N° 68.
PAYSAN AGRICULTEUR
DE TORREMAGGIORE
(PROVINCE DE FOGGIA — ITALIE),
OUVRIER-TENANCIER
DANS LE SYSTÈME DES ENGAGEMENTS MOMENTANÉS.
D'APRÈS LES
RENSEIGNEMENTS RECUEILLIS SUR LES LIEUX EN 1887 ET EN 1889.
PAR
LE PROF. HIPPOLYTE SANTANGELO SPOTO ,
Avocat à Palerme, membre de la Société internationale d'économie sociale1
Sommaire
- Observations préliminaires définissant la condition des divers membres de la famille.
- Éléments divers de la constitution sociale
- § 17. SUR QUELQUES FAITS RELATIES A L'HISTOIRE DE TORREMAGGIORE.
- § 18. SUR L'ÉCHIQUIER DES POUILLES ET LE PATURAGE.
- § 19. SUR L'AGRICULTURE ENTENSIVE.
- § 20. SUR L'AGRICULTURE INTENSIVE.
- § 21. SUR L'ORGANISATION DE LA PROPRIÉTÉ.
- § 22. SUR LES INDUSTRIES ACCESSOIRES.
- § 23. SUR LES CONDITIONS ÉCONOMIQUES, INTELLECTUELLES ET MORALES DE LA POPULATION AGRICOLE.
- § 24. SUR LES CONDITIONS PHYSIQUES, HYGIÉNIQUES ET SOCIALES.
- § 25. SUR L'ORGANISATION DU TRAVAIL ET LES SALAIRES.
- § 26. SUR L'ÉMIGRATION.
Observations préliminaires définissant la condition des divers membres de la famille.
Définition du lieu, de l'organisation industrielle et de la famille
§ 1ᵉʳ. État du sol, de l'industrie et de la population.
[213] La famille qui fait l'objet de la présente monographie habite, dans la province de Foggia (Capitanate), la commune de Torremaggiore, située sur les collines caillouteuses qui dominent Ferrante, au N. O. de Foggia et à l'O. de San-Severo. Cette commune est à 36 kilomètres de Foggia, chef-lieu de province, et environ à 6 kilomètres de San-Severo, [214] chef-lieu d'arrondissement. Le sol, formé de vastes plaines ondulées, est fort aride. En face est le Gargano, montagne composée en grande partie de calcaire presque entièrement secondaire, et qui, à l'époque éocène, cons'ituait une sorte d'ile au milieu de l'Adriatique. Les parties hautes du terrain appartiennent en général au tertiaire supérieur ou pliocène, et les vallées sont à peu près toutes de formation post-pliocène. Le sous-sol est léger, perméable et, après les pluies, se desseche facilement ; il devient fertile lorsque, avec l'eau, il reçoit un engrais convenable. C'est pour cela que, sauf dans le voisinage de la commune (ce qui s'applique, généralement, à toute la région des Pouilles dont la Capitanate est une province), on trouve peu de terrains employés à la culture intensive. Cette culture n'est pratiquée que dans un rayon d'un kilomètre environ, et elle est répartie en cercles concentriques autour des habitations. lEn dehors de ce rayon, c'est la culture extensive qui prédomine.
L'air est salubre et assez pur pour convenir aux phtisiques et aux convalescents des fièvres paludéennes de la région basse. Le climat est très tempéré. La température moyenne, en degrés centigrades, est, annuellement, au maximum de 38°,6 et auminimum de 9°,4. En janvier, mois le plus froid de l'hiver, on a, au maximum, 25°,4 et, au minimum. 7°,3. Enjuillet, le maximum est de 39°,2 et le minimum de 13°,8. La quanité moyenne de pluie tombée dans l'année est de 468mm,4 ; en janvier, il en tombe 47mm,2 ; en juillet, 14mm,6. Torremaggiore, qui est, par rapport aux autres régions de l'Italie, celle ou il pleut le moins, se ressent beaucoup de la sécheresse. Les eaux de source y font également défaut, aussi bien dans les lieux habités que dans les campagnes. L'eau potable, qui est assez bonne, est fournie par 56 puits ou citernes, de propriété privée, et par 8 citernes, placées à l'intérieur ou en dehors du village, que la municipalité, en vue des besoins de la population, a fait creuser pour recueillir les eaux pluviales. Quatre puits seulement donnent une eau malpropre, salée et indigeste ; ils ne peuvent servir qu'à la lessive ou aux constructions en maçonnerie.
Le prince de San-severo, un des plus riches et des plus intelligents propriétaires de la région, tenta, en 1883, mais sans succès, de faire faire des puits artésiens. La campagne manque complètement d'eau. Il y a seulement, à peu de distance de la commune, un petit cours d'eau qui est à sec du mois de mai au mois d'octobre, et une mare de 8 centiares. Ces eaux stagnantes sont plus nuisibles qu'utiles aux agriculteurs pendant les chaleurs, car, bien que la commune soit à 143 mè[215]très au-dessus du niveau de la mer et jouisse d'un air pur et léger, elles occasionnent souvent des fièvres paludéennes.
Les principaux produits agricoles du pays proviennent de la culture extensive : céréales et légumes. La culture intensive n'a qu'une médiocre importance ; il y a peu de vin, d'huile et de fruits. Les champignons et les câpres, dont on fait une grande consommation et une grande exportation, sont les seules richesses végétales.
Le commerce est favorisé par les excellentes conditions dans lesquelles se trouvent les moyens de transport. Voisine de la station de S. Severo, sur la ligne du chemin de fer Foggia-S. Severo-f'ermoli, la commune a la facilité, par une route carrossable de 8.650 mètres, d'exporter les produits de ses campagnes et d'importer ceux dont sa population a besoin. Au moyen des routes provinciales, ses relations commerciales s étendent jusqu'à Lucera, chef-lieu judiciaire (19.932 mètres). à Foggia (36.730 mètres), à Saint-M arc en Lamis (31.585 mètres), à S. iovanni Rotonde, S. Paolo de Civitate et Castelnuovo de la Daunia. Enfin les routes communales vont jus qu'au mont Santangelo et à la ville de Manfredonia, et même jusqu'aux plateaux et à la cime du mont tiargano.
Le territoire de Torremaggiore comprend 20.525 hect., dont 7.648 cn pâturages, 3.060 en bois et 9.818 propres à la culture. Ceux-ci, en partie seulement cultivés, sont ainsi répartis : œuvres pies, 9 hectares ; chapellenies et bénéfices, 2.112 hectares ; terrains communaux. 1,608 hectares ; le reste, soit 6.089 hectares, est propriété privée entre un petit nombre de mains. La commune est bornée au N. par le canal S. Paolo ; à l'E. par le tratturo (passage pour les troupeaux) (§ 18) et les quartiers dits des citernes et des Juifs, qui limitent les possessions de S. Severo ; au S. S. E. par les terres de Sterparone, qui se trouvent entre celles de Lucera et de S. Severo ; à l'0. et au N. 0. par les domaines suivants : Accia, Salott, Monachella, Carromorto et Stella, qui séparent Torremaggiore de Castelnuovo de la Daunia et de Castelvecchio, puis, en suivant les sinuosités du Fortore, le long des bois récemment défrichés de Dragonara et Università, la commune touche aux possessions de Valle, Marchesa et Ferrante et s'arrete à celles de Castelnuovo. Tout ce territoire ne suffit pas aux travaux agricoles des habiants de Torremaggiore ; chaque année, quelques-uns d'entre eux vont chercher le sol qui leur manque auprès des communes voisines.
La famille D, que nous avons visitée et étudiée, a loué des terres sur la commune de S. Severo.
[216] Le cadastre particulier de ce territoire n'a jamais existé ; les descriptions de biens actuellement inscrites dans les bureaux des agents des contributions et faites sur le cadastre de 1823, d'après les déclarations des propriétaires, ne peuvent servir pour déterminer la division de la propriété et l'étendue particulière des terrains appartenant à un même possesseur. Peut-être est-ce la grande propriété qui prévaut ; en tous cas, ainsi que nous le verrons, la petite propriété est constamment absorbée par la grande.
La population de Torremaggiore s'élevait, en 1881, à8.425individus, dont 8.234 vivaient agglomérés dans le centre, et191 seulement étaient épars dans la campagne. On comptait 1.965 familles, soit, en moyenne, 4 personnes par famille. Sur ce nombre, 1.923 avaient leur demeure stable dans la commune et 42 à peine n'y habitaient qu'occasionnellement.
A la fin de 1885, la population s'élevait à 9.084 habitants. Elle s'accroit chaque année, le chiffre des naissances excédant celui des décès, et la diff'érence entre le nombre des émigrants et le nombre des étrangers étant tout à fait nulle.
D'après les statistiques de 1885 faites par la municipalité, voici les professions des chefs de familles :
On voit que l'agriculture occupe la majeure partie de la population, soit, à raison de 4 personnes par famille, hommes ou femmes, 5.040 habitants ; les arts et métiers occupent 2.016 individus ; le commerce et les fonctions ou travaux indéterminés, 792; restent 784 propriétaires, 224 personnes attachées au service du culte et 228 employés divers. En supposant que l'enfance et la vieillesse, qui ne travaillent pas, forment le quart des habitants, nous voyons que la population agricole comprend plus de la moitié de la commune, et qu'elle est, à elle seule, le pivot de l'activité économique.
La population de Torremaggiore est, en effet, de sa nature, essentiellement agricole, et c'est l'agriculture qui fournit au commerce d'eportation sa plus grande ressource. A la fin de 1885, on évaluait ses[217]produits à plus d'un demi-million. Le tableau suivant montre quel était, en 1885, l'état de la récolte des céréales et des plantes légumineuses, et comment le produit s'en répartissait entre la consommation locale et l'exportation.
L'emplacement du marché occupe 70 hectares, au nord de la commune. Ce vaste espace, appelé plaine (très commode pour le pacage, le battage du blé et la foire), a 130 caves ou magasins souterrains, qui ont chacun une étendue variant de 1.500 à 80 tomoli (c'est-à-dire de 400 a 20mq). et qui donnent une surface totale de 34.712 tomoli. Chaque cave est marquée par une pierre en saillie sur laquelle sont les initiales dn propriétaire. Le marché n'a pas lieu à des jours fixes, mais la maeure partie des marchandises accumulées dans les sous-sols n'est vendue qu'en juin, après la récolte, c'est-à-dire pendant les trois jours de foire qui précèdent le premier dimanche de juin. Cette foire est la plus fréquentée après celle de Foggia.
§ 2. État civil de la famille.
La famille comprend sept personnes :
1°JEAN D***. père de famille............ 48 ans
2°ROSE S***, sa femme et mère de famille............ 46 —
[218] 3° PAUL D***, fils aîné, marié et père de Jean............ 27 ans.
4°FRANÇOISE M***, femme de Paul............ 19 —
5°ROSARIO D***, second fils............ 21
6°JOSÉPHINE D***, troisième enfant............ 16 —
7°JEAN D***, fils de Paul............ 18 mois.
Au moment où eut lieu la présente étude, le fils Rosario faisait son service militaire à Florence, dans le 7e régiment de bersaglieri.
Suivant l'ancienne coutume domestique, les deux ménages, celui de Jean et celui de Paul, son fils aîné, vivent en communauté (ou participation, selon l'expression du pays). L'aîné doit ainsi, après son mariage, rester chez son père et vivre avec lui ; tout est commun, et le produit du travail de tous appartient à la maison tout entière. Les autres fils, à partir de quinze ans, peuvent mettre de côté quelques épargnes pour leur avenir ; les jeunes filles reçoivent, du chef de la famille, leur trousseau de noce et quittent la maison après leur mariage.
La famille du mari et celle de la femme ont toujours vécu du travail agricole ; ni Jean ni Rose n'ont jamais pu devenir propriétaires, mais Paul est associé avec son père et, grâce à son énergique activité, celui-ci commence à être comme un fermier.
