il faut espérer que les délégués ouvriers à l'inspection des mines pourront prévenir fréquemment des accidents, gràce aux soins minutieux avec lesquels ils s'acquitteront de leur tàche. Une circulaire ministérielle du 24 février 1898 a nettement défini sous ce rapport la mission de ces délégués :
« Le premier devoir imposé par la loi aux délégués à l'inspection consiste à examiner, au point de vue de la salubrité et de la sécurité des ouvriers, les travaux souterrains.... Les délégués sont tenus de faire chacun au moins dix-huit visites par mois dans les travaux de leur circonscription, en ayant soin de mesurer la fréquence de leurs visites à l'importance et aux dangers plus ou moins grands de chaque exploitation.... Le second devoir imposé par la loi aux délégués à l'inspection consiste à concourir à la constatation des accidents et à la recherche [266] des causes qui les ont occausionnés.... L'indépendance des délégués, tant à l'égard des exploitants que des personnes qui se montreraient hostiles aux chefs d'industrie, doit être absolue. Les faits qui prouveraient que cette double garantie d'une neutralité parfaite n'existe paes devraient être portés à ma connaissance. »
L'institution des délégués ouvriers à l'inspection des mines, créée par la loi du 11 avril, ne fonctionne que depuis deux années. Il n'est donc pas encore possible de préciser les résultats qu'on est en droit d'en attendre.
Dans son rapport annuel pour 1898, M. le directeur général des mines nous apprend que les délégués ont fait et, en général, ont dépassé le nombre des visites réglementaires, et que, de l'avis général des ingénieurs des mines, l'inspection ouvriêre donne, au point de vue de la sécurité, de bons résultats. Le rapport pour 1899 fait remarquer que lorsque survient une vacance dans l'efectif des délégués ouvriers, il est demandé, même par ceux qui ont le plus combattu le mode de recrutement adopté, que la vacance soit immédiatement remplie. Enfin, dans son rapport sur la situation de l'industrie minérale et métallurgique du ainaut pour 1899, M. l'inspecteur général E. de Jaer affirme que son administration n'a eu qu'à se louer de l'aide efficace que les délégués lui ont apportée, à raison de leurs fréquentes visites des travaux des mines et de leur intervention rapide à l'occasion des accidents.
SERVICE MÉDICAL. — L'organisation du service médical, à part certaines différences minimes, est la même dans tous les charbonnages de Belgique.
Chaque charbonnage a un nombre déterminé de médecins agréés, proportionné à celui des ouvriers, et variant d'après les différents sieges d'exploitation. Les grands charbonnages en ont généralement six ou sept et quelquefois plus. Les petits en ont trois ou quatre. Quelques-uns n'en ont que deux.
L'unique condition requise pour devenir médecin agréé est d'adhérer au règlement du service de santé et de prendre l'aengagement formel de donner des soins assidus aux ouvriers de la Société se trouvant dans les conditions requises pour y avoir droit.
Ont droit aux soins gratuits des médecins agréés :
1° Tous les ouvriers travaillant au charbonnage ;
2° Les ouvriers pensionnés incapables de travailler ;
3° Les proches parents des ouvriers, sauf ceux que rien n'empêche de travailler eux-memes.
[267] Les pharmaciens agréés doivent fournir gratuitement aux ouvriers les médicaments prescrits par les médecins agréés. Dans les cas de blessure ou de maladie grave, l'ouvrier peut demander une consultation de deux ou plusieurs médecins agréés. Souvent l'ouvrier a le droit de choisir parmi eux.
En cas d'urgence, il peut évidemment faire requérir n'importe quel médecin, agréé ou non. Les ouvriers atteints de maladies vénériennes ou blessés à la suite de rixe ou d'ivresse n'ont pas droit au traitement
En cas d'absence ou de maladie, le médecin agréé doit prévenir immédiatement la direction. Celle-ci voille à ce que d'autres membres du service de santé le remplacent.
Le mode de rétribution varie d'un charbonnage à un autre. Généralement, la Soeiété alloue annuellement une somme fixe pour le service médical. Cette somme est répartie entre les médecins agréés, au prorata du nombre des ouvriers soignés par eux.
L'artiele 81 du règlement général de police des mines stipule que « les exploitants seront tenus de pourvoir leurs établissements des médicaments et des moyens de secours immédiats pour les blessés, en se conformant aux instructions qui seront données par le ministre de l'inté
L'administration des mines a procédé à diverses enquêtes pour constater s'il existait des boites de secours à la surface et des locaux convenables où les blessés pussent recevoir les premiers soins. A l'heure actuelle, tous nos charbonnages sont pourvus de boites de secours, inégalement bien conditionnées, il est vrai. Três exceptionnellement, la boite dans un même charbonnage est commune à plusieurs sieges plus ou moins voisins. Encore convient-il d'observer que ces sièges sont généralement reliés entre eux par des installations téléphoniques.
Lors de la grève de 1897, les mineurs socialistes borains demandèrent qu'une boite de secours fut déposée à chaque étage de la mine.
Les patrons refusèrent d'en installer au fond, voyant lù une innovation à la fois inutile et dangereuse17. — Malgré certaines tentatives de perfectionnement très ingénieuses, les moyens de transport des blessés au fond sont restés asse élémentaires. L'immobilisation des membres pantelants devra toujours être le premier souci des patrons.
[268] Quoi qu'on fasse, le transport des blessés au fond ne pourra s'effectuer que très difficilement, dans des conditions de commodité parfaite, chaque fois que l'on sera obligé de passer par des voies étroites, basses et fortement inclinées.
REVISION DU RÈGLEMENT DE POLICE DES MINES DE 1884. — En présence des progrès continuels de l'art de l'exploitation des mines, un arrêté ministériel a institué une commission chargée de préparer la revision des règlements miniers. Cette commission, présidée par M. le directeur général des mines, est composée de sept hauts fonctionnaires du corps des mines, de quatre exploitants et de quatre ouvriers d'élite appartenant les uns et les autres aux quatre grands baussins miniers du pays. Sous réserve de l'approbation du ministre, elle peut faire appel aux lumières de personnes spécialement compétentes en matiêre de prévention des accidents miniers.
La commission fait une étude comparée de nombreux règlements étrangers. Il faut espérer qu'elle ne tardera pas à terminer ses travaux.
§ 21. COUP D'OEIL SUR LA SITUATION MATÉRIELLE ET MORALE DU MINEUR BELGE
I. — La sitaation materielle.
Les ouvriers mineurs méritent, plus que d'autres peut-être, que l'on s'intéresse vivement à leur situation tant matérielle que morale : d'abord, parce que leur travail demeure, quoi qu'on en ait dit, pénible et particuliêrement dangereux ; ensuite, parce que, se recrutant en général dans elément le moins intelligent de la classe ouvrière, c'est chez eux que l'esprit d'ordre et d'économie fait le plus souvent défaut d'une facon déplorable ; enfin et surtout, parce qu'ayant abandonné, en très grand nombre, leurs croyances et leurs pratiques religieuses, ils ne les ont remplacees que par du mécontentement, de l'envie et une invraisemblable défiance des classes supérieures.
Après avoir observé deux types de familles de mineurs borains, nous avons pensé qu'il serait très intéressant de comparer le total de leurs recettes avec la moyenne des recettes des familles de houilleurs des diférents bassins belges. Nous croyons avoir évalué de facon très approchante la moyenne de ces recettes. Trois remarques préaulables s'imposent :
[269] 1° Le moyennes des salaires pour les ouvriers d'une même catégorie ne diffêrent jamais que fort peu dans un même bassin à une même epoque18.
