N° 97

TISSERAND D'USINE DE GLADBACH

(Prusse rhénane)

OUVRIER-TACHERON

DANS LE SYSTÈME DES ENGAGEMENTS MOMENTANÉS

d'après

LES RENSEIGNEMENTS RECUEILLIS SUR LES LIEUX EN 1901

PAR

M. V. BRANTS

Membre de l'Académie royale de Belgique

Professeur à l'Université catholique de Louvain



Observations préliminaires définissant la condition des divers membres de la famille

Définition du lieu, de l'organisation industrielle et de la famille

§ 1ᵉʳ. État du sol, de l'industrie et de la population.

[337] Muenchen-Gladbach, commune et Burgmeisterei de Prusse, fait partie de la régence (Regierungsbezirk) de Dusseldorf, province du Rhin (Rhneinland).

Au point de vue géographique, elle appartient à la région du Bas-Rhin (Niederrhein), cette plaine basse qui, à l'époque préhistorique, était maritime ; peut-être la chaîne de collines qui va de Nimègue à Gladbach émergeait-elle alors en île ; quand la mer se retira, entre les embouchures marécageuses du Rhin et de la Meuse, de nombreuses[338]populations s'établirent dans les collines boisées ; des cours d'eau et des cascades sillonnaient la région, qualifiée encore de Mülgau, d'un vieux mot celtique (mel) qui est une désignation de l'eau ; d'autres noms que l'on retrouve fréquemment ont le même sens, et le nom même de Gladbach est celui d'un cours d'eau. L'agglomération actuelle a encore son centre sur une éminence d'où on apercoit une vaste étendue de la plaine rhénane; la ville tout entiere est étagée sur une surface très inégale et très vallonnée.

L'agglomération est d'origine monastique1. Il ne s'agit assurément pas d'en faire ici l'histoire. Une première fondation d'église y est attribuée à la piété de Baldéric, parent de Charlemagne, et de sa femme Hitta, dont le nom est resté légendaire. Après les invasions des barbares normands et les ruines causées par les bandes magyares, l'archevèque Géron de Cologne (967 à 95) appela les Bénédictins, et alors fut fondé le monastère de Saint-Vit. Pendant le moyen âge il était, politiquement, de la principauté ecclésiastique de Cologne, tandis que, au point de vue religieux, il était dans le ressort de Liège. L'eglise de Baldéric fut restaurée plus tard, et c'est ainsi que côte à côte, sur la plate-forme étroite de cette colline, s'élêvent deux églises, l'église curiale (Pfarrkirche) et celle du monastère (Münster).

Le sort de Gladbach pendant les diverses phases de l'histoire ne peut nous occuper ici. Peu à peu, une agglomération se forma autour du monastère, comme en tant d'autres endroits, mais assez tardivement ; cela devint une villa, puis un oppidum, avec des fortificautions au XIV siècle. Des princes temporels y exercèrent leur seigneurie et l'avouerie, qui passèrent successivement aux comtes de Iessel, puis à ceux de Juliers.

Gladbach soufrit beaucoup des guerres de religion, étant dans ce comté de Juliers, situé au milieu des régions disputées, et lui-même, occasion de la guerre de Trente ans. Les guerres de l'époque moderne ne l'épargnèrent pas non plus. Cependant l'abbaye bénédictine subsista jusqu'à la fin de l'ancien régime. Ce n'est qu'après la paix de Lunéville (1801) qu'elle fut supprimée et que ses biens furent sécularisés et confisqués par l'Etat français. Le traite de Vienne (1815) rendit le duché de Juliers à la Prusse2.

[339] La ville de Gladbach, appelée oficiellement, en souvenir de ses origines, Muenchen-ladbach, est distinguée par ce vocable de plusieurs localités du même nom. Elle s'est fort transformée. Son nom, sa colline surmontée des deux vieilles églises, la foi très profonde de sa population, les reliques insignes léguées par les anciens fondateurs, rappellent bien ses origines ; mais il s'est formé une cité et une agglomération industrielle nombreuse.

