N° 70.
CHARPENTIER INDÉPENDANT
DE PARIS
(SEINE — FRANCE),
DANS LE SYSTÈME DES ENGAGEMENTS MOMENTANÉS.
D'APRÈS LES
RENSEIGNEMENTS RECUEILLIS SUR LES LIEUX, EN DÉCEMBRE 1889
ET JANVIER 1890,
PAR
M. P. DU MAROUSSEM ,
docteur en droit.
Sommaire
- Observations préliminaires définissant la condition des divers membres de la famille.
- Éléments divers de la constitution sociale
- § 17. SUR L'ORGANISATION DES ATELIERS DE CHARPENTE DANS LA VILLE
- § 18. SUR LES VARIATIONS DE SALAIRE DES OUVRIERS CHARPENTIERS DEPUIS 1791.
- § 19. SUR LES RITES SECRETS DU COMPAGNONNAGE DU DEVOIR.
- § 20. CONsEILS DE PRUD'HOMMES.
- § 21. SUR LES ASSOCIATIONS OUVRIÈRES DE PRODUCTION DANS L'INDUSTRIE DE LA CHARPENTE.
- § 22. DES DIFFÉRENTES ÉCOLES SOCIALES DANS L'INDUSTRIE DE LA CHARPENTE.
- § 23. COMMENT LA GÉNÉRATION PRÉCÉDENTE S'ÉLEVAIT AU PATRONAT.
Observations préliminaires définissant la condition des divers membres de la famille.
Définition du lieu, de l'organisation industrielle et de la famille
§ 1ᵉʳ. État du sol, de l'industrie et de la population.
[325] La famille habite à Paris, sur la rive gauche de la Seine, vers la limite du faubourg Saint-Germain et du quartier de l'École militaire, une maison occupée par une institution de jeunes filles, où la femme de l'ouvrier cumule un certain nombre de fonctions qui seront déterminées plus tard. Cette maison n'a rien de commun avec la « maison ouvrière » : c'est un vieil hôtel du faubourg, à vastes jardins et à aspect confortable, qui n'abrite que le personnel dirigeant de l'institution (simple externat), le concierge et la famille étudiée.
[326] L'ouvrier, qui réunit la réputation de praticien très capable à celle non moins bien établie de « socialiste militant », est attaché comme simple compagnon à un chantier de charpente pour les constructions.
L'industrie de la charpente, c'est-à-dire celle qui consiste « à travailler, à façonner les bois en pièces, et à les assembler suivant certaines règles pour les constructions civiles » (en fait elle produit à Paris les combles et les escaliers), comprenait, à la fin de l'année 1889, environ 3.500 ouvriers à Paris, d'après les personnes du métier les mieux renseignées, ce qui, en ajoutant les femmes et les enfants, constituait une population de 8.000 âmes1.
Sur ces 3.500 ouvriers, un grand nombre souffraient de la crise et cherchaient à attendre, en se louant comme hommes de peine et journaliers, la reprise des travaux. La crise de la charpente avait une double cause : 1° la crise générale du bâtiment, résultat des constructions démesurées et des lrachs inanciers; 2° la crise particulière de la charpente, conséquence de l'emploi de plus en plus fréquent du fer pour les combles et les escaliers, et aussi de la concurrence faite par les machiues au travail de l'homme (machines (à tailler les tenons et les mortaises, machines à fabriquer les marches d'escalier).
Ces 3.500 ouvriers se divisent encore aujourd'hui, comme au temps où fut rédigée la monographie du charpentier de 1856 (Ouvriers des Deux-Mondes, tome 1er), en Compagnons et en ndépendants, c'est-àdire non-compagnons. Dn peut évaluer les compagnons à plus de 2.000 (1.200 du Devoir, 800 de Liberté) ; les ndépendants, de plus en plus nombreux (près de 1.500), sont reliés entre eux par des sociétés diverses : Chambre syndicale de la charpente (56, rue de la Verrerie), Solidarité des charpentiers, Fédération socialiste de la charpente. L'ouvrier étudié est lndépendant.
Les charpentiers de l'aris, peut-être à cause des compaagnonnages, présentent une moralité élevée : ce sont, en général, des ouvriers à demi ruraux, nés dans les campagnes qui avoisinent le « tour de France ». Mariés pour la plupart, ils ne comprennent qu'un nombre infime d'étrangers. Parmi eux, plusicurs centaines d'émigrants limousins arrivent chaque printemps avec les macons, et travaillent dans des chantiers
§ 2. État civil de la famille.
[327] La famille comprend les deux époux et trois enfants, savoir :
1°PAUL-ANTOINE H***, né à C. (Indre)............ 42 ans.
2°MARIE D***, née à V. (Dordogne)............ 40 —
3°MARIE H***, née a Paris............ 13 — 1/2
4°MARTHE H***, née à Paris............ 10 — 1/2
5°MADELEINE H***, née à Paris (en nourrice au pays de l'ouvrier)............ 5 —
L'ouvrier a perdu son père et sa mère, pauvres ouvriers ruraux ; il a encore une sœur, mariée dans sa province natale ; le père de la femme était un propriétaire campagnard, qui avait tenté sans grand succès de devenir entrepreneur.
§ 3. Religion et habitudes morales.
Les deux époux sont nés de parents catholiques ; mais ils sont arrivés peu à peu et pour des raisons diverses à cet état d'hostilité haineuse et déclarée contre le catholicisme, qui s'observe dans un si grand nombre de familles ouvrières en Occident.
L'ouvrier est assez loin du temps où ses réponses au catéchisme lui valaient des succès d'amour-propre qu'il se rappelle aujourd'hui avec une complaisance très ironique. Depuis le jour où la mort de son père le força à quitter son village et à commencer son tour de France », le courant d'idées où il a vécu et les lectures qu'il a faites l'ont conduit à l'athéisme le plus absolu. Le testament de Victor lugo, où le poète affirmait Dieu et l'immortalité de l'àme, lui a donné un instant à réfléchir. Mais il a écarté rapidement cette objection de quelques minutes, en songeant que les croyances spiritualistes étaient incompatibles avec l'émancipation destravailleurs, et que les ouvriers ne renouvelleraient la terre pour y faire régner un bonheur immédiat qu'à la seule condition de ne pas découvrir dans le ciel un bonheur lointain. On devine les sentiments de cet hégélien d'extrême gauche2[328] à l'égard des religions prétendues révélées » et à l'égard de leurs prêtres, qui lui semblent formés d'un mélange de crimes et d'hypocrisie. Il est marié civilement ; il a refusé de faire baptiser ses illes, et, si l'une d'elles a été ondoyée, c'est en dehors de son consentement et par une conséquence des frayeurs de la nourrice. D'ailleurs son enseignement a mis bon ordre à ce qui n'est à ses yeux qu'un commencement de corruption.
La femme a été élevée, de même que son mari, dans le respect des dogmes de la religion chrétienne. Mais, placée de bonne heure comm domestique dans des familles de petite bourgeoisie à tendances matérialistes, elle n'a pas tardé à laisser échapper tous les souvenirs de cet enseignement religieux. La doctrine,bien arrêtée de son mari l'a trouvée dans des prédispositions bienveillantes qui l'ont amenée sans peine à une incrédulité complète. Aujourd'hui, elle déclare hautement que les prêtres sont les derniers des hommes auxquels elle confierait ses filles ». La confession n'est, à ses yeux, qu'une école de dépravation.
La moralité des deux époux est établie d'une facon indiscutable par leurs treize ans de services ininterrompus dans l'école de jeunes filles où ils habitent, et où naturellement leur conduite est contrôlée avec une certaine sévérité.
Le pouvoir dans la famille appartient incontestablement au mari. Intelligent, instruit, bien au-dessus de la moyenne des ouvriers charpentiers, qui réunissent la double réputation du corps d'état le plus honnête et le plus illettré de Paris, il domine de tout le prestige de ses succès de club et de comités l'active et consciencieuse ménagère qu'il s'est associée. L'instinct du commandement est chez lui très développé, et il sait se faire obéir de ses fillettes, au besoin par les moyens les plus énergiques. Il n'a pas pour le vice originel la bienveillance des lettrés de son parti.
Cette famille, où le travail est honoré et pratiqué, se distingue par une haine très décidée contre l'organisation sociale actuelle. Le chef en qui elle se résume est, — il l'avoue lui-même,— un insubordonné d'instinct »». La hiérarchie du compagnonnage a trouvé toujours enlui un implacable adversaire. Le patronat n'en est pas mieux traité. Chaque jour, au chantier ou dans les cercles d'études, il cherche à soulever contre cette tyrannie insupportable les « camarades tellement abaissés qu'ils ne se sentent pas malheureux.
En un mot, ce groupe familial, composé de deux ruraux implantés[329]à Paris, réunit une honnêteté faite d'habitude et de tradition à des idées philosophiques qui forment l'extrême avant-garde des doctrines nouvelles. C'est une combinaison curieuse de la pratique morale d'hier et des théories religieuses et sociales d'aujourd'hui.
§ 4. Hygiène et service de santé.
L'ouvrier est d'une taille au-dessus de la moyenne (1m 72). Il a l'apparence de la vigueur et de la souplesse, qualités requises du charpentier. Son teint est un peu pâle, comme celui des populations qui habitent le versant ouest et nord-ouest du plateau central : il porte la barbe longue et les cheveux longs. Sapeur du génie pendant la guerre de 1870, il a supporté sans fatigue les rudes travaux exigés de cette arme d'élite. Une seule maladie grave l'a éloigné du chantier, en 1876; la fièvre typhoide, à laquelle il a failli succomber. Point de blessures ni d'accidents notables : il a heureusement évité « les risques professionnels ».