Jean a un frère, agriculteur comme lui ; ils ont vécu ensemble jusqu'en 1885, année de la mort de leur père. Il a aussi une sœur du nom de Julie, femme d'un berger de Saint-Marc en Lamis. La femme de Paul est leur nièce, étant la fille du frère de ce berger.
Les enfants ont généralement le même nom que leurs parents : seulement, quand un vœu a été fait à quelque saint dans un moment difficile, l'enfant qui vient de naître reçoit un nom nouveau qui demeure comme l'expression de ce sentiment religieux.
Ces habitudes, invétérées chez les familles de cultivateurs, sont opposées à la tendance qui porte ordinairement les artisans à donner à leurs enfants des noms nouveaux ou de fantaisie, et les classes élevées à leur attribuer des noms qui rappellent des souvenirs patriotiques ou des préférences personnelles.
§ 3. Religion et habitudes morales.
La famille professe la religion catholique, dont elle suit fidèlement les préceples, spécialement ceux relatifs à l'assistance à la messe[219]le dimanche et les jours de fêtes, l'abstinence des vigiles et des quatretemps, la confession et la communion pascales.
Un petit nombre d'habitants de Torremaggiore, notamment ceux qui, en dehors de la culture, ont un métier quelconque chez eux ou ailleurs, se soustrait facilement aux pratiques religieuses. La famille D***, chez qui la tradition domestique s'impose comme pratique fondamentale de religion, a su résister à l'influence corruptrice. C'est le fait général chez toutes les familles d'agriculteurs qui résident dans la commune: seulement celles qui restent quelque temps loin de leur habitation oublient vite ces bonnes habitudes, plutôt par négligence que par mauvaise volonté.
La pratique commune à tous les habitants qui ont la foi religieuse est d'assister aux fêtes qui se célèbrent dans les paroisses, et surtout à celles de Saint-Savin et de Sainte-Marie de l'Arc. La famille D*** fait une offrande de 10f 10 pour l'anniversaire de la mort de ses membres défunts, elle fait dire une messe chantée à leur mémoire. et le jour des Morts (2 nov.) elle porte un cierge à Santa-Maria della Strada. La nuit de Noel, réunis autour de la bûche traditionnelle, les membres de la famille échangent leurs souhaits de bonne année ; et, pendant la semaine sainte, ils s'abstiennent de travailler alin de prendre part aux cérémonies religieuses.
La commune a deux paroisses : Saint-Nicolas, qui est très ancienne : et Sunta-laria della Strada, qui date de la fin de 1593. Elle a en outre quatre églises : ainte-larie des Anges, dans le couvent des capucins; la chapelle de Sainte-Croix, dans la plaine : le petit oratoire de Saint-Sauin et l'église de Sainte-Marie de ˉl'Are. Le clergé est assez nombreux pour administrer les secours spirituels aux fidèles. Le saint protecteur de la commune est saint Savin, dont on célèbre solennellement la fête le 1ef dimanche de juin. A cette occasion, on porte sa statue processionnellement à Santa-Maria della Strada, pour la neuvaine. La protectrice de l'agriculture est sainte Marie de l'Are: on en célèbre la fête chaque année, le mardi après Pâques, avec le grand concours des habitants de la commune et de tout le voisinage.
Les époux vivent en parfait accord, les jeunes mariés entourent d'un profond respect leurs vieux parents. Ils forment ensemble le véritable type de la famille, dont la sobriété, l'ordre, le travail, la bonne foi, le bon sens, l'amour du prochain sont les qualités principales. Ce qui prédomine dans l'éducation des enfants, c'est le désir de faire des garçons de bons agriculteurs, et des filles de bonnes ménagères.
[220] L'ordre intérieur n'est jamais troublé par la légêreté féminine, parce que la femme de l'agriculteur, plus ou moins aisé, tient vivement à sa dignité elle est modeste et honnête, et les mœurs sont bonnes. Il n'en est pas toujours de même dans les familles d'artisans ou dans les autres classes moins élevées de la Capitanate ; nous voulons parler des sorciri et des terraaani (§ 22).
La charité est un sentiment qu se remarque fréquemment chez l'habitant de Torremaggiore. La famille D** se prête aux œuvres charitables autant qu'elle le peut, bien que ses ressources ne lui permettent pas de donner à l'indigent des secours en argent; aussi estelle très aimée par toutes les classes de la société qui l'entourent : respectée par le propriétaire dont elle dépend et à qui elle consacre ses services, traitée avec déférence par le conseil municipal, elle est surtout très estimée par son curé et par le maître d'école.
Dans les rapports de société, les marques de politesse extérieure sont ainsi réglées : vis-à-vis d'un égal, les hommes saluent de lavoix ; vis-àvis de personnes d'une classe supérieure, ils lèvent leur bonnet, et, s'ils ont à leur parler, ils restent la tête découverte. Dans les contestations, ils sont, tout de suite, disposés à transiger à tout prix, pour vivre en paix. Ils ont une estime particulière pour le propriétaire qui les emploie aux travaux des champs. Quelques propriétaires ayant abusé de ce sentiment général parmi les familles d'agriculteurs, celle dont nous parlons se tient sur une sorte de défensive. La famille D*** cultive depuis huit ans les terres de Fraccacreta de San-Severo ; elle aime beaucoup ses patrons qui la paient de retour.
§ 4. Hygiène et service de santé.
La famille D** jouit d'une robuste santé ; ce bienfait naturel est dû en grande partie à l'habitation et au genre d'alimentation.
La maison est située dans une des plus grandes rues de la commune, la rue des Capucins. Les femmes ont un soin particulier pour la tenir propre, bien que l'eau ne soit pas abondante et qu'il n'y ait pas de lieux d'aisances, comme, du reste, dans toutes les habitations des agriculteurs, des artisans et des villageois, les rues n'ayant point d'égouts. Aussi est-il d'un grand intérêt de faire preuve de propreté de bon matin. Trois fois par an, les femmes lavent les[221]planchers des chambres habitées, et une fois, au printemps, elles blanchissent elles-mêmes, à la chaux, les murs de leur habitation. Le fumier et les immondices qu'on y ajoute sont, toutes les semaines, transportés par Jean dans les terres.
La nourriture de la famille consiste ordinairement en blé. légumes, ri, poisson salé ou sec qui vient de Manfredonia, commune voisine. tDn s'approvisionne rarement de viande de boucherie, et l'on n'en mange guère que dans les grandes occasions; on la remplace par les œufs et les lapins domestiques.
Pour le service sanitaire de la commune, oû, malgré l'altitude, les ièvres paludéennes sont fréquentes, tant à cause de la nature même des terres que des eaux stagnantes qui l'entourent, il y a sept médecinschirurgiens, dont quatre médecins libres et trois médecins jurés. C'est à ceux-ci que la famille D** a recours quand, ce qui arrive le plus souvent, un de ses membres est atteint par les fièvres, après les récoltes d'été. Le médecin juré étant obliggé d soigner gratuitement les pauvres de la commune. il reçoit de la famille des honoraires, en nature. d'une valeur moyenne de 14 francs La famille a une pleine confiance en son médecin et lui obéit aveuglément, bien que les membres qui la composent aient des aptitudes particulières pour soigner les malades.
A Torremaggiore, il n'y a point de sorciers; mais je les crois très uombreux à Cerignola, à Trinitapoli. Lucera, Troja et roggia, ou certaines femmes ont, comme rebouteuses, une grande réputation. Il faut dire aussi que parmi les basses classes de toute la province de Capitanate, on crie facilement au miracle lorsque, pendant une maladie grave, on fait vœu d'aller pieds nus à V.-D. des sept voides à Foggia. ou à Sant-Michel de Monte Santanggelo.
Il y a huit pharmacies dont trois assez bien accréditées : les cinq autres sont plutôt des drogueries. C'est du reste un abus ordinaire dans la Capitanate de voir les droguistes s'ériger en pharmaciens : abus préjudiciable aux populations, en raison des dangers qui peuvent en résulter, et sur lequel les autorités ferment trop facilement les yeux. Il suffirait, par exemple, de publier qu'à Foggia il y a quatre véritables pharmacies dont les titulaires sont diplômés, et que les dix autres ne sont que des drogueries dont une seule est bonne.
Pour les médicaments, la famille D paie un abonn ement de 6 francs. Elle paie 2 francs à la sage-femme, qui reçoit 400 franes de la municipalité, comme sage-femme jurée. Il n'y a point de vétérinaire, et les animaux ne sont pas soumis à la visite, avant d'être[222]conduits à l'abattoir. Dans les cas extraordinaires, c'est l'un des médecins jurés qui est obligé de procéder à cette inspection.
§ 5. Rang de la famille.
La famille D*** est, parmi les agriculteurs-fermiers, celle qui jouit à Torremaggiore de la plus grande sympathie. Cela est dû à l'honnêteté irréprochable des femmes et à la nature pacifique et laborieuse des hommes. On fait grand cas de leur amitié, et il arrive souvent que, dans les contestations entre paysans, on a recours à l'expérience du vieux Jean, dont le jugement fait loi ; ces bonnes gens recourent aussi à lui pour aplanir les ditlicultés qu'ils ont avece leur propriétaire. Les autres classes de la société estiment Jean et Paul ; elles se servent d'eux comme intermédiaires dans leur commerce.
Moyens d'existence de la famille
§ 6. Propriétés.
(Mobilier et vêtements non compris.)
Immeubles............ 0f 00
La famille ne possède aucun immeuble.
Argent............ 0f 00
La famille ne possède aucune valeur mobilière.
Elle a dans sa maison, comme fonds de roulement et pour faire face aux dépenses quotidiennes, une somme qui varie selon l'époque de l'année. Cette somme, un peu plus forte en eté, après la vente du blé, et au printemps, aprés la vente de quelques produits alimentaires, se réduit à moins d'un franc au moment ou l'on prépare la terre et où on l'ensemence. On peut donc ne faire figurer aucune somme et n'en parler que pour mémoire.
ANIMAUX DOMESTIQUES............ 214f 501
1 mulet, acheté 55f 00, quand il était jeune, ayant aujourd'hui une valeur de 160f 00; — 18 poules et 1 coq, représentant une valeur de 38f 00, et donnant un produit, en oeufs et[223]poulets, de 0f à 6f environ — 4 couples de lapins domestiques d'un produit moyen de 60f00 par an, et d'une valeur de 16f50. (§ 16, C).
Matériel spécial des travaux et industries............ 206f 40
1° Exploitation des champs. — 2 pioches, 6f00; — 2 autres à dents, 5f00 ; — 1 serpe. 4f00; — 1 faulx, 1f50: — 1 charrue complète, 28f 00 ; — outils divers, 15f00. — Total, 59f50.
2° Petites industries demestiques. — 1 bassin à laver, 8f00 ; — 1 métier à filer et à tisser, avec accessoires. 45f00; — fourniture pour la confection des paniers. 4f 40; — petits ustesiles divers, 2f50. — Total, 59f90.
3° Exploitation du mulet. — Harnais, 16f00: — sacoches et sacs, 6f00. — Total, 22f00.
4° Exploitation de la chasse. — 1 fusil, 65f00.
Valeur totale des propriétés............ 420f00
§ 7. Subventions.
Fraccacreta, propriétaire des terres cultivées par la famille D**, ne lui alloue aucune subvention en argent, mais lui donne le droit à la moitié de la paille qui se trouve dans l'aire, ce qui représente habituellement une valeur de 30 francs. Les femmes des fermiers ont la liberté de glaner derriêre les moiss onneurs, et elles recueillent, dans une semaine de glanage, assez de gerbes pour rendre en grains, après battage, une moyenne de 4 décalitres de froment. Ce froment, vendu 4 francs le décalitre, représente une valeur de 16 francs. Le propriétaire permet aux hommes de faire 8 gerbes de paille longue pour litière du poids de 475 kil.. représentant une valeur de 3f80.
Parmi les subventions dont jouit la famille, on peut noter l'assistance du médecin et les médicaments que la commune, par le moyen des médecins jurés et des pharmaciens auxiliaires, fournit à toutes les familles de travailleurs non propriétaires.