2e Les moyennes des salaires des ouvriers à veine d'un même charbonnage, et souvent d'un même puits, se rapprochent la plupart du temps, aè quelques centimes près, des salaires effaectifs. L'écaurt est évidemment plus grand pour les moyennes concernant les ouvriers du fond réunis, et même pour celles qui concernent les ouvriers de la surface ; mais elles n'en donnent pas moins une idée assez exacte de la situaution actuelle des salaires. Celle-ci n'est pas la situation normale, et l'on ne peut espérer que les salaires se maintiendront très longtemps au taux actuel. Toutefois, il est presque aussi certain qu'ils ne baisseront pas très brusquement et ne descendront plus au taux des années maigres d'autrefois.
3° Nos moyennes, étant calculées sur les chiffres des feuilles qui servent de base au paiement des salaires, sont absolument indiscutables.
Voici d'abord les moyennes des salaires des ouvriers à veine d'un charbonnage de chaque région minière :
[270] II est des catégories d'ouvriers du fond dont les salaires dépassent ceux des abatteurs, et d'autres dont le salaire s'en approche sensible
Les potrons gagnent assez souvent moins que les ouvriers à veine, mais leur salaire journalier dans tel charbonnage cité, celui de Tamines, n'a plus été inférieur à 7t 00 depuis le mois d'avril et était de 8f26 à la quinzaine payée le 25 août.
Les salaires des bouveleurs (ouvriers qui creusent les galeries à travers bancs) dépassent la plupart du temps ceux des abatteurs. Ceux des ouvriers travaillant à l'approfondissement des puits sont beaucoup plus élevés encore. Enfin les salaires des coupeurs-mur ou coupeurs-voie, tout en étant inférieurs à ceux des ouvriers à veine, s'en rapprochent souvent très fort. Ainsi, par exemple, depuis le mois de mars dernier, ils n'ont plus été une seule fois inférieurs à 6f 30 dans les charbonnages, cités plus haut, de Bois-du-Luc et de Havré. La moyenne des manuvres (hiercheurs) oscille entre 3f 50 et 5f 00.
Voici quelques moyennes des salaires des ouvriers du fond réunis, dans les charbonnages que nous avons cités tantôt :
[271] Les ouvriers de la surface, dont le nombre équivaut à un tiers de celui des ouvriers du fond (en 1899, 32,820 ouvriers de la surface et 92,438 ouvriers du fond), ont, comme on le sait, les plus petits salaires. Ce fait s'explique par la très forte proportion de illes et d'enfants de douze à seize ans comprise dans ce chiffre, et par la nature même de ce travail, en général peu fatigant et fort facile.
Si les salaires du personnel ouvrier de la surface n'augmentent pas aussi rapidement que ceux des ouvriers du fond, ils ne baissent pas non plus aussi brusquement en temps de crise. Ainsi, par exemple, tandis que le salaire journalier net des ouvriers du fond était (pour la Belgique entiêre) de 4f18 en 1891, et descendait à 3f 29 en 1893, celui des ouvriers de la surface était de 2f 60 en 1891 et ne tombait qu'à 2f 40 en 1893 ; d'un côté donc, une diminution de 0f 89 ; de l'autre, une diminution de 0f20 seulement.
Voici les moyennes des salaires des ouvriers de la surface dans les
[272] En se basant sur les diférents chiffres cités plus haut, on peout évaluer l'ensemble des recettes de nos familles de houilleurs.
La moyenne des travailleurs par famille est de deux19.
Le père de famille est presque toujours, à moins qu'il ne soit de constitution très faible, et tant qu'il est dans la force de l'âge, un ouvrier du fond gagnant un saulaire dont le minimum était en octobre 1900 de 3f50 et le maximum de 7f 00.
Le second travailleur de la famille est en général un manuvre ou parfois une fille du triage.
Pour ne prendre que des minima, le salaire journalier des ouvriers du fond réunis, qui étauit de 4f 37 en 1899, sera de 4f50 en 1900 ; le salaire journalier moyen des ouvriers de la surface, qui était de 2f73 en 1899, sera d 2f75 en 1900.
Supposons maintenant que, des deux travailleurs que possèdent en général nos familles de mineurs, le père ne gagne que la moyenne du salaire des ouvriers du fond réunis, et un des enfants la moyenne du salaire des ouvriers de la surface. En multipliant ces minima par le chnifre des journées de travail, 300 jours comme en 1898 (1899 a été une année de grandes grèves), y compris les rebandes ou journées supplé[273]mentaires, nous trouvons que le père aura gagné 1,350f 00; l'enfant, 825f 00; soit pour les deoux : 2,175f 00.
Sil'on prendle chiffre de 20 journées, chiffre se rapprochant davantage de la moyenne au Borinage. on obtient pour le père un salaire de1,305f 00, pour l'enfant un salaire de 797f50, soit pour les deux 2,102f50.
Enfin, si l'on tient compte du supplément de recettes que percoivent un nombre considérable de familles20, soit en tenant un cabaret ou une boutique, soit en allant au terril, soit en faisant des travaux de couture et de repassage, et si l'on évalue cet appoint pour l'ensemble des familles, y compris celles où il n'y a pas de recettes supplémentaires, è un minimum de 50f00 par an, on arrive à une moyenne de recettes de 2,215f 00 par an, pour l'ensemble des familles de mineurs belges.
En résumé, nous croyons pouvoir affirmer avec certitude, jusqu'à ce qu'on ait réfuté nos chiffres par d'autres pris à des sources également sures, qu'une moitié environ des familles de houilleurs belges a une moyenne de recettes depassant 2,200f 00 par an. Un quart de ces familles, comprenant surtout les jeunes mariés n'ayant pas fait d'économies avant le mariage, a une moyenne de recettes d'envifon 1,500f00 par an. Enfin, un autre quart, comprenant les familles qui ont deux ou même trois enfants non encore mariés et travaillant à la fosse, fait une moyenne de recettes dépassant, et parfois de très loin,2,500f00 par an21.
Un signe caractéristique, nous oserions dire l'indice presque infaillible, de l'amélioration de la situation matérielle des ouvriers mineurs est l'augmentation de la consommation de viande.
[274] L'enquête oficielle de 1869 sur la situation des ouvriers dans les mines et les usines métallurgiques de la Belgique fournit des détails fort intéressants sur le régime alimentaire des mineurs. En les comparant avec la situation actuelle, on peut en quelque sorte toucher du doigt l'amélioration survenue depuis 18698.
Quand on parcourt les renseoignements, malheureusement maintes fois trop vagues, que contient le rapport sur l'enquête de 1869, on trouve une moyenne de deux achats de viande par semaine et par famille. Les localités où l'on consomme de la viande presque tous les jours, de même que celles où l'on n'en prend que le dimanche, sont l'exception.
On peut affirmer que la moyenne est actuellement de trois, voire de quatre achats par semaine.
Sans doute il se rencontre encore d'assez nombreuses familles où l'on ne fait que deux achats de viande par semaine : c'est le cas pour la première famille observée ; et encore convient-il de faire remarquer que cette famille pourrait se procurer plus de viande, i elle ne dépassait pas la dépense moyenne des ménages de houilleurs en ce qui concerne les effets et le linge de ménage. Les familles où l'on ne mange de la viande qu'une fois par semaine sont l'infime minorité. D'ailleurs, si la consommation n'en avait pas augmenté considérablement depuis 1869, comment expliquerait-on l'accroissement continu du nombre de bouchers et de charcutiers dans presque toutes les communes houillères 2
Voici, du reste, des chiffres et des faits très précis notés dans la localité qu'habite l'une des familles observées.