Le Bas-Rhin est le siège d'une ancienne industrie textile, drapière, dont la splendeur remonte au xve siècle, comme en Flandre ; Aix-la-Chapelle, puis Cologne, en étaient le centre ; elle s'étendit, mais subit une forte dépression générale aux XVe et XVIe siècles. La région de la rive gauche se livra surtout au tissage de la toile ; l'élevage du mouton, qui avait été répandu dans les pays de Clèves, Gueldre et Juliers, ft place à la culture du lin ; femmes et enfants filaient ; les hommes tissaient. Puis apparait au xv° siècle la soierie, importée à Crefeld, et l'industrie de la soie et du velours se répand dans la région, et refoule la toile, par ses salaires élevés. L'industrie linière fut florissante au début du xx siècle ; mais l'incorporation à la Prusse lui porta un coup terrible par la modification douanière qu'elle entraîna ; la concurrence de la Silésie et de la Westphalie la fit succomber ; le lin disparut de la région; mais une nouvelle industrie fit son apparition, celle du coton, favorisée au contraire par le nouveau marché. Gladbach fut un des centres de cette industrie nouvelle, qui se développa rapidement3.

Le Bas-Rhin, on le voit, est éminemment une région d'industie tevtile ; celle-ci y est très considérable dans ses diverses branches : draps, soie, velours, coton....

A Gladbach, Rheydt, etc., domine le coton, comme la soie et le velours à Crefeld, le drap à Aix-la-Chapelle ; mais cette répartition n'est pas exclusive, on le verra bientôt.

Tandis que l'industrie lainière et la soierie étaient déjà anciennes, la cotonnerie était récente ; aussi se créa-t-elle aussitôt sous la forme qui, à l'époque oû elle s'introduisit, promettait l'exploitation la plus économique au point de vue du profit : la fabrique agglomérée et capitaliste. Tandis que longtemps le métier à domicile subsistait pour la laine et la[340]soie, le coton fut immédiatement travaillé en fabrique, et la ville de Gladbach vit développer rapidement son centre de population ; cependant de nombreux ouvriers détachés des anciennes familles de paysans tisserands continuèrent et continuent à habiter la campagne. L'industrie de la laine a d'ailleurs, ici aussi, subi maintenant la même transformation, et ce sont des fabriques que les tissages de laine de Gladbach.

Cette ville devient donc le centre de l'industrie du coton et de tissus mêlés à bon marché, industrie qui demeure très considérable, mais a subi cependant une forte concurrence, et notamment celle de l'Italie, où elle exportait autrefois, et celle de l'Espagne.

L'industrie lainière s'est agrandie depuis quelques années, et ensuite transformee à cause des circonstances économiques.

L'industrie de Gladbach a eu ses périodes de splendeur et de crise dont nous ne pouvons retracer ici l'histoire commerciale détaillée. Meme dans sa production lainière, le coton jouait un grand rôle. Gladbach a la spécialité des articles bon marché, destinés surtout à la population ouvrière. Dans ses tissus de laine entraient donc, pour une proportion assez forte, des fils de coton ; ce mélange et la fabrication mécanique créèrent à l'industrie de Gladbach un marché spécial.

Les étoffes de laine à bon marché ont subi depuis quelques années, en Allemagne même, une forte concurrence de l'industrie saxonne, surtout de la région du Lausita. Il en est résulté l'initiative de certains industriels de s'appliquer à un produit intermédiaire. Sans prendre à. Aix-laChapelle les tissus fins de laine, destinés à la classe aisée (ˉHerrenhleider), on en fait une imitation, qu'on désigne parfois sous le nom de Sontags Aau, c'est le vêtement du dimanche de la classe moins aisée, ayant de l'apparence, et aussi une qualité supérieure aux Arbeiter leider, ou vêtements de travail, qu'on fabriquait avant presque exclusivement, le mélange de coton y est beaucoup moindre et on travaille avec des laines anglaises. Ce dernier phénomène est récent4, il s'est produit dans l'industrie lainière, bien que l'importance des divers tissus de coton demeure considérable. Nous donnons ces indicautions en particulier, parce que l'ouvrier monographié est employé dans ce nouveau genre, qui, étant plus relevé, peut aussi payer plus cher.

Gladbach, nous l'avons dit, se développa vite, son agglomération grossit rapidement. Quelques chiffres, empruntés aux statistiques, feront[341]connaître et l'état de la région textile et celui de sa population. On va bientôt en juger.