§ 8. Travaux et industries.
Jean et Paul cultivent ensemble une métairie ou enclos situé sur la commune de S. Severo, à 5 kilom. environ du centre habité de Torremaggiore. Cet enclos est de 3 versure (mesure du pays, la versura est de 1e 22r63,68), soit 3k6791,04 de terres ensemencées. La culture est faite au compte personnel du travailleur ou e économie,[224]come on dit dans le pays. Le père et le fils l'ont en location de Fraccacreta, à qui ils paient 80 francs par versura. C'est le propriétaire qui paie l'impôt foncier. Jean, depuis cinq ans à peine. n'est plus un simple journalier, ce qui est le cas le plus ordinaire des laboureurs de la Capitanate. Paul veut prendre avec son père la direction de leur culture et s'élever à la condition des versurieri (on appelle ainsi les petits fermiers de terres à ersra), pour pouvoir honnêtement augmenter ses profits. Le bail est de neuf ans. Les contrats de bail à petits lots tendent à se généraliser depuis quelque temps. parce qu'ils conviennent autant aux propriétaires qu'aux cultivateurs. Ils conviennent au propriétaire parce que, le contrat n'étant fait (ue pour neuf ans et étant donné le peu de fertilité du sol. celui-ci rend davantage par suite des soins que lui donne le paysan et s'épuise moins. Ils conviennent également au fermier, qui peut travailler la terre sans autres bras que les siens et retirer, dans l'espace des neuf ans, l'honnête profit qu'il se promet. Au bout des neuf ans on peut résilier le bail, mais il arrive le plus souvent que le bon cultivateur tient à ses terres et à son propriétaire et qu'il s'engage pour une nouvelle période.
Il est important de mentionner dans le contrat les divers assolements suivants : 1 année, blé dur (triticum durum) ; 2° année, blé tendre (triticum aristatum) ; 3 année, avoine ; 4 année, repos ou jachère morte, la terre devenant ainsi une terre à pàturage (nocchia
Le père et le fils cultivent eux-mêmes leurs terres et font à eux seuls presque tous les travaux de culture. Ils emploient là, en commun, toute leur activité ;les femmes les aident à l'époque du sarclage et du battage des blés, et s'appliquent avec ardeur aux travaux accessoires des champs, comme aux travaux sédentaires de la maison.
Jean et Paul se lèvent, en été, à 4 heures du matin, et à en hiver, selon le besoin. C'est à la culture de leur champ qu'ils passent la plus grande partie de leur temps. En hiver, ils défrichent, sarclent et font les semailles : en été, ils moissonnent et battent le blé. Lorsque le travail leur laisse des jours libres, ils vont en journée, principalement pour la taille des vignes, ou bien Paul confectionne chez lui des corbeilles ou des paniers. IPour cela, il emploie de petites tiges ou scions quiil prend dans le bois communal ou qu'il achète à l franc le paquet.
La mère de famille s'occupe journellement de la cuisine et du soin[225]des animaux domestiques, et elle file la laine en hiver. Sa belle-fille Françoise s'occupe du lavage, de la confection et du raccommodage des vêtements. Elle fait des bas et tisse la laine filée à la maison pendant les soirs d'hiver. Au printemps et en été, les femmes vont avec les hommes dans la campagne pour glaner et battre le blé. En hiver, dans la matinée du lundi, elles vont ramasser des champignons qu'elles font sécher pour les vendre, et, dans le mois de juin, elles cueillent les câpres.
Il reste toujours une femme à la maison ; c'est ordinairement Rose et Joséphine qui s'acquittent des divers travaux du dehors ; les soins de la maternité ne permettent pas à Francoise de s'éloigner de la maison.
A l'époque ou a été faite la présente étude, le fils Joseph était au service ; mais, avant de prendre l'uniforme de bersagliere, il était gardechampetre et gagnait 1f,50 par jour. indépendamment de la redevance que les propriétaires sont obligés de payer et qu'on peut calculer en moyenne à 1 franc par jour.
Mode d'existence de la famille
§ 9. Aliments et repas.
Les paysans de la Capitanate sont, en général, très sobres, en raison du peu de moyens d'existence dont ils disposent. On ne peut mettre en doute que leur nourriture ne soit, eu égard à leurs rudes travaux, peu saine et peu abondante (§ 24).
La famille, qui désire se nourrir suffisamment, sans grandes dépenses, ne mange de viande de boucherie que très rarement, parce qu'à Torremaggiore on ne tue des bœufs que pour les grandes fêtes. On ne trouve ordinairement au marché que la viande de mouton. à laquelle la famille ne tient guère. Le manque de viande comme base d'alimentation journalière ne nuit pas à la santé, prce qu'on la remplace par les produits de la chasse, par les œufs et le lard avec lesquels on assaisonne abondamment les soupes d'herbes. n boit peu de vin.
[226] Le matin, après le lever du soleil, quand la famille est réunie, elle fait un premier repas, qui se compose d'une espèce de gâteau préparé avec du blé grossièrement broyé ; c'est un mélarge qui ressemble à la polenta, mais n'en a pas les inconvénients et qui a tous les avantages du pain.
Quand la famille est séparée, les hommes, aux champs, mangent du pain noir avec des sardines et du fromage (appelé piaa) ; les femmes, chez elles, mangent du pain noir, des fruits secs et des légumes verts. A midi, à la campagne, les hommes font un secon d repas pareil au premier, avec 12 litre de vin en plus. Le dîner, qui est le repas principal, est souvent composé d'une soupe de pâtes avec des légumes verts, apprêtés presque toujours à l'huile. La soupe est le plat le plus copieux, elle est chaude ordinairement ; on mange ensuite un peu de gibier, une friture de légumes à l'huile, ou du fromage avec des eufs, ou bien encore du poisson sec ou salé. Le dimanche seulement, on prépare du macaroni au jus de viande.
La pâte, pour les soupes, est généralement préparée par les femmes à la maison. On fait aussi le pain chez soi, et on le fait cuire au four banal en payant 2 centimes par lilog. Il y a dans la commune neuf fours publics. Le pain de boulanger ou de vente est ordinairement très mauvais. Les paysans font leur pain en quantité suffisante pour la semaine, andis que les familles aisées le font en deux fois.
La table n'est mise que pour le repas du soir, quand la famille est réunie ; les autres repas se prennent sans interrompre le travail. Les jours de fêtes, il n'y a aucune particularité dans les repas de famille: seulement, le jour des fiançailles, quand, pour la première fois, les iancés sont assis à la même table, il est de règle de manger des colombes ; c'est à la fiancée qu'il appartient de servir les hommes et au fiancé de servir les femmes.
§ 10. Habitation, mobilier et vêtements.
La famille habite le rez-de-chaussée d'une maison exposée au midi. à 163 mètres au-dessus du niveau de la mer, dans la rue des Capucins qui est très large. Cette maison a une valeur de 1.500 francs et appartient au curé de Sainte-Marie, qui la loue 125 francs par an. La famille y habite depuis quatorze ans et dépense annuellement 4f 20, en[227]moyenne, de frais locatifs. Vivre constamment dans un centre habité plutôt qu'àproximité des terres que l'on cultive est la coutume universelle des paysans de la Capitanate. C'est une habitude qu'on n'a pu vaincre, en raison de la nature même des campagnes que l'on soumet à la cultureextensive, et qui sont peu boisées, d'un sol complètement uni et tout à fait dépourvues d'eau. Il est dés lors impossible aux paysans d'y avoir leur habitation et de s'y fixer. Ceux qui sont rete nus parleur travail et ne peuvent retourner à la ville passent la nuit dans une cabane construite au centre des terres qu'ils cultivent.
La maison habitée par la famille est composée de trois pièces. On entre d'abord dans une pièce qui sert tout à la fois d'étable, de poulailler et de cuisine, puis dans une autre, de 8 mètres sur 12, qui est la chambre des parents ; Joséphine couche dans une soupente faite à mi-hauteur de cette pièce et occupant la moitié de sa largeur ; on y accède par un escalier mobile. Dans la dernière pièce, de 7 mètres sur 13, sont logés Paul et Françoise. La famille vit ordinairement dans la pièce du milieu; c'est le lieu de réunion, on y travaille et on y mange. n hiver, on établit le métier à tisser dans la chambre de Paul, qui sert aussi de dépôt pour les provisions de l'année.
Les outils de travail et la paille pour les animaux sont remisés dans la première pièce.
Meubles. peu nombreux et sans caractère distinctif............ 384f10
1° Lits. — 1 lit à deux places pour Paul, 28f00 ; — 1 lit à deux places pour Jean, 12f00; — 1 petit lit pour Joséphine, 4f00; — 2 grandes paillasses de feuilles de mais et une petite, 24f30: — matelas de laine et d'étoupe, 90f00; — 3 couvertures blanches, 35f00; — 2 couvertures de coton, 46f00; — 2 petites couvertures. 8f00; — oreillers, 3f00 ; — 2 garnitures de lit en mousseline blanche et de couleur, 5f80. — Total, 256f10.
2° Mobilier des chambres et de la cuisime. — 1 commode, 25f00 ; — 4 caisses de bois peint, 24f00; — 2 caisses plus petites, 6f00 ; 2 tables, 12f 00; — 1 armoire. 16f00; — 1 console, 6f00 ; — 10 chaises, 12f50 ; — 4 autres chaises faites par Paul, 4f00; — 1 porte-plats. 3f00 ; — 1 échelle de bois, 3f00. — Total. 111f50.
3° Livres. — Livres et images, objets de piété. 16f50.
Ustensiles : en quantité suffisante. C'est une vanité, chez les paysans du pays, d'avoir une belle batterie de cuisine en cuivre dont ils ne se servent pas, mais qu'ils tiennent très brillante et exposent aux regards des passants contre le mur intérieur de leur maison. La famille, malgré son goût pour les objets de cuivre, ne possède qu'une grande chaudière pour la lessive............ 50f 80.
1° Servant à la préparation, à la cuisson et à la consommation des aliments. — 4 pots et 2 plats en terre cuite, 2f20 ; — ustensiles pour la pàte et les macaronis, f0: — 1 poêle[228]pour friture. 1f50 ; — 2 grands plats. 1f50; — 18 plats moyens et petits, de terre glaise, 3f25:. — objets divers de fer et de bois pour la cuisine, 1f20; — 1 cuche pour l'huile. 0f45;— 2 bouteilles. 0f60 ; — 1 saliére, 0f15 ; — 8 fourchettes et cuillers, 1f20 ; — 2 couteaux. 1f50. — Total, 23f05.
2° Employés pour l'éclairage et le chauffage. — 1 lampe à pétrole, 2f50; — 1 lampe à huile en cuivre, 3f25 ; — 1 trépied. 1f25 ; — 2 chenets de cheminée, 1f00; — 1 brasier en bois enduit de chaux, 2f25: — pincettes, 0f75. — Total. 11f00.
3° Ustensiles divers. — 1 cruche de terre pour transporter et conserver l'eau, 1f25; — ustensiles pour le lavage des toiles, 6f00; — objets en roseau de forme cylindrique pour la conservation du blé, 3f00 : — objets personnels de toilette et de propreté, 6f50. — Total, 16f 75.
Linge de ménage ; assez modeste et provenant en presque totalité du tissage domestique ; gros et solide. Chaque année, la famille achète, en mai et juin, une quantité convenable de laine et de lin, et en septembre du coton, que les femmes filent et tissent en hiver. Le tissage, à Torremaggiore, est une industrie domestique, et bien peu de femmes tissent pour la vente. Le linge que possède la famille représente une valeur de............ 226f 50.
1° Linge domestique. — 6 paires de draps, 56f50 ; — 2 paires de draps plus petits, 12f00; — 1 paire de draps 1ins et 2 oreillers, 30f00: — 1 couverture blaunche tissece à la maison 27f00; — 6 essuie-mains, 3f00. — Total, 125f50.