Cette locaulité compte 2,141 familles avec une moyenne de quatre personnes par famille. Les neuf dixièmes sont des familles d'ouvriers mi
Dans deux des boucheries qui alimentent principalement la classe ouvriêre, à la question : Combien de fois mange-t-on de la viande par semaine dans les ménages ouvriers on répond, dans la première boucherie : s Aujourd'hui, les Borains mangent de la viande tous les jours ou tout au moins trois ou quatre fois par seomaine . Dans la seconde boucherie : « Nous portons la viande chez presque tous nos clients ouvriers trois fois par semaine : le samedi ou le dimanche matin, le mardi et le jeudi. Quelqueofois, par-ci, par-lè, on nous en demande le lundi. D
Nous donnons ici, d'après un relevé du service oficiel de controle, les chiffres minimae de la consommation hebdomadaire de viande dans la commune :
[275] Il est très dificile d'obtenir des chiffres précis concernant la consommation de jambon et de lard.
La succursale de la maison Delhaize en vend, par semaine, de 90 à 100 lilos aux familles habitant la commune.
Il faut au moins doubler ce chiffre pour l'ensemble des détaillants, soit 180 ilos.
On obtient ainsi un minimum pour la consommation hebdomadaire de viande (non compris les lapins et la volaille) de 7,960 lilos. La moyenne est donc de plus de 3 lilos 1/2 par famille et de presque 1 lilo par personne.
Si l'on tient compte de ce fait que ces chiffres sont des minima, puisque, pendant la semaine de la dernière ermesse, la succursale Del haie a détaillé à elle seule plus de 400 lilos de jambon et de lard d'Amérique, on arrive facilement à une consommation hebdomadaire moyenne de 4 lilos par famille et de 1 lilo par perseonne.
La consommation de viande ne ferait évidemment que s'accroître si les ouvriers voulaient restreindre davantage celle de l'alcool.
F'ort peu de sociétés charbonnières belges ont institué des économats. L'enquête de 1869 attribuait ce fait à l'excessive défiance des ouvriers borains à l'égard des patrons. Depuis 1869, les progrès du socialisme n'ont fait qu'exciter et entretenir cette défiance.
II. — La situation morale.
Rien n'est plus délicat que d'émettre des appréciations d'ensemble sur la situation morale d'une classe de travailleurs. En cette matière surtout, le juste milieu est très difficile à trouver; et il importe d'éviter avec soin aussi bien les impressions trop pessimistes que les prévisions trop optimistes.
Il serait exagéré d'afirmer d'une facon générale, en parlant des houilleurs belges, ce qu'on dit, non sans exagération, des nouveaux venue parmi les mineurs du bassin de la Ruhr : « Was zu ause nicht taugen vill, ommt nach hier und geht in die Grube22. »
[276]Néanmoins, lorsque nos populations flamandes et cautholiques envisagent le départ pour la fosse comme la dernière extrémité à laquelle on puisse être réduit, c'est qu'elles ont déjà constaté maintes fois qu'on n'en revient pas précisément meilleur, et que le niveau moral y a une forte tendance à se rapprocher du niveau où l'on travaille.
Pour être exact et juste, il convient de classer les ouvriers mineurs, au point de vue moral, en trois caltégories :
1e La catégorie d'élite, comprenant les ouvriers sobres, réguliers, d'une grande générosité de caractere, dévoués à leurs mailtres et aimant leur travail. Ils arrivent facilement à jouir d'une aisance relative et d'un certain confort, même avec des ressources plutôt en dessous de la moyenne. S'ils ont des enfants en âge de travailler et restés fidèles à l'éducaution soignée qu'ils ont recue, la famille parvient rapidementù une situation aisée ; elle gagne facilement de 10f00a 15f00 par jour, parfois dauvantage.
2 La seconde catégorie comprend la majorité de nos mineurs, et surtout des mineurs borains : au fond, de braves gens. la plupart du temps très serviaubles et pleins de compassion pour les malheurs et les misères de leurs voisins. Socialistes, parce que le parti collectiviste est ù leurs yeux le parti de l'ouvrier, tout comme les autres leur semblent n'etre que les partis des gens cossus, se suffisant à eux-mêmes et ne s'occupant des intérêts de l'ouvrier que par intérêt ou par peur. Quand on leur demande pourquoi ils ont fait grève, pourquoi ils perdent de vue que certains rapports sont tout au moins inconvenants avant le mariage, ils répondent qu'ils font comme les autres. Ils se rangent d'instinct du côté des plus forts : témoin ce vieux houilleur à qui nous demandions pourquoi il votait pour les socialistes : « Moi, monsieur, je suis toujours avec les plus forts. » Les Borains, en particulier, trouvent tout naturel de dire : a J'pends m' malette au clo qui m' fait vivre. Ils crieront vive le curé l ou vive le prince Albert l si d'autres poussent ces cris autour d'eux ; ce qui ne les empêchera pas de crier une heure après, avec non moins d'entrain, vive Defuissaux l ou vive la républiquet s'il vient à passer un drapeau rouge.
Les gens de cette catégorie formaient évidemment la majorité de l'auditoire qui, dans un meeting auquel nous assistions l'an dernier, par plaudissait frénétiquement un sénateur progressiste venant déclarer solennellement à la tribune : Messieurs, si le gouvernement clérical qui nous domine depuis seie ans reste encore quelque temps au pouvoir, nous serons bientôt le dernier pouple du monde 1 Ils auraient[277]manifestement été froissés si ce sénateur les avait supposés assez inintelligents pour avoir besoin qu'on leur prouvàt une chose si évidente.
3° La troisième catégorie comprend des individus, malheureusement trop nombreux, qui sont de vraies brutes, croupissant dans un matérialisme abject et dont l'existence peut se résumer en deux mots : boire de l'alcool et faire la noce. La majorité des logeurs » du pays de Charleroi, ouvriers locataires dans les maisons de logement (p. 297), appartiennent à cette catégorie, et c'est parmi eux que se recrutent presque exclusivement les bandits devenus tristement célèbres sous le nom de longues pennes. n
Nous allons mentionner rapidement les causes qui ont amené et qui maintiennent encore la déplorable situation morale de la majorité des mineurs belges.
Premiêre caause : L'insouciance de beaucoup d'actionnaires, même catholiques, à l'égard des besoins moraux de leurs ouvriers houilleurs.
Plus que jamais, il importe de dire et de répéter sans cesse que tout actionnaire, qu'il ait beaucoup ou peu d'actions, est patron, c'est-â-dire père de ses ouvriers, et assume conséquemment les devoirs et la responsabilité inséparables de la mission patronale.
M. l'ingénieur IH. Gravez, ancien directeur de charbonnage, dit fort bien dans un article remarquable de la ˉeuvue sociale et politique (1893, n° 6) : a Les directeurs sont placés entre des actionnaires et des ouvriere également intraitables et n'ont d'autre souci que de faire alternativement face aux deux camps, de courir au plus pressé. Aussi n'ont-ils guère le temps de songer à une propagande morale qui porterait ses fruits quelque vingt ans plus tard.... La propagande socialiste s'exerce donc presque librement...