Constatons d'abord que la fabrique, prépondérante, introduisit bientot les moteurs mécaniques ; depuis le milieu du siècle, l'empire de la machine s'y est fondé, et s'est sans cesse élargi. La situation sociale de ces fabriques fut d'abord trés facheuse ; cette industrie créée ici de toutes pièces au début du siècle, dans l'état des esprits d'alors, provoqua une situation qui s'est fort améliorée depuis, mais qu'il faut mentionner avec ses abus d'autant plus graves que les premiers industriels n'avaient pas de traditions dans le pays, et visaient à la consommation à bon marché.

Pour favoriser le développement de l'industrie locale, l'enseignement supérieur professionnel a éte poussé, ici comme partout, avec vigueur par le gouvernement prussien. En 1900, école supérieure technique de l'industrie textile, pour la circonscription de la chambre de commerce de Gladbach, s'ouvrit avec des installations mises au niveau des plus récents perfectionnements ; le 15 avril, elle était ouverte à l'enseignement pour la filature et pour le tissage5. Elle eut des cette année quatre-vingts élèves. Il y a des cours du jour, et des lȩons du soir et du dimanche. C'est une école supérieure destinée aux fabricants, directeurs et aussi aux chefs de travaux, contremaîtres, ete6.

L'industrie locale se trouve actuellement dans une période de dépression et de marasme. Des causes diverses y ont contribué, et notamment celles qui agissent sur tous les marchés européens en cette année 1901. Aussi y a-t-il renvoi d'ouvriers, diminution d'heures, et même suspension de travail à certains jours, dans bien des établissements. C'est une période de crise, intéressante au point de vue commercial et économique; outre les causes générales, communes à toute l'Europe, le rapide, peut-être trop rapide essor de la fabrication allemande n'a-t-il pas contribué à amener cette situation Cela est aisé à conjecturer pour l'observateur, mais nous nous bornons ici à indiquer ces faits que rencontre en passant la présente monographie.

La population de Gladbach, qui était, en 1816, de 7,013 habitants, passe a 13,962 en 1858 ; 26,387 en 1871 ; 37,37 en 1880 ; 49,628 en 1890 ; 56,357 en 1898 ; 58,829 au 1er aout 1901.

Le chiffre de la population actuellement croit d'un millier par an, par[342]le seul excédent des naissances sur les décès, il n'ya plus d'immigration, on habite les communes suburbaines, très proches, où la vie est moins chère.

L'état des industries textiles peut être relevé en partie dans le dernier recensement industriel de l'empire (Geverbe Statistil) de 1895 ; mais les renseignements portent sur une région plus étendue ; nous allons y puiser quelques chiffres suggestifs pour montrer la place de Gladbach, qualifié parfois de Machester renan.

La province rhénane tout entière, on le sait, est très industrielle. Seuls encore, en Prusse (sans compter naturellement Berlin), en 1895, le Rheinland et la Vestphalie, voisine, ont une dominante de population industrielle (en excluant même de cette dénomination le commerce et les transports) ; celle-ci est de 51 %, du total pour le Rheinland7.

Dans le ressort même de Gladbach (Vervaltungsbezirl), sur un total de 47,341 personnes employées à l'industrie, 9,877 sont à la filature et 17,143 au tissage, ce qui donne 601 personnes pour 10,000 habitants, dans la filature, et 1,043 au tissage. Pour le tissage cependant, cette proportion est fort dépassée en d'autres parties de l'empire, comme le montrent les cartogrammes de la statistique impériale8.

Le mouvement de la population ouvrière textile est encore toujours ascendant ; la corporation textile donne le relevé suivant pour sa section de Gladbachn : 1886: 16,878 ; 1890 : 20,325 ; 1895 : 24,019 ; 1899 : 26,959, et 1900 : 27,431.

Pour connaître le nombre d'établissements textiles, la statistique prend pour unité le cercle (Kreis) de Gladbach et donne les chiffres suivants10:

Nombre d'établissement textile dans le cercle (Kreis) de Gladbach (§1)
Nombre d'établissement textile dans le cercle (Kreis) de Gladbach (§1).

[343] Nous l'avons dit, c'est l'industrie capitaliste et agglomérée qui domine ici. La répartition des ateliers, d'après leur dimension, ne nous est fournie par la statistique, dans la province rhénane, que pour l'industrie textile en son ensemble ; on sait d'ailleurs depuis longtemps que, sauf en certaines régions, cette industrie est encore, sans préjuger l'avenir, l'exemple classique de la défaite de la petite industrie11; on verra cependant que celle-ci conserve encore une place au soleil !