2° Trousseau de Joséphine. — 2 paires de draps, 2 oreillers, 1 couverture, 4 essuiemains, 6 chemises, 6 calecons, 2 serviettes. 101f00.
Vêtements : les vêtements ne présentent rien de particulier. Les hommes portent la chemise avec un large col se rabattant sur le gilet ; les femmes, les jours de fête, ont la jupe rouge et une coiffure spéciale, avec des cheveux postiches couverts d'un foulard de couleurs voyantes. Les hommes gardent le gilet et restent en manches de chemise. Les femmes, qui portent les manches très larges, les retournent avec une grâce particulière jusqu'au coude, ou bien elles enilent de petites manches très étroites, de la même couleur que le corsage, qui sont retenues aux épaules avec de petits rubans de couleur. Les hommes ont en hiver le manteau rond en drap, le chapeau de feutre souple, au fond bas et aux bords étroits. Le tout d'une valeur de............ 498f 47.
VÊTEMENTS DES HOMMES (père et fils) (226f00).
[229] VÊTEMENTS DU FILS SOLDAT (12f50).
12 paires de bas de coton, 4f50; — 4 paires de caleçons, 3f00 ; — 4 mouchoirs. 1f50: — divers. 3f50.
VÊTEMENTS DES FEMMES (166f 60).
1° Vêtements du dimanche. — 1 veste de mousselne à raies vertes et 2 vestes rouges, 16f00 ; — 4 jupes. 3 blanches et 1 noire. 12f 00 ; — 2 paires de manchettes. 4f00; — 3 foulards, 12f 00: — 4 chemises de toile, 24f50 ; — 3 paires de chaussures, 18f00: — 6 paires de bas, 11f00. — Total, 97f 50.
2° Vêtements de travail. — 3 vestes de coton. 13f00: — 3 jupes en tissu trés gros, 5f50 ; — 3 tabliers, 2f50; — 2 corsages, ditsfascette, 4f 00 ; — 6 chemises, de toile domestique. 24f00; — 6 petites chemises, dites camtpanelle, 7f50; — 3 paires de bottes, 3f60 : — 6 paires de gros bas, 6f00; — 3 cols, 3f00. — Total, 69f 10.
VÊTEMENTS DE L'ENFANT (10f78).
3 chemises, 1f50: — 2 petites vestes. 3f 00: — 6 paires de bas, 2f00; — 2 paires de chaussures, 2f00 ; — effets divers, 2f28.
Bijoux (82f 59).
2 paires de boucles d'oreilles en or, 28f00 : — 2 colliers de corail, 32f 00 ; — 1 collier de nacre de perles. 9f00 ; — 2 paires de boucles d'oreilles en aragent, 5f00 : —— peignes, épingles et autres objets, 8f59.
Valeur totale du mobilier et des vêtements............ 1.159f 87.
§ 11. Récréations.
La famille ne prend pas de divertissements particuliers. En été, c'est la coutume, chez les paysans, de se réunir, parents, amis, voisins, sur l'aire ou l'on a battu le blé, et là, après avoir fait un copieu repas de macaroni accompagné de bon vin. on se met à danser avec frénésie au son du chalumeau et de la guitare. Les musiciens sont des gens du même pays qui vont d'aire en aire, lorsque le battage est achevé ; ils prennent part au dîner avec les paysans et reçoivent ensuite une rémunération d'un 1/2 décalitre de blé.
Pendant le reste de l'année, les hommes vont, notamment le dimanche, sur la place de la commune et causent longuement des intérêts agricoles, ou des derniers événements. Le dimanche soir, Paul a l'habitude d'aller au cabaret, ou il fait avec ses amis une partie de tocco. jeu très simple. Deux d'entre eux, sur lesquels le choix est tombé, commencent à jouer à pair ou impair, se disputent le gain en 3 ou 5 parties ; le perdant continue avec un troisième joucur toujours à pair[230]ou impair, et ainsi de suite à la ronde. Le dernier perdant paie pour tous et ne boit pas. Ce jeu a des inconvénients, quand les joueurs boivent beaucoup mais habituellement, dans une réunion de sept paysans, on ne dépasse pas la consommation de 2 litres 1/2.
Les fêtes de famille sont les fêtes religieuses locales et celles de S. Severo et de Foggia, où l'on va toujours pour entendre un peu de musique.
Aucun membre de la famille dont nous parlons ne prend part aux jeux de hasard, si ce n'est Rose, qui ne peut perdre l'habitude de jouer à la loterie, passion commune aux femmes de la Capitanate et qui absorbe tant d'argent que l'on pourrait mieux employer, ou tout au moins appliquer à des économies. Chaque semaine, en jouant ses numéros et en dépensant 36 ou 58 centimes, elle se berce de l'espoir de gar gner : espoir qui ne s'est réalisé qu'une fois, où le jeu lui a laissé un gain de 155 francs.
Les travaux accessoires sont aussi pour les femmes une occasion de divertissements, principalement lorsqu'elles se réunissent avec les voisines et qu'elles vont à la recherche des champignons ou à la cueillette des câpres.
La fête du Statut (lo statut, donné par le roi Charles-Albert en 1848 est fiée au 1 dimanche de juin et peu observée par les paysans ; il n'en est pas ainsi de celle du 20 novembre, fête nationale en l'honneur de la reine Marguerite de Savoie, parce que ordinairement c'est le 2 que commence l'époque des semailles, et on est persuadé que les champs ensemencés l lendemain de la fête de la reine seront ceux qui produiront le plus et qui ne seront pas endommagés par la grêle, ou brûlés par la sécheresse.
Histoire de la famille
§ 12. Phases principales de l'existence.
L'existence de la famille ne présente aucun fait à signaler. Jean est né à Torremaggiore, d'un agriculteur journalier ; il a vécu lui-même longtemps comme journalier. Son existence a été simple et tranquille,[231]toute la famille étant d'une nature paciique. La vie des agriculteurs journaliers n'offre rien de remarquable : leurs jours s'écoulent réguliers et monotones, sur les lieux où leurs aieux ont vécu et où les enfants naissent, vivent et disparaissent. Les fils ne connaissent pas de meilleure vie que celle que leur père a menée ; dès leur jeune âge, ils le suivent dans les champs, l'aident dans la culture, grandissent en se formant à ce travail, et il est bien dificile de trouver un artisan qui ait pour père un campagnard. Il est donc naturel que Paul ait suivi le même genre de travail que son père et qu'il vive avec lui. Il est à noter cependant qu'à la mort du père les enfants devaient, selon la loi, partager ses biens par égales parts ; mais la famille D*** s'est soustraite à cette disposition. Jusqu'à présent, les biens qui constituent le patrimoine étant seulement mobiliers, les enfants se sont conformés à la tradition domestique en vivant en commun avec leur grand-père ; à sa mort, c'est à l'aîné survivant que reviendra la direction de la maison. C'est grâce à cela que Jean a pu, avec l'aide de son frere lEmmanuel, et ensuite de son fils Paul, de simple journalier devenir fermier. Dans ces conditions il a prospéré. La première année, il a dû recourir à un prêt de 500 francs, qu'il a renouvelé à 400 francs la deuxiême et la troisiême année, qu'il a depuis réduit à 300, et qui ne sera plus cette année que de 200.
Quant aux femmes, qui toutes vivent dans la maison, elles contribuent par leur travail au développement de l'aisance domestique. Lorsqu'elles se marient, elles apportent un trousseau dont l'ensemble n'atteint pas 500 francs, en y ajoutant même les économies que l'on a lentement accumulées dans ce but, ou l'argent que l'on a pris à crédit pour le dissiper ensuite entièrement.
Personne, à proprement parler, n'émigre de Torremaggiore ; par suite aucun changement n'est apporté à l'existence des agriculteurs. l y a pourtant une émigration particulière qui fait le plus grand tort aux intérets des meilleures familles agricoles (§ 26).
§ 13. Mœurs et institutions assurant le bien-être physique et moral de la famille.
La famille ne compte que sur son bon ordre intérieur, son activité constante, l'excellente constitution de chacun de ses membres et leur[232]honnêteté, pour faire face aux difficultés inhérentes à la vie des ouvriers agricoles de toute la province de laCapitanate. Elle ne fait partie d'aucune société de secours mutuels ni d'assistance publique. Jean cependant est inscrit à la confrérie de anta Maria della Strada, qui donne droit à la sépulture gratuite pour tous les membres de la famille et à la messe solennelle de ldepuiem le jour des Morts. La rétribution est de i francs par an.
A Torremaggiore, il n'existe pas d'institutions pour assurer le bien-être des familles ouvrières. En 1884, les pays ans s'étaient constitués en société de secours mutuels ; ils étaient 300. Mais en 1885 (4 mai), comprenant mal le but de l'association, ils se révoltèrent en masse contre la municipalité et réclamèrent la distribution gratuite des biens du Domaine. Ils en vinrent à de tels excès qu'il fallut, par ordre préfectoral, dissoudre la société et tenir, pendant longtemps, à Torremaggiore, un renfort de soldats pour protéger l'ordre public.
Ils avaient tort d'agir ainsi, car on peut dire qu'en général, à Torremaggiore, le paysan vit sobrement. Dans les cas extrêmes où il est nécessaire d'emprunter pour les besoins de l'agriculture, comme les établissements de crédit agricole manquent complètement, il faut recourir aux usuriers. De là, le commencement de la ruine. Si l'emprunt est fait pour subvenir à des besoins personnels, on ne le trouve encore que chez l'usurier, à brève échéance et au taux de 10 centimes d'intérêts par mois et par franc, ce qui fait 120 4 par an. Si au contraire le pret est consenti pour un an, avec la garantie des fruits à récolter et la signature du propriétaire, l'intérêt varie de 15 à 20 . Cependant, Jean n'a jamais eu recours aux usuriers, mais, tant par la situation qu'il occupe que par la confiance dont il jouit, il a obtenu trois fois, de la Banque agricole et commerciale, des prêts à l'intérêt de 6 .
La banque agricole et commerciale, qui a, aujourd'hui, un capital nominal et souscrit de 100. 000 francs, et qui opère sur un actif de 436.203f 19 et un passif de 424.981f 30, a été fondée par un syndicat de petits propriétaires qui la montèrent paractions de 50 francs. On vit, des lors, disparaître ces prèts onéreux faits parles grands propriétaires ou les usuriers, ainsi que les difficultéss qui se rencontrent dans les grandes banques pour contracter un emprunt. Cette maison fait un crédit de t6 mois avec garantie de deux signatures ; l'intérêt est de 6 1 2 ; en cas de renouvellement, il s'élève jusqu'à 7 . En 1887, la bque avait fait 53 opérations en lettres de change pour une[233]somme de 324.254 francs, dont 97 pour 104.016 francs avec les agriculteurs, et 448 anticipations pour 16.804f 73.
Pour venir en aide aux cultivateurs pauvres de la commune, il y a un Grenier à blé (dit lonte frumentario), qui a été créé en 1858, renfermant un capital en marchandises de 6.764 francs. Les paysans participent aux bénéfices qu'on en retire. Ils reçoivent du blé en prèt pour leurs semences et leur nourriture, et le rendent, en août, avec l'augmentation de une mesure et demie par tomodo (mesure de capacité correspondantà l hectol. 86), soit i. Paul a, dans cette sorte demont-de-piété, un crédit de 18 hectolitres, dont I environ servent à la semence, et le reste à la consommation de l'année, moitié en décembre, moitié en mars. Il est à remarquer que l'oncle Emmanuel a reçu, la première fois, de cet établissement un prêt de 3 décalitres, chiffre qui sest élevé par la ponctualité avec laquelle mmanuel d'abord. et Paul ensuite, se sont annuellement acquittés de leur dette. Deux des administrateurs de cet établissement sont ommés par la municipalité et deux par le conseil provincial. L'un de ceux que choisit la commune est président et doit fournir un cautionnement.