L'ouvrière est de taille moyenne (1m 63). Elle a l'air plus âgé que son mari. La cause en est due à sa santé délicate, qui ne lui enleve rien de son énergie de travailleuse. Elle est atteinte d'une gastrite et d'une maladie de cœur ; les bronches sont également d'une sensibilité extrême, et ont particulièrement souffert de l'influensa en cette année de 18903.
Quant aux enfants, elles ont l'aspect anémique et éveillé des fillettes de Paris. Il est difficile d'émettre un avis sur la santé de la troisième, en gardiennage dans un village berrichon. Ces trois filles ont eu pour aîné un petit garçon, mort de bonne heure.
La famille supporte seule les différents frais de maladie. Elle a même adopté sur (ce point les mœurs de la classe bourgeoise. Dans les cas graves, elle fait appeler un médecin connu qui possède toute sa confiance; pour les simples indispositions, elle se contente d'un médecin de quartier.. Le respect de la Faculté est donc entier chez elle, et les remèdes de bonne femme sont considérés comme des superstitions. — La mère de famille a fait toutes ses couches à la[330]maison, malgré la dépense : elle n'a jamais eu recours à la Maternité ni au traitement chez les sages-femmes, ui exigent 100 francs par mois, plus 5 francs de pension parjour, sans compter quelques autres menus frais. Elle a essayé de nourrir sa première fille ; les deux autres ont été mises en nourrice, non pas près de Paris, mais au pays natal de l'ouvrier.
Il faut noter qu'en cas d'accident le charpentier indépendant bénéticierait de la prime d'assurance payée entièrement par le patron (10 centimes par jour et par homme).
§ 5. Rang de la famille.
La famille occupe un rang élevé dans la hiérarchie ouvrière à un double point de vue.
L'ouvrier fait d'abord partie du noyau d'un chantier, c'est-à-dire du groupe auquel le patron réserve toujours de l'ouvrage. Il n'est sans doute pas gâcheur, c'est-à-dire contremaître, mais il l'a été pendant de longues années. S'il ne l'est plus, la faute en retombe sur sa hardiesse trop peu dissimulée pendant les grèves de 1881-82 qui a fait fermer successivement devant lui la porte de tous les chantiers. Actuellement, il est le chef d'équipe le plus en vue de la section de charpente de son atelier. I est ordinairement chargé de la conduite des levages importants. Au début de l'année, il a commandé pendant trois mois une équipe de quinte ouvriers qui réparait l'un des édifices historiques de la banlieue.
L'ouvrier est en outre l'un des membres influents du parti collectiviste. Son éloquence, sa belle prestance, sa forte voix, en faisaient naturellement un conducteur de foules. Il prend part aux discussions de comité, à l'organisation des réunions publiques et même à la direction de la nuance particuliere du parti auquel il appartient.
Mais, en dépit de ses hautes qualités, le chef de famille doit abandonner tout espoir d'arriver au patronat. Il n'a pas la souplesse qui se plie aux désirs des hommes arrivés pour arriver comme eux il n'a pas l'esprit d'éparggne qui seul permet de réunir le capital d'installation. prcsque impossible à réaliser aujourd'hui. puisqu'il doit s'elever au moins à 30.000 francs. La seule chose qu'il puisse espérer, c'est un grade émincnt en cas de révolution sociale ; mais ce sont là des aventures o les es pérances se trouvent bien souvent décues.
Moyens d'existence de la famille
§ 6. Propriétés.
[331](Mobilier et vêtements non compris.)
Immeubles............ 0f 00
La famille n'a aucune propriété particulière et ne songe pas à la possibilité d'en acquérir jamais.
Argent............ 0f 00
Somme conservée comme fonds de roulement, 100f 00.
Matériel spécial des travaux et industries............ 88f 70
1e Outils de charpentier (utilissés à l'atelier). — 1 jauge ou règle de 0 35 sur 003, servant à tracer les mortaises et les tenons. 0f50 ; — 1 rainette, ou instrument propre à entailler les mortaises et en même temps a aiguiser les scies, 2f80 ; — 1 compas en fer,2f 00; — 1 cordeau et un plomb, 2f80 ; — 1 niveau d'eau, 2f 00; — 1 crayon, 0f 05 ; — 1 sac en cuir pour contenir le tout, 2f 40. — Total, 12f 55.
2° Outils de charpentier (non utilisés à l'atelier). — 1 besaiguë (instrument à double tranchant), 9f 60; — 1 herminette. 8f 00; — 1 cognée, 4f 80; — 1 scie de taille, 4f00; — 1 scie a main ou petite scie. 2f 40 : — 1 tarière, 2f 00; — 1 petite tariére, 1f 60: — 1 ébauchoir, ou ciscau en fer aciéré à un bout, 1f 60. — Tota., 34f 00.
3° Outils de menuisier (servant aussi au charpentier). — 1 établi servant de bufet (estimé avec les meubles) : — 1 varlope et 1 demi-varlope (viard), 9f 00, — 1 rabot, 2f 25: — 1 paire de bouvets de 027. 2f 25 ; — 1 paire de bouvets de 0 18. 2f 25 : — 1 scie à tenons, 2f 70; — 1 scie à arraser, 2f25; — 1 seie allemaunde, 3f 40: — 1 valet, 3f 75; — 2 ciseaux, 1f 85: — 2 ecs-d'âne, 1f 750: — 1 guillaume, 1f 5: — 1 marteau 1f 50: — 1 paire de tenailles, 1f 85. — Total, 36f 40.
4° Pour le blanchissage du linge. — 1 baquet, 1f00 ; — 1 batoir, 0f 60: — 1 brosse, 1f 25 ; 2 fers a repasser, 3f 0; — 1 gril, 0f90. — Tota, 5f 75.
Valeur totale des propriétés............ 188f 70
§ 7. Subventions.
Les subventions reçues par la famille consistent en allocations d'ob jets et de services. Le bois de chauffage que les ouvriers de jadis iraient du chantier leur est maintenant refusé. L'établissement des scieries mécaniques loin de l'atelier. l'rrivée des bois ouvrés d l'é[332]tranger ont considérablement diminué la quantité des débris divers ; et. d'ailleurs les grands chantiers d'aujourd'hui ne laisseraient pas perdre ces déchets, inutiles aux petits patrons d'autrefois. Les rognures de bois, moindres d'un pied (soit 0m,33), qui résultent des opérations de levage, appartiennent touyours, comme en 1856, aux ouvriers ; mais cette subvention, qui est passée dans le métier à l'état de coutume immémoriale, disparaîtra sans doute bientôt. Les ouvriers vous font remarquer sans fausse honte qu'il suffit de deux coups de hachette dans une pièce de un mètre pour la transformer en trois rognures de 33 centimètres et par conséquent y avoir droit. Là où commence l'abus, la subvention prend naturellement fin. Le chef de ménage n'a jamais profité de ces avantages, qui entrainent des transports parfois pénibles.
Les subventions dont bénéficie la famille se rattachent à deux ordres de faits. Les unes sont la conséquence de la situation particulière de la mère dans l'institution de jeunes filles dont il a été parlé, et se traduisent sous la forme d'étrennes assez élevées, environ 100 francs. Les autres dérivent de l'influence du père auprès des représentants de son parti à l'Hotel de Ville, et sont représentées par une bourse de 135 francs, obtenue pour la fille aînée dans une école professionnelle. I faut y joindre 20 francs de fournitures de classe, allouées par le Conseil municipal de Paris à la fille cadette, comme à tous les enfants qui fréquentent les écoles de la Ville. Nous n'évaluons pas l'instruction gratuite.
§ 8. Travaux et industries.
Travaux de l'ouvrier. — tout le travail de l'ouvrier est exécuté pour le compte d'un patron, au chantier ou au levage, moyennant un salaire évalué par heure. Dans la hiérarchie de l'atelier, l'ouvrier est considéré comme chef d'équipe de la section de charpente, c'est-à-dire de la section où l'on faconne les pans de bois, échafaudages, combles, mansardes, àl'exclusion des escaliers. Comme chefd'équipe, il surveille la pose et distribue l'ouvrage aux hommes.
Le salaire de l'heure de travail est uniformément fixé, depuis 1879, à 80 centimes ; le principe de l'égalité est absolument pratiqué : les chefs d'équipe ont vainement réclamé en 1881 un supplément de[333]10 centimes par heure. Les heures supplémentaires devraient été payees « moitié en plus jusqu'à la douième, le double lorsque la douzième est dépassée » ; mais on voit par le budget des recettes qu'en fait elles sont payées au tarif ordinaire. bLa paye est mensuelle4.
Le salaire de 80 centimes est à peu près net de tous frais, en ce sens que l'ouvrier ne fournit qu'une très petite partie de l'outillage, et n'a par conséquent à prélever que des frais d'entretien insignifiants. Mais, d'autre part, l'ouvrier doit payer son transport jusqu'aux lieux de levage, quelque éloignés qu'ils soient : le patron ne lui en rembourse le prix que dans le cas où le travail s'effectue au delà des fortifications. C'est à ce titre que pendant trois mois l'ouvrier a reçu 1f 50 d'indemnité par jour.
La journée est de 10 heures en été (de 6 heures du matin à 6 heures du soir : mars à fin octobre) et de 8 heures en hiver (de 7h 1/2 à 4 1/2, : novembre à fin février). Le dimanche n'est pas respecté en principe ; mais le chantier se ferme le 1 janvier et à la Saint-Joseph. Il faut joindre, à ces jours de repos obligatoire, les chômages accidentels, conséquence de la pluie et de la gelée, et pour beaucoup d'ouvriers le chômage des quatre mois d'hiver.