Donc pour le Rheinland, en général, nous trouvons dans l'industrie textile12:

Ouvriers et ateliers de l'industrie du textile dans le Rheinland (§1)
Ouvriers et ateliers de l'industrie du textile dans le Rheinland (§1).

Mais Gladbach est surtout région de fabriques, et sa moyenne est bien plus agglomérée que celle de l'ensemble de la province.

Le système d'exploitation capitaliste qui a caractérisé le Gladbach industriel du début du siècle provoqua des abus de travail ; la durée excessive de la journée, l'emploi précoce et abusif des enfants, celui des femmes, y eurent des résultats douloureux. L'efort des diverses forces sociales, du clergé très actif et très bienfaisant, celui des ouvriers eux-mêmes, l'initiative de certains patrons soucieux et conscients de leurs devoirs, l'intervention de la législation et de l'inspection, modifièrent cette situation et redressèrent bien des griefs. Gladbach contient assurément des éléments divers, mais il est un centre aujourd'hui d'activité sociale, en même temps que de production industrielle. Le Manchester rhénan est en même temps le siège de la ligue catholique des patrons, l'Arbeiterwohl, et de la ligue populaire catholique, Volsverein. Le clergé s'y occupe des intérêts populaires avec un intense dévouement ; aussi les institutions y sont nombreuses, et la masse ouvrière demeurée très reli[344]gieuse en général, appartient à la grande armée sociale et électorale du centre.

Il ne peut être question de faire ici l'histoire même de cette organisation et de ses phases, ni davantage de décrire les modifications législatives de l'Allemagne, qui nécessairement ont exercé leur influence ; il faut seulement se représenter que Gladbach est dans un milieu d'action sociale intensive, de catholicisme très vivace dans la classe populaire surtout, et enfin sous le régime de la législation sociale de l'empire allemand si souvent exposée. Plusieurs de ces questions reparaîtront, mais au point de vue de quelques applications particulieres, au cours de cette monographie, notamment dans les paragraphes qui la terminent. Là nous indiquerons le mouvement des salaires, celui des groupements ouvriers, les institutions spéciales à la fabrique de notre type choisi.

Bornons-nous à constater qu'il appartient à une fabrique de tissage de laine qui a pris l'initiative d'une meilleure qualité ; que cette fabrique a à sa tête un industriel qui y a organisé depuis longtemps de nombreuses améliorations, créé des institutions multiples, dont plusieurs ont depuis été introduites partout par la loi ; qu'il y a donc, dans la présente étude, à la fois la monographie d'un ouvrier et celle, à certains égards, d'une fabrique, bien que le directeur ne consente pas à ce que sa firme soit désignée expressément ici.

Comme beaucoup de ses compagnons d'atelier, l'ouvrier choisi habite la campagne, à trois quarts de lieue de la ville.

§ 2. État civil de la famille.

La famille se compose de six personnes, savoir :

Stephan P., chef de famille, ne à Gladbach............ 43 ans.

Catherine H., sa femme, née en Hollande............ 37 —

Wilhelm P., fils de Stephan, d'un premier mariage............ 8 — 1/2

Carl P., second fils du premier mariage............ 7 —

Julia P., leur fille, du second mariage............ 3 — 1/2

Henri P., leur flls, du second mariage............ 6 mois.

Stephan est marié pour la deuxième fois ; les deux fils aînés sont d'une première femme, il en a eu encore quatre autres enfants. Il s'est remarié parce qu'il ne pouvait laisser ses deux jeunes garçons à l'aban[345]don ; de sa deuxième femme il a déjà perdu un enfant. — Les deux aînés vont à l'école.

La famille est, au point de vue économique, dans la période la plus difficile, celle ou les charges sont élevées, à cause des enfants, qui ne rapportent encore rien à leurs parents. Pour tous les ouvriers, c'est la période critique ; la très grande majorité, à cette époque, épuise les ressources antérieures, provenant des parents ou de l'épargne, ou bien fait des dettes, ce qui est le cas très fréquent, et néglige le soin de la maison, du mobilier, qui s'use jusqu'à la dernière limite. Ce n'est que quand un ou deux des enfants ont depuis quelque temps un salaire, que le niveau se relève.