D'autres établissements publics ont été fondés pour le bien-être des paysans. L'Association charitable (la Congregaione di Cariti), admiunistrée par cinq personnes, donne des secours en argent aux malades des familles pauvres, et, dans les moments de crise, aux prolétaires les plus besoigneux. Un hôpital, possédant huit lits, même 16 au besoin, placé dans le local d'une abbaye, sert aux malades pauvres. Cn asile de mendicité pour les vieilles femmes soulage beaucoup de misères. Les personnes qui y sont reçues recoivent chaque année, à la fête du Statut, un vêtement neuf; elles sont obligées de travailler et, quand elles ne le peuvent pas, elles sont nourries au moyen d'aumônes faites par la commune. La municipalité accorde aux femmes en couches, jusqu'à leurs relevailles, un léger subside personnel, et quelquefois, quand il est bien démontré qu'elles ne peuvent allaiter leur enfant, elle paie les frais de nourrice.
Pour l'instruction et l'éducation des enfants du peuple, 14 écoles élémentaires ont été établies : 8 pour les garçons et 6 pour les filles. Elles sont fréquentées par 1.453 enfants, dont 950 garçons.
Il serait désirable qu'il y eût des écoles du soir ou des cours le dimanche pour ceux qui ne peuvent suivre les classes ordinaires.
Éléments divers de la constitution sociale
FAITS IMPORTANTS D'ORGANISATION SOCIALE;
PARTICULARITÉS REMARQUABLES;
APPRÉCIATIONS GÉNÉRALES; CONCLUSIONS.
§ 17. SUR QUELQUES FAITS RELATIES A L'HISTOIRE DE TORREMAGGIORE.
[247] L'histoire ne fait pas remonter l'origine de Torremaggiore au delà de l'an 1000. En 1060, cette ville était comprise dans l'abbaye des Bénédictins, et son abbé étant allé, à cette époque, à remiti, avec l'abbé de Montecassino et les évêques de 'roja, Dragonara et Civitate. pour y déposer l'indigne abbé Adamo de Tremiti, il en résulte que 'Torremagggiore devait avoir pris naissance bien avant 1060. Son nonm lui vint depuis, soit de la tour de l'abbaye, soit de ce que c'était l'enceinte la plus fortifiée des régions d'alentour, comme les tours de Fiorentino, de Dragonara ou d'autres semblables. Cette enceinte est encore visible, et le magnifique palais ducal, bàti en château fort, avec ses tours crénelées et les fossés larges et profonds qui l'entourent. rappelle l'ancienne domination féodale.
Torremaggiore fut d'abord un fief du célèbre monastère des Bénédictins, connu sous la dénomination de Saint-Pierre et Saint-Sévère. et devenu la propriété des 'empliers au temps de Charles I. En 1307. lors de la suppression des ''empliers, le monastère fut réduit à n'ètre plus qu'une comande et les droits féodaux furent transportés dans les commanderies. Ces commanderies furent d'abord ecclésiastiques. mais l'usage s'étant ensuite introduit d'y appeler même les laiques méritants. Alphonse e d'Aragon fit don de ces commamdes et des droits féodaux à la famille Di Sangro. En 1497, le roi rrédéric les conféra à tGonsalve, le grand capitaine : les Di angre, qui en furent[248]dépouillés alors, les recouvrèrent sous Ferdinand le Catholique et les transmirent à leurs descendants.
§ 18. SUR L'ÉCHIQUIER DES POUILLES ET LE PATURAGE.
On appelle dans les Pouilles, et spécialement dans la Capitanate, Echiquier (tvoliee) des Pouilles, une étendue plane de 300.000 hectares environ. Les grandes cultures de céréales et les pâturages du centre de l'Apennin méridional, où les bestiaux trouvent en hiver des prairies et un climat tempéré, sont la caractéristique de l'agriculture dans les Pouilles, et la vitalité de cette organisation est la base de toute l'économie de ce pays.
L'Echiquier fut à l'origine une seigneurie et il l'a été longtemps. Il remonte aux temps des Romains, qui, après les ravages de la conquête et de la guerre, destinèrent ces immenses plaines au ravitaillement des entrepôts publies de fourrages réservés aux bestiaux des régions supérieures. Guillaume le Mauvais, puis les rois de Souabe, les Angevins, les Aragonnais. transformèrent peu à peu la législation rurale à l'usage de ces terres, qui furent soumises à une juridiction spéciale, nommée ˉDouane de l'Etat, et qui eut son siège d'abord à Lucera et ensuite à l'oggia. De cette juridiction spéciale (a. 1468) surgit, dans l'Echiquier, un système particulier de pâturage qui finit par déterminer la pâture forcée, et pour l'agriculture un régime analogue, prohibitif. En effet, aucun éleveur ne pouvait, de septembre au S mai, se dispenser d'envoyer ses troupeaux paitre dans l'Echiquier, et ce, moyennant une redevance ou taxe correspondante, variable chaque année. En outre, aucun propriétaire de pàturages. sur les territoires non compris dans la seigneurie, ne pouvait les louer sans le consentement de la Douane, qui, le plus souvent, les afermait elle-même directement, pour les distribuer ensuite aux bergers. On détendit également, pour que le paturage ne vint pas à manquer. toutes cultures dans les terres fermes. Les terres propres à être ensemencées furent laissées à part, et on en donna la jouissance ux propriétaires, mais avec une servitude de pacage pour les terres que l'on soumettait à de nouvelles cultures. On tolérait, avec de grandes et nombreuses difficultés, quelquecs plantations d'arbres ou de plantes arborescentes, ainsi que la clôture des propriétés. On en vint jusqu'à[249]déterminer la forme de la charrue, alin qu'elle n'extirpât pas, avec des socs trop longs, les racines de l'herbe des prairies.
On donna force de loi à ces injonctions par l'institution d'une magistrature spéciale en faveur de tous ceux qui dépendaient de la Douane, avec attribution de juridiction pour toute action, civile ou pénale, à l'intérieur comme en dehors du territoire de l'Echiquier. Toutes choses qui, en ces temps de facile domination féodale, contribuaient à accroître le nombre des pasteurs et des agriculteurs de ces terres.
De la loi des Aragonnais à celle du 2 mai 1806 se manifesta la tendance à constituer les terres de l'Echiquier en plusieurs colonies et à les affranchir de toutes les entraves et servitudes dont elles étaient grevées. De 1806 à la loi du mars 1871, on confirma, définitivement. le droit de la concession coloniale par une emphytéose perpétuelle et, sans rien enlever au trésor, on songea à donner aux emphytéotes et aux pasteurs la facilité d'aunéliorer les terres, les pâturages et les produits du sol.
Les lois des 26 février 1865, 7 juillet 1868, 7 ars 1871, abolirent les servitudes édictées par la loi du 13 janvier 1817. Le gouvernement domanial de l'Échiquier fut converti en un crédit hypothécaire privilégié sur les censitaires, formant un capital de 22 fois la redevance, payable en 1 parts annuelles, avec intérêt de à partir du 1ee janvier 1872, en réservant à chacun la faculté de se libérer en rente publique au taux nominal. On abolit également tout autre droit de pacage estival et automnal en commun.
La conséquence de ce système forcé exercé sur les terres fut la transformation de l'industrie des pasteurs qui devinrent émigrants, car. les tratturi (§ 1) ayant été maintenus tant que le besoin s'en est fait sentir, il en est résulté le maintien de l'usage des pacages libres et des émigrations périodiques. En effet, en septembre et en octobre, les troupeaux qui descendent des hauteurs de l'Apennin viennent s'établir dans les plaines de l'Eehiquier, où ils restent jusqu'au mois de mai. Les tratturi continuent encore à être les voies principales de communication entre l'Echiquier et les provinces de Capitanate. de Molise, la Terre de Labour et les Abruzes, pour le passage des animaux. Ces tratturi. larges de 111m,11. forment, seulement dans la province de Capitanate, une superficie en hectares de 4.123 36° 30, qui représentent une valeur de 2.247.276 francs.
L'existence de ces tratturi donne lieu à des usurpations et à des[250]empiétements continuels de la part des propriétaires voisins, mais il est impossible d'éviter ces inconvénients. La loi d'affranchissement de 187 prohiba l'aliénation de ces routes ain d'en perpétuer l'usage car leur disparition entraînerait celle des pâturages. Il n'est ni prudent. ni efficace de faire cesser un état de choses qui dure depuis des siècles. et auquel on ne pourrait assurément substituer des conditions toutes nouvelles, pour ne pas dire inconnues, sans une préparation convenable, et l'art pastoral doit rester la base de l'agriculture des Pouilles et des pays de montagnes. Ce serait donc une faute de ledétruire, mais il importe grandement de l'améliorer en modifiant un système d'émigration qui n'est plus en harmonie avec les progrès du temps et l'état nouveau du pays.
L'industrie pastorale fait la richesse agronomique des Pouilles : on prend sur tous les marchés la laine de ses mérinos et les excellents produits de ses troupeaux.
L'analyse de ce que coûte un troupeau de 1.000 rebis a montré que les frais sélêventà 94,12 pour100 du produit brut ; le profit serait donc de 5,88 p. 100, en calculant au minimm les intérêts et les frais, ainsi que le prix des produits, d'aprés les moyennes les plus favorables. Ce mince profit disparaîtra quand les produits diminueront, ou que les frais augmenteront, pour cause de sécheresse ou pour une autre raison quelconque. Le compte alors se clôturera par des pertes °t, pour maintenir l'industrie, il faudra entamer le capital, c'est-a-dire vendre une partie du bétail producteur. Dès lors, il serait utile d'assurer cette industrie contre l'éventualité des frais imprévus et des pertes d'animaux auxquelles elle est sujette. par suite surtout des longues et pénibles émigrations, soit en répartissant les pàturages suivant leur nature, soit en perfectionnant le produit des troupeux. Pour parer aux obstacles qui s'opposent à la conservation des animaux, il faudrait, d'une part. améliorer les routes et les moyens de transport par voies ferrées ; et, d'autre part, constituer la propriété privée ; car, dans les Pouilles et la Capitanate, la terre se trouve presque tout entière en la possession des communes. des établissements religieux et autres, et ne peut tendre à s'améliorer. Cette amélioration progressive ne saurait en effet résulter que de l'intérêt particulier et des avantages personnels et exclusifs que procure seule la propriété individuelle.
n outre, il convient d'accroître, le plus possible. le crédit applicable aux troupcaux, pour cmpecher les abus résultant d'une[251]usure excessive, car l'argent prêté sur les troupeaux atteint 10 2 d'intéret et quelquefois 1 4 par mois, ou 2 et même 4 par tri
§ 19. SUR L'AGRICULTURE ENTENSIVE.
Après l'industrie pastorale, l'économie des Pouilles puise sa fécondité dans l'agriculture extensive. L'agriculture de l'Échiquier, considérée sous le rapport de la culture des végétaux, est restée stationnaire et tout à fait primitive ; elle continue d'être le grenier de l'alie, mais, en dehors des grains et des autres produits similaires, on ne peut rien en tirer.
L'étendue des terres ensemencées, dans la province de Capitanate seulement, s'évalue en hectares à 124.112; on estime leur produit en blé à 1.084.709 hectol., en avoine à 828.429 hectol., en légumes à 68.720 hectol. La culture en grand prédomine ; les grandes cultures varient entre 100 et 500 hectares, il y en a même qui dépassent 1.000 hect. Les propriétés de moyenne étendue mesurent de 10 à 50 ect. Foggia, dans la Capitanate, compte le plus de grands fermiers, et dès lors comprend les plus vastes cultures. Il y a, en effet, dans toute la province, sur 2.150 agriculteurs : 1.549 fermiers, soit une moyenne de 44, par 10.000 habitants ; 503 propriétaires dont l'industrie ne s'exerce pas seulement sur leurs propres fonds. et dont la moyenne est de 1 4,3 par 10.000 habit. ; 98 colons formant une moyenne de 2,7 par 10.000 habit.