Dans les sociétés où les actionnaires catholiques ont formé ou forment encore la majorité, leur négligence sous ce rapport est inexcusable. Dans les sociétés où ils sont en minorité, ils ne devraient pas hésiter un instant à s'eontendre, à la veille des assemblées générales, sur les mesures à proposer pour enrayer la propagande immorale et améliorer la situation morale des ouvriers. Ils délégueraient alors l'un d'entre eux pour parler au nom de tout le groupe et celui-ci insisterait sans trêve ni répit jusqu'à ce qu'il ait obtenu les concessions demandées.
ˉDeuviéme cause : La trop grande tolérance, voire la faiblesse coupable des pouvoirs publics et surtout de nombreuses administrations communales, en présence de certaines exhibitions foraines et du colportage de brochures, de chansons ou de pamphlets immondes.
[278] Cette tolérance scandaleuse de la propagation de certains opuscules enseignant le vice, est un des plus grands malheurs de notre époque. C'est un crime dont nous imposons aux générations futures la pénible expiation. Les résultats désastreux auxquels cette tolérance aboutit chez nos voisins du sud auraient cependant du ouvrir les yeux, depuis longtemps, aux autorités locales de nos centres industriels.
rroisiême cause : La multiplication continuelle des fêtes (ducasses, bals), se succédant presque sans interruption dans nos centres houillers, et surtout la non-fermeture des cabarets pendant la nuit. Dans la région de Liège-Seraing notamment, un nombre considérable de petits cafés et de débits de liqueurs sont des maisons de prostitution clandestine. M. Guelton rappelait à juste titre, dans un article récent de la Revue catolique de droit, que c'est la prostitution clandestine qui est, à tous les points de vue, la plus dangereuse :
« Elle est ce que l'on peut appeler une vèritable plaie pour la moralité et la santé publiques. Elle gangrène l'àme, le cœur et le corps. Elle échappe en effet le plus souvent à tout contrôle comme à toute investigation, et, pour les appeler par leur nom, les serveuses, qui en constituent la pire incarnation, causent les ravages les plus pernicieux, laissant souvent des traces indélébiles.
Les pouvoirs publics seraient inexcusables s'ils tardaient indéfiniment à réprimer énergiquement d'aussi regrettables abus.
ˉOuatriême cause : La consommation toujours exagérée de boissons alcooliques.
Tout a été dit sur cette question ; aussi n'y insisterons-nous pas. Jamais on ne prendra des mesures trop sévères contre ce fléau dévastateur qui fait qu'un nombre formidable d'enfants de houilleurs, procréés par des parents en état d'ivresse, familiarisés dès leur jeune âge avec l'usage de l'alcool, sont voués presque fatalement à l'abrutissement et à l'inconscience parfois brutale, sans parler des tristes générations que ces rejetons tarés préparent.
ˉCinquieme cause Le travail partiel du dimanche matin, dans les charbonnages où l'on travaille jusqu'à six heures du matin.
Les ouvriers empêchés d'assister aux ofices religieux, n'ayant plus d'instruction religieuse, perdent fréquemment leurs croyances et avec elles trop souvent les bonnes mœurs.
Si l'on parvenait à faire cesser le travail le samedi à neuf heures du soir, ou au plus tard à minuit, on verrait certauinement diminuer les chomages du lundi.
[279] Sireme cause La fréquentation simultanée des terrils par les femme s adultes et les enfants.
Il suffit d'avoir monté une seule fois sur un terril aux heures de cueillette, pour en redescendre à tout jamais convaincu que les terrils sont la grande école de la grossièreté et de l'obscénité.
Septiême cause : La chambre à coucher unique.
Les ménages qui ne possèdent qu'une seule petite chambre à coucher pour toute la famille sont encore beaucoup trop nombreux. Pour qui connait le sans-gène et souvent l'absence complète de pudeur che beanucoup de houilleurs, il est manifeste que cet étaut de choses entrailne les plus regrettables conséquences. C'est le caus de la seconde famille observée où, comme on l'a vu plus haut, huit personnes couchent dans un réduit bas et étroit.
Il serait très utile de faire procéder à une enquete détaillée, qui permettrait de fixer exactement le nombre des familles de houilleurs n'ayant qu'une seule chambre à coucher. Dans le bassin de Charleroi, on estime qu'il y en a au moins 20 e..
Les maisons à deux chambres à coucher, où filles et garçons sont entassés dans une chambre, la plupart du temps basse et étroite (les parents occupant seuls ou avec les plus jeunes enfants la plus grande chambre), sont beaucoup plus nombreuses encore.
Pareil état de choses est d'autant plus déplorable que la situation matérielle des houilleurs permettrait certainement à un plus grand nombre d'entre eux de louer une de ces nombreuses maisons construites par les charbonnages, les sociétés d'habitations ouvrières ou les particuliers. Mais il faut reconnaître que ces maisons sont encore trop rares et que leur nombre n'augmentera qu'au fur et à mesure qu'on abattra les vieilles masures.
On se demande pourquoi l'on ne pourrait pas faire interdire beaucoup plus sévèrement, au nom del'hygiène et de la moralité, la location de taudis étroits et malsains à des individus qui seraient parfaitement à même de louer ou d'acquérir par versements successifs une petite maison confortable. Il leur suffirait de retrancher à cet efIet une partie souvent minime de ce qu'ils dépensent pour l'alcool et le jeu.
ˉHuitième cause : Les maisons de logement insalubres.
Les inconvénients multiples de la chambre à coucher unique paraissent petits à côté de ceux que présentent les maisons de logement, telles qu'on en trouve surtout au pays de Charleroi.
Ces maisons, que nous avons visitées en très grand nombre, n'hé[280]bergent pas seulement des houilleurs, mais ceux-ci y sont cependant presque partout en majorité.
Ceux qui ne les ont jaumais vues peuvent dificilement se faire une idée de l'atmosphère nauséabonde, de la saleté repoussante, de l'entassement invraisemblable et de la dégoûtante promiscuité qu'on y constate la plupart du temps.
Les lits surtout, fréquemment occupés nuit et jour par un ou deux houilleurs, sont indescriptibles ; et il est dificile de deviner les couleurs primitives des matelas.
Nous nous rappelons avoir trouvé étendu sur un de ces lits infects un tout jeune homme, presque encore un enfant, car il n'avait que quatorze ans. Nous fûmes frappé de son air candide, contrastant singuliêrement avec le milieu où il se trouvait. Cétait un petit Flamand que ses parents ne pouvaient plus nourrir. Il n'était arrivé au pays noir que depuis quelques jours, parce qu'on lui avait dit que, dans la fosse, il pourrait gagner sa vie tout de suite. Et le pauvre petit était là maintenant tout seul, sans personne qui s'intéressat à lui, dans ce repaire de livrognerie et de la débauche. Et nous partilmes ému et triste, en songeant qu'une heure après, vers minuit, des brutes ivres, accompagnées peut-être de filles non moins abruties, devaient passer devant le lit de cet enfant pour gagner la chambre voisine. Et nous pensions à ces nombreux jeunes gens qu'on voit arriver presque quotidiennement23au pays de Charleroi : voués à peu près fatalement au vice et à l'abrutissement, ils ne connaîtront peut-être jamais le bonheur d'être vertueux et honnêtes, ou ne comprendront un jour ce que c'est que pour regretter à tout jamais de l'avoir su trop tard. Et nous songions aussi à ces braves actionnaires se frottant les mains en voyant les affaires marcher à souhait et les dividendes gonfler à vue d'œil, faisant peut-être généreusement le bien dans la localité qu'ils habitent, mais ne soupconnant même pas la situation affreuse où se trouvent des centaines d'enfants qui sont leurs ouvriers, etdontils sont après tout les pères puisqu'ils en sont les patrons.