On peut considérer comme travaux secondaires de l'ouvrier les réparations du mobilier domestique.
Travaux de la femme. — Le travail de la femme joue dans le budget de la familie un rôle considérable ; il offre ceci de particulier qu'il est à la fois rémunérateur et exercé au foyer. Depuis onze ans, la mère de famille est, en effet, cuisinière dans une institution de jeunes filles (externat simple) ; elle reçoit, comme rémunération de ses travaux de ménage et de préparation d'aliments pour les enfants de l'école, un double salaire : salaire en nature et salaire en argent. Le salaire en nature consiste en un logement suffisant pour toute la famille, auquel il faut joindre le chauffage et l'éclairage pendant les dix mois de l'année scolaire (les deux mois de vacances sont mis à part). Le salaire en argent est de 60 francs par mois.
Les travaux accessoires de la femme sont les soins donnés au ménage, le blanchissage du linge et l'exercice de différentes industries, monopoles ordinaires des concierges de pensions.
Travaux des jeunes filles. — La fille aînée est élève d'une école profes[334]sionnelle commerciale ; elle apprend le dessin et l'anglais ; la fille cadette suit les cours des écoles de la Ville. Elles prennent part quelquefois aux soins du ménage et font quelques commissions.
Industries entreprises par la famille. — Le chef de famille répare le mobilier domestique ; la mère de famille blanchit et repasse la plus grande partie de son linge, et réalise un certain chiffre de bénéfices dans trois sortes de spéculations : 1° la vente d'aliments pour le goûter des enfants ; 2° la préparation et la vente d'une boisson pendant les deux mois d'été ; 3° l'achat à bon marché d'aliments aux fournisseurs de l'institution.
Mode d'existence de la famille
§ 9. Aliments et repas.
La dépense pour la nourriture est le gros article du budget des ouvriers. Cette remarque est vraie surtout pour la famille étudiée : « Chez nous on vit bien, dit le chef de famille, c'est notre luxe. » De fait, l'ordinaire serait envié par bien des ménages de la petite bourgeoisie : il s'élève à un chiffre total de 2.400 francs en chiffres ronds.
Il faut d'abord distinguer la nourriture prise en dehors de la famille, et celle qui est consommée au foyer.
L'ouvrier, comme presque tous ses camarades, habite à plus d'une heure de son chantier : il ne peut donc revenir chez lui prendre ses repas. IPendant les huit mois d'été (mars à fin octobre), c'est-a-dire pendant les journées de dix heures, il fait 2f 25 de dépense quotidienne au débit de vins (petit déjeuner, à 6 heures ; premier repas, à 9 heures ; collation, à 2 heures): pendant les quatre mois d'hiver novembre à fin février), où les journées se réduisent à huit heures, la dépense descend 1f 40 (un déjeuner à 11 heures). Les dépenses au débit de vins sont évaluées pour l'année à 760f60; il est vrai que pendant trois mois l'ouvrier, absent de Paris, a du souper hors de chez lui.
Quant aux aliments consommés dans le ménage, voici, à titre d'exemple, le enu d'un jour. Le matin à 6 ou 7 heures, déjeuner pour les[335]femmes : lait avec du pain et un peu de chocolat ; — à 11 heures, déjeuner : beefsteak ou côtelette de mouton, un plat de légumes, un dessert; —à 2 heures, goûter : pain et chocolat ; — le soir, de 7 a 8 heures, repas de famille, au retour du père : une soupe (le pot-aufeu est mis chaque semaine), un plat de viande, un plat de légumes, une salade et un dessert. Ajoutez à cet ordinaire plus d'un litre et dem de vin, sans compter la consommation extérieure.
Ces dépenses dépassent de beaucoup celles du charpentier du Devoir relevées en 1856 par Le Play et le regretté M. Focillon. Cette augnentation est due à deux causes : 1° la hausse du prix des aliments, trèssensiblepour certains articles ; 2° la recherche du confort. C'est ainsi que les morceaux de viande achetés sont devenus exclusivement des morceaux de choix ; et que certaines quantités, consignées au budget, celles des matières sucrées, des boissons aromatiques et surtout des boissons fermentées, ont grandi démesurément.
La mère de famille, qui est maîtresse de la bourse commune, règle toutes ces dépenses au comptant ; le boulanger toutefois est payé au mois et se trouve ainsi créancier d'une sommc qui peut s'élever jusqu'à 26 francs. Elle fait ses achats chez les petits détaillants du quartier, sans songer à profiter des avantages que pourraient lui offrir les grands magasins et les sociétés coopératives. Les ouvriers sentent instinctivement que leur cause est liée à celle du petit commerce, débouché naturel pour un grand nombre d'individualités intelligentes de la classe ouvrière.
§ 10. Habitation, mobilier et vêtements.
L'institution de jeunes filles ou habite la famille occupe un vieil hôtel particulier, aux limites extrêmes du faubourg Saint-Germain, auprès de l'ancienne ligne des boulevards extérieurs qui sépare ce faubourg de Grenelle. Un petit corps de bâtiment se trouve dans la cour : au rez-de-chaussée, une cuisine (la cuisine de l'école) ; au-dessus, une chambre et un cabinet ; en outre, une cave. C'est l'habitation ouvrière.
La cuisine, où la famille se tient habituellement, a 3m 05 de hauteur et 19 mètres carrés de surface. Comme ameublement, deux vastes fourneaux disposés en équerre dans un angle. l'un en ma̧onnerie.[336]l'autre en fonte, surmontés d'une immense cheminée d'appel ; au centre, une table de bois blanc ; tout autour, des placards et des étagères ; quelques caises. Note caractéristique propreté. — La chambre est moins grande (2m 25 de hauteur, 14 75 de surface) ; le cabinet attenant est exigu (1m 50), mais l'aération est facile. Ce logement est salubre. Il est fourni à la famille comme partie du salaire en nature de la femme. Valeur approximative : 300 francs.
Meubles. : réduits au strict nécessaire et tenus avec soin . . 74)f 00
1° Lits. — 1 bois de lit en noyer. 50f 00; — 2 matelas de laine, 100f00 ; — 1 paillasse 5f 00; — 1 traversin (plume), 10f 00 ; — 1 couverture de laine, 15f00; — 2 oreillers, 10f 00 ; — 1 dessus de lit, 12f 00; — 1 paire de rideaux de lit, 25f 00; — 1 édredon, 30f 00; — 1 lit en fer, 30f00; 1 sommier, 25f 00; — 1 matelas, 50f 00 ; — 1 traversin, 10f 00; — 1 couverture, 15f 00 ; — 1 oreilter, 5f 00; — 1 édredon, 30f00. — Total, 422f00.
2° Meubles de la cuisine. — 1 table en bois blanc, 25f00 ; — 4 chaises en noyer. 20f 00. — Total, 45f 00.
3° Meubles de la chambre à coucher. — 1 table de nuit en noyer, 25f 00; — 1 commode en noyer, 60f 00; — 1 établi servant de buffet, 20f 00:' — 1 table en noyer, 25f00: — 2 chaises en noyer, 10f00; — 1 glace, 12f00 ; — 1 pendule. 30f 00. —— Total, 182f 00.
4° Livres (exceptionnellement abondants). — Ouvrages techniques concernant le métier de charpentier : Traité complet de Nicolas Fourneaux ; Traité de Larouille, de Tours, 2 vol.; Dessins, etc. ; — Ouvrages divers : le Capital, de Karl Marx ; l'Organisation du travail, de Louis Blanc ; Rapports des Congrès ouvriers de Paris, Lyon, Marseille, Reims, Saint-Étienne, etc. ; Journal officiel de la Commune, 1871 ; Révolution de 1848, de Victor Marouk ; Révolution française, de Michelet : Question sociale de J.-B. Clément; Chansons du même auteur ; Qatre-vigt-treize, de Victor Hugo ; Mémoires de Vidocq ; les Mystères de Paris, d'E. Sue ; le Juif-Errant, même auteur : Encyclopédie des Lois françaises, par MM. Delessart et E. de Granvilliers ; Français et Allemands, guerre de 1870-1871, de Dick de Lonlay; les Exploits du deux Décembre, par J.-G. Prat ; Ouvrages divers de P. Mazaroz ; Histoire des corporations françaises, Corporation du meuble sculpté de Paris, la Corporation et ses conséquences, Bilan financier de la France, etc. : — Livres des deux fillettes : un Buffon illustré, Voyage en France, de Mme Amable Tastu, la Roselière (roman), Lafontaine, prix divers ; livres de classe, entre autres, un dictionnaire anglais et une grammaire. — Valeur totale, 100f 00.
Linge de ménage............ 123f 00
6 paires de draps de lit, à 15f 00, 90f 00 ; — 1 douaine de serviettes de table, 8f 00; — 2 paires de rideaux de fenêtre, à 2f 50, 5f 00 ; — 2 nappes, 10f 00 ; — 6 serviettes de toilette, A4f 00; — 1 douaine de torchons. 6f 00.
UTENSILES............ 72f 30
1° Dépendant de la cheminée et du fourneau. — 1 fourneau en fonte, 10f 00; — pelle, pincettes, ete., 6f 00. — Total, 16f 00.
2° Employés pour la prépration des aliments. —2 poêlons en fonte, 4f 00; —3 casseroles en fer battu. 10f50; — 1 terrine, 1f 00; — 1 cafetière. 1f00; — 1 écumoire, 0f 50; — 1 moulin à café, 1f 25 ; — 12 verres à boire, 1f 20; — 1 douzaine d'assiettes en faïence, 1f 80; — 1 soupiére, 1f 10 ; — 1 saladier. 0f 90; — cuillers, fourchettes, couteaux, 12f 00; — 2 plats 1f 80; — service à café, verres à eau-de-vie, divers, 5f 00; — 1 fontaine, 10f 00. — Total 52f 05.
