N° 89.
PIQUEUR SOCIÉTAIRE
DE LA MINE AUX MINEURS
DE MONTHIEUX (LOIRE-FRANCE)
OUVRIER CHEF DE MÉTIER.
ASSOCIÉ AVEC D'AUTRES OUVRIERS CHEFS DE MÉTIER
d'après
LES RENSEIGNEMENTS RECUEILLIS SUR LES LIEUX EN AOUT ET SEPTEMBRE 1895
PAR
M. PIERRE DU MAROUSSEM
Docteur en Droit.
Sommaire
- Observations préliminaires définissant la condition des divers membres de la famille.
- Éléments divers de la constitution sociale
- § 17. COMMENT, DANS LA PÉRIODE PRIMITIVE DE SON HISTOIRE, L'INDUSTRIE HOUILLÈRE DU BASSIN DE LA LOIRE DEMEURAIT FAVORABLE A L'ÉTABLISSEMENT DU PETIT PATRONAT26.
- § 18. CARACTÈRES SPÉCIAUX A L'INDUSTRIE MINIÈRE QUI A T'ÉPOQUE ACTUELLE SEMBLENT EN FAIRE LE DOMAINE PRESQUE EXCLUSIF. DES « GRANDS ATELIERS CONCENTRÉS ».
- § 19. LA MINE AUX MINEURS D DE RIVE-DE-GIER40.
- § 20. LA MINE AUX MINEURS D DE MONTHIEUX.
- § 21. CE QUE REPRÉSENTENT LES DEUX « MINES AUX MINEURS » ET LEURS DIFFÉRENCES.
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Observations préliminaires définissant la condition des divers membres de la famille.
Définition du lieu, de l'organisation industrielle et de la famille
§ 1ᵉʳ. État du sol, de l'industrie et de la population.
[365] Il n'est pas impossible de tenter une reconstitution préhistorique de ce qui est devenu le grand bassin houiller du centre de la France, le pays noir de Saint-Étienne et Rive-de-Gier (2° de longitude Est, 45° 30' de latitude Nord). Comme cadre, une forteresse irrégulière de trois grandes masses granitiques : à l'Ouest, les monts du Forez actuels avec leur point culminant de Pierre-sur-Haute (1.640 m.) ; au Sud et à l'Est, l'arête des Cévennes, coupée par la dépression du canal de Givors et dominée par la terrasse du Mont Pilat (aujourd'hui 1.454 mètres); au Nord-Est enfin et au Nord, les monts du Lyonnais, de Tarare, du [366] Beaujolais, surplombant de leurs 1.004 mètres les collines de Néronde qui achèvent le cercle des hauteurs. Comme centre, un lac immense, le lac de la plaine du Forez, de 20 kilom. de large, de 40 kilom. de long, que la Loire devait vider peu à peu, grâce à sa trouée vers le Nord. Sur les contours Sud-Est de cette mer intérieure apparaissent, étagées à des intervalles inégaux, les masses houillêres, richesses amassées par la lente décomposition de la végétation des vieux âges, mais repliées, redressées, rompues à diverses reprises, lors du soulèvement de la ceinture montagneuse.
Aujourd'hui que le lac a disparu, cédant la place au grand fleuve dans le même cirque de montagnes, et que les anciennes forêts, devenues couches de charbon, se recherchent fiévreusement sous la gradation des dépôts modernes, diluvien, quaternaire, tertiaire et jurassique1, la première place économique appartient à la bande de terre noirâtre, se dirigeant du Sud-Ouest, au Nord-Est, des bords de la Loire à ceux du Rhône, étroite à son extrémité Sud-Ouest, atteignant sa plus grande largeur à Roche-la-Molière et Saint-Étienne, restreinte à Saint-Chamond, et finissant vers Tarare par une pointe de 300 m. de largeur2. C'est elle qui a imprimé à l'horion entier son aspect si nettement opposé aux cultures et aux pâturages avoisinants, faisant surgir du sol une suite de bourgs et de cités bàtis tout d'un coup, a l'américaine, — une sorte d'atelier de 20.000 hectares où200.000hommes sont agglomérés ; panorama désolé, pelé et noir pendant le jour, mais étincelant de feux, la nuit, ajoutant les flammes électriques aux lignes de gaL, comme en un triomphe de cette prospérité moderne, faite, elle aussi, de houille et d'acier.
L'industrie minière est donc reine de tout le cortège d'industries qu'ici la statistique détaille : fabrication du fer, de la fonte, etc., construction, fabrication des armes, tissage des soies et velours, verrerie et métiers de toutes sortes. A l'Ouest, dans l'ancien Forez (Saint-Étienne), comme à l'Est, dans l'ancien Lyonnais (Rive-de-Gier), elle se prévaut de son antiquité, en rappelant que dès le dix-septième siècle elle suffisait au chauffage de Lyon, et que d'autre part elle alimentait les forges du Forez et jusqu'à laporcelainerie de Sêvres. Aujourd'hui, malgré l'épuisement de sa partie orientale3, elle tire bon parti de 12.000hectares sur[367]les 20.000 de ses gites ; sa production se maintient : 2.9419.000 tonnes en 1885 ; 3.284.000 en 18944. La contrée semble bien à elle : la conception légale de la propriété souterraine fait toujours apparaître le partage du sous-sol en 64 concessions sous l'enveloppe de la division superficielle des héritages : la conversation courante exige du touriste une connaissance aussi approfondie de la carte des périmêtres (ou ones des grands domaines miniers), que de la carte topographique de l'état-major.
Examinons donc l'état général de cette industrie, pièce maîtresse de tout ce milieu économique, 1° au point de vue de la technologie, 2° au point de vue de l'organisation des rouages de production, 3° au point de vue de la population ouvrière qu'elle utilise.
1° Technologie. — L'analyse des gîtes houillers permet déjà d'apprécier le caractère particulier qui devait être imposé aux exploitations.
Les ingénieurs n'ont cessé de relever à toutes les époques l'allure particulière et l'irrégularité des couches que l'on désigne par un numérotage allant de 1 à 15 et au delà5. « Dans le sous-bassin de Saint-Etienne, écrivait en 1873M. de Ruol dans son grand rapport sur l'industrie houillère en France, les couches sont très inclinées. On ne peut les exploiter sur une grande étendue ni en largeur ni en longueur. » Dans le sous-bassin de Rive-de-Gier, les obstacles sont accrus par les exploitations anciennement abandonnées : « Comme un seul puits ne peut servir de point de départ qu'à un champ d'exploitation assez restreint, on est contraint de réduire les frais de premier établissement et il ne faut pas songer à l'emploi d'un matériel perfectionné et de grande puissance. »
En second lieu, la friabilité du charbon de la Loire demeure extreme. Les s pérats n ou petits blocs se résolvent en poussière sous la trépidation du voyage même6. Il s'ensuit que l'outil du mineur du dix-septième et du dix-huitième siècle a été conservé, et que le pic, manié par la main de l'homme, semble défier les machines d'extraction, les haeuses entre autres, employées dans les mines anglaises. Cette seconde raison diminue encore, dans une certaine mesure, l'importance de l'outillage indispensable.
[368] Par contre, la qualité du charbon de la Loire est placée par les hommes spéciaux à un degré fort relevé. La classification de ces houilles permet de constater qu'elles sont propres aux usages les plus divers. On distingue en effet :
1° Houille grasse à courte flamme (chauffage):
2° Houille grasse maréchale (forges et production des coles pour machine) ;
3° Houille grasse bitumineuse (fabrication du cole) ;
4° Houille grasse à gaz ;
5° Raffort pour le chauffage domestique, les fours à réverbère et le cole très dur, recherché pour l'exportation ;
6° Houille maigre (Chazotte et Monthieux) ; chauffage domestique, agglomérés, etc.
Les conséquences de la technologie semblaient done être les suivantes : 1° morcellement relatif des exploitations ; 2° grand nombre de ces exploitations par suite de la facilité des ventes.
Toutefois la situation continentale du bassin, en dehors de toute voie maritime ou fluviale importante, a toujours été pour lui une cause considérable d'infériorité.
2° Organisation des rouages producteurs. — Actuellement, sous l'empire de la loi fondamentale du 21 avril 1810, qui a fait triompher en matiêre de mines le spstème de la domanialité7, la propriété des richesses minières se trouve répartie en 64 domaines ou concessions »8.
Ces 64 domaines, d'une inégalité évidente puisque telle concession (Firminy et Roche-la-Moliêre) contient 5.856 hectares, tandis que telle autre (Vercheres-Feloin) se restreint à 10, se trouvent agglomérés aux mains de vingt-six titulaires (sociétés ou particuliers).
Mais, lorsque l'on quitte la question de la propriété pour celle de l'exploitation, on relêve sur le ˉapport annuel de M. l'ngénieur en chef des mines de la Loire, que le système de l'exploitation directe est loin d'être le seul employé. Les plus importantes organisations de production demeurent sans doute soumises au procédé de la regie[369]immédiate (Cie des mines de Roche-la-Molière, Cie des mines de Montrambert, Cie des mines de la Loire, Cie des Houillères de Saint-Étienne, Cie des Houillères de Rive-de-Gier, etc.) ; mais les exploitants, distincts du concessionnaire, les amodiataires ou fermiers sont encore fréquents. Ces exploitations de diverses natures, en tête desquelles se placent les grandes sociétés anonymes indiquées plus haut, sont au nombre de 29, très différentes d'aspect, puisqu'à côté des mines appartenant à une seule famille (Cie du Cros à MM. de Rochetaillée), on trouve des associations de trois à quatre ouvriers procédant à des glanages sur vieux travaux.
Donc, malgré ces petits groupes, survivants de l'ancien régime, qui exploitent par fendues ou galeries inclinées, la concentration des entreprises s'est opérée énergiquement dans le bassin de la Loire, sous l'influence de diverses causes qui seront ultérieurement détaillées : a, élévation croissante des travaux de recherche : forage des puits, épuisement, remblayage, etc. ; — b, charges de l'entreprise (indemnités aux propriétauires de la surface ou trefonciers consacrées par les règlements spéciaux du bassin de la Loire ; indemnités pour dégradations de la surface ; pensions et retraites aux blessés, aux veuves et héritiers des tués); — c, difficultés de l'administration financiêre. En effet, chaque puits a son compte de prix de revient périodiquement établi. Tel accuse un bénéfice de tant ; tel autre se chiffre en perte. Au lieu de s'arrêter à 10, la tonne revient à 37, alors que le prix de vente est de 12. La compensation des bénefices est pratiquée plus que partout ailleurs dans l'industrie des mines. L'espoir soutient les travaux du puits désavantageux une découverte ramènera les profits à l place des pertes. C'est un jeu, une spéculation, dont les entreprises riches seules peuvent en principe tirer avantage.
A l'administration financière s'ajoute l'administration commerciale, la vente à la consommation, aux usines, aux marchands de gros pour l'intérieur ou l'exportation.
3° Population ouvrière. —,La statistique générale accuse les chiffres qui suivent pour la population ouvrière (travaux de fond et travaux de surface) :

[370] A l'atelier, cette masse ouvrière, qui forme un contingent de 3.000 hommes en certaines exploitations, est hiérarchisée dans l'unité du travail (réunion d'un puits d'extraction et d'un puits d'aérage)9. En tête vient l'ingénieur avec ses bureaux. (Nous laissons de côté le service central, installé dans la ville même, pour ne nous occuper que de l'atelier d'extraction). Deux sections au-dessous de lui :
1° Travail au jour. — Il est commandé par le controleur (chef des carreaux dans les mines du Midi). Les ouvriers se distinguent en machinistes, chauffeurs, receveurs (préposés à la réception des bennes), forgeurs, benniers et charpentiers (gens de métiers auxiliaires permanents ou temporaires), trieurs de pierre, cribleurs et garcons de plâtre, préparateurs de remblais.
2° Travail au fond. — Le chef porte le nom de gouverneur (chef porion du Nord.) Il a sous ses ordres : les sous-gouverneurs (porions), les chefs de postes, les surveillants de grisou, ete. Viennent au-dessous les piqueurs (le mineur proprement dit, l'abatteur de charbon), les boiseurs, les traîneurs, rouleurs et pousseurs, les palefreniers et toucheurs, les enchaîneurs, les cantonniers, les remblayeurs et mineurs aux remblais, les mineurs (chargés de faire sauter les rochers par la dynamite ou la grisoutine), les maneuvres.
Cette population minière est agitée d'un double mouvement : mouvement sgndical et mouvement coopérateur.
Le mouvement syndical, la coalition permanente en vue du maintien ou du relêvement des salaires, devait germer vigoureusement sur ce terrain rendu fameux par la grève et les « massacres de la Ricamarie. » A une époque même (1884), la Fédération des Mineurs de la Loire, due à l'initiative du « citoyen Rendu », actuellement secrétaire de la edération natonale des mineurs de France, atteignait un haut point de puissance : ses sections étaient solidement reliées et sa discipline[371]suffisante. — La désunion s'est introduite dans cette armée et un morcellement en sept petits syndicats en est résulté (Mineurs de la Loire, Quartier-Gaillard, la Talaudiêre, Saint-Chamond, La Ricamarie, Grand-Croix, Villars10. Les compagnies minières ont reconquis leur autorité par la « mise à l'index » des meneurs et aussi par un ensemble de mesures bien comprises.
Quant au mouvement de la Mine aux Mineurs, il se manifeste par deux essais. Le premier est la Sociéte des mineurs du ier, concessionnaire de onze domaines miniers dans le vieux bassin épuisé. Le second est la Société Stephanoise de la mine aux mineurs de onthieux, amodiataire perpétuelle de la concession de Monthieux, dont M. le baron Vital de Rochetaillée est titulaire.
Malgré l'identité de titre, de profondes différences séparent ces deux associations ouvrières (la ine aau mineurs n'est pas autre chose) et déterminent le choix du monographiste en faveur de la seconde. En effet, tandis que la Société des mineurs du Gier se présente sous les dehors d'une entreprise archaique de glanage sur vieux travaux, la Société de Monthieux est apparue au milieu des compagnies patronales avec tout le matériel perfectionné de l'industrie moderne.
Appliquons donc le cadre immuable de la monographie à l'un des patrons de cette mine ouvrière, à l'un des sociétaires, — jadis au nombre de 140, — copropriétaires du fonds social et chefs indirects des 40 auxiliaires subordonnés. Tachons de découvrir quelques-uns des éléments qui se dessineraient, si la révolution sociale, souvent rêvée et toujours retardée, substituait d'un coup de baguette le travailleur à l'actionnauire n et le salariat triomphant au s caupital détrôné.
§ 2. État civil de la famille.
L'organisation de la famille des « Fermiers Montagnards du Forez »11sert de préambule nécessaire à l'étude de cette constitution familiale du pays houiller. L'évolution des familles de mineurs[372]montre presque toujours à son début une famille-souche d'agriculteurs, installée sur les hauts plateaux.
Ces populations de mineurs, en apparence complètement asservies à leur métier, qui les rendrait impropre à tout autre, peuvent se classer en trois catégories assez nettement tranchées :
1° Les mineurs paysans locaux, propriétaires de quelque parcelle de terre et cherchant à la mine un supplément de ressources. C'est le type normal du dix-huitième siècle, relativement rare aujourd'hui, mais retrouvé cependant autour des vieux gîtes de Rive-de-Gier. De ces familles, par une montée naturelle, sont sortis les extracteurs patrons de jadis, qui ont réalisé parfois des fortunes considérables au moment de l'organisation des compagnies.
2° Les mineurs ouvriers, spécialisés dans leur tâche monotone, originaires le plus souvent (à une, deux ou trois générations) des montagnes du Haut-Forez, de l'Ardêche, de la Haute-Loire, quelquefois du Bourbonnais et des provinces limitrophes. Ils forment la masse générale, non pas stable, mais transformée par en haut et renouvelée sans cesse à la base par des afflux nouveaux.
3° Les mineurs immigrants temporaires, robustes gars des montagnes qui viennent l'hiver, à l'époque de la « presse » offrir leurs économies de vigueur et de courage, comme les maçons creusois dans le « bâtiment » parisien. Mais, à la différence de ceux-ci, ils ne représentent pas des chefs de famille rassemblant les soultes que l'aîné ou l'héritier institué doit à ses frères : ce sont tous des cadets, en quête d'établissement, se mariant dans les villages miniers et perdant ainsi après deux ou trois campagnes l'esprit de retour. Ils forment les recrues de la population houillère.
La famille observée appartient à la seconde catégorie avec une nuance spéciale. Elle se compose de sept personnes :
1°Jean-Baptiste M***, chef de famille............ 45 ans.
2°Maria G***, sa famme........... 40 —
3°Pierre M***, leur 1er fils............ 16 —
4°Marie M***, leur 1re fille............ 11 —
5°Julie M***, leur 2e fille............ 9 —
6°Claire M***, leur 3e fille............ 6 —
7°Jean-Maire M***, leur 2e fils............ 7 mois.