Il résulte de ces chiffres que le système du fermage prévaut sur la culture directe du propriétaire et sur le système de colonat partiaire. Certainement, aujourd'hui l'etension des propriétés affermées doit avoir une notable influence sur le développement de l'agriculture. l.e capital est ordinairement d'autant plus productif que sa destination est plus assurée, et par suite ses opérations industrielles ont une action d'autant plus éncrgique que la stabilité et la sécurité augmentent.
Dans la Capitanate, le capital foncier, considéré commevaleur locatice, est d'une mobilité extraordiunaire. Le prix des fermes varie d'un lieu à un aulre, non seulement selon les terrains, mais aussi d'après ladurée de la culture, c'est-à-dire suivant qu'elle est faite sur des terres[252]nouvellement défrichées, ou sur des terres en repos depuis plusieurs années, ou encore suivant qu'il s'agit de cultures à longue période.
La location est ordinairement de courte durée. Celle des métairies (asserie) (on entend ainsi un terrain labourable inférieur à 100 hect., avec petite construction au milieu) ne dépasse guere neuf années. Leur prix qui, de 52 francs l'hect., atteignait jusqu'à 150 francs, tant pour les terres arables que pour les prairies, est compris maintenant entre 40 et 120 francs, et les intérêts sont des cendus de 6 4 à 3 12 ou 4 . Avec une telle incertitude dans les fermages et le peu de durée des baux, on ne peut espérer que l'agriculture trouve les capitaux qui lui sont nécessaires. En outre, le revenu des capitaux fonciers étant d'une réalisation lente et éloignée, on préfère naturellement l'augmenter au moyen de cultures spontanées, ou mélangées et alternées d'une façon irrationnelle. au détriment de la fécondité du terrain, à la conservation duquel on n'a aucun intérêt. Il est aussi évident que, par suite des baux à courte durée, bea ucoup de métairies restent sans être louées.
Les propriétaires qui ne peuvent améliorer leurs terres, ou qui ne eulent pas les cultiver eux-mêmes, devraient changer de système et louer pour un plus grand nombre d'années, ce qui pourrait les déterminer à faire des contrats avec périodes progressives.
Tout cela dépend également de raisons particulieres. Il n'existe pas dans la Capitanate une véritable classe de paysans, car nous n'apper lons pas de ce nom tous ceux qui travaillent les champs à l'année, au mois ou à la journée. S'ils n'ont pu s'attacher à la terre, c'est en raison de la vie nomade qui leur est faite, ou bien à cause du peu d'habitations fermières, ou par suite du manque absolu de petites fermes ppartenant à des paysans. Le bail avec les colons partiaires constitue une exception, et sa durée ne se prête point d'ordinaire à des périodes fixes, car le plus souvent, selon le bon plaisir du propriétaire. il se renouvelle chaque année. Dans la Capitanate, il y a beaucoup de gros fermiers, mais les grands propriétaires qui cultivent eux-mêmes leurs terres et les font valoir directement sont peu nombreux. I'avoncelli fait exception.
Ce triste état de choses est le résultat de la division de la propriété et tient au caractère de son économie rurale. A mon avis, ce qui retarde actuellement les progrès de l'agriculture, e'est surtout l'absentéisme des propriétaires, qui abandonnent leurs terres pour jouir de leurs revenus dans l'oisiveté énervante de la ville.
[253] Déplorable système, qui agrandit la plaie de plus en plus et détruit l'efficacité des progrès agricoles, notamment dans les vastes posses
§ 20. SUR L'AGRICULTURE INTENSIVE.
Depuis quelques années on commence à généraliser les locations de longue durée, dites d'amendement, sans excéder de vingt-sept à trente ans. Ces locations sont à petits ou à grands lots. Dans le premier cas. c'est l'agriculteur qui s'engage directement vis-à-vis du propriétaire à améliorer ses terres avec ses propres capitaux ; dans le second cas. e'est-a-dire quand il s'agit de grands domaines, le fermier-maître n'est pas seulement un chef d'entreprise qui répartit les terres entre les colons, en en retirant presque toujours un gros profit, mais il reste lui-même personnellement responsable envers le propriétaire. Ainsi. dans la Capitanate. on défriche tous les jours de vastes étendues de terrains, avec lesquels on constitue une catégorie fort utile de petites et de grandes fermes, au réel avantage de la production et de la richesse du pays. De la sorte, au moyen du contrat d'amendement. meilleur que le système du métayage, on arrive à rapprocher le laboureur du propriétaire.
Dans ce genre de contrat, le propriétaire cède la jouissance de ses terres au colon qui s'oblige à les appliquer à la culture intensive de la vigne, pour un laps de temps de trente ans.
La première année, le propriétaire construit sur le fonds les hâtiments ruraux nécessaires, et le fermier plante les vignes. La culture des plantes potagères est autorisée pendant deux ans ; le produit de eur vente reste tout entier au colon. et le propriétaire doit supporter les charges foncières. Les années suivantes commence pour le laboureur l'obligation de payer une redevance qui augmente jusqu'à la dixième année et qui, à partir de cette époque. reste au même taux jusqu'à la vingt-cinquième année. Ensuite, pendant cinq ans. la redevance diminue en faveur du colon, qui par contre ne doit pas, dans ces cinq dernières années, se départir du système de culture prescrit par le patron. Après la trentième année, le contrat est dissous et le fond amélioré reste au propriétaire. Un nouveau bail règlera les droits du laboureur et du propriétaire.
Le contrat des métairies tend aussi à prendre de l'extension, au point de vue de la culture des grains. Dans un bail passé entre le Cav[254]Laviello et Vito Corvino d'Ortanova, on lit les stipulations suivantes :
« Art. 4. —... A dater de l'année de bail 1888-89, les clauses suivantes seront en vigueur jusqu'à la fin du bail.
« 1° Les frais de culture et de récolte des fruits seront à la charge eclusive du métayer Corvino.
« 2° Les semences seront fournies, en parties égales, par le colon et par le bailleur.
« 3° Les fruits... seront également divisés entre lemétayer etle bailleur.
« 4° Sur la moitié de ce qui reviendra annuellement au métayer, il sera prélevé et retenu par le bailleur de quoi pourvoir à la moitié des semences que le colon devra faire l'année suivante.
« 5° La paille récoltée annuellement restera surle fonds, dans le local destiné à la recevoir, et servira aux animaux employés à la culture.
« En cas d'excédent, sur l'estimation de l'un et de l'autre des contractants, cet excédent sera laissé à la libre disposition du métayer.
« La dernière année, il sera divisé en parts égales.
« 6° La disposition de l'art. 1653 du Code civil est facultative pour le bailleur, qui a le choix de garder, ou non, le métayer: pour celuici, la continuation du bail est obligatoire ;...
« Art. 5. — Pendant toute la durée du bail, la culture sera faite selon les règles de l'art; toutes les terres louées seront divisées en trois parts, dont, chaque année. l'une sera ensemencée de blé, l'autre d'avoine ou d'orge, et la troisième mise en jachère.
« Art. 6. — Dans la dernière année du bail, les jachères resteront au profit du bailleur, qui devra payer au métayer la moitié de leur valeur...
« Art. 8. —Afin de venir en aide au métayer, le hailleur lui donne un hcctare de terrain pour y établir un jardin potager, ou y cultiver tout ce qui pourra lui être utile, avec jouissance exclusive dudit terrain, et sans aucune participation de la part du bailleur. »
Dans toute la province de la Capitanate, de 1884 à 1889, on avait donné, dans 5 communes, en contrats d'amendement. 3.740 hectares à 18 colons ; et, dans 12 communes, comme métayages, 1.365 hectares a 79 colons. C'est bien peu; mais les obstacles qui s'opposent à l'extension de la culture intensive proviennent, non seulement de raisons économiques, mais encore de raisons d'ordre géologique. La majeure partie de l'Echiquier et de la province de la Capitanate n'est riche en humus que dans les terres avoisinant les marais. Ailleurs. la couche végétale est légère et dépend de l'existence d'une couche calcaire assez friable, composée de bancs sableux, de peu d'épaisseur.[255]qu'on appelle croête. Le défrichement est en général très onéreux. ainsi que la culture des plantes arborescentes, et en particulier celle de la vigne. Il faut ajouter que l'Echiquier manque d'eau, et que les puits artésiens ne pourraient en fournir.
On a soumis au Parlement le projet de l'ingénieur ampari, en vue d'amener de l'eau dans la Capitanate et de permettre l'irrigation des terres. C'est alors seulement qu'on arriverait à varier la culture intensive, à augmenter le prix des terrains et par suite la valeur du sol.
§ 21. SUR L'ORGANISATION DE LA PROPRIÉTÉ.
L'organisation et la division de la propriété rurale dans la Capitanate sont une cause de stagnation pour le progrès agricole.
Les propriétés rurales des communes et celles des autres administrations sont considérables, mais les svstèmes d'aménagement collectif y sont désastreux. Le tableau suivant fait voir quelle quantité de biens restent en dehors de l'action vivifiante de la liberté et de l'intérêt individuel. éléments essentiels de la propriété, et combien il est dès lors nécessaire de procéder à leur aliénation par petits lots, pour appliquer à leur culture respective la plus grande somme d'activité.
[256] L'application la plus efficace du principe consistant à vendre ou à réunir, en parties distinctes, les propriétés rurales des communes et du Domaine, qui donnent par hectare un rendement locatif ou emphytéotique minime, a été faite dans la Capitanate par la loi du 2 aout 1806, qui a détruit la féodalité. D'après cette loi, le fonds des 1ief abolis restait au possesseur et tous les droits et usages exercés sur eux par les populations étaient maintenus.
Les fiefs, comme on le sait, étaient une concession du prince, qui transférait au feudataire le domaine utile, sans toutefois l'affranchir des scrvitudes dont il était grevé en faveur de la population. Mais comme, depuis la loi d'abolition de la féodalité, l'exercice des droits d'usage civique n'était pas compatible avec la loi du 1 septembre 1806.
Les domaines de toute nature seront, en proprieté ˉlibre, partagés entre ceux à qui ils appartiendront, en assignant aux communes la moitié, le tiers, le quart ou toute autre partie des terres du Domaine à partager les plus voisines des habitations, pour les répartir entre tous les citoyens. moyennant une redevance annuelle. »
Des décrets apportêrent successivement diverses autres dispositions, et il fut notamment constitué une Commission féodale pour résoudre toutes les discussions entre les ex-baronnies et la population. Toute confusion fut interdite: grà̂ce à cette restriction, les terres domaniales ne se confondirent pas entre leurs propriétaires et les communes, soit qu'elles provinssent des anciennes baronnies ou des anciennes églises ; elles furent exclues de la subdivision des terres assignées aux communes, tant qu'on les jugea nécessaires au pâturage, à la coupe des bois et à d'autres besoins essentiels. Dans les terres en pente. les forêts furent maintenues tant que leur conservation parut utile à l'économie forestière. D'autres lois vinrent confirmer et mettre en ordre ces dispositions. jusqu'à ce que la loi du 20 mars 1865, sur le contentieux administratif, édictàt et réglât les clauses relatives à la cessation de la confusion.
Par ces lois, il est interdit au propriétaire, d'une part, de louer la terre pour plus de quatre années, ou de l'aliéner et de l'hypothéquer pendant vingt ans ; en cas de transgression. le contrevenant perd sa part, et la commune l'attribue à d'autres citoyens. Chaque part ne doit pas être, par tète, inférieure à 2 tomoli (66 ares) d'étendue ; elle est du double, s'il y a concours d'enchérisseurs. — Ces dispositions n'ont nullement amélioré l'état des possessions, et, par des contrats vrais ou[257]simulés, les terres arrivent le plus souvent à être vendues, et l'étendue des parts se réduit successivement à la moitié, par suite du grand nombre des concurrents, eu égard à la superficie disponible.
D'après les statistiques officielles, la province de Capitanate présente la plus vaste étendue de domaines qui ait été attribuée aux communes de 1866 à 1883, soit presque le cinquième de la superficie de la province entière2.