[281] Les tenanciers de ces maisons de logement ont en mains le livret de leurs logeurs ; ils vont toucher eux-mêmes la quinzaine de ces malheureux et la gardent très souvent tout entière pour eux.
La quinzaine touchée, les tenanciers paient la première tournée, car ils sont tous, ou presque tous, cabaretiers ; les locataires, dits ici logeurs n, paient la seconde tournée et toutes celles qui suivent. Comme la a baesine n du logement marque le nombre des verres consommés, sur un tableau, et à la craie, elle marque très fréquemment a al fourchette n, comme disent les s logeurs », c'est-à-dire qu'elle fait une rayure au milieu de sa craie, de façon à marquer deux petites lignes d'un seul trait. Les ouvriers controlent d'ailleurs rarement la valeur de ce qu'ils ont reçu à manger et à boire pendant la semaine ; ils ont tout à crédit, même leurs habits, de sorte que les tenanciers, au bout de la semaine ou de la quinzaine, prélèvent tout ce qu'ils veulent. C'est, du reste, un fait connu qu'un tenancier, dès qu'il a 4 ou 5 logeurs, ne travaille plus ; et récemment le directeur de l'hôtellerie ouvrière de Charleroi-Nord nous racontait qu'ayant remis le restant de sa quinzaine à un ouvrier qui avait été hébergé précédemment dans une maison de logement, cet ouvrier se mit à pleurer en disant que c'était la première fois qu'on lui remettait de l'argent.
Nous n'avons lu qu'après avoir recueilli ces renseignements, un rapport présenté au Congrès contre l'alcoolisme tenu à Bruxelles en 1897 rapportrédigépar M. ledocteur Deffernez, médecin-inspecteurdutravail, et traitant la question des maisons de logement. Il y affirme également que l'ouvrier, à la fin de la semaine, n'a pas seulement dépensé à son logement la totalité de son salaire, mais souvent plus. Le premier crédit est le premier anneau d'une chaîne dont il ne se débarrassera plus : d'autant plus que les s logeurs », le maître-logeur n (principal locataire) surtout, finissent très fréquemment par remplacer le tenancier auprès de la feme, et cela au vu et au su de tous, y compris le mari. « Pas de calepin, écrit M. le docteur Deffernez, pas de logement. Les chats échaudés craignent l'eau froide ; les baesines enchanteresses prennent leurs précautions et n'acceptent le pensionnaires qu'à ces conditions. On ne loge le cheval qu'avec la selle. D
Des abus aussi scandaleux sont d'autant plus tristes que, dans les hôtelleries ouvrières (il y en a déjà trois dans le seul bassin de Charleroi), l'ouvrier est logé et nourri à meilleur marché, dans des conditions parfaites, nous oserions dire admirables d'hygiène, de propreté et de confort. A l'hôtel des ouvriers de Charleroi-Nord, par exemple, on[282]admet les ouvriers à raison de 22f 00 par quinaine. Ce prix comprend le logement, la nourriture et la lessive.
Les ouvriers ont de spacieuses salles de récréation, des chambrettes mises en ordre chaque matin par les Frêresde Charité attachés àl'établissement et de magnifiques salles de bain. Les ouvriers non-pensionnaires paient pour le déjeuner et le goûter 0f 25, pour le dîner, 0f 65, et pour le souper, 0f 40. Ils ont du pain, des pommes de terre, des légumee à discrétion, de la viande en abondance et un demi-litre de bière au dlner et au souper. Sils en veulent plus, ils doivent payer au comptant les verres supplémentaires. es repas sont servis sur des tables recouvertes de nappes et les aliments sont toujours très soigneusement préparés. Il en est de même dans les autres hôtelleries, dirigées par les Aumôniers du travail, comme nous avons pu le constater les nombreuses fois que nous nous sommes assis à la tauble des ouvriers.
Neuuvieme cause : Les maisons d'obligation, telles qu'elles existent notamment au Borinage.
Un négociant ou un détaillant quelconque fait construire autour de chez lui des maisons qu'il loue aux ouvriers, à la condition que ceux-ci, sous peine de voir augmenter le prix de leur loyer, s'approvisionnent chez le propriétaire. Celui-ci en profite pour vendre à des prix fort lucratifs, et finalement l'ouvrier ayant acheté à crédit se trouve pris dans un filet inextricable. Ces maisons d'obligation, nous écrivait tout récemment un ingénieur qui a pu depuis longtemps observer la chose de près, sont la cause de très grandes misères et contribuent pour beaucoup au désordre matériel des ménages. Il y a là un abus aussi immoral que le trucsstem et contre lequel il serait temps de sévir.
Dixiême cause : Le jeu.
On ne voit plus, à l'heure actuelle, des houilleurs jouaunt aux bouteilles de champagne en guise de quilles, mais cette maudite passion du jeu n'en reste pas moins aujourd'hui la source d'invraisemblables abus. Voici ce que nous écrivait un oficier de police d'une des plus importantes localités houillères du pays. Cet oficier avait fait surveiller par ses agents une salle de danse où l'on jouait à ces jeux de billard qui consistent à faire rouler les boules dans des trous numérotés et où le prix le plus éleve est de 10,000 fr.
Les agents — nous citons textuellement la lettre, tout en omettant les noms pour des motifs qu'on comprend — les agents étaient cachés derrière une palissade et s'apercurent que l'on jouait au billard dans la cour. Mais il y avait des individus qui faisaient la sentinelle pour donner[283]Péveil à la première apparition de la police. Pendant un moment de diastraction des sentinelles, trois agents s'élancèrent d'un bondsur le billard qui était entouré de plus de 30 individus. Le billard était chargé de pièces de cinq francs et de billets de vingt francs. Les agents ne purent saisir que 4 pièces de cinq francs. Les billets et les autres pièces furent repris par les joueurs ; ce fut un pêle-mêle général pour accaparer le plus d'argent possible. 'ai consulté les agents. Ils sont unanimes à me déclarer qu'ils supposaient qu'il y avait plus de 300f 00 sur le billard. Pour vous donner un apercu de ce que l'on jouait, un ouvrier m'a déclaré que ce jour il avait perdu 310 fr. Deux autres jouaient à 20f 00 pour chaque coup de boule, et d'autres pariaient 5 ou 10f 00 par coup. Tous ces joueurs étaient des ouvriers mineurs.
Voilà donc des individus dépensaunt en moins d'une heure beaucoup plus que ce qu'il leur faudrait pour louer une maison ouvrière très confortable1 Il est donc plus que jamais indispensable de sévir impitoyablement contre le jeu, en ne perdant pas de vue que, pour pouvoir justifier les mesures qu'on prendra, il faut que le jeou soit défendu partout, aussi bien aux riches qu'aux ouvriers.
Onaiême cause : L'insufisance absolue de la police dans presque toutes les locaulités houillères.
Il en est plusieurs, et de très importantes, où cet état de choses est encore singulièrement aggravé par l'absence complète d'éclairage le soir, en sorte que, dès cinq heures en hiver, il y fait noir comme dans un four. Citons deux des plus importantes communes boraines, Vasmes et Pàturages, qui produisent peut-être le plus de charbon à ga parmi toutes les communes du pays, et qui n'ont pas encore d'éclairage.