Le sang « mineur » arrive par la mère, fille et sœur d'ouvriers des puits de Firminy. Le chef de famille est le fils d'un artisan rural (cordonnier) de Roche-la-Molière. Sa « descente à la mine » dès l'âge de seize ans s'explique par son désir d'indépendance que le gain immé[373]diat des ateliers de surface a tenté au début, pour l'engréner chaque jour davantage. Le service militaire n'a pas rompu le charme. Il est revenu au travail primitif, le seul qui lui fut familier. Le fils aîné a pris le même chemin, tout en maudissant le métier, sous l'influence des mêmes considérations.
§ 3. Religion et habitudes morales.
A quel niveau social se trouve la famille observée ? Evidemment à un niveau qui ne correspond pas à celui des ouvriers de haut luxe, mécaniciens des ateliers d'ajustage, ciseleurs du Marais, marqueteurs ou imagiers du faubourg Saint-Antoine. Ces masses ouvrières que l'on rencontre jusque dans les quartiers riches de Saint-Étienne, le soir, au retour du labeur quotidien, pieds nus, noirs è un degré parfois inimaginable, vêtus de défroques rapiécées, ne peuvent représenter qu'une grande agglomération de terrassiers, à tâche pénible et dangereuse, sortis à peine de la vie rurale et du travail de la terre. L'aspect des habitations confirme cette impression première. La femme est bien la ménagère du peuple, négligée, surchargée d'enfants de tout âge et ayant renoncé depuis longtemps à lutter dans son intérieur contre l'influence noircissante de l'air ambiant. Cependant d'assez nombreuses individualités émergent : le mineur soigné, presque coquet, existe ; nous en pourrions signaler dont la femme est chef-plieuse dans une fabrique de rubans. Ce contact de choses délicates et luxueuses hausse le degré de culture et de raffinement.
Toutes ces familles sontsorties, venons-nous dedire, des hautes terres, des highlands fideles à la foi traditionnelle, au culte de la famille, au respect des autorités sociales. Les Fermiers montagnards nous ont même permis desaisir ce trait, archaique entre tous, d'un attachement féodal pour une famille noble12. Or tous ces sentiments sont bouleversés de fond en comble dans la population minière. Le paysage idyllique. qui semble emprunté à Valter Scott, est remplacé par le cadre désormais fameux où l'anarchie a trouvé sae personnification la plus brutale dans l'apôtre Ravachol, qui au moment de ses attentats se cachait à Monthieux. Notons les éléments de cette transformation, asse ironiquement déconcertante.
[374] La religion, d'abord. Le mineur croit-il en Dieu Bien haut, du moins au chantier, en face même des coups les plus imprévus et les plus terribles, il le nie. Il a pris par métier l'habitude de descendre au centre de cette terre où les croyances populaires avaient localisé les feux éternels. Les mystères, au moins ceux-là, n'ont pas de secrets pour lui. « S'il y a un Dieu, qu'on me le fasse voir, s'écrie le vieux piqueur. Une protestation sociale d'ailleurs le soulève. «S'il y avait un Dieu père des hommes, comment souffrirait-il une abjection pareille à la nôtre, le labeur, la misêre, l'eau, le feu, le grisou, la famille enlevée, la mort à l'hôpital. Auprès de quelques-uns le caractère confessionnel de certaines institutions patronales devient l'agent le plus actif de cet anticléricalisme latent. Au fond, le mineur de la Loire et en particulier de Monthieux a-t-il bien secoué sa vieille enveloppe catholique ? Nullement, ence qui concerne la femme. Or la femme et les enfants une fois ramenés, le père se sent-il la force de résisterl Sans doute, nous connaissons des athées résolus et apôtres. Au mois d'octobre 1895, Sébastien Faure a même groupé les plus déterminés d'entre eux autour de ses conférences libertaires, qui opposaient les deux théories antithétiques de la ˉDouleur universelle et du onheur niversel. Sans doute, saufà l'Ouest du bassin, — le long des parois des hauts plateaux à foi ardente, —les églises demeurent à peu près vides d'hommes ; mais au grand désespoir des militants de la négation systématique, ces mêmes hommes réapparaissent en nombre autour des fonds baptismaux : le mariage reçoit encore sa consécration religieuse ; le prêtre arrive au lit du mourant, qui revient à ses convictions d'enfance. Les missions même, ces revivals catholiques, secouent à certains jours dans la population féminine des associations d'idées endormies. Sans la progression des enterrements civils, que des associations de librepensée s'attachent à développer, on pourrait croire au statu qu0 des doctrines rivales. Encore, au diremême des croyants matérialistes, l'économie, toujours bien reçue des fils de ruraux, a-t-elle plus de part en ce s progrès que les raisonnements philosophiques.
Fils de ruraux, en effet, et fils de ruraux montagnards, ces chefs de races en voie de désorganisation ont conservé l'apparence extérieure de la force des familles-mères. La « disette d'hommes », le « moral restreint » lui est inconnu. Les rues des hameaux houillers, comme des grands bourgs et des petites villes, sont pleines d'un pullulement de marmots, rappelant à s'y méprendre les enfants irlandais de Manchester ou de Belfast. Ne demande pas autre chose que cette sorte[375]d'expansion matérielle. La grande puissance de la famille, le lien de l'éducation et de la discipline, est énervé. L'union des parents, sauf quelques exceptions plus rares qu'on ne le supposerait à première vue, a bien été consacrée par les cérémonies de l'État et de l'Église. Les enfants préexistants ontété légitimés, s'il y en avait, comme dans la famille monographiée. Mais la dignité du commandement s'amoindrit, insuffisammeut soutenue par le vieux fonds d'honneur et du respect de soi, qu'avaient accumulé les siècles. La toilette du mineur au milieu des siens, ce croquis crayonné avec une exactitude complaisante par l'autcur de ermnal, ne contribue pas à rehausser le niveau moral de ces intérieurs. Le langage courant, souvenir du chantier et de la caserne, semble prendre plaisir à mettre au premier plan ces ignominies que recueillent les naturalistes. La scène parfois périodique de l'ivresse du père, à laquelle la famille étudiée n'échappe pas, les coleres terribles, « les batailles du vin mauvais », tout vient représenter l'autorité primordiale sous les couleurs du caprice et de la violence, malgré les sentiments affectueux et dévoués qui peuvent survivre. La pauvreté même et les gains précoces des ailnés achèvent l'œuvre de dissolution. Le présente étude en fournit un exemple. Sur quoi s'équilibre le budget de la famille ouvrière Sur le salaire du fils aîné, âgé de seie ans, qui peut être choisi comme type d'extrême avant-garde au milieu de cet abandon trop fréquent de l'euvre éducatrice. Si cet enfant cédait à ses désirs d'indépendance, de libre vie, ce serait la misère immédiate, le manque de pain réel et actuel. Il faut donc le retenir, par cajolerie, par politique ; le moyen d'être sévère contre ce bailleur de fonds A vingt ans, s'il n'est sauvé par le travail des bons instincts, nul ne sera mieux préparé que lui à la pratique du principe libertaire : « Ni Dieu, ni mailtre. »
Le maître ? Il aura d'autant moins de peine à le hair, que le milieu économique a déjà développé chez lui une hostilité héréditaire. La lutte sociale a sévi longtemps, à l'état endémique, en ce pays minier, pourtant plus calme en ses profondeurs que les publicistes partiaux ne se l'imaginent. Monthieux particulièrement a été rempli d'outlaus, de proscrits des compagnies patronales, au point de rendre difflcile l'accord des intérêts identiques et la déférence nécessaire aux autorités acceptées. Collectivistes de nuances variées, anarchistes même, venus surtout des bassins de l'Allier et de Saône-et-Loire, y ont systématisé les remèdes de ces soufrrances et ont entralné un noyau d'adeptes, natures ardentes et bruyantes qui tout en tàchant d'orga[376]niser la mine ouvrière, attendent la révolution brusque avec la foi des millénaires . Mais les grandes masses des mineurs, les moutonniers, disait devant nous un de leurs chefs, qu'enrage seule une douleur présente et aigue, ne suivent que de très loin cet état-major. Issus de petits propriétaires, à qui la communauté répugne, ils prêtent bien l'oreille aux vagues projets du retour des mines à la commune ou à l'État13; toutefois, peu lettrés, lisant etécrivant à peine, intéressés surtout par les journaux locaux ˉLe Stephanois, ˉLa ˉLoire Républicaine, ils rentrent aisément sous le joug, presque sans rancune, au moment des mises à l'index qui suivent les grèves mal coneduites. Certaines compagnies, celle de Montrambert et de Firminy, leur ont fait, au point vue des retraites et des pensions, des situations acceptables, très au-dessus du niveau commun de la France. Généraliser ces mesures, diminuer les accidents, accroître le salaire dans la mesure du possible, vivre en préparant aux enfants l'accês vers une industrie meilleure (métallurgie ou rubans), tel est le programme inconscient de la plupart, fortifié par la résignation qui ne pense pas. Les syndicats de mineurs sont brisés en six ou sept groupes. Les « puissances sociales » paraissent inébranlables. L'antagonisme a connu une exaspération bien autrement terrible. Il semble que l'on soit à une période de découragement et d'accalmie. Cette période durera-t-elle ?
§ 4. Hygiène et service de santé.
Il est des métiers qui « dévorent les hommes et à qui on peut, par suite, sans outrer les droits de l'érudition, appliquer la vieille épithète homérique. L'industrie minière, malgré les progres de la technique, offre encore une large part de maladies professionnelles et d'accidents.
Les maladies professionnelles d'abord. Actuellement, les membres de cette famille se recommandent par l'ostentation d'une force physique peu ordinaire. Le père [1,75], fortement pris dans sa haute taille d'ancien spahi, broné par le soleil d'Afrique et la poussière des mines ; le fils aîné, plus trapu, mais déjà d'une vigueur[377]herculéenne ; la mère, de taille moyenne [1m,60], annonçant une santé inaltérable sous l'apparence jaunie des femmes du peuple houiller ; les fillettes et le garçonnet enfin, tous solides, malgré une légère dégénérescence qui semble poindre. Il semble donc que l'on soit en présence de l'une de ces races capables de vaincre les influences du milieu : l'asthme des mineurs, conséquence des brusques courants d'air des puits et des galeries ( les sueurs rentrées trop vite D), l'anémie, provoquée par le dégoût de la nourriture solide, aussi bien que par la mauvaise utilisation du salaire, l'alcoolisme enfin, noins destructeur ici que dans les charbonnages du Nord, parce qu'il a pour agent non le rhum, l'eau-de-vie ou l'absinthe, mais le vin clair du Languedoc14.
Incontestablement ces trois dangers pourraient être partiellement évités. Les paysans extracteurs de charbon du dix-huitième siècle (§ 17) y avaient réussi. Ils travaillaient à ciel ouvert le plus souvent, avec la sobriété du temps jadis. Le labeur souterrain ne bouleversait pas leur organisme, aussi bien au point de vue de la respiration que de l'alimentation, et l'on rencontrait à chaque pas, parmi eux, des familles de mineurs héréditaires, même sans afflux de sang nouveuu. Aujourd'hui les ventilateurs installés par les compagnies minières sont arrivés à produire une circulation d'air frais, plus vive même qu'à la surface. En faisant abstraction des réformes inachevées et des difficultés que l'on éprouve à se garantir contre ces brises du soussol, il est certain que le développement scientifique ramêne dans les houillères les éléments de la vie normale de l'homme. Mais les précautions générales des ateliers ne sauraient suffire. Il faut l'énergie de l'hygiene personnelle, et à cet égard la famille monographiée suivra les errements de ses pareilles, trop souvent désagrégées par l'insouciance de cette existence à part, dans la nuit continue, où le clair-obscur des lampes habitue le regard à se fixer de bas en haut15.
Sur ce fond uniforme voici les coups brusques et imprévus que relate l'histoire de l'industrie minière.
Rien n'est à cet égard suggestif comme les traités élémentaires des mines, qui servent de manuel aux élêves ingénieurs. Les dangers qu'ils partageront un jour sont présentés comme des probabilités[378]d'exploitation, qui prennent place dans les frais généraux. L'énumération est complête : l'incendie, provoqué par l'échauffement, si ancien dans les mines du bassin de la Loire ; les éboulements, si fréquents que lesfaits-diers les mentionnent à peine, excepté lorsque les hommes vivants et intacts sont dramatiquement désensevelis ; les coups d'eau », les invasions torrentielles des réservoirs souterrains, qu'a troués un coup de mine imprudent, enfin la plus terrible de toutes les menaces, familiêre aux mineurs stéphanois, le grisou. Relisez ce court passage de l'ouvrage classique de M. Haton de la Goupillière16:

Et les « gros chiffres » seuls sont relevés, déjà anciens, hâtonsnous de le dire, car les perfectionnements de l'aérage ont apporté le plus efficace des remèdes. Cest le grisou qui, par l'énormité même des désastres a motivé la réglementation étroite de la surveillance de l'État, représenté au nom de l'ordre public par le service des Mines17. L'intensité des accidents ne peut mieux se mesurer que par cette intervention du pouvoir souverain, à la fois préventive et répressive, veillant à la suppression des « cloches » (excavations où s'accumule le grisou), et déterminant les responsabilités.
Cet apeŗu sur l'hygiène doit se terminer par une note pittoresque. Les inconvénients des milieux surexcitent, on le sauit, l'ingéniosité humaine. Fréquemment malade, le mineur a vu s'organiser autour de lui un service médical que bien des populations rurales lui envieraient (§ 13). Défiguré par les poussières, méconnaissable parfois après quelques heures de travail, surtout dans les galeries où la chaleur l'oblige à semettre nu, le mineur est devenu d'une propreté scrupuleuse. Sa toilette quotidienne, à grande eau, dans la bassine en fer-blanc que constate chaque inventaire, a déjà été signalée au point de vue moral. La pudeur et l'hygiène ne seraient-elles pas unies par une harmonie préétablie ? Une réforme assez simple déjà tentée à l'étranger (les[379]bains annexés aux puits) permettrait aux compagnies de faire cesser ce divorce momentané.
§ 5. Rang de la famille.
A ne considérer que le métier de mineur seul, mis à part de toute l'organisation sociale où il est enchevêtré, il semble que la famille étudiée occupe dans la hiérarchie technique un rang assez élevé.
Jadis le grade de piqueur, de piqueur mineur, ainsi désigné parce que l'ouvrier se sert tour à tour du pic et de la poudre, constituait la dignité patronale. Quand on avait franchi le niveau inférieur réservé aux jeunes gens de toucheur, de traineur de benne, de porteur de sacs (§ 1), on pouvait s'etablir comme extracteur à son propre compte sur les terres d'un propriétaire tréfoncier, on était dit piqueur. Aujourd'hui, le piqueur reste l'agent principal de production, mais réduit au rôle de tàcheron, quelquefois entrepreneur18, quelquefois aussi non tâché, comme dans la « Mine aux Mineurs ». Au-dessus de lui s'échafaude toute la série des surveillants, sous-gouverneurs, gouverneurs, contrôleurs, et la direction technique et la direction financière.
Dans cette Société coopérative ouvrière qui constitue le cadre de notre analyse, le piqueur sociétaire paraît cependant grandir en importance. Piqueur et subordonné, sans doute, dans l'exécution de la tâche quotidienne, il est aussi sociétaire, c'est-à-dire membre du corps souverain, de l'Assemblée générale qui à son tour juge le pouvoir et le délègue. Faut-il l'avouer, cette dignité n'enorgueillit pas lae famille ouvrière et l'on ne trouverait pas en elle cette conscience du patronat collectif, si intense chez certains coopérateurs ouvriers. L'honneur de la responsabilité s'est en effet traduit pour elle surtout en retenues de salaires. andis que les auxiliaires touchaient leur paye en son entier, les sociétaires se sont vu retenir environ deux cents francs duns l'année 1891-1895 Aussi un certain nombre d'entre eux ont-ils repris spontanément le chemin des compagnies patronales. Que le lecteur réfléchisse au recrutement de ces coopérateurs, à la distribution d'actions sans versement et sans épargne, il saisira peutêtre la cause de ces défaillances. L'effort seul attache l'homme au rang qu'il a péniblement atteint.
[380] Agrandissons le tableau. Joignons le « pays noir » aux multiples corporations de la cité stéphanoise. Le mineur, dans l'opinion ouvrière, demeure à la base de l'échelle. Le métallurgiste, le mécanicien, surtout le passementier, occupent les degrés supérieurs. Donc un immense désir va pousser l'élite des familles de mineurs à s'élever, non seulement dans la voie simple et directe de leur industrie même, vers les grades de conducteur de machine, de gouverneur19, de contrôleur, d'employé, mais encore dans les voies différentes, les multiples métiers où le confort de la vie augmente avec le prestige de l'opinion. Tous n'ont pas la force suffisante pour se hisser vers ces niveaux supérieurs, qui, à défaut de petit patronat, font prendre patience aux plus capables, en consolidant ainsi l'équilibre social. Une masse incalculée demeure rivée à sa tâche spécialisée, qui la rend peu propre à la vie extérieure. On parle souvent de l'attachement du mineur pour son métier ; on le compareà la passion de lamer qui saisitle fils du marin. Au moins pour le bassin de la Loire, ce point de vue nous semble purement poétique. Il n'est pas un mineur qui, à égalité de salaire, ne préférerait un travail de surface. Mais les places sont prises ; l'habitude l'enchaine; la durée de la journée semble d'ailleurs moins lourdeau fond de ces fosses, et ce fait est affirmé par des ouvriers du bâtiment embauchés accidentellement pour les maçonneries intérieures. Les gains précoces achèvent la vocation. Comme le père a été mineur, le fils le devient, sans enthousiasme, machinalement, parce que c'est la seule route ouverte, avec l'arriêre-désir de retrouver l'accès à la lumière, sinon pour lui, au moins pour les siens.