La famille, jusqu'ici, ne fait pas de dettes, et le ménage conserve un intérieur très convenable et soigné ; Stephan P. ne se dissimule pas que si la famille augmentait, les dettes surviendraient ; on les évite déjà avec peine ; on y parvient parce que Stephan est lui-même très actif, a un des forts salaires, des plus forts de la région, et que la femme, hollandaise d'origine, est experte et ingénieuse ménagère et réduit avec intelligence les divers articles de dépenses. Cette remarque est importante au point de vue du budget de la famille. Bien souvent, on est obligé de rogner; on le fait courageusement. Le budget qu'on lira n'est donc pas exactement réel. En fait, il n'y a pas de deficit ; mais on réduit tantôt ici, tantôt là, et c'est ce qu'il est impossible de préciser. Quand il y a déficit, il faut donner un coup de pouce; mais cela dépend des circonstances ; une semaine on peut mieux se passer de ceci, l'autre fois de cela. Voila l'interprétation d'un budget, qui révèle un petit déficit, alors qu'en fait, on l'évite à force d'art et d'ingéniosité. On se serre le ventre s'il le faut, sans négliger le soin des enfants, parce que les parents comprennent leur devoir à cet égard : ils veulent préparer l'avenir et ne consentiraient pas à priver leurs enfants des soins qui doivent les aider à faire une vie honorable.

Les relations de la femme avec ses jeunes beaux-fils sont d'une sollicitude remarquable. Les enfants ne s'apercoivent pas de la seconde mère et Stephan en exprime avec conviction sa reconnaissance à la Providence.

§ 3. Religion et habitudes morales.

[346] Les sentiments religieux sont très développés dans la famille, et la pratique religieuse y est très régulière, s'étendant à bien des exercices de piété. Ces sentiments se traduisent dans les discours du père de famille. L'assistance aux offices et la prière au foyer se font en commun. On participe à de menues œuvres, à petits frais, mais régulièrement ; on prie et on cherche à mettre en lumière les devoirs et les vertus de la vie chrétienne et à les appliquer à son état13.

Au point de vue social, Stephan est très mèlé au mouvement ; il remplit avec ardeur des fonctions gratuites, à l'association ouvrière de sa localité. Il exprime avec fermeté et énergie la conviction que les ouvriers doivent s'organiser pour améliorer leur sort et que le succes et le progrès sont à ce prix. La situation de l'ouvrier, menacé à chaque pas de ne pouvoir suffire a sa mission de père de famille, faute de ressources, revient souvent à ses lèrees, et il est clair qu'il désire trouver dans les organisations ouvrières le moyen de relever les ressources. Toutefois il est absolument hostile aux théories socialistes, et ce'est aux organisations créées sous l'inspiration du olsverein qu'il est afilié ; il parle avec éloge des chefs de ce mouvement, les connait, emprunte des livres à leur bibliothèque, et on trouve chez lui le portrait du leiter actif du mouvement social dans le centre parlementaire, l'abbé Dr Franz Hitze, qui autrefois habitait à Gladbach. a circonscription électorale est d'ailleurs acquise aux députés du centre à une majorité écrasante. Elle fait partie du formidable camp retranché qui est le vrai boulevard des forces catholiques dans l'empire d'Allemagne et sur lequel s'émoussent jusqu'ici les efforts des socialisteset des libéraux.

§ 4. Hygiène et service de santé.

Bien que la famille habite la campagne, la santé de ses membres laisse[347]souvent à désirer. L'homme est alerte et nerveux, mais il est petit, son aspect est ché6f ; cependant il est rarement malade. Quant à la famille, les faits rapportésen disent long ; la mort de la première femme de Stephan, celle de cinq enfants, forment une sinistre nécrologie. Les charges obituaires et celles du service de santé seraient considérables sans les institutions nombreuses qui fournissent des subventions et organisent la prévoyance. On en verra quelques traits plus loin. Bien nécessaire pour Stephan est cette prévoyance ! Celle de la loi est complétée ici par celle de la subvention patronale.

Le soin des enfants, après cette douloureuse expérience, préoccupe la famille ; et le budget, bien que diicile à boucler, comporte des dépenses qui paraissent somptuaires, de sucre, de veilleuse, etc., pour assurer le bien de la jeune famille, même au prix de privations pénibles.

§ 5. Rang de la famille.