Les lotissements ont aussi été mal faits, les terres s'étant accumulées entre les mains d'un petit nombre d'acheteurs privilégiés, et l'on n'a pas eu soin d'aliéner les parts ou de les céder à emphytéose d'une facon conforme à la nature et à l'économie des lieux.
Il en est résulté un mal considérable; on a ainsi enlevé à la circulation la plus grande partie du capital rural, et ce n'est pas la seule cause des troubles qui ont été apportés à la situation des nouveau propriétaires eux-mêmes.
Les traditions féodales subsistent donc encore. La main-morte des barons, des églises, des communes, des communautés religieus es. existe toujours. Avec la vente des biens domaniaux n'a pas disparu la classe des laboureurs ; car, s'il en est peu qui possèdent, il y a une multitude intinie de colons et de gens salariés.
En outre, il est important de remarquer que, dans la province de Capitanate, il existe 6.566 hect. de biens communaux, dont 3.88 hect. pourraient être aflectés à la libre culture.
Il faut dire aussi que la manière dont est distribuée la propriété privée est un obstacle au progrès de l'agriculture et à la formation d'une classe agricole bien tranchée. N'ayant point de plan géométrique, nous ne pouvons savoir d'une façon certaine comment la propriété est répartie en hectares d'après un nombre déterminé de citoyens. Nous dirons, approximativement, que chaque contribuable de la Capitanate possède en moyenne 13 hect. de terrains, ce qui est énorme, si l'on considère que la moyenne générale des possessions. pour tout contribuable du royaume, est de 5 hectares. Dans la lapitanate, les possessions sont vastes et nombreuses ; il n'est pas rare d'en voir qui atteignent plusieurs milliers d'hectares. On remarque que, sur 100 habitants, il y a 15,11 contribuables pour la propriété rurale,[258]proportion déjà très minime qui indique à quel point la propriété est mal divisée : mais proportion encore bien plus faible, si l'on considère que parmi les contribuables il faut aussi comprendre les communes et les œuvres pies, etc... Cette distribution défectueuse fait de la propriété rurale un organisme vicieux qui trouble toute l'économie agricole.
tUn tel état exerce une fâcheuse influence sur la situation des agriculteurs, et sur les relations sociales et agricoles entre laboureurs et propriéltaires. La culture manque de petites fermes et de fermes moyennes, et c'est pourquoi le vrai paysan fait défaut. Les cultivateurs ne sont que des salariés ou des étrangers. Le petit fermier est une exception et la raison en est évidente. Dans cette monographie, on voit bien que le fermier ne retire pas assez de produits de la terre pour faire face aux nécessités de la vie rurale et domestique. Poussé par les besoins, privé de ressources, il faut qu'il ait recours aux profits d'industries subsidiaires, qui, tout en lui facilitant sa situation économique, ne l'empêchent point toujours de clore son compte par un solde débiteur.
Nous dirons, pour conclure, que, de même que l'Etat et les communes, les grands propriétaires ne font pas valoir leurs propriétés. Il est vrai qu'ils ont, comme circonstances atténuantes, de lourds impôts, l'absence de capitaux et des dettes hypothécaires. Il faut ajouter l'état peu prospère, même plein de périls, où la plupart d'entre eux se trouvent par suite de l'abus qu'ils ont fait de la propriété, de leur passion excessive d'acquérir au delà de leurs moyens. Mais cette situation n'est que la conséquence forcée de l'abandon absolu de leursterres, qu'ils considèrent ordinairement comme un élément de lue, au lieu d'y apercevoir une source d'épargne et de bien-être réel et durable.
Le système des fermages à longue durée créerait une classe particulière d'agriculteurs, intermédiaire entre les petits et les grands propriétaires, qui mettrait sur la voie rationnelle l'économie rurale des Pouilles.
§ 22. SUR LES INDUSTRIES ACCESSOIRES.
L'agriculture donne naissance à des industries accessoires, qui concernent soit le fermier, soit des individus qui forment une classe spéciale et qui en vivent exclusivement.
Les industries accessoires sont pour le fermier : l'horticulture,[259]le glanage et la récolte des champignons et descâpres. Ordinairement, le fermier met en culture horticole une partie du terrain réservé aux jachêres, et cette industrie est d'une grande importance, a cause des produits qui, pendant le printemps et l'été, servent de de principale nourriture aux familles pauvres et constituent un capital que les fermiers emploient à laculture extensive ou intensive dont ils s'occupent.
Le glanage est une ressource plus domestique que rurale. C'est une industrie spéciale aux femmes : le grain qu'elles récoltent, et qui atteint souvent 3 hectol., leur sert de provision pour l'hiver, ou leur permet soit d'acheter des vêtements soit de payer le loyer. Elles doivent, pour glaner, avoir la permission du propriétaire, qui l'accorde généralement aux femmes de ses propres laboureurs, ou aux femmes qui ont fait, en mars, le travail du sarclage.
La récolte des champignons et des câpres est aussi un travail qui concerne les femmes. Ces produits croissent abondamment dans la Capitanate et sont très prisés dans le commerce ; c'est ce qui a créé cette industrie spéciale, et les femmes des bons agriculteurs n'oublient pas de s'en occuper en temps utile. Cette récolte ne réclame d'autre soin particulier que celui de la cueillir, et il n'y a aucuns frais à faire ; c'est pourquoi elle est la source de profits spéciaux.
D'autres industries accessoires occupent des classes spéciales, celle des sorciari et celle des terrazzani.
Les campagnes de la Capitanate, étant complètement dépouillées d'arbres à fruits, sont, surtout pendant et après le temps des semailles, envahies par les souris et les rats des champs, qui dévorent les semences. Les propriétaires et les fermiers sont grandement intéressés à la destruction de ces animaux, et c'est pour cela que les sorciari en font leur gagne-pain. Ils vont, dans les terres ensemencées, faire la chasse, et ils reçoivent du patron une somme proportionnelle au nombre de rats tués, soit 4 ou 5 centimes par tète.
Les terrazzani vivent de chasse et de larcins, ils trouvent leurs proits dans toutes les propriétés d'autrui, et poussent leurs excursions, presque toujours nocturnes, au milieu des terres les plus éloignées des habitations. Leur chasse ne se borne pas aux rouges-gorges, aux fauvettes et aux hirondelles, bienfaisants destructeurs des coléoptères, des chenilles et autres insectes nuisibles à l'agriculture ; mais elle porte partout la destruction et le ravage, et s'étend aux produits verts ou secs du sol. Les teraan peuvent aller vendre impunément,[260]dans les centres habités, le produit de leur chasse et de leur pillage.
Ces gens-là forment vraiment une classe de parasites préjudiciable à la propriété ; ils n'ont que du mépris pour toute espèce de travail, et ne veulent pas être des gens salariés ils préfèrent vivre aux dépens de la propriété d'autrui et, si on les contrarie, ils en arrivent à se faire craindre.
§ 23. SUR LES CONDITIONS ÉCONOMIQUES, INTELLECTUELLES ET MORALES DE LA POPULATION AGRICOLE.
La famille, les écoles, la religion.
La condition du cultivateur est avant tout la conséquence des sstèmes de culture employés, des clauses plus ou moins équitable des baux, de leur durée, de la participation aux produits, des prestations de services personnels, de la fertilité plus ou moins grande du sol. des exigences plus ou moins dures de la main-d'euvre, et enin des relations plus ou moins cordiales entre cultivateurs et propriétaires. Quand toutes ces conditions se présentent dans un sens défavorable. le travailleur, et plus encore le petit fermier, ne retire pas davantage de sa culture que s'il était continuellement souffrant et malade. Il est rarc qu'il ait alors des avances à mettre en réserve, oOu que l'année ne se clôture pas par un solde débiteur augmenté de gros intérêts, surtout quand une récolte suffisante et la bienveillance du patron ou du propriétaire lui font défaut, à moins qu'une occasion propice ne se présente pour lui rendre la vie moins pénible en employant ses bras à d'autres travaux. C'est dans de semblables conditions que le paysan accepte, à un scandaleux intérêt, le peu qu'il emprunte pour vivre.
Le résultat des comptes du travail annuel des familles démontre combien le cultivateur vit misérablement. les déficits qu'on y trouve et qui proviennent de la baisse de prix des denrées, de l'augmentation des frais de culture et de tous les autres frais en général, rejaillisent sur les familles des fermiers.
Il est à remarquer que ce malheureux état de choses existe plutôt chez les petits agriculteurs, propriétaires et fermiers de petits lots de terre, que chez les simples travailleurs. Depuis vingt-neu ans, le laboureur ̀ gages a amélioré sa situation, soit parce que la main-d'euvre a[261]augmenté d'un tiers au moins, soit parce que les dépenses de nourriture et de vêtements ont diminué. Le logement seul a renchéri, bien qu'il ne soit pas devenu plus habitable au point de vue de l'hygiene.
Il est inutile de dire que, dans de telles conditions, on ne s'explique pas le défaut de toute prévoyance. Les caisses d'épargne ne fonctionnent pas du tout pour les paysans, les sociétés de secours mutuels entre agriculteurs n'existent pas et les sociétés de crédit ne se développent pas davantage parmi eux.
La constitution de la famille agricole, dans la région des Pouilles, est presque partout patriarcale. Le chef de la famille règle et dirige les affaires domestiques et rurales. Les profits sont en commun. Aux enfants seulement qui ont passe quinze ans, il est permis de mettre de côté un petit pécule. Ce que nous disons ne regarde que les agriculteurs et les colons qui cultivent pour leur propre compte (comme c'est le cas pour la famille dont nous avons parlé), ou les métayers.
Pour les simples travaux de campagne, ainsi que cela se pratique presque partout dans la Capitanate, les garçons s'éloignent ordinairement de la maison paternelle pour aller chercher ailleurs du travail. La nécessité où ils sont de vivre ainsi séparés de la famille pendant huit ou quinzte jours les habitue à penser et à agir par eux-mêmes, jusr qu'au moment de faire leur service militaire. A vingt-trois ans, ils font maison à part en se mariant ; et voilà comment l'ancienne constitution unitaire de la famille tombe en ruine tous les jours, sans aucun proiit assurément pour la société.
A l'égard des femmes, en général, il faut dire qu'elles se comportent mieux que les hommes, si ce n'est qu'elles ont quelques habitudes, propres à la campagne ou au pays, d'une saveur piquante. Le mariage est le plus souvent précédé d'un enlevement, en sorte que le syndic ne consacre que le fait accompli. Les jeunes villageoises se laissent enlever par leurs amoureux. qu'annoncent les chants nocturnes, appelés portogalli, par lesquels ils viennent saluer leurs bien-aimées. La prostitution n'est pas moins développée dans les campagnes que dans les villes.
L'école, qui est, après la famille, la principale source de l'éducation morale et intellectuelle, fait défautdans la Capitanate. Les cours du soir pour les adultes sont très rares et restent le plus souvent sans effet, soit à cause des obstacles résultant des habitudes de la campagne qui obligent le paysan à revenir au village tous les huit ou quinze jours. soit par suite de la négligence des administrations locales à l'égard des[262]paysans et de leur famille. Si, parmi les travailleurs des champs, il y a des adultes qui savent lire et écrire, c'est un bienlait qu'il faut uniquement attribuer aux écoles de régiment que sont obligés de fréquenter ceux qui sont appelés au service militaire ; c'est là un des principaux éléments d'instruction pour les gens de la campagne.
Dans ces conditions économiques et intellectuelles, les connaissances morales du paysan et de sa famille ne peuvent être que bien médiocres. Les pysans confondent presque toujours la religion avec la superstition, le sentiment rceligieux étant en eu vague et matériel, admettant plus de formes extérieures que de fond.