Moyens d'existence de la famille
§ 6. Propriétés.
(Mobilier et vêtements non compris.)
Immeubles............ 0f00
La famille ne possède aucune propriété immobilière et ne songe même pas à la possibilité d'en acquérir jamais.
[381] VALEURS MOBILIÈRES............ 150f00
Une action de la « Société stéphanoise de la Mine aux Mineurs » à cent francs, taux nomnal (non cotée), 100f00. — Une action de la Société Coopérative de la « Mine aux Mineurs » (entièrement libérée), 50f00.
Argent............ 0f00
Aucun fonds de roulement, mais au contraire des dettes, ainsi que le budget de l'année le constate.
ANIMAUX DOMESTIQUES ENTRETENUS TOUTE L'ANNÉE............ 0f00
Un chat (pour mémoire).
Matériel spécial des travaux et industries............ 17f00
1° Matériel de l'ouvrier piqueur et de son fils. — 2 lampes à feu nu (usées et de forme antique), 4f00.
A l'embauchage du piqueur, la Compagnie (patronale ou ouvrière) lui remet les outils suivants : 1 hache, 5f00; — 1 masse, 5f00; — 2 coins, 6f00; — 5 pics, 7f0; — 1 fer boiseur, 3f00; — 6 burins (pour percer les trous de la poudre), 12f00; — 1 massette, 5f00. — Total, 43f50. — Le piqueur demeure responsable de ces outils, mais la charge de l'entretien incombe à la Compagnie. La seule dépense du mineur est l'achat de l'huile de la lampe à feu nu. Cette dépense disparait, quand la présence du grisou exige l'emploi des lampes variées dérivant du principe de Davy.
2° Matériel servant a l'exploitation du petit jardin. — 1 bêche, 3f00; — 1 houe, 2f50. — Total, 5f50.
3° Matériel servant au raccommodage des vêtements domestiques. — 1 paire ciseaux 2f50 ; — Dés, aiguilles, etc., 1f00. — Total, 3f50.
4° Matériel servant au blanchissage du linge et des vêtements. — 1 maillet pour battre le linge, 1 brosse en chiendent, 1 terrine en aîné, 4f00.
Valeur totale des propriétés............ 167f00
§ 7. Subventions.
Dans ce milieu industrialisé à outrance, où la surfauce du sol a subi depuis de longues années la division parcellaire des banlieues de grande ville, et où le sous-sol lui-même forme l'objet d'une sorte de partage féodal entre les compagnies concessionnaires, il ne faut pas chercher les subventions n, les ressources librement abandonnées aux besoins variables des familles ouvrières. Le chauffage, les 1.000 il. de houille par trimestre, les éclats des boisages rapportés peu ù peu par le piqueur dans son sac à provisions constituent plutôt un salaire en nature. Que reste-t-il donc Ces subventions non plus naturelles mais sociales, que la politique de ces derniers vingt-cinq ans s'est efforcée de développer : 1° l'instruction obligatoire et gratuite[382]d'abord (lois du 24 juin 1881, 30 octobre 1886, etc.), qui s'affirme par l'élégant groupe scolaire de Monthieux, et aussi par les subventions municipales de livres et fournitures ; 2° l'Assistance publique et ses bureaux de bienfaisance (loidu 21 mai 1873 et décret du 5 août 1879), où l'on n'hésite pas à se présenter au moindre revers, que l'on accuse de parcimonie, de partialité en faveur des influences « cléricales », mais qui semblent l'appoint obligatoire destiné à combler les insuffisances de salaires. Comme prolongement du bureau s de mendicité, ainsi que l'écrivent les vieux textes, l'hôpital et l'hospice, mais ici l'aperçu s'agrandit au point de comprendre toutes les organisations de protection ouvrière. Un autre paragraphe doit le développer.
§ 8. Travaux et industries.
La « mine », la Société Stéphanoise après les compagnies patronales, fournit la totalité des ressources de cette famille ouvrière. Surchargée d'enfants, la femme du mineur se trouve dans l'impossibilité de réaliser le moindre salaire d'appoint: et une rapide visite à ces ménages de cinq, neuf et douze garçonnets et fillettes suffit pour établir que le cas n'est pas isolé. Toutefois, dans le voisinage de la famille observée, il serait aisé de signaler quelques intérieurs où la machine à dévider la soie des tissages accroit le bien-être d'une façon appréciable. Ici, le travail d'extraction n'a point d'auxiliaire.
Travail du chef de famile. — L'examen des livres de main-d'œuvre de la Compagnie prouve que le travail d'extraction proprement dit se poursuit sur un puits et deux fendues » (ou galeries), en laissant de côté les recherches des couches inexploitées et le travail d'épuisement du puits Marinoni. En l'année 189-95 (1er juillet au 30 juin)20le chef de famille a été régulièrement employé dans la fendue Saint-Jean, la plus productive de la concession tout entiêre.
1. Nature du travail. — Le système archaique des galeries ou[383] « fendues » modifie le mode de descente de l'ouvrier et aussi l'élévation des bennes (ou vagonnets de 450 lil. de charbon21. Mais il ne touche en rien la distribution des tâches du fond.
Au dehors, ainsi que le lecteur peut s'en convaincre en relisant la « Mine heureuse » de Sévérine22, qui visita en 1889 la galerie Arnaud de l'Ariège des mineurs du ier, l'aspect de la « fendue » diffère très sensiblement, par son décor extérieur, du puits même rudimentaire. Ici pas de forage vertical, ni de vaste recette en charpente où les cages s'effondrent alternativement sous l'action de la machine de 500 chevaux. L'orifice s'ouvre béant, laissant voir un long couloir boisé qui s'enfonce dans le sol noir. Un tuyau amène l'eau élevée par les pompes ; les rails conduisent au jour et reprennent dans leur ombre les bennes, qu'active une petite machine placée dans une sorte de guérite en face. L'économie du matériel apparait avec tous les avantages que le pittoresque peut perdre.
Au fond, les différentes catégories d'ouvriers se hiérarchisent au-dessous du gouverneur et des chefs de poste. Nous retrouvons les piqueurs, les « mineurs véritables n, les abatteurs de houille, armés des outils précédemment énumérés, hache, masse, etc., et surtout du pic, la petite pioche spéciale que la nature friable des ĝtes a fait préférer dans ce bassin houiller ; puis les boiseurs, chargés d'étayer les voûtes, les remblayeurs, dont la fonction consiste à combler les vides par les remblais, autant que possible en terre fraiche qui évite les échauffements, les traîneurs, rouleurs et pousseurs, jeunes gens chargés du transport, et les remplisseurs dont la tâche ressemble à celle des terrassiers. Les mineurs n proprement dits sont absents ; ce sont les pionniers, les enfants perdus des découvertes, maneuvrant la massette, les burins et faisant sauter les blocs de rocher à la dynamite ou à la grisoutine, dans les mines à grisou. Toutes ces escouades (piqueurs, boiseurs, remblayeurs, remplisseurs, traineurs), s'agitent, à la lueur des lampes à feu nu, et dans l'air un peu lourd que le faux puits de retour d'air aspire, avec ou sans l'aide d'un ventilateur. De loin en loin, si l'air est vif, de lourds rideaux de toile dirigent le courant, et régularisent la répartition égale de cette première condition du travail. Le chef de la famille étudiée appartient à la catégorie la plus haute de ces ouvriers : celle des piqueurs ; toutefois il convient de faire remarquer que le piqueur est boiseur par la force[384]des choses, il assure sa marche en avant. Le boiseur proprement dit vient à sa suite, relève et consolide. Telle est la rêgle générale, aussi bien dans les couches neuves que dans les glanages sur vieux travauX.
2. Durée quotidienne du travail. — La caractéristique de ce travail de fond, en cette galerie Saint-Jean, comme en toutes les galeries et tous les puits de la concession, est l'application stricte de la journée de huit heures. Les compagnies patronales voient naturellement dans cet essai une menace que l'insuccès détruirait, au moins d'après leur avis. Cette journée de huit heures, — le lecteur le remarquera, — n'est pas une journée de huit heures de travail plein. La descente a lieu à 6 heures du matin, la montée à 2 heures du soir, total : 8. Mais il faut enlever de ce chiffre : 1e la descente, 2° la montée, 3° le déjeuner ; cela laisse seilement sept heures de labeur effectif.
Toutefois, cette application n'a rien de rigoureux, en ce sens que les heures supplémentaires demeurent possibles. Le tableau de paye de l'ouvrier les met en relief. En cas de commande pressée ou de richesse du gîte, le principe de la limitation de la tache par esprit de solidarité fléechit devant la nécessité économique ; l'intérêt collectif des sociétaires y pousse, d'accord avec l'intérêt individuel.
Le lecteur constate que le travail de nuit est ici très réduit (complètement supprimé pour les sociétaires). En général, dans les compagnies, il existe deux postes : le poste de jour et le poste de nuit. Le poste de jour est constitué par l'ensemble des équipes d'extraction ; le poste de nuit, moins nombreux, se borne au remblayage, déjà défini : la descente des terres par le puits de retour d'air, opposé au puits d'extraction, de descente et de ventilation.
3. Nombre de journées. — Il faut distinguer ici : 1° la marche de l'atelier lui-même ; 2° la présence effective de l'ouvrier individuellement considéré.
a.) Marche de l'atelier. — Les causes d'arrêt ou de ralentissement sont régulières, comme les dimanches et fêtes (ici peu respectés), ou périodiques, comme le ralentissement d'été (diminution de chauffage, mars à fin juillet). Mais ces causes peuvent survenir brusquement et irrégulièrement : un éboulement, un incendie, un s coup d'eau, toutes choses qui menacent les glanages sur vieux travaux. Toutefois, dans l'année 1894-95, la marche de la fendue » Saint-Jean a été presque constante, les faits imprévus ont tenu peu de place.
b.) Présence de l'ouvrier. — L'ouvrier peut être blessé (au mois de[385]mars 1894, le chef de famille avait eu le pied atteint par une benne renversée) ; il peut être malade (comme au mois de novembre 1894); il peut être simplement en bordée, comme souvent le lundi. Les journées supplémentaires établissent une compensation : soit pour le chef de famille 285 journées dans l'année entiêre.
Nota. — Parmi les causes d'absence, figurent les absences disciplinaires : les mises à pied de 1 à 3 jours, prononcées par le chef de service (gouverneur, contrôleur, surveillant), et l'ajournement jusqu'à la prochaine assemblée, prononcé par le conseil d'administration. Ces mesures sont difficilement applicables dans le milieu de la Mine aux Mineurs » ; le chef de famille d'ailleurs est considéré comme ne les ayant jamais méritées.
A. Nature du salaire. — Ici le salaire adopté est le salaire à la journée (journée de huit heures, descente et montée comprises). Le fait est anormal. Les compagnies appliquent le travail à la tâche ; le système du tant par benne extraite, à condition que l'ouvrier arrive à un total journalier déterminé. Il en résulte que parfois les ouvriers, empêchés de continuer le travail d'abatage par l'affaissement d'une voie, l'insuffisance des bennes, ou toute autre cause d'arrêt, voient leurs heures quotidiennes s'élever à quatorze, quinze et seize.
Inutile d'ajouter que le systême du marchanadage, le traité à forfait avec un ouvrier entrepreneur qui salarie ses hommes, est proscrit dans la Mine aux Mineurs comme la négation même de la solidarité des travailleurs.
[386] 6. Frais de trauauil. — L'entretien de la lampe, environ 0f15 par jour.
Travail du fils aîne. — Les mêmes divisions conduiraient à quelques remarques nouvelles.
1. Nature du travail. — C'est, la plupart du temps, un travail d'extérieur, de surface (sauf 88 j. 34 au fond) ; lejeune homme reçoit les bennes et les vide, nettoie le charbon, ete. Toutefois, un certain nombre de journées indiquent un travail de fond (trainage de bennes).
2. Durée quotidienne du travail. — La journée de surface est de dix heures (6 h. matin à 4 h.) : travail strictement de jour. — Même observation que plus haut sur le travail de fond.
3. Nombre de journées. — L'exposé précédent a dejà précisé les jours de marche. — Le jeune ouvrier est arrivé cette année à un total de 283 1/4 (dont 88 j. 34 au fond).
4. Nature du salaire. — Salaire à la journée ; taux du salaire : 2f25 à la surface, 3 francs au fond.
Même retenue de 0f10 par jour.
Même mode de paye.
5. Fais de travail. — Entretien de la lampe, mais seulement en cas de travail au fond.
Travail de la mère. — Soins domestiques, ménage, et enfants. Le fait a déjà été relevé comme caractéristique.
Industrie entreprise par la famille. — La culture du jardin (60 centiares de mauvais terrain), uniquement planté en pommes de terre. Travail du chef de famille et de son fils. Cette industrie n'est exercée que depuis quelques mois.
Mode d'existence de la famille
§ 9. Aliments et repas.
L'alimentation des populations montagnardes du laut-Forez nous avait révélé : 1° une extrême monotonie, 2° une tendance marquée à l'abus des boissons alcooliques, motivée par la rigueur du climat.
[387] Ces deux faits augmentent d'intensité lorsque l'état rural disparaît pour céder la place à l'industrialisation complête.
« Vingt plats d'un bout de l'année à l'autre, et vous avez tout l'ordinaire des mineurs », disait devant nous un chef du mouvement ouvrier, haut dignitaire d'une société coopérative de consommation. C'est même là, à notre avis, un maximum qui n'est pas toujours atteint. A 6 heures la descente, l'homme emporte dans sa pochette du pain de froment, du lard et du fromage : il n'a pas oublié la gourde clissée qui contient la ration de la journée. Vers 8 heures, il interrompra sa tâche pendantune demi-heure; parfois on lui enverra par une « benne » de la soupe chaude. Puis plus rien, remontàt-il à dix heures du soir. L'ordinaire de la famille n'est pas moins régulier. A 8 heures du matin, lae soupe ; à 2 heures le dîner, auquel le père peut se joindre parfois : c'est le repas principal : des légumes et un peu de viande ; à 7 ou 8 heures du soir, la soupe et le fromage.
Les sept personnes du groupe familial monographié résument avec fidélité les coutumes générales : 6 livres et quart de pain par jour, A4 litres de vin, pas tout à fait une livre de viande, presque 2 lilos de pommes de terre1 Rarement un extra : l'oie de la Sainte-Barbe, la fête des mineurs, vient seule mettre la note joyeuse d'un repas traditionnel célébré en commun. Cependant, les privations n'existent pas ici, à pDroprement parler: la souffrance de la faim est évitée, par suite d'un fait nouveau et exceptionnel : le gain élevé du garçon de seie ans, que son désir d'indépendance peut éloigner d'un jour à l'autre. Dans de nombreuses familles voisines, il serait facile de constater l'absence de ce supplément ; d'où le rationnement des parents et des petits.
Il faut reconnaître qu'un motif spécial empêche chez le chef de famille mineur cette alimentation régulière, et cela toute question de salaire mise à part. Le fermier du Haut-Forez ne se nourrit pas mieux et sa solidité reste à toute épreuve. 'C'est qu'il trouve comme compensation l'air vif des hautes terres, et des forêts de sapins, s des bois noirs D. L'autre, au contraire, a été transplanté au-dessous du sol, dans un air raréfié, saturé de poussières charbonneuses, nu parfois et travaillant à une haute chaleur. A un régime semblable, l'appétit disparalt. La tendance à l'alcoolisme, déjà affirmée chez le paysan montagnard, arrive à son paroxysme. Boire du vin et encore du vin »» devient une nécessité physique, presque inéluctable. 'els mineurs, réputés d'uilleurs parmi leurs camarades, mangent à peine : un peu de soupe, du pain, mais 3 et 4 litres, telle est leur part jour[388]nalière. T'êtes solides entre toutes, ils pe uvent parfois, en leur alcoolisme latent, résister aux brusques suites de l'ivresse.
En présence de ces dépenses d'alimentation, qui demeurent le gros article du budget de toutes les familles, surtout en ces houillères stéphanoises, les organismes commerciaux se sont diversifiés suivant la marche générale de notre époque. Au milieu du petit commerce de l'alimentation, — marchands de vins, boulangers, bouchers, épiciers, — des coopératives se fondent, visant surtout le vin et l'épicerie. Cette question du petit commerce et des coopératives s'est ici tranchée par un partage d'influence. Le petit commerce n'est pas abandonné ; il conserve son arme : le crédit, si précieux à l'heure des grèves, et aussi les relations personnelles, car le commerce de l'alimentation a été jusqu'aujourd'hui le seul mopen d'éléuation sociale offert à certains chefs du parti ouvrier. Quant aux coopératives, aussi bien la coopérative de la Mine aux Mineurs que les coopératives de Terrenoire ou autres, leur infériorité comme action et leur supériorité relative comme agent social provient du paiement comptant. Elles utilisent le principe des cours ordinaires et des distributions annuelles de dividendes23. Leur justification, aux yeux de certaines personnes, réside dans la possibilité de maintenir les salaires et par suite le prix de vente d'une matière nécessaire à l'industrie nationale, dans sa lutte contre l'étranger.