3° Employés pour les soins de propreté et l'éclairage. — Pot à eau et cuvette, etc., 1f 50 ; — lampe, chandeliers, etc., 2f 75. — Total, 4f 25.
[337] VÊTEMENTS............ 178f 40
Vêtements de l'ouvrier (214f 90).
1° Vêtements du dimanche (semblables à ceux de la petite bourgeoisie). — 1 pardessus, 1f 00; — 1 paletot en drap, 20f00; — 1 pantalon. id., 15f 00; — 1 gilet, id., 8f 00; — 1 chapeau de feutre, 6f00 ; — 1 cravate en soie, 1f50; — 1 cravate en coton, 0f 90; — 2 chemises en toile, 5f00; — 1 paire de bottines, 12f 00. — Total, 78f 40.
2° Vêtememts de travail. — 1 paletot de velours, 11f 00 ; — 1 gilet, id., 4f 00; — 1 pantalon, id., 7f 00; — 1 pantalon de fatigue en toile, 3f 00 ; — 2 vestes de travail entoile, 4f00; — 1 casquette en drap, 0f 75 ; — 4 cravates d'été, 1f 00; — 6 chemises en coton, 12f 00: — 6 gilets de flanelle, 12f; — 3 calecons en coton, 4f 50 ; — 1 ceinture de laine, 1f 25 ; — 1 gilet de laine, 5f 00; — 12 chaussettes, 2f00 ; — 1 paire de bottes, 12f 00; — 1 paire de souliers, 7f 00. — Total, 86f 50.
3° Bijoux. — Une montre d'argent, 50f 00.
VÊTEMENTS DES FEMMES (263f 50).
1° Vêtements de la femme, pour le dimanche (imitant ceux de la petite bourgeoisie). — 1 robe de laine, 15f 00; — 1 mauteau, 10f 00; — 1 chapeau, 3f 00 ; — 1 paire de bottines, 5f 00. — Total, 33f 00.
2° Vêtements de la femme, pour le travail. — 1 robe noire en laine, 15f 00; — 1 robe en coton, 10f 00; — 1 jupon de laine, 3f 00; — 2 jupons de ecoton, 8f 00; — 3 tabliers de coton, 1f 50 ; — 2 caracos, 2f 50; — 4 gilets de flanelle, 6f 00; — 2 paires de bas de laine, 1f75: — 6 paires de bas de coton, 3f 00 ; — 3 paires de chaussures, 5f 00 ; — 8 chemises de coton, 6f 00; — 1 paire de sabots, 1f 00; — 2 paires de chaussons de laine, 0f 35; — 2 pantalons de laine, 3f 00;— 2 pantalons de coton, 2f 50; — 4 camisoles, 3f 00; — 1 corset. 3f 00 ; — 1 fichu de laine, 5f 00. — Total, 79f 60.
3° Bijoux. — 1 bague en or, 10f 00.
4° Vêtements de la fille aînée. — 1 robe en laine, 8f00; — 1 robe en coton, 5f00;— 1 manteau de drap, 3f00 ; — 1 chapeau, 2f50; — 1 pantalon de laine, 1f 25 ; — 2 pantalons de cotou, 2f 50 ; — 2 paires de bas de laine, 1f 45; — 3 paires de bas de coton, 1If 75; — 1 corset, 1f 25 ; — 4 chemises de coton, 2f 90 ; — 2 tricots de laine, 4f 00 ; — 1 jupon de laine, 2f00 ; — 3 jupons de coton, 1f 10; — 4 paires de souliers, 15f00 ; — 1 fichu, 1f50; — 3 tabliers pour l'école, 3f00: — 1 bachelie, 1f 50 ; — menus ornements de toilette, 1f25. — Total, 58f95.
5° Vêtements de la deuxième fille. — Identiques à ceux de l'aînée, 58f 95.
6° Vêtements de la troisième fille (en nourrice). — Valeur totale, 20f00.
7° Vêtements en commun. — 2 douzaines de mouchoirs, 3f00.
Valeur totale du mobilier et des vêtements............ 1.422f 70
§ 11. Récréations.
La politique est la distraction principale et même la seule de l'ouvrier. Chacune de ses heures de loisir est consacrée à l'étude des moyens les plus efficaces pour aviver la haine des classes. Il cherche à fortifier encore ses convictions, — qui rappellent cependant la foi invulnérable des premiers apôtres de toute religion, — par la lecture consciencieuse d'un journal quotidien et de deux journaux hebdomadaires[338]de son parti. Chaque scmaine il assiste avec une exactitude inaltérable à la séance de son cercle d'études sociales. es grandes fêtes, ce sont les jours où un enterrement civil, une grève, un congrès, la célébration d'un anniversaire, lui permettent de proclamer ces idées que verra triompher l'avenir, sous le drapecau rouge de la révolution sociale.
Comme antithèse, les plaisirs qu'il permet à sa famille offrent un caractère d'idylle. Ce sont des repas où sont admis de loin en loin quelques camarades, chefs influents du parti ; ce sont des visites à l'Exposition, à la galerie des machines et devant la tour Eifel ; c'est surtout, le 14 juillet, une promenade à Saint-Cloud, d'ou l'on revient sur le bateau-mouche, après avoir diné sur l'herbe.
Pas de récréations vicieuses, on le voit : l'alcoolisme est inconnu ; la moralité est incontestée ; le jeu est ignoré. Nous ajouterons même, pour la Société contre l'abus du tabac, que l'ouvrier ne fume ni ne prise jamais.
Histoire de la famille
§ 12. Phases principales de l'existence.
L'ouvrier est né à C*** (Indre), en 1847. Il a été élevé dans une exploitation rurale du Berry, au milieu d'un régime terrien en partie analogue à celui de l'Angleterre. Le spectacle des immenses propriétés où réside une haute noblesse, très éloignée par ses mœurs et ses idées des différentes classes rurales qui l'entourent, semble lui avoir inspiré dès son enfance un vif sentiment des inégalités sociales. Son intelligence fort éveillée lui permit de retenir quelques éléments d'instruction primaire, pendant les quatre mois d'hiver ou la garde des bestiaux ne l'éloignait pas de l'école. L'éducation religieuse fut beaucoup plus soignée que l'instruction chez cet incrédule militant, et il se rappelle avec ironie les succès que ses réponses au catéchisme lui valaient auprès de ses camarades. Cependant son père était mort et sa mère était obligée de subvenir, avec son maigre salaire de lavandière, aux besoins d'une fille et de son jeune garçon. L'ouvrier se sentit bientôt hanté par des idées d'indépendance et de voyages. Gar[339]çon charretier à dix-sept ans, il s'engage comme apprenti chez un charpentier du voisinage. C'était à la Toussaint de 1864. Un an après, il quittait le pays et commencait son tour de France par Blois.
Les compagnonnages étaient alors souverains sur le « tour de France », Compagnons du Devoir contre Compagnons de Liberté. L'ouvrier fut contraint de s'en rapprocher, car toute puissance venait d'eux, non sans ressentir toutefois un vif éloignement pour leur hiérarchie et leur particularisme qui lui semblaient insupportables. Il suivit à Angers le cours de trait d'un « Bon Drille », et immédiatement s'attira par ce fait la jalousie des Compagnons de Liberté, qui l'attaquèrent traîtreusement et le rouèrent de coups, ainsi que plusieurs de ses camarades. Il ne leur a jamais pardonné ce guet-apens. Le « tour de France » se continuait assez paisiblement, en même temps que les études pratiques, poursuivies l'hiver, après la journée, sous la direction des Compagnons les plus capables. L'ouvrier a conservé de cette époque des travaux dont avec raison il se montre fier. La guerre de 1870 survint et, malgré sa qualité de fils aîné de veuve, il fit huit mois de campagne comme sapeur du génie dans la deuxième armée de la Loire. Il arriva à Paris au moment où la Commune agonisait, trop tard par conséquent pour jouer un rôle. Comme il s'était fixé dans les environs du marché Saint-iermain, tout près des Compagnons de Liberté, il suivit assidûment leurs cours, en leur faisant espérer qu'il offrirait toutes les aptitudes requises d'un parfait compagnon.
Mais tel n'était point son projet, et, son éducation terminée, il se rendit avec quelques amis, non plus chez les Compagnons de Liberté, mais chez leurs ennemis, les Compagnons du Devoir. Ici nous lui laissons la parole. « Nous arrivâmes chez la mère, rue d'Allemagne. On nous dit « Que venez-vous faire, les coteries — Nous faire recevoir compagnons. — Soyez les bienvenus. » On nous fit passer un examen rapide et l'on nous dit que, nos aptitudes étant suffisantes, il faudrait revenir le lendemain pour subir l'épreuve. On but, mangea et chanta toute la nuit, et, quand nous voulûmes régler : « Ce n'est rien, les coteries ; on règle cela plus tard. » Nous partimes naturellement pour ne plus revenir. » Les Compagnons du Devoir ne dirent « rien, tout en vouant à l'ouvrier une haine sourde qui se retrouva plus tard, à l'époque des grèves. Les Compagnons de Liberté furent moins endurants. Il y eut une « batterie », d'où notre héros sortit cette fois avec les honneurs de la guerre. De ce jour, il a été et il est encore un indépendant résolu.