Stephan est tisserand à la tàche dans une fabrique de Gladbach (tissage de laine et tissus mêlés). C'est un bon ouvrier. Il est d'une grande exactitude. Son salaire est le salaire moyen de sa condition, mais les tacherons de cette fabrication constituent la catégorie la plus élevée et la plus rémunérée de la région. Les salaires pour divers motifs sont plus élevés dans cette fabrique, où l'on fait une qualité plus distinguée qu'en diverses autres, et aussi parce qu'on y fait fort attention aux qualités personnelles du travailleur, et enfin pour d'autres motifs encore trop spéciaux à l'affaire financière pour trouver leur place ici.

Le travail se fait à la fabrique, devant le métier à tisser que l'ouvrier dirige ; chacun a le sien, et le salaire est tarifé au mètre tissé. La régularité du travail dépend naturellement de l'activité même de l'industrie ; en ce moment il y a partout réduction de travail, et celui de Stephan est tombé à huit heures par jour ; mais en général on peut constater que son salaire est le plus élevé de la région et que seule, transitoirement, la charge de la famille à élever amoindrit sa situation.

Habitant la campagne, il a, comme bien d'autres d'ailleurs, l'avantage d'une situation plus indépendante, plus saine. En visitant sa maisonnette, cachée dans un nid de verdure, entre jardins et vergers, on ne peut contester l'immense avantage de cette habitation rurale, malgré le[348]surcroit de fatigue que lui inflige la distance et qu'il supporte d'ailleurs allegrement.

Stephan et sa femme sont instruits et intelligents ; eux-mêmes reconnaissent que la plupart, dans leur cas, font des dettes, s'ils n'ont pas une réserve sérieuse amassée antérieurement. Tous deux lisent et écrivent, et Stephan tient, d'une plume très correcte, les notes de sa section ouvrière. Son écriture a une allure élégante, très rare chez les ouvriers manuels un peu âgés, d'autant qu'il a appris tard, par ses propres efforts, ayant été de très bonne heure à l'euvre. L'histoire de la famille complétera bientôt ce qui précède.

Stephan ne pourrait être considéré comme l'ouvrier moyen de Gladbach, mais il offre le type du tisserand dans une maison industrielle qui a une célébrité réelle surtout en matière sociale ; toutefois ses charges de famille le rapprochent de la moyenne. Sa situation, que nous analysons, prouve combien difficile est celle de ses confrères de l'industrie textile qui n'ont pas le bonheur de posséder son esprit de sagesse, d'avoir une femme ménagère intelligente et soigneuse, d'appartenir à la catégorie des ouvriers tisserands d'élite, et à une fabrique où les salaires sont plus élevés. C'est donc, comme échantillon de l'extrême difficultés qu'il y a à pourvoir à toutes les nécessités, que cette monographie est expressive. Une fois sorti de cette période transitoire, Stephan sera un ouvrier exceptionnel, quand ses enfants seront en âge de l'aider de leur travail.

Il rêve pour son fils aîné, qui réussit à l'école du village, de suivre les cours d'une école supérieure, et cette perspective est de celles sur lesquelles il revient avece prédilectîon.

Moyens d'existence de la famille

§ 6. Propriétés.

(Mobilier et vêtements non compris)

La famille ne possède pas d'immeubles ; la maison et le jardinet sont pris en location. L'épargne, pour des motifs déjà indiqués, est arrêtée ; nous disons arrétée, car assurément la famille est de celles qui épar[349]gnent. Stephan, en se mariant, à trente ans, avait amassé une réserve et s'est mis en ménage, installé, sans rien devoir demander à ses parents ; il a encore quelques marks à la société d'épargne de la fabrique, mais il voit le moment où il devra y toucher, en attendant que ses enfants soient en âge de gagner quelque argent. Ce qui rentre sous le titre de propriété mobilière n'a donc guère besoin d'explicaution ; deux points cependant demandent un éclaircissement sommaire.

Il existe dans la commune une coopérative de consommation ; la loi allemande ne permet à ces sociétés de vendre qu'à leurs membres ; celle-ci exige qu'on possède une action de 25 marks ; la prévoyance a décidé Stephan à en prendre une ; il a versé 20 marks, estimant qu'en raison des réductions de prix et des ristournes, il faisait là une dépense de rapport immédiat.

La machine à coudre date des débuts du ménage actuel ; la femme travaillait alors pour un magasin de blanc, et acquit sa machine par paiements échelonnés, puis par un dernier versement de 70 marks, résultat d'un effort d'épargne. La machine lui appartient donc et elle en use pour le service des vêtements, aujourd'hui que le ménage absorbe son temps.