§ 10. Habitation, mobilier et vêtements.
Adossé aux premières collines de Terrenoire, un petit hameau de trois vieilles maisons léardées par les éboulements souterrains, domine le vaste groupe scolaire de Monthieux. C'est un belvédère presque campagnard, au milieu des prés et des champs plantés de pommes de terre, mais le panorama reste celui d'un horizon anglais. Comme centre, une gare puissante, sillonnée de convois qui s'éparpillent au loin sur les lignes ou convergent sans repos un aoncellement d'usines qui escaladent toutes les hauteurs. A l'Ouest, sous un dais épais[389]de fumée, c'est Saint-Étienne, toute une ville de machines dominée par des clochers d'églises. En face, les hautes cheminées des « fosses, mettent une note tragique, car le mineur vous les nomme, et ces puits s'appellent « Jabin », là-bas près de Châteaucreux, et « Verpilleux, plus loin, dans une sorte de repli du sol : 4 février 1876 — 3 juillet 1889 : 186 victimes la premiêre fois, 200 la seconde1 Il y a devant nous comme un champ de bataille où la vie se joue incessamment contre les subites tempètes du grisou.
Ce petit hameau, assis le long d'une pente raide, contient l'habitation de la famille ouvrière. Il est cinq heures ; à la fin d'une lourde journée d'été, les enfants, innombrables et noirs, courent et se battent, débraillés et pieds nus. Les mères cousent sur leur porte, quelques-unes cumulent la surveillance des marmots avec la confection de quelques ouvrages domestiques. La maison cherchée est la plus reculée ; elle est coupée par une cloison verticale. A gauche, une porte aux marches disjointes conduit à la première pièce, la cuisine, où le fourneau de fonte et de cuivre, enchâssé dans le foyer, tient la place d'honneur. Un grand lit de noyer lui fait face, une armoire étroite ; le garde-manger se blottit à droite de la cheminée, que surmontent les ustensiles de cuisine. Pas d'emblème religieux, mais au-dessus du lit, des illustrations coloriées du ˉPetit Joaurnal, la mort d'Alexandre III, le portrait du général Duchesne, commandant le corps expéditionnaire de Madagascar. Au fond, une porte vitrée, aveuglée par un rideau rouge : et une autre chambre, humide celle-là, en contre-bas ; deux lits, un de bois, un de fer ; une autre armoire, l'armoire au linge. Ajoutez au tableau une petite cave. De l'autre côté de la cour comimune, qui aux époques des grandes neiges doit se transformer en un cloaque, le jardin — 60 centiares, — mal entretenu, avec sa floraison de pommes de terre rabougries.
Meubles. : La description précédente a noté leur trait essentiel : ils sont réduits à la proportion stricte qui échappe aux saisies. Ils raucontent en outre une histoire : celle de voyages, de pérégrinations ̀ travers les poursuites du crédit. Leur origine Les achats che l'ouvrier fabricant quelquefois, plus souvent chez le fripier, cet acheteur toujours prèt aux époques de crise, si merveilleusement doué pour les ventes avantaugeuses aux nouveaux ménages............ 503f 00.
1° Lit. — 1 lit en noyer, sommier, matelas, couverture, draps de coton ; mal tenu et en mauvais état, 150f 00 ; — 1 1it bois, paillasse, matelas, 90f 00; — 1 lit de fer pour les trois[390]petites filles), 1 paillasse, 1 matelas, 1 couverture, 20f00; — 1 berceau acheté d'occasion avec sa literie, 5f00. — Total, 265f00.
2° Mobilier de la cuisine. — (Outre le premier lit et le berceau), 1 armoire servant de garde-manger, 70f00; — 1 table, 5f00; — 4 chaises et escabeaux, 6f00; — 1 fourneau en fonte, 90f 00 ; — 1 horloge-cadran, 19f00; — 1 glace, 2f00. — Total, 192f00.
3° Mobilier de la seconde chambre. — (Outre le second et le troisième lit), 1 armoire à linge, 40f00; — vieilles caisses, divers objets, 2f00; — photographies, couronne d'écolier 4ixée au mur (pour mémoire). — Total, 42f00.
4° Objets de toilette. — 1 grande bassine en fer-blanc (pour la toilette du mineur), 2f00 ; — pot à eau, cruches, ete., 2f00. — Total, 4f00.
Linge de ménage : Strict nécessaire............ 37fA40
6 paires de draps, 30f00 ; — (ni nappe, ni serviette de table) ; — 6 serviettes de toilette, 5f00 ; — 4 torchons en toile d'emballage, 2f40. — Total, 37f10.
Ustensiles aussi réduits que possible ; démontrant à la fois la permanence de la simplicité montagnarde et la nécessité de déménagements rapides............ 22f55
Employés pour la préparation des aliments. — 1 marmite surmontée d'un couvercle, 3f50; — 1 casserole en fer battu, 1f50 ; — 1 poêle, 1f50; — 1 casserole, 0f35 ; — 1 boite à lait, 0f60 ; — 1 passoire, 0f35 ; — 1 cuiller à longue queue (émaillée bleue), 0f60; — 1 gril,0f40; — 1 panier à salade, 0f50 ; — 1 salière, 0f30 ; — 1 cafetière, 2f00; — 1 moulin à café, 0f90 ; — 1 grand plat en terre jaune, 0f45 ; — plats divers, 0f75 ; — pots en grès pour le beurre, la graisse, etc., 1f00 ; — 6 écuelles en terre vernie dite bichous pour la soupe, 0f60; — 10 assiettes, 0f60; — 4 tasses à café et soucoupes, 0f60; — couteaux et fourchettes, 1f00; — bouteilles, 1f20; — 1 grande bonbonne de 6 litres, 1f25 ; — 1 siphon, 0f60; — divers, 2f00. — Total, 22f55.
Vêtements : le strict nécessaire, le costume de la femme est réduit à quelques hardes ; pendant l'été les enfants errent déguenillés et pieds nus............ 170f55
Vêtements de l'ouvrier (52f35).
1° Vêtements du dimanche. — 1 complet veston bleuté (laine et coton), 20f00 ; — 1 chapeau de feutre noir à grands bords, 1f50 ; — 1 tricot de laine, 12f00; — 1 paire de souliers, 7f00. — Total, 40f50.
2P Vêtements de travail. — 1 veston en toile, 1f50; — 2 pantalons de toile, 2f25 ; — 1 courroie de euir, 0f50; — 2 chemises coton couleur, 2f50; — 1 cravate coton, 0f35; — 2 calottes en coton pour la tête, 0f25 ; — 1 chapeau de paille, 0f60 ; — 2 paires de sabots. 0f 90 ; — 6 mouchoirs, 1f00; — divers (vieilles hardes), 2f00. — Total, 11f85.
VÊTEMENTS DE L'OUVRIÈRE (37f90).
Dimanches et jours de travail. — 1 robe laine, 7f00; — 2 jupons coton, 4f00; — 2 camisoles coton, 3f50 ; — 2 tabliers, 2f00; — 4 chemises coton, 4f00; — 1 brassière servant de corset, 0f90 ; — 2 foulards, 0f60; — 1 fichu de laine, 3f00; — 1 chapeau de paille, 0f85 ; — 1 paire de souliers, 5f00; — 1 paire de sabots, 1f10; — 2 paires de bas de laine, 2f20; — 1 paire de pantoufles, 0f75 ; — divers (vieilles robes, iupons, etc.), 3f00. — Total, 37f90.
Vêtements du fils aîné (28f95).
Dimanches et jours de travail. — 1 veste, 3f50; — 1 gilet, 1f75; — 1 pantalon, 2f00; — 1 courroie, 0f40, — 3 chemises en coton, 3f20; — 1 tricot de laine, 5f00 ; — 1 casquette, 0f70;[391] — 1 chapeau. 2f 40: — 1 paire de souliers, 7f00; — 2 paires de sabots, 1f00 ; — divers (vieilles hardes, 2f00. — Total, 28f95.
VÊTEMENTS DES FILLETTES (34f35).
3 robes en coton, 7f50; — 3 tabliers, 3f75; — 6 chemlses, 3f00 ; — 3 chapeaux, 0f7I5 ; — 3 mouchoirs de laine, 0f75 ; — 6 paires de bas, 5f10; — 3 paires de bottines, 6f00 ; — 3 paires de sabots, 1f20; — divers, 6f00. — Total, 34f35.
VÊTEMENTS DU DERNIER NÉ (8f00).
Trousseau (donné par le bureau de bienfaisance), 5 ou 6 langes, 6 drapeaux, 2 couver-. tures, 5f00 ; — petites robes, soullers, 3f00. — Total, 8f00.
VÊTEMENTS COMMUNS (9f00).
1 mouchoirs, 5f00 ; — 6 chemisettes pour le père et le fils, 3f00; — 2 parapluies, 1f00. — Total, 9f 00.
Valeur totale du mobilier et des vêtements............ 733f50
§ 11. Récréations.
A quoi passer les jours d'arrêt du travail, qui tantôt coïncident et tantôt ne coïncident pas avec le repos traditionnel du dimanche ?
La marque religieuse, si puissante chez les paysans montagnards d'où sont sortis les mineurs, s'est à peu près effacée. La vogue de Monthieux, la fête locale célébrée en juin, conserve à peine son caractère cautholique. Le cabaret, déjà cher aux fermiers des hauts plateaux, a décidément remplacé l'église ; il s'est multiplié à l'infini, substituant toutefois au « gros bleu » des campagnards un vin clairet peu alcoolique, qui parait mieux étancher la « soif professionnelle » des ouvriers de la houille. Intimement uni aux tonnelles des guinguettes champètres, le bal payant ou gratuit, proscrit la-haut par l'influence austère du clergé, prend sa revanche, accumulant les couples de valseurs et la haie des curieux. Un détail subsiste : la partie de « boules » déjà rencontrée dans tous les hameaux des sites foréiens, ici appelée « la coche », ce qui recouvre les mêmes règles et les mêmes attraits. Les parties de cartes et de billard, où l'on joue la consommation, viennent nous montrer que nous sommes dans la banlieue d'une très grande ville. Quelques promenades d'été, en famille, vers le « barrage »24de Rochetaillée et les premières[392]pentes couvertes d'airelles nous rappellent seules que nous touchons en même temps à des paysages alpestres, accessibles de juin à septembre.
Le père ajoute à ces distractions quelques éléments très personnels. Il ne s'agit pas seulement des beuveries n prolongées jusqu'à l'ivresse complête les jours de paye, ou tout autre jour, s'il a pu dérober quelques acomptes à la vigilance conjugale, son goût pour le tabac l'entraîne à des dépenses relativement considérables que constate son budget. Les rêglements du travail du fond ont beau s'y opposer ; parfois il fume, toujours il chique. ou il prise. C'est le plus haut ruffinement qu'un ancien soldat d'expédition coloniale peut seul atteindre. La politique des journaux l'attire peu, sauf aux époques de grêves.
QOuant au fils aîné,-les séductions de la grande ville lui paraissent déjà hors de comparaison avec les récréations locales. Nous avons déjà insisté sur le côté spontané de sa libre éducation.
Sur l'ensemble, deux solennités non encore indiquées, se détachent : l'une patriotique et politique, l'autre professionnelle : le 14 juillet avec son cortège de drapeaux et de chants parfois révolutionnaires ; la Sainte-Barbe (4 décembre), « la fête des mineurs ». Un banquet par souscription réunit ce-jour là sociétaires et auxiliaires de la compagnie ouvrière de Monthieu.
Histoire de la famille
§ 12. Phases principales de l'existence.
Le chef de famille est né en pleine terre montagnarde, à la frontière du département de la Haute-Loire, sur la pente même qui domine au loin les centres miniers. Son père, petit patron cordonnier, assez content de son sort et de sa clientèle, aurait désiré maintenir son fils aîné dans l'exercice de sa profession. Malheureusement, ce métiersédentaire cadrait mal avec l'esprit aventureux de l'enfant, qui s'était déjà fait remarquer à l'école communale par son amour de l'indépendance.
[393] L'élêves'insurgea contrele maître. Force fut de songer à un autre avenir, en dehors de la maison paternelle. L'étaut de boucher attirait spécialement cette nature robuste et exubérante par la dépense de force physique qu'il exige, par ses longues courses à la recherche des veaux de lait dans les ferxnes espacées, et aussi par les profits élevés qui surtout de loin en paraissent la conséquence nécessaire. Jean-Baptiste M*** fut donc placé en apprentissage, nourri, logé, moyennant un versement de 150 francs. Au bout d'une année, la passion de l'autonomie le ressaisit : il rêva d'un « établissement pour son compte . Dissiper ses économies et les fonds avancés par son père fut l'affaire de quelques jours. Patron s partitrop vite », il fut rejeté dans l'émigration ordinaire vers les puits de Firminy. La mine l'avait absorbé, asservi, pour ne plus le rendre.
Cependant le service militaire semblait devoir un instant le délivrer. Appelé avec la classe de 1876, il est enrôlé dans un régiment de dragons en garnison dans une ville de l'Est. L'armée continentale lui pèse par son service monotone. Il demande au bout de deux ans à passer aux spahis, et y devient brigadier. La terre d'Afrique le ravit un instant ; il parle toujours avec satisfaction de ses souvenirs de jeunesse aventureuse et se rappelle encore devant ses camarades quelques phrases de sabir et de dialectes algériens. Après la campagne de Tunisie, dégoûté, il rentre en France.
Qu'y faire ? Un seul métier lui avait assuré un salaire régulier, sans indépendance il est vrai, sous une discipline impatiemment supportée ; mais le choix ne lui était plus offert : son père, ses frères et sœurs, éparpillés et réduits au rang de salariés comme lui, ne pouvaient lui venir en aide : il reprit à la Ricamarie le « travail du fond ». Peu de temps après, il se mariait avec une fille de mineur.
Fille, sœur, belle-sœur de mineurs, en effet, tel était le trait caractéristique de Maria G*** Son père était un enfant trouvé, adopté par la mine, que la mère, ouvrière d'un moulinage de la montagne, était venue abandonner à Firminy, et qui avuit refusé de la suivre plus tard, lorsqu'il la retrouva presque riche, mariée à un petit industriel. Maria G**e quitta de bonne heure le foyer pauvre, où elle avait grandi un peu au hasard, déguenillée, avec les enfants de son âge : et entra en condition à Saint-Étienne », dans une famille du petit commerce. Le milieu parait assez peu relevé au point de vue moral. Maria G*** fut séduite et garda son enfant, qu'elle éleva avec les secours alloués aux fillesnères. Jeun-Baptiste M*** la rencontra. Son séjour au régiment, ses[394]pérégrinations à travers le monde africain avaient émoussé chez lui les susceptibilités sociales que combattait Alexandre Dumas fils. Il consentit à épouser Maria G*** et légitima l'enfant.
Alors commença la vie monotone des ménages du pays houiller. Les quelques économies de la femme servirent à acheter chez le fripier un mobilier sommaire. L'apport du marié consistait surtout en dettes antérieures, notamment en un billet de 50 francs qu'il fallut solder. Les enfants se succédèrent avec régularité : trois filles d'abord, un garçon ensuite. La misêre arriva ; les quinzaines furent dévorées avant le versement même ; les dettes s'accumulèrent chez les fournisseurs ; on déménagea à la recherche d'un crédit mieux assis : l'éternel tableau se reproduisit avec ses traits toujours identiques, adouci il est vrai par le gain important du fils aîné déjà fort. Au milieu de ce labeur sans amélioration probable, les deux jours de paye, le 10 et le 25, apparurent à l'homme comme les deux époques de halte et d'oubli, à travers les humbles « comptoirs et s vide-pots » de la grande rue que suit le tramway de Saint-Chamond, ainsi que les diligences de Saint-Jean et de Terrenoire ; ils semblèrent par contre à la femme les deux époques de guet et de surveillance intrépide, aux risques des bourrades et des injures, pour la défense du pain gagné.
Deux sortes d'événements coupèrent ces douze années si semblables en apparence : les épisodes du mouvement syndical ; l'avènement de la Mine aux Mineurs.
Le lecteur qui a parcouru le « Sublime » de Denis Poulot ou seulement les journaux ouvriers de la fin de l'Empire, reconstituera facilement l'impression qu'inspire toujours aux travailleurs, dissociés et vaincus par leur désunion même, cette idée de solidarité, d'union entre camarades, de groupement capable de réaliser leurs revendications. Les mineurs du bassin de Saint-Étienne et de Rive-de-Gier éprouvèrent cette sensation d'une êre meilleure, vers 1888, au point culminant du grand ˉSyndicat des mineurs de la ˉLoire. Des grèves partielles éclatêrent contre telle ou telle compagnie, attaquée en détail. Les réclamations portaient sur la journée de huit heures, sur les augmentations de salaires : les mineurs dans leur grande masse paraissaient particuliêrement sensibles à l'amélioration immédiate du régime de travail quotidien ; les chefs projetaient un vaste système d'assurances, qui déformé est devenu la loi Audiffred. Les mouvements d'ensemble, les grèves générales » tentées parfois, échouèrent devant les résistances de la partie Ouest des terres minières. Le syn[395]dicat fut dissous en huit ou neuf syndicats égaux. Jean-Baptiste M*** avait gagné à cette agitation de se faire signaler comme mauvaise tête (1891). Heureusement pour lui, la Mine aux Mineurs » s'organisait.