[340] La première partie de la vie de l'ouvrier a été employée à combattre le compagnonnage, au milieu de ces batailles et de ces joyeuses beuveries que la jeunesse noble du moyen âge a léguées à la jeunesse ouvrière de ce siècle-ci. La seconde partie va être consacrée à la lutte contre le patronat. L'ouvrier reconnaît qu'il était né pour l'opposition et qu'une œuvre d'émancipation, quelle qu'elle fit, contre la tyrannie compagnonnique ou la tyrannie patronale, devait trouver en lui un soldat toujours prêt à l'action. Il est vrai que cette lutte, il n'allait plus la soutenir seul : il se mariait en 1874, et la compagne qu'il s'était choisie se montrait assez disposée à s'attaquer aux vieilles coutumes, puisqu'elle renonçait d'elle-même au mariage religieux.
L'ouvrière, Marie D***, était cuisinière à Paris. C'était la fille d'un petit propriétaire périgourdin qui s'était audacieusement lancé dans une entreprise industrielle, — une exploitation de fours à chaux, — et qui avait été ruiné traîtreusement par un associé. La fille avait été contrinte de se mettre en condition chez des marchands assez modestes, qui transportèrent leur commerce dans des villes de plus en plus importantes, à mesure que la chance les favorisait. Elle arriva ainsi à Bordeaux, puis entra chez des libraires qui finirent par s'installer à Paris ; la domestique suivit cette famille et ne la quitta qu'au moment de son mariage, car la femme de cet ennemi irréconciable du patronat s'honore, comme les servantes du vieux temps, de n'avoir jamais eu dans sa vie que rois maîtres.
La situation du jeune ménage fut d'abord assez brillante : le mari était gâcheur d'escalier » dans un des grands chantiers de Paris, où il est resté sept ans ; la femme n'avait pas quitté sa condition et continuait à apporter l'appoint de ses gages dans la caisse commune. Un petit garçon survint, mort presque aussitôt ; puis, en 1876, une grave maladie de l'ouvrier. La guérison fut assez lente. Quelques années plus tard, le ménage, accru de deux enfants, obtint la place qu'il occupe encore à l'institution de jeunes filles. De ce côté, l'avenir était réglé pour longtemps.
Il n'en était pas de même du côté des chantiers de charpente. L'ouvrier avait quitté son ancien atelier, pour un atelier moindre où il était à la fois gâcheur de charpente et gaûcheur d'escalier, et par suite encore plus dégagé de toute dépendance. Mais la grève de 1879 éclate, et bientôt celle de 1881-82, entreprise cependant malgré son opposition. Son attitude dans les réunions est signalée au syndicat patronal. Il est mis à l'index : les chantiers se ferment devant lui ; ilreste de longs[341]mois sans ouvrage. Enfin, sa haute capacité d'homme de métier faisant oublier sa campagne contre le patronat, il est embauché dans un chantier où l'ouvrage ne lui manque jamais, non plus comme contre-maître. mais comme simple compagnon.
Le martyre affermit la foi. Plus que jamais, l'ouvrier et l'ouvrière espèrent en la reconstitution complète de la société actuelle, lui, avec une conviction raisonnée qui s'appuie sur un système : elle, avec un instinct vague qui lui fait désirer la destruction de tous les bonheurs et de toutes les aises refusées à ses filles et à son mari.
§ 13. MOEURS ET INSTITUTIONS ASSURANT LE BIEN-ÊTRE PIHYSIQUE ET MORAL DE LA FAMILLE.
Ainsi donc, la famille étudiée, sans aucun espoir de s'élever, sinon par un coup imprévu de la fortune, sera sans doute perpétuellement maintenue dans la situation inférieure d'aujourd'hui.
Son amour du travail, son ignorance des vices les plus coûteux lui permettront d'équilibrer son budget annuel, tant que les forces de l'ouvrier et de l'ouvrière n'auront pas éprouvé les défaillances qu'entrainent la maladie, les accidents, la vieillesse.
Mais viennent les divers événements que les monographistes désignent sous le nom de phases exceptionnelles de l'existence », ces événements qui se détachent avec brutalité sur le fond uniforme de la vie, que la femme devienne infirme, que le mari tombe d'un échafaudage, ou que tout simplement l'un et l'autre arrivent à un âge avancé, quelle sera leur situation2
Pas d'épargne d'abord : à chaque année son revenu suffit à peine.
Pas d'institutions qui la remplacent : pas d'assurance contre les maladies ; une assurance contre les accidents, conclue par le patron et dont le versement ne s'opérerait pas sans prcès ; pas de pension de retraite.
Outre la piété filiale des enfants, qu'il ne faut pas escompter avec trop de certitude, que reste-t-il comme ressource suprème Le secours du parti, sur lequel l'ouvrier parait compter et qui exercerait ainsi une sorte de patronage original ; et enfin la charité sous sa forme privée et administrative : les sociétés charitables et le bureau de bienfaisance.
Cette perspective n'est pas faite pour ramener à la société cet irréconciliable.
Éléments divers de la constitution sociale
FAITS IMPORTANTS D'ORGANISATION SOCIALE ; PARTICULARITÉS REMARQUABLES ; APPRECIATIONS GÉNÉRALES CONCLUSIONS
§ 17. SUR L'ORGANISATION DES ATELIERS DE CHARPENTE DANS LA VILLE
[355] L'atelier du charpentier, c'est-à-dire l'endroit où l'ouvrier travaille les bois en pièces et les assemble suivant certaines règles en vue des constructions civiles, varie continuellement, au moins en un sens. Sans doute, il existe un lieu fixe, où les charpentes et les escaliers se faconnent, mais le lieu de pose, ou de leuage, autrement dit la maison en construction ou en réparation, est naturellement très mobile.
Organisation de l'atelier.
1° Chantier. — Le chantier est un espace plusou moins vaste, dont une partie, celle ou les ouvriers se tiennent, est couverte d'un hangar, — ce qui diminue d'une façon notable les chômages d'hiver, — et dont l'autre disparaît sous un amoncellement parfois considérable de chènes et de sapins simplement équarris ou sciés en planches. Ces chantiers, qui forment une double ceinture, assez souvent interrompue, autour des anciens boulevards extérieurs, d'une part et de l'autre autour des fortifications, dans la banlieue, sont parfois immcnses. Celui de la Société des Ouvriers Charpentiers de la Villette, auquel nous allons nous[356]reporter sans cesse dans cette description, couvre un hectare5. C'est d'ailleurs un lieu historique : il servait de salle à la fameuse réunion.
Il scmblerait que, dans un chantier de charpente, on ne doive trouver que des charpentiers. Ce serait une très grave erreur. Outre les charpeuntiers proprement dits, dont nous allons examiner par le détail la tche particulière, on y rencontre des scieurs de long, des serruriers, des menuisiers.
Les scieurs de long, dont la corporation est réduite à un millier environ par la concurrence des machines, et dont le salaire est de 60 à 70 centimes par heure, sont encore employés pour scier le bois nécessaire à la construction des escaliers. Les machines ne confectionnent pas encore toutes les variétés de ce genre d'ouvrage.
Les serruriers ne sont pas les débris d'un métier qui disparaît, mais l'avant-garde d'un métier qui prendra une importance de plus en plus grande. Ils doivent leur admission dans le cllalèr̀ l'ivasion du fer. Leur besogne est toute matérielle : ils coupent le fer suivant instructions du contre-maître ou gâcheur. Salaire : 70 centimes.
Quant aux menuisiers, leur présence est justifiée par l'étroite dépendance de certains travaux de menuiserie et des travaux de charpente. n un trés grand nombre de cas, l'entente doit être intime et de tous les instants. Aussi les patrons-charpentiers deviennent-ils souvent patrons menuisiers. ls paient les ouvriers de ce corps d'état 70 centimes l'heure.
Ce ne sont là que des spécialités annexées, pour ainsi dire. La place d'honneur appartient aux véritables charpentiers. Examinons d'un peu plus près la vie quotidienne au chantier.
Lorsque vous avez quitté le cabinet du patron, jeté un coup d'eil sur la salle où chaque mois se fait la paie, et sur le ureau où sont étalés les plans des travaux à exécuter, vous arrivez à un petit rédu où les contre-maîtres, les gâcheurs, vieux terme de métier qui n'a rien d'ironique, étudient leurs plans, les ordres du maître, et préparent la tâche de la journée. Chaque chantier compte en général deu gecheurs, le gâcheur de charpente et le gâcheur d'escalier. Ces deux gâcheurs ne sont pas égaux ; le gâcheur de charpente a le pas et ie commandement sur son collègue, mais ils dirigent chacun une section qui se spécialise absolument.
Voyons la première section, celle de la charpente. Quelles seront les différentes fonctions des ouvriers) Voici, par exemple, un pan de[357]charpente à faire, c'est le gâcheur qui va être chargé de toute la partie intelligente de l'œuvre. C'est lui qui, après avoir arrêté avec le patron la disposition de la ferme (assemblage de pièces placées de distances en distances et destinées à porter le faite et les chevrons d'un comble), celle des arbalétriers, de l'entrait, du poinçon, etc., et aussi l'épaisseur des bois, va exécuter le tracé d'assemblage. Il fait d'abord l'épure, c'est-à-dire que, sur l'aire du chantier, — c'est le tableau des charpentiers, — il trace une épure rigoureusement semblable à celle qui lui a été remise, mais à l'échelle de l'evécution. Il procède ensuite à l'établissement des bois, autrement dit à la réunion des bois, de facon à ce qu'ils s'appliquent sur les lignes correspondantes de l'épure.