L'histoire des derniers événements politiques qui enlevèrent à la Capitanate le gouvernement bourbonien, et qui caractérisèrent la réacion sauage connue sous le nom de brigandage, révéla avec une grande évidence les origines et la tendance de cet état moral du paysan. I'our lui, commec pour quelques autres classes d'ouvriers des villes, la religion et la politique ne servent qu'à obtenir plus vite et sans scrupule les réformes sociales et même comnunistes. Le paysan de la Capitanate sait conserver un calme apparcnt, qui se change en une véritable fureur, quand il trouve le moyen de s'insurger contre un acte d'autorité du gouvernement, ou de réclamer ce qui lui parait juste et honnête. Les révoltes de Torremaggiore et de Canossa sont récentes, plus récente encore est celle de Cerignola.
§ 24. SUR LES CONDITIONS PHYSIQUES, HYGIÉNIQUES ET SOCIALES.
La nourriture, l'habillement, l'habitation, les rapports sociaux.
La nourriture de l'ouvrier des Pouilles n'est pas mauvaise. Ce qui manque, c'est l'usage, même modéré, de la viande de boucherie et des substances contenant de l'azote ; l'alimentation n'est en grande partie composée que de végétaux et surtout de farineux, et n'est pas dès lors sufisante pour donner au travailleur toute la force qu'il a besoin de dépenser.
Dans la Capitanate, l'ouvrier salarié observe le régime alimentaire suivant : 1 lilog. de pain de blé et une certaine quantité de sel et d'huile pour l'assaisonnement de la panade, ce qui revient à dire du pain trempé dans de l'eau salée, qu'on appelle cguusadeˉ. On y ajoute un[263]mélange de légumes verts et de légumes, tels que fèves et pois ris, dont la quantité ne dépasse pas 300 grammes, des aulx et des oignons. Le mais fait aussi partie de l'alimentation : on le mange cuit en petits pains, ou sous forme de tourte qu'on appelle gdteau de grain.
Ce n'est que dans l'arrondissement de S. Severo et dans les mandements de Manfredonia, de Torremagggiore, de Monte-Santangelo, que l'on fait usage de la viande, surtout de celle de porc, et de poisson sec ou salé. Pour la nourriture seulement, le compte des paysans, sur cinq personnes composant la famille, s'établit de la facon suivante :
La famille étudiée se composant de 5 personnes, on a une consommation moyenne par jour et par personne de 0 fr. 247.
Quant à l'habillement, il est confectionné dans de bonnes conditions. Les vêtements sont faits d'étoffes solides, ils sont suifisamment résistants et très propres. Ils proviennent, en grande partie, de l'industrie domestique, dont le tissage est, pour tous les ménages ruraux, une chose essentielle ; chacun a son métier, et, en hiver, c'est une des principales occupations des femmes. Le tissu de coton domine dans la Capitanate. Le drap n'est employé que pour les grands manteaux ronds du travailleur.
Il n'en est pas de même des habitations. Quand ce ne sont pas de simples chaumières ou des cabanes, ce sont en majeure partie de véritables chenils. Il n'y a qu'une seule pièce pour tous les membres de la famille, qui souvent vivent en compagnie des porcs, des poules et des autres animaux domestiques; bien des fois même le lit n'est qu'une botte de paille. Ce qu'il y a surtout de déplorable, c'est l'état du logement des paysans et des terrani dans les centres habités. Ces habitations sont très exiguès ; souvent le jour y pénetre à peine, l'air n'y circule qu'au moyen de la porte, l'unique issue qui existe. même pour la sortie du fumier ; le gite est dépourvu de lieu d'aisance, et ce n'est pas chose rare que de semblables installations.
[264] A Manfredonia, à Monte-Santangelo, à r'oggia, à Lucera, à S. Severo, il y a des maisons dont les murs, décrépits et noircis, ruissellent d'humidité sur les planchers défoncés. Quelques lambeaux de chiffons, cousus avec de la ficelle, tiennent lieu de couvertures pour les lits, qui sont faits avec des sacs de paille, ou des feuilles de
LOrs de la présente étude, plusieurs de ces lits étaient occupés par de pauvres malades, atteints des fièvres paludéennes qu'ils avaient contractées dans les terres marécageuses. Ces malades étaient découragés à la vue de leur misère ; ils étaient pâles et défaits. Interrogés, l'un d'eux répondit : « Au milieu de notre malheur, nous n'avons jamais de secours du propriétaire. » Monsieur, » dit un autre, noOs patrons sont comme les cuisiniers ; ils se servent de nous comme ceuxci se servent des citrons ; ils épuisent et expriment nos forces tant que nous avons de la vie et de la santé, mais, quand nous tombons malades, nous ne sommes plus pour eux que des citrons suffisamment pressés, et ils nous jettent aux ordures où nous attendons la
De pareilles conditions de nourriture et d'habitation ne peuvent évidemment que rendre le tempérament débile et la santé faible. Cette triste existence resserre entre paysans les liens de voisinage, mais elle rompt entiêrement les liens qui devraient unir les paysans et les ciasses supérieures dont le patronage ne s'exerce que sur les individus qu'elles peuvent utiliser.
§ 25. SUR L'ORGANISATION DU TRAVAIL ET LES SALAIRES.
L'élevage des troupeaux transhumants et l'agriculture extensive donnent lieu à une organisation spéciale de travail. Dès lors, il importe de préciser le rôle de chaque ouvrier et les rétributions qui sont appliquées comme salaire à chaque genre de travail.
Les personnes s'occupant de l'élevage des troupeaux s'évaluent en moyenne à 10 hommes par 1.000 brebis, ou à 4 sur 1.000 habitants a-dessus de neu ans.
Le tableau suivant indique les ouvriers que l'on emploie dans[265]cette industrie et leurs rapports de dépendance les uns vis-à-vis des autres.
Le regisseur dirige l'administration du troupeau et le che/f-conducteur pourvoit à la nourriture de tous les ouvriers ; il s'occupe aussi de tout ce qui regarde le laitage. Les bergers sont sous la dépendance du régisseur, ainsi que les pâtres ˉlibres, c'est-à-dire les bergers apprentis ou auxiliaires. Sous les ordres du chef des conducteurs se trouvent le butter, ou guide et conducteur des bêtes de somme, et le butteracchio ou petit gardeur. Tous reçoivent un salaire à l'année. Le tableau suivant relate les salaires de 1875 et de 1885.
Ces salaires, notamment ceux des bergers, sont vraiment bien insignifiants, si l'on considère la vie que mènent ces pauvres gens, constamment en route, en butte aux intempéries de l'hiver, toujours malades en été, et vivant le plus souvent loin de la famille et du foyer domestique. Ils n'y reviennent pendant l'été que deux fois par mois, et pour quatre jours chaque fois, ce qui fait trente-deux jours par année. ne pareille existence rabaisse leur caractère ; ils n'ont pas[266]cette perspicaeité et ce naturel vif qui est particulier aux peuples nomades. Ils sont séparés de toutes relations sociales, et condamnés à vivre comme des brutes, avec des brutes ; ils ne peuvent se policer d'aucune manière, ni pour l'esprit ni pour les meurs. Et de fait, ils fournissent un contingent important aux crimes qui attentent à la probité, la morale et l'ordre de la famille.
Les ouvriers employés aux transports ont en outre un quart de plus que les bergers, et ceux qui ont la direction et la sureillance des travaux de la vie pastorale sont payés 30 et même 80 de plus que les bergers.
Les ouvriers accidentels sont les tondeurs, qui viennent des autres provinces et sont ordinairement payés 1f 50 par jour.
Nous avons dit ailleurs combien d'individus sur 1.000 habitants sont occupés à l'agriculture extensive. Là, le travail se fait en grand et la bergerie est le centre de l'exploitation. Les ouvriers agricoles sont ainsi répartis :
Sous ladépendance directe du patron est placé le curatolo, qui dirige et surveille les travaux ou l'administration de la bergerie ; de lui dépend le sous-curateur, qui a la direction des petits travaux ; le chef-conducteur est chargé de la nourriture des ouvriers pa yés au mois et à l'année ; il a sous ses ordres le buttero, qui porte les provisions de la commune à la ferme. Les laboureurs, les conducteurs de bêtes de somme, les galani, les bouviers ou gardiens des bœufs, sont des ouvriers annaroli ou salariés à l'année ; les autres sont ouvriers au mois ou à la journée.
Ceux qui reçoivent leur salaire à l'année sont en général contents de leur position. Ceux qui travaillent accidentellement et à qui l'on donne un salaire assez élevé tant que durent les travaux, ou lorsque la crise ne sévit pas dans les campagnes, se tiennent en bons rapports avec les patrons : mais ils n'en reoivent, le reste de l'année, qu'un maigre salaire.
[267] Le salaire qui leur est attribué est en nature et en argent :
§ 26. SUR L'ÉMIGRATION.
La statistique officielle de l'émigration de 1887, comparée avecc celle des onze années précédentes, donne pour la province de r'oggla les chiffres suivants :
Mais ces chiffres, si concluants qu'ils soient, n'indiquert pas ex actement le mouvement de la population qui abandonne le lieu natal, soit temporairement soit sans esprit de retour : on n'explique ps ie nombre croissant des émigrants pendant les années 1883, 86 et 87. en présence des conditions économiques générales du pays et des habitudes du pay[268]san des Pouilles, qui est ordinairement aussi attaché à son pays que l'huitre à sa coquille. La misère ne peut être le motif de l'émigration, puisque le paysan dans la Capitanate est relativement bien rétribué ; il y trouve d'ordinaire facilement du travail, et d'ailleurs, n'étant pas propriétaire, il n'a rien à vendre, aucun capital à réaliser pour entreprendre un voyage d'émigration.
Dans la Capitanate, les immigrations sont périodiques et accidentelles ; les émigrants vont de province en province, séjournent plus ou moins de temps, selon la saison et les différentes périodes où se font les travau des champs. C'est l'Abruzze d'Aquila et Molise qui en fournissent le plus fort contingent. Les gens qui en font partie sont des gardeurs de gros troupeaux, des bergers, des travailleurs ambulants (moissonneurs, bûcherons, charbonniers), qui descendent l'été et une partie de l'automne, pour rester 8 mois de l'année dans les pàturages et dans les champs de l'Echiquier.
On ne peut pas dire que cette vie errante soit le résultat de la stérilité du sol, de l'insuffisance de sa culture, ou de l'extrême nécessité des travailleurs. Mais c'est plutôt le caractère, le goût de quelques populations, plus dures à la peine et plus désireuses du bien-être de leurs familles.
Les agriculteurs prennent part dans une bien faible mesure à ces émigrations. Quand ils émigrent, ils y sont déterminés par les raisons suivantes : l'incertitude et la briêveté des baux à terme, l'étendue considérable de terrains mal cultivés qu'il s 'agit d'améliorer, l'absence de crédit populaire et agricole, la charge des impôts, la disproportion existant entre le rendement et les frais de culture.
bLa main-d'œuvre tend toujours à s'élever davantage ; elle s'est augmentée de près d'un tiers depuis vingl-cinq ans. Aussi la situation du travaiileur devrait à tous égards s'améliorer ; elle n'est pas actuellement si déplorable qu'on le pense, et ne peut être la cause des émigrations. Mais il fauttenir compte du renchérissement des loyers, et du fait qu'aujourd'hui les gens de la campagne eux-mêmes commencent à éprouver ce désir des jouissances de la vie qui pousse les classes élevées à les rechercher, queclquefois en dépit de tous les obstacles, sans aucun avantage pour elles, et souvent au détriment du juste et de l'honnête.
Notes
1. M. Ferdinand Carretta a pris, en 1887, le snotes les plus essentielles sur l'industrie agricole de Torremaggiore ; elles ont été complétées et mises en ordre, en 1889, par M. H. Santangelo, avocat à Palerme, professeur de l'Institut technique de Foggia.
2. En etfet. pendant cette période. sur chaque surface géograpdique de 100 heectares des domaines dits généraur appartenant aux communes, il a éte attribué 24 hect., 31; 6 hect., 39 ont été réservés pour l'usage des habitants et il en est resté 10 hect., 27 à diviser par lots. Par 100 abitants, on a réparti 12.75 lots.