La line aux Mineurs s'organisait, précisément comme l'essai de ce monde régénéré dont les réunions collectivistes parlaient si souvent. Plus de capital, plus de patronat, ou plutôt le capital mis à la portée de tous, le patronat partagé comme doit l'être en une République le pouvoir souverain. Sociétaire de la première heure, Jean-Baptiste M*** n'a pris aucune part aux multiples administrations qui se sont succédé à la tête de la mine. C'est toujours un protestataire énergique contre les abus dans les assemblées générales des ouvriers actionnaires. Chez lui, comme chez beaucoup d'autres, le sentiment de sa co-souveraineté s'est traduit par une conviction trop susceptible de ses droits. Attaché à l'essai, il supporte sans trop se plaindre, et malgré le déficit de son budget, les retenues sur les salaires, conséquences de la responsabilité qui pèse sur tout patronat, même morcelé en 80 fractions égales. — Pourrait-on montrer plus clairement que cette question ouvrière, si souvent agitée par les publicistes, est encore plus une question de satisfactions psychologiques que de satisfactions matérielles ? L'homme ne vit pas seulement de pain.
§ 13. Mœurs et institutions assurant le bien-être physique et moral de la famille.
La famille est livrée à elle-même, en ce sens qu'elle ne doit compter sur aucun secours de la part de ses parents, alliés ou voisins, ous demeurés au même degré de misère. Ses propres forces doivent donc la soutenir. Or le travail du père serait insufflsant pour équilibrer le budget domestique, s'il n'était aidé par le travail du fils aîné, garçon de seize ans, que le désir d'indépendance chassera avant peu hors du foyer. L'esprit d'épargne fait d'ailleurs défaut. En cus de hausse des ressources annuelles, l'amélioraution du bien-etre immédiat serait préférée à une économie prudente en vue des époques critiques de la vie.
[396] La tutelle de la compagnie ouvrière et celle de l'Etat qui surveille très étroitement l'industrie miniêre ainsi que la classe sociale des ouvriers de la houille, a-t-elle du moins remédié aux plus tristes conséquences de cette incapacité et de cette imprévoyance l faut à cet égard distinguer deux périodes qui ont succédé l'une à l'autre au cours de la rédaction du présent travail, et dont le point de séparation est constitué par la loi du 29 juin 1894, sur les caisses de secours et de retraite des ouvriers mineurs (appliquées à la paye du 10 août 1895).
1re période. — Avant l'application de la loi, c'est-à-dire pendant tout l'exercice visé par le budget monographique (1ere juillet 189430 juin 1895), les efforts de la Mine aux Mineurs s'étaient uniquement portés sur l'amélioration'du régime quotidien du travail : elle avait supprimé la tâche et établi la journée révolutionnaire des troishuit25. La situation pénible de la compagnie l'avait même contrainte de procéder à des retenues sur les journées des sociétaires, et naturellement, il avait été impossible de songer aux phases exceptionnelles de la vie. En cas de maladie, quelques secours étaient distribués çà et là ; la responsabilité légale avait fait organiser l'assurance en cas d'accidents. Une retenue de 0f10 était pratiquée sur chaque journée ouvrière ; et 0f12 étaient versés pour chacune de ces mêmes journées à une société d'assurances à prime fixe qui garantissait 2 francs par jour aux blessés. : les secours médicaux et pharmaceutiques complétaient l'indemnité. Point de retraites : le projet avait été rejeté en un lointain indéterminé.
2e période. — A partir d'aout 1895, au contraire, la loi Audiffred est intervenue. Brusquement, par voie obligatoire, elle a procédé à un prélèvement assez lourd, ainsi réparti :
a, — Maladies, 3 du salaire (le tiers au patron) ;
b, — Retraite, 4 du salaire (moitié au patron).
Donc l'ouvrier doit verser (en comptant 0f10 par jour en vue des accidents) 6 4 de son salaire, soit six sous par jour sur une journée de cinq francs.
Or, dans la « Mine aux Mineurs » la proportion devient plus éle[397]vée, puisque patrons et ouvriers se confondent : c'est un total de 9 .
L'application de la loi a suscité chez certains ouvriers de vives réclamations, mais la colère des s mineurs coopérateurs n a dépassé toutes les autres. Ils sont en effet dans cette situation de ne pouvoir songer au lendemain, tant le présent manque du nécessaire.
§ 14. Budget des recettes de l'année.
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§ 15. Budget des dépenses de l'année.
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§ 16. COMPTES ANNEXÉS AUX BUDGETS
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Éléments divers de la constitution sociale
FAITS IMPORTANTS D'ORGANISATION SOCIALE PARTICULARITÉS REMARQUABLES APPRÉCIATIONS GÉNÉRALES : CONCLUSIONS
§ 17. COMMENT, DANS LA PÉRIODE PRIMITIVE DE SON HISTOIRE, L'INDUSTRIE HOUILLÈRE DU BASSIN DE LA LOIRE DEMEURAIT FAVORABLE A L'ÉTABLISSEMENT DU PETIT PATRONAT26.
[409] La situation primitive des carrières de charbon » est précisée avec toute la netteté désirable par un acte notarié, en date du 24 avril 1693, passé par Dignaron, notaire à Saint-Etienne27.
« Fut présent M. Pierre Carrier, conseiller du roy et son procureur dans la maison de ville et communauté de cette ville de Saint-Étienne.
« Lequel de gré a assensé et affermé à prix d'argentà Antoine Peyrat, tireur de charbon de pierre du lieu de Roche-la-Molière, paroisse de Saint-Genest Lair, présent et acceptant.
« A sçavoir sa carrière étant dans une de ses terres appelées La Pr, dans l'endroit où elle est ouverte, dépendant de son domaine de Vuis, pour deux années entières commençant lundi, vingt-sept du présent, et finissant à pareil jour, aux prix, clauses et conditions qui suivent, qui sont que led. Peyrat ne pourra employer que deux pics pour tirer le charbon de la carrière, les jours d'euvres et les heures accoutumées, ménagera les traités et laissera les piles et apuys nécessaires dans icelle, prendra soing des pompes ou canards que led. sieur Carrier a fait poser dans lad. carrière, les tiendra en état, tlendra lad. carrière à sec et pour ce, fera vuider les eaux d'icelle par nombre d'ouvriers ou maneuvres suffisant ; et s'il arrivait que les eauux crussent par les pluyes ou autres accidents, led. Peyrat sera tenu faire tirer les eaux pendaunt huit jours ouvriers et autant de nuits, avec six manoœuvres, après quoi, s'il ne peut paes [410] travailler à tirer le charbon de la carrière, la ferme cessera, et sera tenu de payer le prix d'icelle pendant le temps qu'il fera tirer les eaux sans tirer aucun charbon après huit jours ci-dessus.
« Et payera par année aud. sieur Carrier, la somme de deux cent soixante livres qu'est à raison de vingt-une livres treize sols quatre deniers par mois qu'il promet de payer de mois en mois, et du tout jouir en père de famille et rendre lest, pompes et le touten bon et dû état, saufl'usage, à peinede dépens, dommages et intérêts, promesses, obligations de personnes et biens dud. Peyrat, attendule fait dont il sagit, soumission, renonciations et choses nécessaires.
« Fait aud. Saint-Étienne, maison dud. sieur Carrier avant midyle vingt-quatriesme avril mil six cent quatre vingt treize.
Signé : DIGNARoN, notaire. »
L'idée dominante de ce contrat, c'est le bail à un extracteur. Le droit du propriétaire de la surface s'exerce en fait librement, malgré certains privilèges et concessions théoriques, et le procédé d'exploitation rappelle celui 'qui de temps immémorial a été pratiqué pour les carrières de pierres à bâtir, aussi bien en Fore que dans l'Ile-deFrance28. Bien entendu, le paysan, possesseur d'une parcelle de terre, devient extracteur, et lorsque son domaine29, criblé d'excavations, ne peut plus être approché, il prend à bail les parcelles de son voisin riche, formant une de ces familles d'extracteurs spécialistes qui semblent alors fréquentes dans la contrée.
D'où vient ce régime d'exploitation en quelque sorte anarchique, alors que dans le Nord de la France le travail est aux mains de compagnies puissantes (fin du XVII siècle), capables d'entreprendre les travaux nécessaires pour l'extraction raisonnée, l'épuisement des eaux et l'aérage
C'est que dans le vaste banc de charbon, qui se trouve partagé naturellement en deux sections, l'une tournée vers Givors et le Rhône (Rive-de-Gier), l'autre vers Saint-Rambert et la Loire (Saint-Étienne), la disposition géologique des couches offre des facilités d'extraction, inconnues ailleurs. La masse de charbon exploitée dans ce canton (Rive-de-Gier), écrit Morand en 1773, est divisée en deux bancs bien distincts séparés par un nerf d'un pied ou d'un pied et demi d'épaisseur ; la partie supérieure s'appelle mine du dessus ou somba etla partie inférieure mine du dessous ou raffau. » — « Le charbon est si abondant en ces contrées (environs de Saint-Étienne), continue le même[411]écrivain, qu'on ne s'attache qu'à enlever celui qui se présente superficiellement... »30.
D'autre part, les débouchés sont surtout locaux, par suite de l'insuffisance des transports. On entrevoit sans doute que l'ouverture du canal de Givors (6 décembre 1780), et l'amélioration de la navigation entre Saint-Rambert et Roanne augmenteront sans cesse l'exportation vers Lyon et Paris. Conformément au point de vue immuable de l'Ancien Régime en matiere d'approvisionnement, Saint-Étienne est même entouré d'une résere, ou one garantie à ses ateliers de coutellerie, serrurerie, taillanderie et quincaillerie, ainsi qu'à sa manufacture d'armes. Au milieu du dix-huitiême siècle, l'absence de débouchés considérables ne donne pas encore aux exploitations compliquées l'occasion de se constituer.
La principale conséquence de cet état de la techniqueet du commerce estla prédominance du petit patronat individuel.
a.) Effectif. — Les effectifs des « maîtres charbonniers » demeurent bien modestes par rapport aux concentrations d'aujourd'hui. En 1783, Jars et Blanchet, ingénieurs des mines, commissionnés par l'intendant du Lyonnais, relêvent 28 mines dans la réserve de Saint-Étienne et 16 hors de la réserve. Le maximum des ouvriers est de 28 (la Tour Varan a Firminy). La mine de la Périnière (au Treuil) dite exploitée en grand, réunit 8 piqueurs, 6 traineurs, 6 pompeurs : en tout dix-sept hommes31. Dans le rayon de Rive-de-Gier, où Morand signalait l'existence de 200 puits en 1766, 22 puits occupaient à eux seuls 800 ouvriers, soit un peu plus de 36 hommes par puits. La concentration s'y dessinait déjà entre les mains d'une compagnie (C Lacombe, 217ouvriers).
b.) Méthode des travaux. — Il existe trois procédés d'extraction : 1° l'extraction à ciel ouvert ; 2° l'extraction parfendue ou galerie inclinée d'après la pente du gisement ; 3° l'extraction par puits vertical, qui peut se combiner avec des galeries ou d'autres puits. L'exiguïté du personnel employé démontre la prédominance que présentaient alors les deux premières méthodes.
Sur le territoire de Saint-Etienne (section Ouest du bassin), les exploitations à ciel ouvert étaient fréquentes. Telle la carrière ouverte en 1767 à Roche-la-Molière, où Torchet de Saint-Victor, ingénieur du roi,[412]découvrit une couche épaisse de 5 à 10 pieds qui penchait dans le sol a 36° d'inclinaison pour remonter bientôt à la surface. Toutefois, d'aprês Morand, le systême normal était celui des fosses qu'on prolonge horizontalement en suivant les veines . Ces fosses variaient de profondeur. Il en est dans lesquelles on n'arrive au charbon qu'après avoir creusé jusqu'à 22 toises, mais celles-là sont rares. La mine du Treuil « était le seul endroit de tout le pays où l'exploitation se faisait parun puits ». Plus loin, sur la hauteur de Saint-Chamond, tout auprès du château, un puits de 100 pieds environ s communiquait avec une galerie d'écoulement percée dans la montagne et débouchant dans le Malloy ». La descente s'opérait par deux escaliers taillés dans le charbon et séparés par de vastes salles que soutenaient des piliers de houille. La profondeur totale de la mine était d'environ 200 pieds. C'était, on le voit, une combinaison de la galerie et du puits vertical.
Vers Rive-de-Gier (territoire Est du bassin), où le progrès industriel s'est affirmé pour la premiêre fois en présence de la facilité relative des communications (canal de Givors), la méthode des puits se perfectionnait. En 1776, à Grand'Croix, le puits de la Roue atteignait 80 mêtres. Aux Flaches, au Moulinot et au Moulard ou à la Fournalie, la profondeur augmentait jusqu'à 400 pieds. Dès lors les galeries d'écoulement creusées dans les collines demeuraient insufflisantes : il fallait inaugurer l'installation d'un matériel d'épuisement.
En résumé : 1e un grand nombre de carrières à ciel ouvert (ni aérage nécessaire, ni épuisement compliqué ; on se borne à abandonner la fente, lorsque les eaux s'y précipitent) ; 2° un nombre considérable de fosses ou galeries inclinées ( un « retour d'air permet aux ouvriers d'y vivre ; épuisement par pompe à bras ; abhandon en cas d'inondation grave ; pas de boisage, mais des piliers de houille laissés çà et là ; pas de remblayage) ; 3° enfin des puits de plus en plus profonds ( retour d'air analogue épuisement par bennes ou roue à molette, même système de piliers ; commencement du remblayage).
c.) Matériel. — Rien de plus simple que le matériel au début. Dans la section de Saint-Etienne, où se maintient l'extraction rudimentaire, le mineur ou ouvrier de fond se contente du pic en fer (unité de travail dans l'estimation du personnel), de la pelle en bois, du maillet et des coins. La lampe est à feu nu, d'un modêle archaique, plate et ronde, munie d'une anse à crochet32. Il fallait y ajouter les sacs, qui re[413]montent à dos d'hommes par les étroits terriers. s Ces sacs sont de toile, longs de deux pieds et fermés par une petite corde33. » A part ces outils individuels, les pompes à bras constituent le seul matériel collectif, avec les cordes et tuyaux indispensables.
Maislematérie croit rapidement avecle forage des puits. Le sac avait déjà été remplacé par la s benne » de forme variable, rappelant parfois les tonnes des vignerons, en bois de sapin, consolidée par des armatures en fer, parfois plus aplatie pour se glisser dans les couloirs des galeries, le long des piliers de houille. La force des ouvriers devait être alors aidée par des appareils mécaniques. Untreuilà bras fonctionnait au début du forage du puits. Plus tardil était remplacé par une uoarue maneuvrée par des chevaux allant au trot. L'épuisement s'accomplissait tantôt à bras, tantôt par la vargue d'extraction. On saisit la transition insensible qui a amené la substitution de la vapeur à la traction des animaux. La première pompe à feu, installée au Mouillon, près de Rive-de-Gier, fut détruite peu après par une explosion, le 9 novembre 1789. Elle avait pour but le dessêchement de la mine. La descente des travailleurs s'opère en principe par les escaliers que les « fendues n rendent aisés, et aussi par des échelles verticales. Ce n'est qu'à la longue et dans les puits sans communication avec les fendues que le personnel suit la même voie que la houille et les matériaux, c'est-à-dire la « benne » guidée à la main, ancêtre des cages « actuelles ».
d.) Ditribution des roles entre les collaborateurs des eavploiltations. — Dans les extractions primitives, deux catégories de travailleurs se divisaient les fonctions : 1° les piqueurs, base même de l'entreprise, qui calcule son importance par le nombre de ses pics ; 2m les porteurs, simples maneuvres, parfois remplacés par des femmes et des enfants.