Les autres opérations sont simples : c'est le piqué des bois, la marque des bois, le contre-jaugcage, toutes expressions qui se comprennent d'elles-mêmes ; le tracé sur bois des assemblages, où le gâcheur se fait aide es ouvriers, surtout des plus habiles. Enfin les ouvr'rs ordmaires sont chargés de la coupe des assemblages et de la mise dedans. La ferme est terminée, il ne reste plus que le levage ou la pose, synonymes dans la langue des chantiers.
Le travail de la section de l'escalier est analogue à celui de la sce tion de charpente ; et nous serions contraint de répéter à peu près les mêmes développements, avec des modifications qui se coņoivent, si, au lieu de prendre pour exemple la confection d'une charpente, nous eussions pris celle d'un escalier.
2° Levage. — La visite du chantier doit être complétée par une visite à une maison en construction, ou à un levage. La vie du charpentier se partage, en effet, entre le chantier et les endroits divers oùs'exécutent s levages. Ici les conditions du travailchangent. L'expéprience jeue sans doute toujours un rôle important, mais l'agilité, la force et l'adresse sont d'une utilité croissante. Il s'agit, en effet, de deux opérations distinctes : le montage des pièces de bois au moyen de la chèvre, et leur installation, qui ne va jamais sans quelques corrections sur place. C'est l'heure des accidents, de ces drames douloureux qui viennent briser prématurément des vies actives et énergiques. Jadis les travaux de levage étaient dirigés par un gàcheur spécial. La monographie du Compagnon de 1856 était celle d'un gâcheur de levage. Aujourd'hui on ne trouve plus dans les ateliers cette fonction particulière, qui ne correspond plus à l'importance des travaux. On remplace le gàcheur de levage par un chef d'équipe, choisi parmi les ouvriers les plus experts. Dans les circonstunces où cette précaution est néces[358]saire, un des gâcheurs de chantier se transporte au lieu de pose, pour surveiller et au besoin diriger. Autrefois donc, il y avait un gâcheur pour le travail du dehors, un gâcheur pour le travail du chantier. l'ous deux maintenant restent au chantier et se spécialisent. La loi de coordination du travail humain a amené ici, comme en tant d'autres cas, le procédede ˉla diision du travail6.
Hiérarchie de l'atelier.
La description matérielle de l'atelier ne suffit pas pour le bien connaître. Nous avons en face de nous un groupement d'homnmes, et partant une hiérarchie. Il ne faudrait pas se représenter un atelier de charpente comme une juxtaposition d'unités égales entre elles et soumises à une autorité unique. C'est au contraire toute une échelle de grades aux appellations techniques et aux tâches définies. En haut, le patron, qui vient de temps en temps jeter le coup d'eil dumaître, et qui s'installe parfois au milieu des ouvriers, à l'époque des coups de feu, de ce que l'on appelle « les enlevages . Au-dessous, les deux gâcheurs, gâcheur de charpente et gâcheur d'escalier, avec une légère prééminence pour le premier, qui est naturellement la source d'une sourde jalousie. L'un et l'autre d'ailleurs règnent de haut sur leurs camarades d'atelier, par la supériorité de leurs connaissances d'abord, — toutes pratiques le plus souvent, quelquefois théoriques, — et aussi par la maitrise absolue que la plupart du temps ils exercent sur l'embauchage. Sous les gâcheurs, se meuvent les équipes, petits groupes composés de trois hommes en principe pour la charpente, de deux pour l'escalier ; chiffres qui augmentent ou diminuent suivant les besoins. Chefs d'équipe et simples ouvriers se donnent le nom de Compagnons en remplissage, parce qu'ils sont censés se valoir. L'apprenti enfin vient de dernier lieu.
§ 18. SUR LES VARIATIONS DE SALAIRE DES OUVRIERS CHARPENTIERS DEPUIS 1791.
Un principe se dégage de l'histoire de la corporation des charpentiers : toute surélévation de salaire a pour cause une grève ou menace de grève.
[359] En 1791, le salaire des charpentiers est de 2f50 par jour. La grève de 179l, qui motiva la loi du 14 juin 1791 sur les associations de gens de métier, eut pour contre-coup de porter l'heure à 30 centimes.
En 1822, deuxième grêve, l'heure monte à 35 centimes.
En 1832-33, troisiême grève; les 40 centimes sont atteints.
En 1845, la grande grève du siècle, aprês de longues luttes, des arrestations, un procès retentissant où Berryer présente la défense des Compagnons du Devoir, le salaire est fixé à 50 centimes.
En 1863, menace de grève ; quelques arrestations ; l'heure est payée 60 centimes.
En 1876, 70 centimes après une lutte de trois mois.
En 1879, 80 centimes : victoire presque immédiate des ouvriers.
En 1881-82, nouvelles grèves ; mais les patrons, aidés par la crise du bâtiment qui commence, et puissamment organisés (syndicat de la rue de Lutèce), empêchent l'application des 90 centimes que les syndicats ouvriers ont fait introduire dans le tarif de la Ville.
Le salaire, en cent ans, s'élève donc de 25 centimes à 80 centimes, soit : 320 3.
On peut aussi tirer de cette série de faits la remarque suivante :
Jusqu'en 1876, toutes les grèves sont conduites par le Compagnonnage du Devoir.
La greve de 1876 est l'euvre des Compagnons et des Indépendants.
La grève de 1879 est menée par les ndépendants (chambre syndi cale) ; les Compagnons suivent.
La grève de 1881-82est organisée par les lndépendants (Fédération socialiste) ; les Compagnons du Devoir résistent et sont exécutés en séance plénière comme aristocrates ». (Salle Molière, 159, rue Saint-Martin).
§ 19. SUR LES RITES SECRETS DU COMPAGNONNAGE DU DEVOIR.
Nous donnons ici quelques extraits d'un manuscrit fort curieux que nous avons publié ailleurs presque en entier7. Les révélations de ce manuscrit nous paraissent sulisamment exactes. La scène qui va suivre est notamment décrite avec sincérité.
[360] Le renard est pris à la renardière (chambre spéciale où les initiés sont enfermés). On lui bande les yeux, et, après d'inexprimables brimades, on le conduit à la Cayenne (cave voûtée où se fait la réception). Le compagnon chargé de le conduire le mène à l'ancien (premier dignitaire, qui préside la cérémonie). Celui-ci le pousse la tête sous la table et lui dit : « Appelle le père Soubise, cochon ! — Père Soubise — Plus fort, il est sourd. — Père Soubise ! pêre Soubise ! — Quel est la sale bête qui vient ainsi me réveiller dans mon salon ? — C'est moi. » A ce moment l'ancien l'attrape par les cheveux, lui frappe le menton sur la table et lui découvre les yeux. Les trois anciens sont nus jusqu'à la ceinture ; la figure, les bras, le corps, barbouillés de suie ; ils ressemblent plus à des diables qu'à des hommes. Le pauvre renard après tant de secousses et de brutalités ne sait plus où il en est. Certains ne savent que répondre, tant ils ont peur. « Que viens-tu faire ici, sale vermine, sale punaise ? C'est ainsi que l'on vient dans le salon du père Soubise faire un vacarme pareil ! » En disant cela, il lui arrache les cheveux, lui tire les oreilles et lui crache à la figure. Puis il le passe au second qui le transmet au troisième. Enfin le premier le reprend et lui dit : « Veux-tu être compagnon ? Eh bien, il faudra faire comme nous pour entrer dans la grande famille, il faut renoncer à la tienne. D'ailleurs tu n'en as pas besoin. Et puis renoncer à Dieu, nous ne voulons ni dévotion ni religion. Nous vivons indépendants, volant, pillant, tuant, pour nous procurer de l'argent, car il nous en faut beaucoup pour vivre comme nous vivons ; il nous en faut trouver n'importe comment. Ainsi tu vois ce qu'il te faut faire. Si tu es consentant, nous allons te recevoir compagnon. Allons, vite, réponds. Il faut renoncer à Dieu, à ton père, à ta mère, et tuer et voler ; y es-tu consentant ? Non ! Non ! Et pourquoi t'inquiéter de Dieu, tu n'en as pas besoin ; d'ailleurs la religion est une fameuse blague ; ta famille, tu n'en as pas besoin avec nous. Pour ce qui est du « quibus » (argent), il nous en faut à quelque prix que ce soit. Quant à ce qui est de tuer, cela n'arrive pas souvent, mais il faut y consentir pour être reçu. Es-tu consentant ? Non ! Attrapemoi ce cochon-là, — dit-il à son voisin, — on n'en peut rien faire ; il en connaît trop maintenant pour le mettre à la porte. » Il le passe au second et le second au troisième, en le martyrisant. Enfin, pour échapper à toutes ces tortures, l'infortuné consent, non qu'intérieurement il ne sache très bien qu'il ne fera jamais ce qu'on lui demande. Si les demandes étaient faites avec douceur, il n'y a pas un homme qui renoncerait à ce qu'il a de plus cher, à sa famille, à sa religion, qui conscn [361] tirait à voler et à tuer au besoin, il n'y en aurait pas un sur cent ; mais, pour cesser d'être brutalisés, ils finissent par dire : « Oui, je consens à faire tout ce que vous voudrez. » — Oui ! ah ! malheureux renard, tu as adhéré à tout, croyant bien faire ; tu t'es encore trompé : « Ah ! salop ! ah ! vermine ! tu renonces à ton père et à ta mère, qui t'ont donné l'existence et t'ont élevé jusqu'à vingt ans, et à ta religion, et tu consentirais à voler et à assassiner pour faire partie de la société ! Allons donc ! sale animal ! dépourvu de bon sens, être dégoûtant ! que veux-tu que l'on