La valeur des propriétés est donc vite établie, sauf en ce qui concerne le droit aux allocations dont le calcul serait compliqué et vraiment constituerait une peine superflue, cette capitalisation ne s'établissant que pour la caisse d'invalidité et de vieillesse, ou elle se fait par les soins de l'administration officielle.

Hors ces éléments dont, au surplus, il sera question plus loin, la valeur des propriétés peut se chiffrer comme suit :

Argent............ 83f 75

Reste du dépôt à la caisse d'épargne, 58f 75 ; — Versement au Consum-Verein, 25f 00. — Total, 83f75.

Matériel spécial des travaux et industries............ 113f 75

1° Matériel de culture. — Attirail de culture, 6f 25; — 1 brouette, 7f 50. — Total,13f 75.

2° Matériel de couture. — Machine à coudre, valeur actuelle, 100f 00.

ANIMAL DOMESTIQUE............ 15f 00

Une chèvre achetée 21 fr. 25 ; valeur actuelle, 15f 00.

Valeur totale des propriétés............ 212f 50

§ 7. Subventions.

[350] Nous croyons pouvoir abréger ce paragraphe, à cause même de sa grande importance, quelque paradoxal que paraisse ce motif. C'est que les subventions font partie d'un système d'ensemble, celui des lois d'assistance de l'empire et celui des caisses de l'usine.

Les premières, nous ne pouvons rêver de les analyser ici. On connait assez le système de triple assurance, maladie, accident, invalidite et vieillesse qui s'est édifié en Allemagne depuis 1883 et que tant d'auteurs ont exposé. Il y a dans ce système un élément variable de prévoyance obligatoire pour l'ouvrier, de subvention obligatoire ou de responsabilité sanctionnée pour l'entrepreneur, enfin de subvention et de secours de lÉtat. La mention s'en trouve donc ici, pour rappel ; on la trouvera aubudget ; on sait que la charge légale est très inégalement répartie dans les diverses assurances. Il faut justifier en peu de mots la place qu'elle occupe dans le budget même.

L'assurance accidents est une indemnité de répartition, mise par la loi à la charge du groupe industriel corporatii (Berusagenossenschaft). C'est une indemnité ; il n'y entre aucun élément de prévoyance proprement dite. L'ouvrier n'y participe pas ; il reçoit, il est indemnisé. A aucun titre cette assurance ne doit donc figurer au budget. Son importance n'en est pas moins énorme, comme nous l'indiquerons plus loin.

L'assurance maladie, au contraire, repose sur la prévoyance et la subvention patronale ; l'ouvrier solde les 2/3, le patron le 1/3 de la cotisation au minimum.

L'ensemble des cotisations versées par l'ouvrier aux diverses caisses est élevé. Il forme un total de ml. 51,20 pour cette année ; le chiffre subira nécessairement des variations puisqu'il est en fonction du salaire. On en trouvera les bases dans les nombreuses publications relatives aux assurances allemandes. Il ne peut en être question ici. Mais on constatera que ces cotisations sont portées, comme dépenses, au budget. Ce sont des dépenses, en effet, très réelles, bien que faites en vue d'une recette éventuelle, comme le sont toutes celles de cette nature. Il en résulte qu'à certains moments, elles fournissent des recettes, qui ici ne figurent pas, notre homme n'ayant pas, cette année, eu de chômage[351]pour maladie (il a travaillé ses 296 jours, on le voit); d'autre part, il a moins encore touché à la caisse d'invalidité et de retraite. Tout au plu a-t-il reçu des caisses spéciales de la fabrique quelques secours en nature, que nous n'avons pas déterminés. Bref, les cotisations portées aux dépenses sont sans contre-partie aux recettes. Jusqu'à présent, on ne les portait au budget que pour mémoire, ou même elles n'y figuraient pas; ce fut encore le cas pour le Mineur silésien du bassin de la Ruhr14. On a estimé, depuis, avec raison que l'importance actuelle de ees cotisations exige une mention budgétaire. Quant aux recettes, il n'y en a qu'à certaines périodes. Les faire figurer en moyenne annuelle serait un procédé, mais difficile, car il faudrait déduire du salaire une moyenne perdue en moins prenant, du chef de chômage-maladie. Il faut donc se borner à les porter aux dépenses ; la securité ne pouvant se chiffrer aux recettes d'un budget. Constatons d'ailleurs que cette sécurité est efiective, car les statistiques15constatent qu'en moyenne, les ouvriers reçoivent des assurances légales une somme annuelle supérieure à leurs cotisations, gràce à celles du patron. Pour la maladie, la charge moyenne de l'ouvrier pour l'empire était en 1899 de ml. 10,30 et la dépense par assuré de ml. 15,8516. Ces quelques indications suffisent ici sur ce qui concerne les assurances établies par les lois d'empire.