Autour des puits de Rive-de-Gier, la division du travail s'affirme. On distingue :
1° Le toucheur, ou conducteur des chevaux attelés à la argue. C'est ordinairement un enfant, précurseur du mécanicien de nos jours ; 2° le marqueur, chargé du compte des bennes extraites, installé sur les échafaudages en charpente qui dominent le puits ; 3° les piqueurs, déjà définis : ils cumulent avec l'extraction les travaux de boisage et[414]de remblayage ; 4° les traîneurs, ils chargent la houille dans la benne, accrochent celle-ci par le côté étroit avec une petite chaîne de fer à un anneau et la traînent de l'attaque au fond du puits à l'aide d'un bâton attaché au bout de la chaîne en forme de palonnier ; 5° les pompeurs, maneuvres chargés du service des pompes d'épuisement.
e.) Caractéristique sociale du patron. — Le patron, c'est l'extracteur, fils, frère, père, d'extracteurs le plus souvent. Les documents insistent sur ce caractère familial de l'industrie. Évidemment la haute partie du métier lui revient : travaux de découvertes, détermination de la correspondance entre les galeries souterraines et les propriétés de surface par la « méthode de la sauterelle34, direction des piqueurs, porteurs, toucheurs, etc., tel est son domaine particulier. Il représente assez exactement l'entrepreneur du bâtiment des petites villes ou, si l'on prefère, avec plus d'exactitude encore, le maître-carrier. Connaissances empiriques des traditions et labeur manuel se réunissent en lui, comme chez tous les patrons de la petite industrie ; et il en résulte cette conséquence capitale au point de vue de l'équilibre social, c'est que là aussi, d'après la règle de l'ancien régime du travail, l'accès au patronat demeure ouvert aux ouvriers les plus dignes. La sélection de l'aristocratie naturelle « s'opère sur une large et encourageante proportion ».
La « Compagnie » toutefois intervient. Nous ne parlerons pas de la Compagnie Rousseau, à Roche-la-Molière, qui n'atteint pas la même plénitude de développement, maissurtout de eette Compagnie Lacombe, concessionnaire du « Gravenand et du Mouillon, sur le territoire de Rive-de-Gier. Sa formation est intéressante au plus haut point. Elle montre la raison d'être des Compagnies qui, à l'encontre des extracteurs divisés et éparpillés, peuvent faire entreprendre tous les canaux et tranchées nécessaires et assurer à bas prix l'approvisionnement de ce débouché naturel des houillères de Rive-de-Gier, la ville de Lyon. mportance du débouché, nécessité de vastes travaux communs à plusieurs puits et fendues, telle est donc la justification indiquée dès 1753. Mais l'histoire de la Compagnie Lacombe, divisée au point de vue du partage des bénéfices en sols et en deniers, met aussi en relief la résistance désespérée du petit patronat local, aidé des propriétaires de surface. Attaques à main armée (1760), procês interminables, mutineries factices d'ouvriers », tous les moyens sont[415]employés par les exploitants traditionnels contre la nouvelle « concentration du capital ». Il semble que l'on assiste, avec plus de péripéties dramatiques, à l'insurrection du petit commerce actuel contre les grandes compagnies de commerce au détail, les grands magasins35.
f.) Situation des ouvriers mineurs. — Si le patron exploitant n'est que le précurseur embryonnaire du directeur et du conseil d'administration d'aujourd'hui, l'ouvrier mineur semble assez différent de celui qui un siècle plus tard devait lui succéder.
Sans aucun doute, son aspect excite la pitié du visiteur, et le porteur n de Saint-Etienne bénéficie d'une description qui rappelle, moins la puissance du style, le célèbre passage du paysaun dans Labruyère. Par les étroits terriers où ils grimpent, écrit le chevalier Grignon en 1778, les porteurs, garçons, femmes et filles, écrasés par des sacs de 100 à 150 livres qui reposent sur leurs têtes et leurs dos, font entendre des mouvements violents d'inspiration et d'expiration de la poitrine, d'où il sort des tons plaintifs et entrecoupés, que l'on entend de loin dans ces souterrains et qui inspirent la terreur et la compassion. Toutefois, là où la vargue et ses bennes ont remplacé le portage à dos, la commisération doit naturellement diminuer. L'ouvrier du fond et de la surface est un paysan, souvent petit propriétaire en ces contrées morcelées de vignobles, qui, loin d'être déraciné du sol, considêre l'extraction comme un complément des travaux agricoles, comme le moyen d'acquérir une recette en argent, supplément de ses récoltes en nature. Le personnel des mines, relativement réduit, est recruté non parmi des immigrants sans autre ressource que leur salaire, mais parmi des gens du pays n. Ce fait peut être signalé encore aux environs de Rive-de-Gier, notamment dans la « Société de la Mine aux Mineurs de Gier n . C'est la survivance du fait normal d'autrefois, qui établit le degré de sécurité de l'ancien régime du travail ; la terre constitue la meilleure des assurances contre le chômage ainsi que les fluctuations de salaire, et la famille, alors plus énergiquement constituée, la plus aefflcace garantie contre les maladies ou les accidents de peu d'importance. Nous laissons de côté les accidents suivis de blessures graves et de mort d'hommes. Ces catastrophes, dont la statistique minière relêve la nomenclature et qui ont nécessité l'organisation de caisses spéciales indirectement obli[416]gatoires, n'entraînaient pas pour le petit patron d'alors les charges pesantes même pour les compagnies d'aujourd'hui. L'exploitation à ciel ouvert, aussitôt abandonnée que commencée, les fendues D de quelques dizaines de toises, qui au dire des visiteurs avaient défoncé, criblé de toute part le sol des environs de Saint-Etienne, interdisaient toute une série d'événements tragiques, que les puits profonds ont multipliés.
L'incendie semble avoir ouvert la marche. Les vieux textes ont signalé depuis longtemps les carrières enflammées de la Ricamarie » et le nom de la' Montagne de feu près de Rive-de-Gier paraît assez expressif. Les pertes d'hommes par incendie sont assez rares. On mure la galerie, parfois on l'inonde.
L'inondation, les coups d'eau » subits commencent à constituer une menace bien 'autrement grave. Un exemple est souvent cité. Dans la nuit du 13 au 14 août 1767, sept ouvriers travaillaient dans une mine de Rive-de-Gier, au Mouillon, à proximité d'une autre mine inondée : ils percêrent le massit qui séparait les travaux et les eaux firent irruption ; six mineurs perdirent la vie. La formidable proportion de galeries et de puits délaissés rendaient ce danger permanent. Les filtrations, les voies d'eau » difficiles à arrêter, présentaient de plus en plus, à mesure de la profondeur des recherches, des conditions insalubres de travail. Mais, ainsi que le lecteur le constate, c'est avec le développement de l'industrie, au moment où le petit patronat recule devant les compagnies, que, par un enchaînement logique, surgit dans son plein jour la question des accidents du travail.
Même observation pour les éboulements. L'éboulement dans les carriêres à ciel ouvert prend déjaè annuellement un certain nombre de victimes. Les fendues profondes, les puits surtout, commencent à entraîner des affaissements de la surface. A Rive-de-Gier, rapporte Grignon, on dut démolir le bâtiment de la régie et une croix était descendue de plus de 10 toises sans perdre son aplomb. » Avec le temps les effondrements subits s'étendirent à des concessions presque entières (10.000 mètres carrés, trente ans plus tard, à Rochela-Molière).
Quant au s grisou », l'aération encore facile l'interdisait. Il portait le nom de « Mouffette ou mauvais air. On le désignait aussi sous un nom vague et terrible la force ». Dans les galeries où sa présence était signalée, un ouvrier appelé le penitent, parce qu'il était revêtu de linges mouillés, était chargé de l'enflammer. Ce[417]spécialiste audacieux était aussi baptisé le canonnier n. Le premier désastre du grisou arriva au puits Charvin, le 5 novembre 181036.
ncendie, inondation, éboulement, puisque le grisou demeure inoffensif, ne venaient donc pas créer sous le régime de petit patronat à concentration naissante, le plus sombre côté de la question sociale d'aujourd'hui. Cette question sociale n'existait pas à proprement parler, puisque maîtres et sous-ordres menaient la même vie, couraient les mêmes risques, se recrutaient les uns parmi les autres. Les salaires semblaient suffisants, car le manque du produit constituait la grande préoccupation de l'époque. Les premières greves pour réduction de salaires n'apparaissent qu'avec les compagnies, aux approches de la Révolution ; celle de 1768, à la Ce Lacombe, paraît suscitée par les petits extracteurs des environs ; celle de 1797 (septembre), à la même compagnie, présente tous les caractères des grèves actuelles ; « les ouvriers au nombre de cent environ s'arment de bàtons et se rendent à l'orifice des puits où d'autres ouvriers travaillent. La maréchaussée intervient ; » les détails restent éternellement les mêmes.
Donc, à cette époque, les préoccupations de la puissance publique se portent sur des points alors embarrassants, qui nous semblent aujourd'hui définitivement fixés. — a.) Quel sera le rôle du roi, suzerain suprème et d'après les légistes de la Renaissance, successeur de l'Imperator romain ? Devra-t-il laisser la liberté spstématique régir seule l'exploitation desrichesses miniêres (Édit du 30 mai 1413, Édit de juin 1601) ? Doit-il consacrer son droit souverain par des concessions aux exploitants capables ? Doit-il accorder ces concessions pour la surface entière du royaume, pour une province, une région, quelques arpents (fin du seiième siècle ; fn du dix-septième siècle ; règlement de 1744) ? Doit-il passer outre devant les prétentions de la noblesse haute justiciere (Ordonnance du 30 mai 1413) et affirmer son droit au partage par la perception d'une taxe spéciale ? — b.) Quel sera le droit du propriétaire de la surface ? L'idée romuine de la propriété du fonds et du tréfonds indissolublement liés doit-elle, après la concession[418]admise, donner naissance à une sorte de loyer annuel Dans le Forez et le Lyonnais, des coutumes anciennes, conséquence des baux à extraction, furent consacrées en 1759 par l'acte de concession de la Ce Lacombe et firent triompher le droit ferme des tréfonciers37. — c.) Enfin, quel sera le plan général de police, qui assurera l'approvisionnement de Lyon, consommateur principal de Rive-de-Gier depuis 1640, et celui des bassins de la Loire et de la Seine, même de Sèvres, clients de Saint-Étienne ? Comment concilier cette double exportation avec l'approvisionnement des forges du Furens (zone de la réserve) ? Ces problèmes où la peur des monopoles (Cᶥe de Marbborough) et les monopoles légaux alternent (affaire de Grisolon), ont pu, grâce à la facilité des transports, s'équilibrer dans une liberté à peu près complète.
Mais le régime du petit patronat indépendant, où l'État n'intervenait que pour établir les rapports du rouage producteur et du milieu ambiant pour ainsi dire, devenait d'une insuffisance manifeste. Les conditions naturelles changeaient. La surface du sol criblée d'excavations semblait épuisée. Les fosses inondées exigeaient de grands travaux d'ensemble. Ainsi que le disait excellemment M. le sénateur Brossard, ce régime de la Mine aux Mineurs, système non révolutionnaire mais traditionnel, devenait impuissant. Il a croulé de toutes parts. Le paragraphe suivant montrera au lecteur l'organisation économique qui le remplace.
§ 18. CARACTÈRES SPÉCIAUX A L'INDUSTRIE MINIÈRE QUI A T'ÉPOQUE ACTUELLE SEMBLENT EN FAIRE LE DOMAINE PRESQUE EXCLUSIF. DES « GRANDS ATELIERS CONCENTRÉS ».
Pour distinguer ces caractères il suffit de considérer un instant la C° patronale des Houillères de Montrambert et de la Béraudière, l'une des plus prospères du bassin de la Loire38, et la plus remarquable par ses institutions patronales. Cette société forme l'un[419]des quatre groupes issus en 1854 du fractionnement de l'ancienne Compagnie civile de la Loire. Elle s'étend du faubourg de Valbenoite (Saint-Étienne) à la ville du Chambon, en comprenant le célèbre bourg de la Ricamarie. Contenance des concessions : 1.146 hectares.
A. — Situation fnancière. — Les actions sont au nombre de 80.000, réparties (1894) entre 3.049 actionnaires dont la moitié possêdent de 1 à 10 actions. La production de 1894 a été de 584.460 tonnes. Les bénéfices se sont élevés pour la même année à 3.576.276 fr. 02; mais augmentés du solde du compte des profits et pertes (869.480 fr. 60), ils représentaient 4.15.756 r. 62.
Ce disponible a été réparti ainsi qu'il suit :

B. — Situation matérielle. — 1e L'outillage est colossal. Il suffit d'indiquer que les puits a Devillaine » (puits jumeaux de 3'mêtres de diamêtre, distants d'axe à axe de 14 mètres) étaient poussés en 1889 jusqu'au niveau de 406 metres ; le puits Marie descendait jusqu'à 685 mêtres, etc., etc.; en tout 14 puits (5 pour l'extraction, 2 pour l'épuisement, I pour le remblayage). Chevaux-vapeur, environ 3.500; chaudières 63 avec 5.000 mq. de surface de chauffe ; deux kilomètres de grande voie avec deux locomotives; 80lilom. de petite voie à0m,50 pour le roulage des bennes. — 2° Le personnel atteignait en 1889. 2.280 ouvriers ; en 1895, 2.489 personnes. On estimait en 1894 la depense par ouvrier et par an (institutions de patronage) à 108 fr. 87.
La caractéristique de l'industrie minière est révélée par cet article de la répartition des bénéflces intitulé : Travaux neufs. Chaque puits dans une exploitation de ce genre doit être considéré comme un rayon de grand magasin où il faut savoir engouffrer pendant des années des sommes énormes, afin d'acquérir à un certain moment des bénéflces suffisants. L'exagération de ces découverts, jointe aux dépenses pour dégâts de surface, entretien et achat de matériel, etc., impose l nécessité de recourir à de puissantes sociétés anonymes, capables de réserves formidbles. Réserves et découverts, tel est le jeu normal de l'industrie des mines39.
§ 19. LA MINE AUX MINEURS D DE RIVE-DE-GIER40.
[420] Surface concédéeˉ41. — Le Reclus (296), Collenon (94), La Montagne-du-Feu (79), Les Combes et Egarande (31), Croagaque (76), Gravenand (91), Verrerie et Chantegraine (32), Couon (50), Gourd-Marin (32), Verchnères-Fleurdelix (13), Verchêres-Feloin (10k). Soit au total : 804 hectares.
Surpface exploitée. — Les cinq premières concessions (576), mais à des titres très différents. Le Reclus seul (296) est exploité directement. Collenon a été amodié (donné à bail) à la C des Mines de la Haute-Cappe (1 fr. 20 par tonne extraite). Crozagaque a été amodié à un extracteur » (10 ouvriers).
Les Combes et Egarande sont envahis par le syndicat des Mineurs du Gier ».
ˉmportance de l'entreprise directe et caracteristiqueˉ. — L'importance de l'extraction est minime : en 1893, 9.548 tonnes, en 1894, 7.711 tonnes. EfTectif total : 90 travailleurs. Les travaux consistent : 1° dans une « fendue » ou galerie, la galerie Arnaud de lTAriege, 2° un puits, le puits Séuérine ¯Portier (ancien puits Girard), 3° diverses recherches. La « fendue possède une machiné à vapeur de 7 chevaux. Elle occupe 30 hommes environ (20 piqueurs, 10 boiseurs, 1 mécanicien). Le puits Sévérine42(puits guidé) a 200 de profondeur. Ici une machine à vapeur de 35 chevaux, 44 hommes au fond, 10 au dehors. Le travail de l'entreprise reproduit les traits de l'exploitation de l'ancien régime. On est en présence d'ouvriers essayant des s glanages » sur vieux travaux.
[421] ¯ˉHistoire de la Societe. — Les débuts de la Société civile des mineurs du Gier ont été racontés dans tous leurs détails par M. Francis Laur, ingénieur des mines, dans une brochure intitulée : la Mine ux lineurs (décembre 1887)43.
En 1886, la Cie des Houillères de Rive-de-Gier, propriétaire de vastes surfaces, semblait complètement abandonner les vieilles concessions de Rive-de-6ier et des enirons. Partout les pompes étaient arrêtées. Les mineurs du pays, les sédentaires descendants des extracteurs de l'ancien temps, inquiets de voir des recherches houillères disparaître à jamais sous la montée des eaux, firent publier par le ˉLgon ˉRépuolicain, le 27 avril 1886, une pétition aux pouvoirs publies contre les agissements de la Compagnie et chargèrent M. Francis Laur de faire une enquête sur la situation. La conclusion fut la possibilité de faire exploiter les concessions abandonnées par des équipes d'ouvriers. On parla quelque temps de déchéance à l'égard de la Compagnie, mais l'administration resta muette ; finalement le Syndicat ouvrier des Mineurs du Gier et la Ce des Houillères tombèrent d'accord. Le 2 septembre 1886, sur l'ordre du Conseil d'administration de la Compagnie, le directeur annonça au représentant du syndicat, que doue concessions (les concessions énumérées plus haut) allaient être abandonnées aux mineurs et que ceux-ci pourraient y pénétrer immédiatement. Les ouvriers, dirigés par M. Laur, conclurent, au nombre de cent, un s pacte social et pénétrèrent le 13 septembre dans les affleurements. D'autre part, le Conseil d'administration, qu'on le remarque bien, leur avait cédé les douze concessions, à condition qu'ils en supporteraient les charges n (ratifié par Assemblée générale du 12 octobre 1886). La situation paraissait très nette.
Aussitôt après le commencement des travaux, au Reclus, avec les 6.000f de Mr° Arnaud de l'Ariège, 29 mineurs se retirêrent. Les 71 restant devaient constituer peu après, le 18 novembre 1889, la Société civile des Mineurs du Gier.