fasse de toi ? Te confier tous nos secrets, après que tu as renoncé à ta famille et promis de voler et de tuer. Tiens ! misérable ... » Pendant tous ces reproches, il le frappe, le jusqu'à tte, lui crache au visage, lui arrache les cheveux, lui tire les oreilles : « Cochon ! regarde. » Il lui présente un petit Christ et lui dit : « Tiens, vois-tu que nous ne renonçons pas à Dieu » (Certes, on en conviendra, ce serment arraché par la violence n'a aucune valeur ; le soldat aussi prête serment, mais il le prête librement : c'est ce qui donne le droit de le punir, s'il y manque.) — « Tu vas jurer y es-tu consentant ? — Oui... — Dis comme moi. » — Il lève la main droite. « Je jure, devant Dieu et devant les honnêtes compagnons, de ne jamais dire ni divulguer aucun des secrets qui pourraient m'être confiés. — Je le jure ! » — Maintenant il lui montre une petite planche sur laquelle il y a quatre lettres : U. V. G. T. « Tu vois ces lettres ? — Oui. — Sais-tu ce qu'elles veulent dire ? — Non. — Eh bien, voilà : Union, Vertu, Génie, Travail. Tu sais aussi que les Compagnons ont tous un nom. Eh bien, maintenant, quel est le nom que tu désirerais choisir ? » Je suppose que ce soit Blois-la-Prudence. On lui donne à son choix un parrain et une marraine, que l'on appelle le représentant et l'adjoint. On place l'un à droite, l'autre à gauche, et tous ensemble rifflent les quatre lettres : U. V. G. T., comme les trois anciens pour le montage de la couronne. Quand ils ont finit de riffler, ils se mettent debout. On verse deux verres de vin sur la table. Le renard en prend un et, se tournant à sa droite, il dit : « Mon représentant, acceptez de Blois-la-Prudence, en reconnaissance, en espérance, en espérance, en reconnaissance que vous en ferez un bon usage, comme vous avez promis à Dieu et aux honnêtes compagnons d'être honnète compagnon. Que Dieu vous en fasse la grâce et à moi aussi, mon représentant. » Le représentant répond : « Je l'accepte en espérance, en espérance, en reconnaissance, en recconnaissance que vous en ferez un bon usage, comme vous ave promis à Dieu et aux honnêtes compagnons d'être[362] honnête compagnon. » Le renard dit : « Que Dieu vous entende ! » Ils boivent et reposent leurs verres sur la table. On les remplit de nouveau: le renard en reprend un et répète les mêmes paroles, en le présentant à son adjoint. Ensuite on le fait mettre à genoux, puis, après un débat grotesque sur le tarif de l'épreuve, fixé à cinq sols, l'ancien lui remet son bandeau, prend une petite cruche pleine d'eau et lui verse de cette eau sur la figure en frappant avec sa main et en disant : « Je te baptise Blois-la-Prudence au nom du père Soubise et de tous les petits Soubiseaux. »
§ 20. CONsEILS DE PRUD'HOMMES.
Quand on parle du Conseil des Prud'hommes, beaucoup de personnes très instruites en matière de droit s'imaginent une juridiction où l'on se préoccupe des principes purs de la souveraine justice. C'est là une opinion qui jadis a été vraie, mais qu'actuellement il faut réformer quelque peu. Le Conseil des Prud'hommes d'aujourd'hui est une arme de guerre. Les patrons charpentiers, par exemple, s'en servent pour maintenir les salaires à 80 centimes ; les ouvriers ripostent en lui faisant appliquer les prix de cette série de 1882 qu'ils ont été les seuls à rédiger : soit 90 centimes. Voici comment :
A Paris, le Conseil des Prud'hommes, nul ne l'ignore, est divisé en quatre bureaux généraux ou Conseils de jugement : un pour les métaux, un deuxième pour les tissus, un troisième pour les produits chimiques, un quatrième pour les industries diverses. L'industrie de la charpente est rangée dans la quatrième catégorie : industries diverses. Le projet qui est à l'étude organise un bureau général pour la seule industrie du bâtiment8.
Dans chaque métier, patrons et ouvriers ont droit à un nombre égal de prud'hommes. Ainsi, parmi les charpentiers, qui forment un collège spécial avec les scieurs de long, les scieurs à la mécanique, les charpentiers mécaniciens, les électeurs patrons et les électeurs ouvriers, soumis d'ailleurs aux mêmes conditions générales : vingt-cinq ans, exercice de la profession depuis cinq ans, domicile depuis trois ans, qualité de Français, etc. (loi des 1- 4 juin 1853), ont droit à deux prud'hommes patrons et deux prud'hommes ouvriers.
[363] Le bureau général des industries diverses, c'est-à-dire le président, deux patrons, deux ouvriers, est en séance. Une affaire lui est soumise. C'est un ouvrier qui réclame son salaire et qui prétend naturellement être payé au tarif de la Ville. Le patron ne consent à lui accorder que le tarif coutumier de 80 centimes.
Supposez les prud'hommes ouvriers en majorité ; ce qui arrive lorsque le hasard du roulement amène un ouvrier à cette présidence qui départage les deux partis rivaux, et d'après la loi du 7 février 1880 le fait se produit toutes les deux séances. Supposez les prud'hommes ouvriers en majorité, la réclamation de l'ouvrier est acceptée ; et, comme l'appel n'est admis qu'au delà de 200 francs, le patron est contraint de payer.
Les patrons, au contraire, sont-ils en force, qu'en résulte-t-il2 O0n ne tient pas compte du tarifde 1882; mais alors des scandales se produisent, comme en 1888, où les prud'hommes tailleur de pierre et charpentier, Boulé et Meyer, voyant que le bureau refusait d'admettre les prétentions d'un ouvrier employé aux travaux de la salle d'attente que la questure du palais Bourbon a réservée aux électeurs, se levèrent et déclarèrent qu'ils ne siègeraient pas un instant de plus dans un tribunal capable de rendre des décisions aussi iniques. Procês-verbal est dressé de l'incident, et un décret frappe les prud'hommes de déchéance (loi des 4- 10 juin 1864).
Les conseillers ouvriers sont en quelque sorte astreints à déployer cette énergie, lorsqu'ils tiennent à toucher plus longtemps l'indemnité de 1.200 franes allouée par le Conseil municipal. Ils sont liés, en effet, par un mandat impératif. Nous sommes en mesure d'affirmer le fait, qui d'ailleurs est hautement avoué. L'organisation est identique dans les deux sections françaises de l'Internationale ; car l'Internationale, plus vivante que jamais malgré des dénégations répétées, a vu sa section française coupée en deux : fraction possibiliste ou modérée (opportuniste) et fraction guesdiste, blanquiste (ou radicale). Les prud'hommes possibilistes, par exemple, comparaissent mensuellement devant un bureau de vigilance, qui leur fait rendre un compte exact de toutes les affaires jugées par eux. Ces bureaux siègent à côté de la Bourse du Travail, dont ils forment une des annexes non officiels. Les bureaux de vigilance blanquistes se réunissaient jadis dans la rue des Lavandières-Sainte-opportune. Sur tous ces points, nous possédons des renseignements personnels que nous sommes contraints de taire par une délicatesse que tous comprendront.
[364] Il n' avait donc rien que de juste dans cette affirmation, paradoxale au premier abord : « Le Conseil des Prud'hommes est le second moyen de lutte du salariat contre le capital. »
§ 21. SUR LES ASSOCIATIONS OUVRIÈRES DE PRODUCTION DANS L'INDUSTRIE DE LA CHARPENTE.
Trois associations ouvrières de production se sont fondées à Paris dans l'industrie de la Charpente.
1° La Société générale du Batiment, créée par la Fédération socialiste du Bâtiment, groupe corporati du parti possibiliste ou ouvrier ». Cette société, dont le chantier se trouvait près de la place d'talie, avait une section de charpente. — Capital : 50,000 francs. — Forme : société anonyme à capital variable. — Etat actuel : disparition au bout de trois mois par suite du non-versement de certaines actions et de l'instabilite du pouvoir directorial.
2° L'Association syndicale de la rue de Stendhal, créée en 1881 par la chambre syndicale. — Capital : il s'est élevé jusqu'à 48.000 francs. — Forme : société anonyme à capital variable. — Etat actuel : disparition au bout de cinq ans, par suite du droit au travauil reconnu aux 40 à 50 associés, et de l'instabilité de la direction.
3° La Société des Ouvriers charpentiers de la Villette (49, rue Saint-Blaise), créée en 1882 par le Compagnonnage du Devoir. — Capital aetuel : 92.800 francs. — Forme : société anonyme à capital variable. — Eat actuel : prospérité par suite de deux causes : l'esprit de discipline inspiré par l'aristocratique Compagnonnage du Devoir, et surtout l'énergie extraordinaire de la direction.
Situation commerciale au 1e janvier 1891. — Montant du capital : 92.800 francs (capital-actions) ; 20.000 francs (legs lampal; capitalobligations). — Chiffres des espèces en caisses ou en dépôt : 105.612 francs ;— Sommes dues par les débiteurs par compte, 158.749 francs plus 13.557 franes d'effets à recevoir (en portefeuille). — Réserves, 73.559 francs. — Bénéfices, 96.000 francs.
Régime du travail. — Les associés, au nombre de deux cents, ont un tour de travail immuable. Le reste du temps, ils doivent chercher du travail dans les chantiers ordinaires.
Sauf les gâcheurs, qui ont 350 francs par mois, et les chefs d'équipe,[365]qui recoivent 10 centimes de supplément par heure à l'époque des forts travaux, le principe du salaire égal à 90 centimes l'heure est absolun.