Il est grand temps de rechercher les moyens de rendre la police, au moins dans une certaine mesure, indépendante des pouvoirs communaux. Les officiers de police de nos centres houillers sont unanimes à dire qu'ils sont souvent, pour ne pas dire presque toujours, paralysés par l'insouciance ou le mauvais vouloir de conseillers communaux et d'échevins socialistes et cabaretiers. Les agents étant la plupart du temps en nombre insuffisant, ayant souvent la perspective d'être contrecarrés par tel ou tel échevin influent, et n'ayant en somme pas fait le serment de se laisser assommer, en sont fréquemment réduits à fermer les yeux et à prendre une autre rue, lorsqu'ils voient arriver des bandes d'ouvriers batailleurs et ivres.
Les tribunaux ont fréquemment péché par excès d'indulgenceà l'égaurd de ces bandes de brigands qui terrorisent le pays de Charleroi et sont[284]devenus tristement célèbres sous le nom de longues pennes . Neuf fois sur dix, ces « longues pennes n sortent de ces repaires dont il a été parlé plus haut ; ce sont des abrutis chez qui la débauche sale n'a d'égaule que la cruauté invraisemblable. Aussi, les tribunaux devraient-ils leur infliger beaucoup plus souvent le maximum de la peine.Au lieu de songer à telle longue penne qui pourrait être victime d'une excessive sévérité, que les tribunaux songent plutôt à ces braves ouvriers et à ces jeunes filles honnêtes qui seront demain les victimes de leur indulgence coupable. Ces brigands ne sont pas localisés au pays de Charleroi. Il n'y a pas longtemps que la police de Seraing, faisant irruption dans une salle de danse, y confisquait en quelques instants 27 revolvers, 16 poignards, 23 casse-tête et 18 petites cannes à boule.
ˉDouaième cause : L'absence de lavoirs-bains, à proximité de tous les sièges d'exploitation.
Il est certain que dans l'état de choses actuel, et surtout en hiver, la grande majorité des ménages de houilleurs n'a qu'une seule pièce chauffée, où le père, les garçons et les filles travaillant au charbonnage se lavent au retour de la fosse. Sans doute, le mineur n'est pas vite scandalisé, et il serait très maladroit de lui faire voir du mal là où il n'a même jamais songé à en voir ; mais nous persistons à croire néanmoins que le spectacle quotidien de nombreux mineurs, procédant, en présence de leur famille et fréquemment de leurs jeunes enfants, au nettoyage complet qu'exige leur travail, développe rapidement chez les jeunes gens la grossièreté et la polissonnerie. Beaucoup de petits enfants finissent par ne plus voir dans leur père qu'une espèce de grand animal noir qu'ils traitent avec le même sans-gene qu'il affecte lui-même envers eux. Et nous n'avons pas hésité à répéter à ce propos, dans un travail récent, le mot de M. Léon Faucher dans ses études sur l'Angleoterre: Déplorable état de société, où la pudeur semble devenir, comme la richesse, le privilège des classes élevées.
Nous avons visité, il y a quelques semaines, les lavoirs-bains que vient d'établir la Compagnie des charbonnages de essales, à son siège horré, à Flemalle-Grande. On y a installé le système allemand des douches : les ouvriers entrent dans une cabine isolée et se tiennent debout sur un parquet entièrement cimenté et lavé tous les jours ; au-dessus de leur tête, une douche en forme d'arrosoir leur donne de l'eau tiède en quantité abondante, et après cinq minutes ils sortent frais et transformés, ayant repris leurs vêtements de travail. Avant la descente, ils mettent ces vêtements dans un petit sac suspendu à la voûte des salles de bain. Ils[285]abaissent le sac, en détachant une corde fixée à des crochets numérotés. Le système ne fonctionnait que depuis quelques jours ; une centaine d'ouvriers au moins sont venus prendre leur bain pendant notre visite.
Quoique des circonstances d'ordre économique, ou d'ordre matériel, comme au Borinage l'absence d'une distribution d'eau régulière, ne permettent pas d'installer immédiatement partout des lavoirs-bains, les actionnaires catholiques devraient se faire un devoir de conscience de faire disparaltre au plus tôt les obstacles s'opposant encore à leur généralisation.
III. — Conclusions.
Avant de terminer, il sera utile de formuler les principales conclusions qui s'imposent, après le coup d'œil rapide que nous venons de jeter sur la situation matérielle et morale du mineur belge.
Ce qu'il faut donc, c'est :
1° Combattre plus énergiquement que jamais dans les localités houillères l'alcoolisme et le jeu, et empêcher la multiplication des lermesses et des ducasses.
2° Chercher sans trêve ni repos à diminuer les abus et les dangers innombrables auxquels donnent lieu la chambre à coucher unique, les maisons de logement et les maisons d'obligation.
Il serait très opportun de prendre sérieusement en considération un veu formulé récemment par le Comité de patronage des habitations ouvrières et institutions de prévoyance des cantons de Charleroi et de Jumet : ce comité demande d'organiser tous les deux ans, sous les auspices du gouvernement, un congrès de délégués des comités de patronage et des sociétés d'habitations ouvrières, afin d'étudier tous les perfectionnements dont l'institution est susceptible.
Quant aux maisons de logement, on ne devrait pas hésiter un instant à rendre obligatoire partout un minimum de mesures prises déjà par l'autorité communale de Charleroi. Celle-ci a exigé qu'il y ent dans chaque maison de logement autant de lits que de logeurs n, autant d'espace vide dans chaque chambre qu'il y a d'espace occupé par les lits, et a prescrit qu'aucun s logeur n ne pourra être admis à coucher dans des chambres occupées par la famille. II faudrait les empêcher aussi de traverser la chambre des enfants et des filles, en ne permettant pas qu'on loue des chambres où l'on ne peut pénétrer sans passer par celle des enfants. Enfin, on ne doit jamais perdre de vue que l'œuvre de la construction de nouvelles habitations ouvrières ne pourra progresser[286]sérieusement que si l'on prend des mesures plus énergiques pour faire abattre les taudis et les masures.
3e Généraliser partout l'usage des lavoirs-bains. plus encore dans l'intéret de la moralité des jeunes générations que dans celui de la propreté et de l'hygiène.
4e Faire connaître de plus en plus, surtout aux ouvriers famands allant au pays noir, les avantages matériels et moraux des hôtelleries ouvrières. On pourrait faire, par exemple, pour les jeunes gens arrivant à Charleroi ou dans le Centre, ce qu'on a fait pour les servantes débarquant à Bruxelles : leur permettre de se faire conduire gratuitement a 'hôtellerie et d'y rester jusqu'à ce qu'ils aient trouvé du travail, ce qui n'est d'ailleurs jamais difficile dans les mines, surtout à l'époque actuelle.
5° Défendre, comme l'ont déjà fait plusieurs charbonnages, l'acces du terril, surtout aux enfants. En tout cas, ne jamais tolérer qu'aux heures de cueillette, les enfants s'y rencontrent avec les adultes ; interdire l'acces du terril pendant la nuit et dès qu'il fait noir.
6° Introduire partout, autant que possible, le repos complet du dimanche en cessant le travail au plus tard le samedi à minuit, s'il n'y a pas moyen de cesser à neui heures du soir.[287]rapport, car ces « logeurs nomades et abrutis préparent une génération de Boxers dont on pourrait devoxr regretter trop tard les pires excès.
11e Changer la loi du 15 février 1897 modifiant les articles 25 et 30 de la loi du 27 novembre 1891 pour la répression du vagabondage et de la mendicité.