Constitution d a Societe. — La Société des Mineurs du Gier, est une société civile anonyme (2), dont l'acte constitutif a été dressé par Me Point, notaire à Saint-Étienne (conformément à la loi du 24 juillet 1867).
a.) Actionnaires du débaut, constitution du capital. — Les action[422]naires du début étaient au nombre de 71. Chacun d'eux était reconnu propriétaire d'une action de cent francs (art. 5.). Aucun d'eux ne pouvait dépasser ce chiffre d'une action. L'apport en nature ( les concessions) estimé à 68. 22Ofr.51, mais grevé d'un passifi de 36. 288fr. 65, était compté pour rien. Le capital social se composait uniquement des apports en espèces, soit 7.100 francs de capital nominal (en réalité : 6.572 f.80 versés).
b.) Pouvoirs. — L'assemblée générale est composée de l'universalité des actionnaires (art. 21). Elle ne doit se réunir qu'une fois chaque année, dans le courant du mois de mars, au siège social (Rivede-Gier, faubourg d'Égarande, n° 25). Chaque sociétaire n'a qu'une voix (art. 27I). Un conseil d'administration de 9 membres (art. 13) est chargé des pouvoirs les plus étendus pendant le cycle de l'année économique (art. 16.) ; il peut déléguer ses pouvoirs à un comité directeur, composé de deux membres élus par lui et choisis dans son sein »; l'un est chargé de la partie technique ; l'autre de la partie commerciale. Tel a été l'usage de fait. Le conseil est élu pour trois ans. nutile de parler de la commission de surveillance, renouvelable chaque année (art. 18), rouage légal et connu. Les procès incessants de la Société ont fait surgir une autorité non prévue, mais décisive, celle du « chef du contentieux » (il n'est pas actionnaire).
c.) Partage des bénéfces. — Sur les bénéfices nets et annuels, il est prélevé 20 2 pour la caisse de secours, outre les retenues sur le salaire. Tout le surplus est attribué au fonds de réserve, jusqu'à ce qu'il ait atteint le chiffre de cent mille francs (art. 16). A la dissolution de la Société, le fonds de réserve, comme le produit de la liquidation, sera réparti entre tous les actionnaires (art. 38).
En résumé, société essentiellement démocratique, véritable « Mine aux Mineurs, puisque tous les associés collaborent à l'œuvre commune (en cas de cessation de la collaboration effective par décès ou autrement, remboursement obligatoire, art. 12.)et puisqu'il est possible aux jeunes de devenir actionnaires (art. 8.). Le remboursement de l'action de cent francs et son versement assure le maintien de l'idée dominante ; en dépit de l'augmentation des réserves, l'exploitation demeure une entreprise ouvrière.
Procès. — Ils peuvent se diviser en quatre catégories : 1° procès relatifs aux dégâts de surface et du voisinage, absolument analogues aux procès soutenus par n'importe quelle compagnie minière; 2° procès contre la Compagnie cédante ; ° procès contre des groupes ouvriers[423]rivaux; 4 procès entre associés. Le n° 1 et le n° 4 doiventêtre écaurtés, le premier, parce qu'il n'offre rien de particulier, le second parce que l'union s'est maintenue à peu pres parfaite entre mineurs (au moins depuis la constitution de la Société). Restent les deux autres.
Procès contre a Cie des Houillères de Rive-de-Gier. —A peine la cession avait-elle été consentie que la Ce des Houillères de Rive-de-Gier en attaqua la validité (août 1887) sous deux prétextes ; 1e l'autorisation gouvernementale n'était pas venue confirmer le contrat; 2° le syndicat acquéreur n'était pas capable de posséder, aux termes de la loi du 2mars 188. Le diférend futtraunchépar un jugement du tribunalcivil de Saint-Étienne du 29 mai 1889 et par un jugement de la cour d'appel de Lyon du 29 mars 1891. On reconnut que l'autorisation n'était pas nécessaire ; et que le Syndicat, — au lieu d'être un syndicat, — n'était qu'une association de fait entre cent mineurs, parfaitement capables d'acquérir une propriété indivise. D'où confirmation complête du droit de propriété44. C'est conformément à l'injonction du jugement du 29 mai 1889 que l'association de fait se transforma en société civile.
Un second procès devait se greffer sur le premier. En vertu d'actes des 4 aout 1879 et 15-21 décembre 1881, certains périmetres de la concession de Collenon avaient été amodiés à la C° des mines de la Haute-Cappe par la C des Houillères de Rive-de-Gier. Celle-ci, se croyant sûre du triomphe définitif, renouvela le marché le7août 1888, c'est-à-dire postérieurement à l'abandon. Après sa victoire juridique, la Société des Mineurs du Gier réclama les redevances d'exploitation payées et des dommages-intérêts. Un rapport d'experts intervint, favorable à la Mine aux Mineurs, et une transaction mit fin au diTérend (2 avril1 1896). La C des Houillères versa à la fin du même mois une somme de cent quarante-cinq mille francs, qui vint grossir la caisse de réserve ouvrière. Il est à remarquer qu'en admettant la validité dela s cession » sous sa forme de lettre et de rectificationlaconique, le jugement et l'arrêt précités ont entrainé une distinction capitale au sujet de la responsabilité de la Société nouvelle. Les charges antérieures demeurent à la C° des Houillères. La Mine aux Mineurs ne répond que des conséquences de ses travaux personnels. La suppression de cette distinction rendrait illusoire la reconnaissunce du droit de propriété.
[424] Procès contre les groupes d'ouvriers voisins. — C'est une page curieuse des rapports entre « Syndicats » et « Associations ouvrières de production45. Le Syndicat des mineurs de Rive-de-Gier, — le syndicat au sens juridique du mot, — avait pris une certaine part à l'organisation de la « Mine aux Mineurs »». Celle-ci avait profité du mouvement d'opinion, créé par le Syndicat, puisque les menaces de déchéance avaient été pour quelque chose dans la décision brusque de la Ce des Houillères. De plus il y avait eu avance d'argent de la part du Syndicat. Très vite, d'ailleurs, la séparation s'opéra. Parmi les cent ouvriers réunis par le pacte social » de M. Laur, 29 se retirèrent ; la Société civile en s'organisant entre les 7I1 restants remboursa la caisse syndicale. Mais un trouble resta dans les esprits. Quelques-uns affirmèrent qu'il y avait substitution d'une idée égoiste à une idée démocratique. Le véritable propriétaire devait être le « Syndicat ». La C° des Houillères ne fut pas hostile, comme bien on pense, à ce nouveau point de vue.
En 1891, au moment de l'arrêt de la cour de Lyon, la discorde prit un caractère aigu. Il y eut d'abord une tentative de conciliation entre la Société et le Syndicat chez le maire de Rive-de-ier, puis occupation de fait, 4 ouvriers délégués par le Syndicat, se mirent à extraire du charbon à Egarande (le Syndicat de Grande-Croix avait avancé une partie des fonds nécessaires). Un extracteur, simple ouvrier mineur, s'installa sur la Montagne de Feu. Des questions de dégâts surgirent. La Société civile fut attaquée par les propriétaires de la surface. Plainte fut par elle déposée au parquet. Celui-ci expulsa l'extracteur, mais respecta les syndiqués.
Dès lors commença une double campagne, dans la presse et devant lestribunaux. Les cercles démocratiques reprochèrentà laSociété civile : 1° de ne pas exploiter à la fois toutes les concessions et de tomber sous les menaces de déchéance qu'elle avait agitées contre la Ce des ouillêres ; 2° de refuser systématiquement d'accepter les membres du Syndicat comme actionnaires ; 3° d'amodier (de donner à bail) comme une entreprise capitaliste. La Société civile répondait en alléguant l'impossibilité immédiate de l'exploitation générale, le peu d'empressement des syndiqués à offrir leurs versements, les amodiations déjà consenties par la C des Houillères. —D'autre part, 17 des exploitants d'Égarande formèrent tierce-opposition à l'arrêt de la cour de Lyon, comme[425]
![Résumé général des recettes et dépenses pour 1894 [notes annexes]](https://api.nakala.fr/iiif/10.34847/nkl.c561b62a/4721d23dec0754eff3a959391340cc07d0b842aa/159,415,2326,3566/max/270/default.jpg)
![Inventaire au 31 décembre 1894 [notes annexes]](https://api.nakala.fr/iiif/10.34847/nkl.c561b62a/4721d23dec0754eff3a959391340cc07d0b842aa/215,431,2102,3486/max/270/default.jpg)
[426][427] ayant signé le « pacte social » et par suite étant restés copropriétaires des concessions. La tierce-opposition fut déclarée irrecevable et mal fondée par arrêt du 18 juillet 1895.
La Société civile parait devoir s amodier n au Syndicat la concession exploitée, aussitôtquecelui-ci sera constitué en association de production46actuellement 30 ouvriers y sont occupés). Telle sera la fin du procès des s pirates D.
NOTA. — Pendant l'impression de ce paragraphe 19, la ˉSociéte des miners du Gier, a marché à pas de géant vers sa dissolution. M. Portier, conseiller général de la Loire, avocat de la Société a donné sa démission de président d'honneur (lettre du 18 octobre). M. Barbier chef du contentieux l'a suivi dans sa retraite. es sociétaires ont formé, parait-il, le projet de partager le reliquat de la caisse et de vendre les concessions. L'égoisme des mineurs paysans a triomphé des instincts solidauires. Le partage est le contraire du s socialisme, c'est-à-dire de la mise en commun.
§ 20. LA MINE AUX MINEURS D DE MONTHIEUX.
Surface amodiee. — (Le concessionnaire actuel est M. le baron Vital de Rochetaillée ; le concessionnaire primitif, en vertu de l'ordonnance du 6 novembre 1825, était M. Dugas des Varennes). 71 hectares.
Surpface eaploitée. — La totalité des I4 hectares est exploitée directement, sans aucune amodiation (cest-à-dire sous-location.)
Importance de l'entreprise. — Au moment de la présente étude, il fallait distinguer : 1e le puits de la Providence ; épuisement, jusqu'à 25 mètres ; un pulvérisateur y débitait 400 litres d'eau à la minute ; — 2° le puits Saint-Jean (abandonné) ; — 3° la fendue Saint-Jean ; machine : 15 chevaux, inclinaison 25 et 30°, 110 mineurs employés ; — 4e le puits Remmel : 56, machine : 25 chevaux (charbon de foyer), 12 mineurs; — 5° le puits Antonia (360) ; machine : 30 chevaux, 4 mineurs ; — 6° la fendue Saint-Simon, machine remplacée par un cheval, 4 mineurs ; — 7° la fendue Basly, machine : 6 chevauxvapeur, 12 hommes ; — 8° le puits Marinoni, 525e et machine de[428]200 chevaux-vapeur (abandonné). Le travail se localisait, en fait, à la fendue Saint-Simon, au puits Remmel, à la fendue Basly47. Le total de l'extraction, en 1893, a été de 32.613 tonnes ; en 1894, de 29.665. L'effectif atteint 182 travailleurs. L'exploitation reproduit autant que possible la physionomie d'une grande exploitation patronale, utilisant l'outillage moderne.
Historique de la Societe. — La Cie amodiataire de Monthieux, la Ce Stern ne prospérait pas. Elle avait absorbé en dix ans, 1.600.000fr. à ses actionnaires. Au mois de mai 1891, elle signifia que conformément à une décision du conseil, en date du 23, l'exploitation allait être arrêtée et le personnel congédié, sauf les quelques hommes nécessaires à l'épuisement et à la garde. L'amodiation et son matériel furent mis en vente au prix de 400.000 fr. Plusieurs mois s'écoulêrent, sans qu'aucun acquéreur se fût présenté.
Cependant, à la Bourse du Travail de Saint-Étienne, le Syndicat des mineurs de la Loire, où affluaient les mineurs congédiés, se demanda s'il n'y avait pas là une occasion unique d'organiser une Mine aux Mineurs ». Le conseil du Syndicat fit même poser des affiches, dresser des listes de souscription et une assemblée générale nomma un conseil d'administration provisoire destiné à préparer l'enfantement de l'œuvre nouvelle. Plusieurs personnalités politiques et industrielles s'intéressèrent à cette tentative. L'une d'elles se chargea même des démarches, obtint de la Compagnie une cession presque à titre gratuit au moins en apparence (10.000 fr., plus les charges) et rédigea les statuts48.
Restait à trouver le capital-argent. Sur la proposition de l'homme dévoué, dont il vient d'gètre question, le conseil provisoire partit pour Paris. Le Conseil municipal de Saint-Etienne avait déjà voté les 10.000 francs indispensables. M. Marinoni, le directeur du Petit ournal, s'engagea à verser 50.000 fr. ; la Chambre vota 50.000 fr., etc. Le ministre des finances promit de faire remise des droits d'enregistrement, qui se montaient à 19.800 fr. (du moins, telle est l'impression que les délégués retirèrent de l'audience accordée). Enfin, les souscriptions apportêrent un contingent non entièrement négligeable.
Au retour, le dimanche 25 novembre 1891, nouvelle assemblée. On[429]accepta les statuts article par article (voir le paragraphe suivant). Le Conseil d'administration, composé de one membres, fut nommé. Le lendemain, lundi 26, l'acte de vente fut signé solennellement, et les 10.000 francs votés par la ville de Saint-Etienne furent remis au banquier représentant de l'ancienne Compagnie. Les mineurs se trouvaient propriétaires de l'important matériel, mais avec la compensation de 36.000 fr. de charges annuelles, sans compter les dégats de surface éventuels. Les 50.000 fr. de M. Marinoni leur étaient parvenus ; ainsi que 5.000 fr. de subvention.
Les travaux commencèrent le 1e décembre, au puits Marinoni (ce nouveau baptême était mérité). Les ouvriers du Syndicat étaient seuls embauchés. Le 4 décembre, l'inauguration fut l'occasion d'une fête et d'un banquet de 2.000 couverts, salle des machines, place du Treuil ; 20 députés et le préfet de la Loire y assistèrent. Dix jours plus - tard, les difficultéss commencèrent.
Bien que le récit de ces difficultés doive prendre place sous la rubrique procès et dissensions, il est nécessaire d'indiquer dês maintenant que le capital-social subit, par la faute de ces discussions, une diminution considérable. Le Syndicaut mécontent (nous verrons pourquoi) ameuta les anciens ouvriers de la Ce Stern, contre la nouvelle société ouvrière. La presse soutint le Syndicat. Le préfet de la Seine envoya les 10.000 fr. votés par le Conseil municipal de Paris au bureau de bienfaisance de Saint-Étienne. Le gouvernement, représenté par le préfet de la Loire, fit suivre la même voie, aux 50.000 fr. de la Chambre des députés. Les autres souscriptions s'arrêtèrent en route. Au lieu de recevoir 140.000 fr., la « Société stéphanoise de la Mine aux Mineurs », dût se contenter de 65.000 fr.
Constittion de la Societe. — Là encore se retrouve la forme anonyme à capital et personnel variables, empruntée à la loi du 24 juillet 1867. Les statuts acceptés le 25 novembre 1891 furent déposés aux minutes de M Fessy-Moysc, notaire à Saint-Étienne.
a.) Acionnaire du debut, constitution du capital. — Un fait domine la constitution du capital, c'est que pas un mineur n'apportn un versement réel. Le cupital est fixé au minimum de 60.000 fr. divisé en six cents actions de cent francs (article 5). Le lecteur reconnait les 10.000 fr. du Conseil municipal de Saint-Étienne, versés à la CfeStern et les 50.000fr. de M. Marinoni. Chaque actionnaire ne peut être titulaire de plus d'une action (même article 5) ; son action est nominative : la propriété en est établie pur l'inscription sur les registres de la So[430]ciété. Toutefois (article 42), il est créé des parts de fondateurs, au profit des premiers ouvriers embauchés dès le début jusqu'au 31 décembre 1892. Ces parts de fondateurs, — une par ouvrier, — donnent un droit spécial sur les bénéfices et sont réversibles en cas de décês sur la veuve et les enfants au moins jusqu'à leur majorité.
b.) Pouvoirs. — L'assemblée générale, composée des sociétaires et des actionnaires simples (article 28), se réunit en fait à l'Hôtel-deVille, une fois par an. Le principe d'une voix par associé est admis. Le Conseil d'administration est composé de neuf membres au moins et onze au plus (article 15); il se réunit au siège social, conformément au rêglement intérieur. La commission de surveillance est visée par l'article 24.
c.) ˉPartage des bénefices. — Sur les bénéfices nets réalisés chaque année, il est prélevé (articles 41 et 42) : 1°, 5 °., pour la réserve légale ; 2°, 5 °., pour le conseil d'administration ; 3°, 45 e, aux actions, afin de recevoir une destination de bienfaisance (Caisse de secours corporative, article 43) ; 4°, 45 % à tous les ouvriers sociétaires (néanmoins la moitié de cette dernière proportion est affectée aux ouvriers embauchés depuis le début jusqu'au 31 décembre 1892 et réputés fondateurs).
Difficultés et procès. — Les procès et difieultés vont surgir ici entre associés, au lieu de naître entre la Ce ouvrière et les Cm patronales. L'origine semble venir d'un malentendu entre le Syndicat dont le bureau voudrait considérer la mine comme atelier corporatif et les sociétaires qui affirment leur droit de copropriété, au nom de leur collaboration effective.