Pas de secours en cas de maladie, parce que tous les associés déjà compagnons sont secourus par le Compagnonnage, mais une assurance contre les accidents (3 francs d'indemnité par jour) ; et enfin une caisse de secours, en voie de formation, contre l'invalidité et la vieillesse.
Conclusion : au point de vue commercial, cette Société constitue un des plus puissants chantiers de Paris (c'est elle qui a exécuté les revêtements de la galerie des machines ; — au point de vue du régime du travail, elle présente une organisation sans rivale.
§ 22. DES DIFFÉRENTES ÉCOLES SOCIALES DANS L'INDUSTRIE DE LA CHARPENTE.
1° ˉOuvriers collectivistes. — Principe (Karl Marx) : mise en commun du sol et des instruments de travail. — Mode d'action : l'Association internationale des travailleurs.
La section française de l'Internationale s'est, on le sait, coupée en deux depuis le congrès de Saint-Étienne (1882). D'un côté se trouve la section possibiliste (Brousse, Chabert, etc., — jadis Joffrin, — Allemane, etc.), subdivisée en deux à son tour depuis le congrès de Chàtelleraut (1890) : un groupe avec Brousse un autre avec Clément et Allemane. De l'autre, la section marxiste, guesdiste, ou blanquiste, qui a pour chefs MM. Jules Guesde, Deville, Lafargue, Vaillant, etc. (en 1890 congrès de Lille), et qui s'est subdivisée également en blanquistes non-boulangistes et blanquistes boulangistes (ranger et Roche).
Quant aux différences entre les deux groupes, il faut les chercher, non dans les doctrines, mais dans la violence de l'application, et en outre dans les questions de personnes.
A Paris, dans l'industrie de la charpente, le groupe possibiliste broussiste, représenté par la Fédération socialiste des charpentiers, est le plus nombreux. Il réclame la création d'un chantier communal unique, à la place des multiples chantiers patronaux qui se ruinent par la concurrence. Ce chantier communal, par le fait seul de sa puissance, sera[366]bientôt maître de la situation. — On créera alors l'union de tous les chantiers communaux en un atelier national; — puis l'union de tous les chantiers nationaux en un atelier international.
2° Ouvriers sans nuance bien défnie. — ls sont socialistes à la maniêre française, c'est-à-dire qu'ils maintiennent le principe de la propriété privée ; mais ils veulent une intervention constante de l'État dans le régime du travail.
Leurs revendications se ramènent à trois chefs principaux :
1° réclamation. — Du travail pour tous les ouvriers du métier, par le moyen d'incessants traaua puodics, — la limitation de la journée de travail, empèchant les ouvriers supérieurs d'entamer la part de travail des ouvriers moins forts ou moins habiles ; — la fixation du salaire par un décret ou une loi, à condition que ce salaire soit egad pour tous.
2e réclamation. — Assurance obligatoire contre les accidents (payée par le patron) et contre les maladies (assurance d'Etat).
3° réclamation. — Assurance oodigatoire contre l'invalidité et la vieillesse (assurance d'Eat).
Ce deuxième groupe estde beaucoup le plus nombreux ; il faudrait y distinguer des catégories multiples. L'ensemble des idées que nous venons d'exposer forme la limite extrême.
§ 23. COMMENT LA GÉNÉRATION PRÉCÉDENTE S'ÉLEVAIT AU PATRONAT.
De cette masse d'ouvriers charpentiers qui vivent de cette vie et aussi de ces rêves, il en était, — surtout jadis, — un certain nombre qui faisant bon marché de l'égalité idéale, résolvaient à leur point de vue particulier la question sociale en s'élevant au premier rang du métier. L'épilogue de ce tableau de l'industrie de la charpente nous sera fourni par un ancien compagnon, venu à Paris avec quelques notions de géométrie descriptive et retiré à soixante ans, millionnaire, dans une ville de la banlieue. Cet ouvrier, ou plutôt cet ancien ouvrier, est né en Bourbonnais, vers 1825. Il descend, comme il le dit avec orgueil, d'une longue série de générations de compagnons. Son père était charpentier, et fut son premier maître. Il lui enseigna les éléments de la pratique du métier, et comme le jeune homme possédait des fa[367]cultés de raisonnement et de calcul exceptionnelles, il le poussa vers les connaissances théoriques de géométrie descriptive et d'arithmétique, qui lui furent plus tard du plus grand secours. Peu de littérature, d'ailleurs, presque pas d'orthographe. L'orthographe n'est pas indispensable sur le s tour de France ». L'ouvrier arriva rapidement à Paris.
Ses connaissances théoriques étaient suffisantes pour en faire un gâcheur, mais ses connaissances pratiques étaient incomplètes. C'est ici que se révèle le politique qui sait se servir des autres et par conséquent est né sous l'étoile qui porte au succès. Il trouve dans le chantier où il est embauché un vieux compagnon très expert : « Je discutais avec lui, nous disait-il ; en réalité pour apprendre. Il m'embarrassa plus d'une fois, car il en savait plus que moi ; mais alors je l'attirais sur mon terrain, les connaissances théoriques, et je le battais à plate couture. Je ne lui disais rien, car il est des choses qu'il faut savoir ne pas dire, mais il était mon maître. Je le lui ai avoué plus tard ; il n'a jamais voulu me croire. »
En même temps l'ouvrier accomplissait toutes les obligations que les compagnons du Devoir exigent de leurs adhérents ; il subissait les épreuves et s'élevait peu à peu aux grades supérieurs de la vieille association, dont il ne parle qu'avec le plus grand respect. Il fondait aussi une ecole detrait. Ces écoles de trait, ou de géométrie descriptive appliquée à l'art de la charpente, qui sont un peu abandonnées aujourd'hui, jouent dans la vie de l'ouvrier charpentier un rôle considérable. Leur direction est pour les jeunes hommes intelligents une source de revenus très précieuse et aussi un moyen de se faire connaître. Il en fut ainsi de l'ouvrier dont nous retraçons l'histoire. Il fit construire par ses élèves une réduction en bois de l'un des monuments de Paris, et l'offrit à un architecte aujourd'hui célêbre et membre de l'Institut. Cette manœuvre était remarquable. L'architecte fut touché de l'attention, promit au professeur ses bons offices, et cette protection se retrouva au moment où le compagnon devint entrepreneur.
En effet, il s'établit peu après ; il était encore facile de s établir. Une de ses sœurs, qui avait amassé une petite fortune dans le commerce, lui avaņa les 10.000 francs nécessaires. Aujourd'hui, monter un chantier avec 10.000 francs serait folie. Aucun architecte ne voudrait traiter avec un patron offrant aussi pecu de garanties. L'ouvrier débuta en s'associant avec un camarade très acti, mais qui, ainsi que l'écolier de Sully-Prudhomme, n'était pas né commerçant on a pu voir qu'au contraire le coup d'eil et l'esprit d'affaires ne faisaient pas[368]défaut au premier des associés. Ce fut lui qui prit en main la direction commerciale. Au bout de cinq ans, on liquidait avec 300.000 francs de chaque côté. L'architecte de l'Institut avait tenu ses promesses et payé sa dette de reconnaissance.
Dès ce moment la fortune était venue : elle n'est point repartie. L'ancien gâcheur est, nous l'avons dit, millionnaire. Il a toujours le culte de son compagnonnage, qu'il considère comme la sauvegarde des jeunes ouvriers. Les rites ne lui en semblent point puérils. Il les compare à ceux de la franc-maçonnerie, où il occupe un grade élevé.
D'autre part, le patronat est, à ses yeux, le seul mode possible de l'organisation du travail, sous sa forme ancienne ou sous la forme de l'association ouvrière de production, qui ne lui parait pas autre chose qu'une union de petits patrons. Il ne croit pas aux théories des rénovateurs socialistes. Leur violence l'effraie. Lui est anticlérical, mais conservateur ; il a eu des rapports suivis avec un politique quil persiste à regarder comme le seul homme d'Etat de ces derniers temps ; il s'agit du tribun illustre dont M. Georges Duruy a fait le héros de Fin de Rêve et qui enseignait cette doctrine : « Là où arrivent au premier rang tous ceux qui sont capables d'y être, il n'y a pas de question sociale »9.
Notes
1. Ces chiffres s'appliquent au département de la Seine qu'on ne peut séparer de Paris.
2. Voir comment le eollectivisme de arl Marx est sorti de la philosophie de lleggel, dans les Sophistes udlemands et les Nhilistes usse, par Th. Funcl-Brentano, Paris. Plon, in-8°.
3. L'influenza, au dix-huitiéme siécle, parcourut l'Europe comme au div-neuviéme voir les Mémoires du maréchal de ichelieu (1733. siège de Philippsbourg).
4. Avec des acomptes qui peuvent s'èlever jusqu'à la moitié de la somne due, mais dont la famille étudiée n'use pas. — Le jour de paie est le premier samedi du mois, purvu que ce samedi ne dépasse pas le 3.
5. 49, rue Saint-Blaise, Dvisio des chamtiers : 25 à 30 grands chantiers : 30 petits : chaniers moyens en majorité (une dizaine d'hommes).
6. V. Precis d'Economie politique, Th. Funck-Brentano.
7. La Question ouvrière: 1, Charpentiers de Paris ; Compagnons et Indépendants ; Cours libre professé à la faculté de droit de Paris (avec preface par M. Th. Funck-Brentano). Paris, Arthur Rousseau ; 1891 ; in-8°, 298 p.
8. Ce projet est devenu les décrets du 8 ars et 10 juin 1890, mais l'ancienne organiation a été moins erme toute l'année 1890.
9. M. Gambetta.