Cette loi stipule : Lorsqu'un individu qui n'avait pas l'âge de seie ans accomplis au moment du fait, sera traduit en justice et convaincu d'avoir commis avec discernement une inifraction punissable d'une peine de police, le tribunal, même dans le cas où il y aurait récidive, ne le condamnera ni à l'emprisonnement ni à l'amende, mais il constatera 1infraction et réprimandera l'enfant, ou si la nature et la gravité du fait ou les circonstances de la cauuse le requièrent, mettra l'enfant à la disposition du gouvernement jusqu'à sa majorité. Dans les deux cas, il le condamnera aux frais, s'il y a lieu, aux restitutions et aux dommagesintérêts. .
Beaucoup de parents, sauchant bien qu'ils sont insolvables et que les juges y regarderont à deux fois avant de mettre leurs enfants à la disposition du gouvernement jusqu'à la majorité, en profitent pour dresser leurs enfants au vol. Ils leur apprennent à mettre en poche tout ce qu'ils trouvent à leur portée, en leur disant : a N'aye pas peour, on ne peut quand même rien vous faire. Si 'vous êtes attrapés, vous recevrez une sauce, et c'est tout. n
12° Reviser sans retard, dans l'intérêt de la classe ouvrière, l'article 24 de la loi du 13 juin 1896 sur les règlements d'atelier, limitant au cinquième du salaire journalier le maximum de l'amende. Cette disposition, en apparence si humanitaire, n'ae eu d'autre résultat que de faire accroiltre dans des proportions énormes le total des amendes infligées aux ouvriers, sans parler des dépenses de jeu et d'alcool qu'entrainent ces absences injustifiées, dont le nombre a continuellement augmenté dans les bassins houillers depuis la mise en vigueur de cet article 24. Il est à remarquer, du reste, que cet article n'a même pas été tant soit peu sérieusement discuté à la Cambre, celle-ci ayant eu hate d'en finir avec un projet qui avait provoqué d'interminables discussions.
13° Travailler énergiquement à la création et au développement des sociétés coopératives catholiques, principalement des boulangeries et des brasseries.
La prospérité sans cesse croissante de la grande boulangerie coopérative du Centre, Le Bon Grain n, est un exemple frappant du bien considérable que peuvent réaliser des institutions de ce genre.
[288] 14e FTonder ou consolider partout des écoles ménagères, où l'on apprend aux filles d'ouvriers à devenir un jour des ménagères économes et soigneuses. L'absence souvent complète des notions d'ordre, de prévoyance et d'hygiène chez les femmes de houilleurs est une des grandes causes du malaise actuel, et l'on ne saurait trop la mettre en relief.
15° FTonder, consolider et encourager toutes les institutions de prévoyance, et notamment les mutualités scolaires. Il serait utile de prélever cependant un léger pour cent sur les épargnes déposées, afin de ne pas exposer les enfants à tomber dans un excès d'avarice, en voulant leur faire éviter un excès de prodigalité.
16° Faire ce que nous appellerions l'instruction et l'education sgndicales des mineurs, afin qu'on puisse prouver aux patrons, par desfaits, qu'il peut y avoir des syndicats s'inspirant avant tout de la nécessité d'une entente parfaite entre patrons et ouvriers, respectunt la liberté des non-syndiqués, ne tolérant pas l'asservissement de la majorité à la minorité turbulente de ceux qu'on a très bien appelés les commis voyageurs en grève, n'entravant pas l'essor de l'industrie dans un pays exportateur comme le nôtre. M. enry Gravez écrivait, dans l'article remarquable déjù cité, que les dissensions intestines sont le ver rongeur qui mine et fait s'effondrer tôt ou tard les associations ouvrières. Et il ajoutait que « l'ouvrier ne sait rien fonder de durable. »
Depuis qu'il a écrit ces lignes, les événements ont démenti au moins partiellement, cette appréciation trop pessimiste. M. Gravez avait cependant raison de dire de l'ouvrier mineur qu'il est l'homme des impulsions soudaines, non des entreprises patientes et prolongées.
17° Enfin et surtout, prendre la ferme résolution de ne pas se reposer tant qu'on n'aura pas déraciné du cœur des houilleurs cette défiance des classes supérieures qu'y ont excitée les chefs des syndicats socialistes. — Ne reculer ni devant l'hostilité, ni devant l'indifférence, ni devant l'iugratitude, et avoir toujours devant les yeux que rien ne sera fait tant qu'on n'aura pas prouvé aux ouvriers mineurs, moins par des paroles que par des actes, qu'on les aime autant, peut-être plus, et certainement mieux que les autres. Car c'est en se rapprochant des houilleurs chaque fois qu'on le pourra, qu'on touchera du doigt la vérité de la parole protonde de saint Augustin : Ama etfac qutod is Aimons-les, aimons-les beaucoup; car le jour où ils verront que nous les aimons, ils nous suivront où nous voudrons les conduire.
Le Gérant : A. VILLECHÉNOUX.
Notes
1. [213] En commencant nos recherches en vue d'une étude monographique de l'ouvrier mineur belge, nous n'avons pas hésité à choisir, comme type le plus intéressant à observer, une famille de mineurs borains.
Tout d'abord, parce que les Borains n'étant pas, comme leurs camarades des autres bassins, en contaet fréquent avec des ouvriers de differentes industries, sont restés le type par excellence du charbonnier s pur sang. En second lieu, parce que les salaires étant toujours plus bas au Borinage qu'ailleurs, il est particulièrement instructif, semble-t-il, d'examiner comment les familles ouvrières y équilibrent leur budget.
Nous croyons devoir dire, dès le début, que la famille observée ne reoprésente pas exactement, en ce qui concerne toutes les dépenses, la situation moyenne des ménages borains et des ménages de houilleurs belges en général.
Comme les rapprochements et les observations que nous aurons à faire dans les conclusions nous permettront de fixer aussi exactement que possible la moyenne de ces dépenses, nous avons préféré choisir une famille dont la monographie f̂t une preuve manifeste de ce fait, que, un ménage borain, même avec un ensemble de recettes légèrement inférieur à la moyenne des recettes des ménages de houilleours belges, peut arriver, s'il y règne de l'ordre et de l'économie, non pas encore à une situation telle que nous ne souhaitions pas de tout cœur la voir s'améliorer de plus en plus, mais du moins à une aisance relativement confortable.
Nous avions un second motif de choisir un ménage ayant de l'ordre et de l'éconômie dans les dépenses : la majorité des femmes de houilleurs sont loin d'apporter dans leur ménage l'esprit d'ordre et de prévoyance qu'on pourrait souhaiter. Elles ne retiennent guère le détail de ce qu'elles ont acheté, consommé et dépensé ; de plus, elles ont, comme leurs maris, une tendance à diminuer le chiffre des recettes et à exagérer leurs besoins, dès qu'elles sont interrogées à ce sujet. Il en résulte qu'un budget prétendant reiéter la moyenne exacte de ce que dépensent les familles de mineurs belges contiendrait, croyons-nous, une quantité trop considérable de chiffres d'une approximation douteuse, voire beaucoup de chiffres fctifs, ce qui nuirait évidemment à la précision minutieuse qu'on est en droit d'attendre d'une monographie de la collection des Ouoriers des deux mondes.
Au commencement de la troisième partie (§ 17) sont réunies quelques observations montrant le type du Borain négligent, dépensier et buveur, que la première maladie reduit à la misère. Les pères de famille représentés par cet ouvrier ne sont malheureusement que trop nombreux parmi les houilleurs belges.
Dans les conclusions asse étendues qui terminent la monographie, nous avons taché d'esquisser la situation générale des ouvriers mineurs de Belgique, au point de vue matériel et moral, en tenant compte des différences principales qui s'observent dans les divers bassins.