1° Séparation du Syndicat et de l'Association. — Dès février 1892, aussitôt après avoir réglé la délicate question des 19.800 fr. de droits d'enregistrement réclamés par l'Administration (M. Stern s'engagea à les payer sous la condition d'être remboursé le 23 février 1897), les querelles s'envenimêrent au sujet du renvoi d'un ouvrier. Les mineurs s'émurent et prirent fait et cause pour le congédié. Une réunion organisée à la salle des machines (puits Marinoni) amena une entente éphémère, si bien que l'assemblée générale de mai nomma un nouveau conseil. Mais les administrateurs renvoyés, intentèrent un procès devant le tribunal civil de Saint-Étienne. Celui-ci décida que la nomination des administrateurs nouveaux était irrégulière, réinstalla les anciens, tout en leur imposant la convocation d'une nouvelle assemblée générale. Les anciens administrateurs réinstallés par[431]la justice donnèrent leur huitaine à un certain nombre d'ouvriers, congédièrent les gouverneurs, et ne convoquèrent aucune assemblée. Les ouvriers expulsés les assignèrent en référé : le président du tribunal nomma comme sequestre, M. Payen, l'ingénieur. Pendant huit jours, la mine fut fermée et les « plâtres n (surface) furent occupés par la gendarmerie. Des scenes fort tristes se produisirent, parce que les guichets de paye étaient fermés et que la misère devenait intense. Le 31 juillet, à la salle des prudhommes (Hôtel-deVille de Saint-Étienne), l'assemblée eut lieu, non sans encombre. Les quatore ouvriers renvoyés par le conseil primitif avaient été obligés d'assigner leurs ennemis afin d'obtenir de la banque (Société Générale) le récépissé du dépôt des actions, nécessaire pour entrer à l'Assemblée. En fin de compte, les administrateurs furent définitivement révoqués, un ingénieur nommé à la place de l'ingénieur démissionnaire, et les points d'exploitation changés. (Voir compte rendu de l'assemblée générale du 30 juillet 1892.)
Disons tout de suite qu'ultérieurement, en face des divisions excitées par les s rancunes du Syndicat (nous reproduisons ici une opinion des sociétaires), on offrit un certain nombre d'actions et par suite de voix (au total 16) aux différents syndicats de la région. Cette base d'entente par le partage d'influence fut repoussée et la lutte continua.
2° ndiscipline de certains sociétaires : difficulté de leur renvoi. — A peine la nouvelle administration avait-elle commencé sa gestion, qu'un sociétaire menaca d'un coup de hache son chef de poste n. (Assemblée du 13 novembre 1892.) Le révolté est exclu par cette assemblée, mais réadmis par l'assemblée du 12 février 1893. En même temps on reconnait à l'ingénieur le droit d'embauchage.
Cependant l'impatience de tout frein se manifeste chez les sociétaires-ouvriers. Les employés sont l'objet continuel de leyrs soupcons. Les accusations et les délations se succèdent. (Voir même assemblée.)
A l'assemblée du 14 février 1893 (deux jours après), on procède à la révocation d'un sociétaire (Desmarets) qui a insulté un administeur. Cn certain nombre d'amis soutiennent Desmarets. Un long procès en résulte (jugement du trib. de Saint-Étienne, 10 mars 1896; arrêt de la Cour de Lyon, du 19 mars 1897). Desmarets triomphe en fin de cause; la cour admet qu'il a été expulsé irrégulièrement. Seule l'aussemblée généraule du 1I avril 1897, valablement constituée, met un terme à l'incident.
[432] 3° Lutte des auxiliaires contre les sociétaires. — Le moyen qui semble avoir le mieux réussi aux ennemis de l'association est la levée de boucliers des auxiliaires contre les sociétaires. Exciter la démocratie du dernier degré contre l'élément coopérateur a toujours été la tactique traditionnelle. Or cette tactique était facilitée ici par un article des statuts de l'association. L'article 3, en effet, semblait ouvrir les rangs des sociétaires à tous ceux qui travaillaient dans la mine n, du moins au bout d'un certain stage. Les s stagiaires, — les auxiliaires, pour les appeler par leur nom, — avaient parfaitement compris que l'on repoussât les syndiqués non travailleurs, mais eux qui travaillaient, ils voulaient être admis au même rang que leurs aînés, dispensés d'ailleurs de tout versement préalale et élevés à leur dignité en vertu de leur seule présence. A l'assemblée du 31 décembre 1894, neuf'auxiliaires, dont on avait repoussé la demande réclament la dissolution de la société. On les expulse. L'assemblée du 25 février 1894 déclare que deux ans de présence sont nécessaires pour être admis sociétaire (mais ce vote au point de vue juridique était impuissant à modifier les statuts qui subsistent). Le 26 août, une assemblée générale est dissoute par l'envahissement des auxiliaires mutinés. Le 2 septembre — les événements se précipitent — 31 auxiliaires font une sommation par huissier et revendiquent leur admission. Aux assemblées suivantes, les révocations se succèdent. Cependant une procédure se poursuit. Le tribunal de Saint-Étienne par deux jugements, notamment le 10 mars 1896, décide que les auxiliaires demandeurs sont des actionnaires, évalue à 100 francs le taux des actions et ordonne de leur rembourser 90 francs à chacun (les 10 g versés étant perdus) plus leur salaire. La Cour n'a pas encore statué.
Instabilité des pouvoirs. — Toutes ces péripéties devaient naturellement entraîner une très grande instabilité. Nous avons vu déjà une révolution qui a balayé le conseil. Çà et là, des discussions d'administration amènent ce renouvellement. Enfin, au plus fort de la lutte des auxiliaires, une grande assemblée générale de « rénovation n a lieu, le 31 mars 1895. Dans la salle de l'Hotel de Ville, tous les sociétaires sont harangués par M. Buisson, délégué de la « Chambre consultative des Associations ouvrières de France », et M. Courtois, directeur de la Verrerie stéphanoise, représentant la EFédération des associations du Sud-Est. Le conseil d'administration démissionnaire est remplacé. L'administration actuelle prend le pouvoir ; elle prépare la modification des statuts et tâche de rétablir l'ordre.[433]
![Bilan arrêté au 30 juin 1895 [notes annexes]](https://api.nakala.fr/iiif/10.34847/nkl.c561b62a/67cbfd60180a1dc9cb1338037b469ce16372b977/247,415,2182,3582/max/270/default.jpg)
![Résumé du compte de pertes et profits [notes annexes]](https://api.nakala.fr/iiif/10.34847/nkl.c561b62a/67cbfd60180a1dc9cb1338037b469ce16372b977/215,407,2150,3518/max/270/default.jpg)
[434][435] Quatre ingénieurs ont successivement dirigé les travaux à la Mine de Monthieux. Le contrôleur n n'a pas été changé.
§ 21. CE QUE REPRÉSENTENT LES DEUX « MINES AUX MINEURS » ET LEURS DIFFÉRENCES.
Les deux Mines aux Mineurs n sont de simples associations ouvrières de production . On appelle ainsi des groupements de travailleurs qui substituent au patron un directeur élu, et au salariat une responsabilité plus ou moins étendue suivant le nombre d'actions souscrites par chacun. Les associés peuvent avoir ou ne pas avoir au-dessous d'eux des auxiliaires, salariés ordinaires. La « Société des Lunetiers » (5 millions d'affaires), 8, rue Pastourelle, à Paris, le Familistère de Guise (4 millions); les Charpentiers de Paris (1.100.000 fr.), 26, rue Labrouste, Paris ; le Travail », atelier de peintres (800.000), 50, rue de Maistre, Paris, etc., etc, sont des associations ouvrières de formes diverses. La récente enquête de « l'Office du Travail», entreprise par M. le sous-directeur Fontaine et l'auteur du présent travail, établit pour la France l'existence de 175 associations ouvrières. Cent huit d'entre elles sont reliées par une fédération, la « Chambre consultative des associations de production », 2I, boulevard Saint-Martin, Paris.
Maintenant, entre ces deux associations minières voisines, les diffTérences suivantes peuvent être relevées : 1° Le caractère de l'essai n'est pas rigoureusement le même : la mine du Gier a visé l'exploitation lae plus économique possible, même avec les vieux moyens ; Monthieux a essayé d'établir la grande exploitation collectiviste de l'avenir ». — 2° Le recrutement est différent : paysans extracteurs à Rive-de-Gier, mineurs des grandes compagnies à Monthieux. — 3° Le capital social a été versé réellement par les mineurs du Gier : à Monthieux, il y a eu remise de subvention et distribution d'actions en papier. — 4° L'union entre associés a été plus intime dans la « mine paysanne, au moins jusqu'à une époque récente. —5° Des procès importants gaggnés contre la Ce des houillères de Rive-deGier ont constitué passagèrement une forte réserve aux mineurs du Gier. — 6° L'autorité d'un seul s'est mieux dessinée dans cette dernière mine49.
[436] Toutes deux (c'est la ressemblance) pratiquent le salaire à la journée ; Monthieux y joint en principe la journée de huit heures.
Elles constituent en fait une tentative de reconstitution de la moyenne industrie minière.
Notes
1. Voir Gruner, Carte du bassin de la ˉLoire.
2. De Ruolz, Rapport général sur l'industrie houillère en France.
3. En 1894, Rive-de-Gier ne produit que 347.76 tonnes contre les 2.97.05e2 tonnes de Saint-Étienne.
4. Voir Rapport de 1895, par M. A. de Castelnau, ingénieur en chef des mines.
5. Les travaux du puits du Treuil, l'un des plus profonds du sous-bassin de Saint-Etienne (620m) sont dits en treizième couche.
6. C'est pour y remédier que l'industrie des agglomérés a pris naissanceàSaint-Étienne.
7. C'est-à-dire la mine à un concessionnaire choisi par l'État au lieu du système de l'accession (la mine au propriétaire de la surface) et de l'invention (la mine à celui qui la découvre).
8. Il faut ajiouter à la loi du 21 avril 1810 la loi du 27 avril 1838 (assèchement et exploitation des mines) et le décret du 23 octobre 1852 qui supprima le curieux Cartell ou syndicat des Mines de la Loire en faisant triompher le principe de l'interdiction des fusions sans autorisation gouvernementale.
9. Complétés parfois par un puits d'épuisement et un puits à remblais (celui-ci est confondu le plus souvent avec le puits d'aérage).
10. Voir Annuaire des Syndicats professionnels (1896).
11. Fermiers Montagnards du Haut-Forez, Ouvriers des Deux Mondes, 2ᵉ série, 35ᵉ fasclcule.
12. V. Fermiers montagnards du Forez.
13. Tel est le point de vue du citoyen Rendu, conseiller municipal de Saint-Étienne, socialiste ennemi des collectivistes, secrétaire de la Fedération nationade des mineurs de F'rance, qui avait organisé le grand Syndicat des mineurs de la ˉLoire.
14. Il ne faut pas s'étonner de voir citer l'aleoolisme comme une malade professionnelle. Certains métiers y exposent le travailleur plus que d'autres par leurs conditions matérielles et leurs coutumes : l'industrie minière est du nombre.
15. Avec quelque expérience pysiognomonique, il est facile de reconnaître un mlneur rien qu'a l'expression du regard.
16. Haton de la Goupillière, ˉCours d'exploitation des mines; Dunod, éditeur, Paris, 1887.
17. Ce service est composé d'un ingénieur en chef avec deux ingénieurs (l'un pour la section de Saint-Étienne, l'autre pour celle de Rive-de-Gier), assistés de contrôleurs et d'employés.
18. Lorsqu'il prend un travail à forfait.
19. Une école de gouverneurs a été créée depuis peu à Saint-Étienne.
20. Régulièrement l'exercice de la Société Stéphanoise s'étend du 1er janvier au 31 décembre. (Le fonctionnement de la Compagnie ouvrière a en effet coineidé avec les derniers jours de décembre 1891.) Toutefois les recettes et dépenses du s piqueur sociétaire ont été calculées sur deux moitiés d'exercice, parce qu'il a été ainsi possible d'établir les conséquences d'une période de prospérité relative et d'une autre de malaise réel.
21. Dimensions : hauteur 1 mètre, largeur 1m80, longueur 1m35 (qutre pieds).
22. VOir Pages rouges, par Séverine.
23. La Coopérative, par suite d'une entente avec la compagnie qui lui garantit ses créances sur la quinzaine courante, pratique en fait le crédit. Elle a été fondée en 1893. Nombre des sociétaires (pas d'adhérents) : 67. Afaires : 18.060f environ par an. Dividendes pas encore distribués.
24. Le réservoir qui alimente Saint-Étienne.
25. Entre l'amélioration du régime quotidien et les institutions patronales en vue des événements exceptionnels (maladie, accident, vieillesse)les ouvriers n'hésitent pas, comme tous les imprévoyants. La Soeiété de la Chazotte, qui a établi la journée de huit heures, passe dans leur esprit avant la Société de Montrambert, qui, avec un régime plus sévère., a orgganisé de belles institutions de prévoyance.
26. Consulter prlncipalement sur ce sujiet la Monograpie historique des Mnes de houille du département de la ˉLoire, par M. Broard, énateur, in-8° de 517 pages avec carte. lImprimerie Balay, Saint-Étienne, 1887.
27. Bibliothèque Philip. Thiolliere, actuellement bibliothèque de Saint-Étienne, cité par M. Brossard, p. 9.
30. L'Art d'exploiter les mines de charbon deterre, par Morand, médeein, 1773,2° partie, page 198.
31. En 1790. au début du siecle, il n'y avait que 35 pics dans la section de Saint-Étienne. Ces pics travaillaient environ 30 jours dans l'année et produisaient 100.000 charges de 255 1ivres. V. Brossard, page 129.) Le maximum des pics était de 6 par mine.
32. La Société de la Mine aux Mineurs de Rive-de-Gier a conservé dans ses bureaux du faubourg d'Égarande 25, a Rive-de-Gier, les outils de l'anclen régime houiller, retrouvés dans les puits abandonnés de ses concessions.
33. Essai pour servir à l'histoire naturelle des mines de charbon de Saint-Etienne, par Alléon-Dulac, nanuscrit de la Bibl. nationale.
34. Procédé empirique qui dispensait de l'emploi de la boussole par le calcul des angles. (V. Brossard, p. 74.).
35. Voir Brossard, p. 53 et suiv.
36. Brossard, loc. cit., p. 221.
37. Voir sur ces délicates questions juridiques : Résumé de la Doctrine et de la ;urisDrudence en matiêre de mines, par Victor Brechignac et Léon Michel ; Saint-Étienne, Tnéolier, 1867.
38. Voir Notice sur la Société Anonyme des houillères de Montrambert et de la Béraudière, Saint-Étienne, imprimerie Théolier, 1889 ; Catalogue de l'exposition (Lyon 1894) de la Seciété Anonyme, etc. — Rapport du Conseil d'administration (1895).
39. D'après les chiffrescommuniqués par l'admlnlstraution (1891), la Cᶥ°de oche-la-Mollère compte 3.09 ouvriers : celle des ouilléres de SaHnt-Étienne, 2.425, ete. On voit l'amplitude de pareilles entreprises. A côté, vers Rive-de-Gier, le petit patronat se retrouve (extracteurs avec 10, 4, 3 ouvriers).
40. Cf. Les conclusions du présent travail, rédigées en 1895, s'accordent avec celles d'une très intéressante étude sur la Mine aux Mineurs de Rive-de-Gier, publiée par M. de Billy, A1nnales des Mines, janvier 1897. L'auteur termine en disant : s Quoi qu'il advienne aujourd'hui, il n'est plus question, pour le syndicat comme pour la société civile, de prospérer ; il sagit seulement de vivre, peut-être même devrait-on dire de végéter. Les fautes de tout ordre, et, en particulier, les discussions intestines, ont ruiné une entreprise qui, en d'autres mains, eût assurément réussi.
41. Voir pour plus de renseignements la carte des périmêtres insérée dans l'ouvrage déjà cité de M. Brossard.
42. Voir les Pages ˉRouges de Sévérine.
43. Voir également : Documents en réponse aux attaques dirigées contre la Société ci vile de la Mine aux Mineurs. (Saint-Étienne ; lmpr. Balay 189.)
44. Voir Documents sur la Mine aux Mineurs, brochure imprimée à Saint-Étienne, Imp. V. Bala, 1892.
45. Il est inutile de rechercher le lien entre les procédures précédentes et les instances dont il est question.
46. Cette Soeiété a été constituée le 17 septembre 1896.
47. En 1896, il y a 50 hommes au puits Antonia ; 4 à une nouvelle fendue, la fendue Saint-Fraņois. Le puits Remmel est délaissé.
48. Dans la notice publiée alors par la commission provisoire, les terrains et travaux sont évalués à 3 millions de francs ; le matériel était estimé à 128.732f 20.
49. L'importance de l'autorité forte et éclairée se maniefeste par les deux faits suivants. Depuis que la procédure cède la place à la technique, à Rive-de-Gier, le défaut de direction commence à poindre. A Monthieux, l'arrivée d'un ingénieur énergique, M. Martin, a arrèté, au moins provisoirement, là ruine qui semblait imminente.