Ces conclusions, qui dépassent évidemment ce qu'on pourrait déduire de l'observation des deux familles étudiées, sont le résultat de deux enquetes successives à travers les bassins houillers.
2. Le nom de Borain, fait observer avec raison M. Harmant (ˉEev. gén. l899, numéros de mai et de juin) ne s'applique avec exactitude qu'aux habitants des localités qui ont possédé de tout temps des exploitations houillères, c'est-à-dire, en partant de Mons : Cuesmes, Flénu, Frameries, La Bouverie, Eugies, Pàturages. Varquignies, Dour, Vihéries, Élouges, Boussu, ornu, Saint-Ghislain, uaregnon, Jemmapes et Vasmes.
3. Cette partie a cependant été reliée dans la suite au reste du réseau de chemins de fer ; mais ce n'est qu'en employant de fortes rampes, en faisant des circuits considérables et en utilisant de puissantes locomotives.
4. V., § 18 et suiv., des renseignements detailles sur l'industrie houillère en Belgique, sur la Compagnie de charbonnages belges et sur l'état sanitaire des mines.
5. A dix-huit ans, pendant l'année 1873, exceptionnelleoment prospere et dont tous les vêtérans de la mine ont gardé le souvenir, Pierre gagnait de 40 à 415f 00 par semaine.
6. Pierre, ayant tiré n bon numéro, n'a pas fait de service militaire.
7. Nous tenons à remercier les industriels, les ingénieurs du corps des mines et les hommes d'œuvre qui ont bien voulu nous fournir tous les renseignements demandés. Parmi ceux dont les nombreuses indications et les conseils judicieux nous ont le plus facilité notre tàche, nous avons à cur de remercier spécialement M. l'ingénieur E. aré, directeur général des mines, membre du Conseil supérieur du travail ; M. l'ingénieur lsaac, directeur-gérant de la Compagnie de charbonnages belges, membre du Conseil supérieur du travail ; M. le docteur Delporte, député de Mons et president de la Fedération ouvrière catholique du Borinage.
8. Le bassin houiller du lainaut et des départeoments dun Nord et du Pas-deClais a une longueur approximative de 190 kilomètres, dont 91 environ sur le sol belge.
9. Dans son mémoire historique et descriptif du bassin houiller du Couchant de Mons, publié en 1877, M. l'ingénieur Arnould évalue approximativement le nombre de ces couches exploitables de 125 à 135.
10. Au Couchant de Mons, les couches à partir de leur afleurement nord s'inclinent au sud pour former de grandes plateures ; elles se relevent ensuite pour présenter dè lors nne inclinaison vers le nord. (Mém. hist. et deoscr., p. 150.)
11. Voir, pour de plus amples détails, le compte rendu de la séance spéciale de la commission pour la rovision des règlements de police sunr les mines du 20 juillaet 1899, auquel nous empruntons ces renseignements.
12. Il est à peine nécessaire de faire remarquer que l'élévation de la température dans le troussage (galerie de retour d'air) présente beaucoup moins d'inconvénients que dans las fronts de taille. On n'y occupe, en effet, que quelques raccommodeurs. Il est d'ailleurs inexact d'airmer, comme l'a fait un député à la Chambre belge, qaue les ingénieurs du corps des mines ne visitent pas les troussages.
13. Cf. E. Haré, dir. gén. des mines. Statistiue rétrospective des mines, mdieres, carrieres, etc. Bruxelles, 1896.
14. Pendant toute cette période 1890-1899, la région du Couchant de Mons, s devenue presque sinistre par les nombreuses catastrophes qui l'ont désolée, a perdu au total 24 ouvriers par les explosions de grisou, dont 7 seulement par des explosions dues à l'emploi des explosifs. Par 10,000 onvriers du fond, au lieu du chiffre énorme de 9.75 tués par des accidents dus à cette cause, dans les dix années 880-1889, nous n'avons plus, dans la décade l890-899, que la proportion minime de 0.30. Cf. le rapport mentionne.
15. Les coups d'eau deviennent de plus en plus rares dans nos mines belges. Cependant, il y en eut nn au courant de l'année 1899, à Bernissart, à l'extrémité du Couchant de Mons. Il fut très violent et amena la mort de deux machinistes de la machine d'eoxhaure outerraine.
16. V. Compte rendu du Congrès international des accidents du travail. Paris, 1889, . II p. 212.
17. On trouvera de plus amples dêtails sur cette question dans notre travail : « Nos grèves houillères et l'action socialiste. »
18. Il n'est guère possible, en effet, qu'un charbonnage pauvre obtienne un même travail à un salaire beaucoup inférieur à celui qui est consenti par les charbonnages voisins.
19. C'est la un fait qui n'est pas conteste. D'après des calculs faits en 1I896 pour un des charbonnages les plus importants du Couchant de Mons, celui du Levant du Flénu, on est arrive à la moyenne de deux travailleurs par famille. M. l'ingénieur l. Gravez a fait un calcul analogue dans un article sur l'ouvrier mineur du Centre, publié dans la eoue sociale et politique (1893, ne 6) ; d'après un recensement qu'il a fait porter sur l45 maisons, il a compté également deux travailleurs par famille. Concidence remarquable : les deux calculs aboutissent à la proportion.
20. Ce supplément de recettes, si modeste qu'il soit souvent, fournit néanmoins un appoint dont il faut tenir compte, sous peine d'arriver à des budgets fictifs.
Nous avons eu la curiosité de vérifier un des budgets publiés par le ministère de l'agriculture, de l'industrie et des travaux publics en 1892. C'était le budget d'un ouvrier appartenant à un charbonnage que nous connaissons particulièrement. Le budget consignait pour le mois d'avril 1891, mois auquel se rapportent tous les budgets publiés alors, un total de dépenses de 156f 80, et nn total de recettes de 109f22, soit un defîcit de 47f 58. Mais cet ouvrier, qui avait afirmé au conseil dae l'industrie et du travail que les chiffres des dépenses devraient encore être majorés, avait omis de mentionner au budget des recettes, ce que gagnait sa feomme comme couturière et ce que lui rapportaient les jetons de présence qu'il touchait comme membre de la commission administrative de la caisse de prévoyance des ouvriers mineurs du Couchant de Mons, et comme membre du conseil des prud'hommes. Par ce moyen, cet ouvrier, aujourd'hui conseiller provincial socialiste, arrivait treas facilement au décit qu'il désirait.... sur le papier.
21. Les familles où la moyenne des recettes dépasse 2,500f 00 seraient même très nombreuses, si les enfants ne gaspillaient fréquemment une partie considérable de leur salaire, au lieu de le remettre intégralement à lenrs parents et de faire des économies en vue des premières années de leur mariage.
22. Cf. la monographie du Mineur silesien, par M. vre, ingénieur des mines. (2 serie, ° fascicule, p. 70.)
23. Voici ce que nous écrivait tout récemment un commissaire de police du bassin de Charleroi :
« Nous voyons presque journellement de ces jeunes gens, âgés de quinze a dixhuit ans, venir à pied de Bruxelles, de Louvain et de Malines chercher un gite dans un logement et n'ayant aucun argent. Lorsqu'ils sont arrivés à trouver du travail, ils sont surchargés de dettes, se voient forcés de rester dans cette maison et de travailler pour le tenancier et sa famille. Non seulement leur salaire entier ne sufit pas à payer ce qu'ils doivent, mais leurs dettes ne font que s'augmenter de jour en jour. »