Viennent ensuite les cauisses spéciales de la fabrique. Nous en expliquerons le fonctionnement dans la troisième partie de cette étude

Restent encore quelques petites subventions, et notamment les primes octroyées par le patron; on n'en trouvera pas l'explication au mécaunisme de la fabrique, à cause de leur simplicité même : l'une est une prime attribué à ceux qui arrivent exactement au travail, elle est d'un marl par mois ; l'autre est de la même somme pour les ouvriers qui s'abstiennent pendant tout le mois de boissons alcooliques.

§ 8. Travaux et industries.

[352] Travaux de l'ouvrier. — Le père de famille est tisserand, ce qui est le travail le plus qualifié de l'industrie17. Il travaille dans une fabrique de tissus de laine, dont nous avons indiqué le caractère plus haut.

Autrefois la même firme travaillait le coton, puis elle fit les tissus de laine bon marché usités sur le marché de Gladbach (Walkwaren, Buchkin),fortement mêlés de coton ; mais, depuis quelques années, elle a surtout pris l'initiative de produits de demi-fin, encore mélangés, mais à moindre proportion. Cette fabrique, dont la firme a plus d'un siècle d'existence sur la place, est donc un tissage mécanique.

L'ouvrier y occupe un métier, un seul. La journée de travail est fort courte : elle est normalement de 9heures 1 /2, ce qui est notablement inférieur à ce qui se fait ailleurs. On sait que l'industrie textile est de celles, surtout la filature, mais aussi le tissage, où la réduction des heures souleve le plus d'objections. Il y a quelques années, on rencontrait des journées de 14, 15, voire 16 et 17 heures ; mais il y a longtemps de cela18; actuellement la journée est de 10 à 11 heures, suivant les fabriques. La réduction à 11 heures est devenue légale en Allemagne pour lindustrie textile, par l'application de cette limite à la durée du travail des femmes, fort occupées dans cette industrie, mais le maximum de 11 heures est encore atteint et peut même être dépassé moyennant autorisation19.

La réduction s'opère donc insensiblement, comme elle s'est opérée en Autriche et en Suisse, mais par une voie indirecte ici, celle du travauil féminin20.

[353] La fabrique où travaille notre ouvrier avait depuis de longues années établi la journée normale de dix heures sans en éprouver le moindre inconvénient. En 1894, elle proposa la réduction à neuf heures et demie ; les ouvriers accueillirent la proposition sans enthousiasme, trouvant que la limite était suffisante ; l'essai se fit cependant en 1896, et après trois mois, ils ne désirèrent plus changer. La direction prétend qu'il n'y a aucun inconvénient ni reduction de salaire21. Mais le reste de la région n'a pas encore suivi cet exemple, sauf bien entendu en temps de crise, ou on réduit pour diminuer la production, comme c'est le cas en ce moment (septembre 1901).

Il n'y a pas de travail de nuit, même pour l'exécution de commandes importantes ; on n'y a recours qu'en cas de nécessité pour les réparations de machines, etc.

On sait que le tissage mécanique comporte naturellement des modèles variés ; les métiers non plus ne sont pas tous les mêmes ; mais il ne s'agit pas ici de faire un traité technique. Le salaire du tisserand subit efet de ces variantes. Il est payé à la tache, ce qu'on appelle ici accord arbeit. Le tarif est afiché dans l'établissement ; il varie d'après les métiers et d'après les tissus, c'est-à-dire en somme d'après le travail fourni ; mais la base est publique, connue. On paie au mètre. Ainsi sur tel métier le tarif va de 15 à 51f. le mêtre d'après le tissu, etc. Le mesurage ne donne lieu à aucune complication, la pièce fabriquée est mesurée à une machine qui opère automatiquement. Ces éléments très variables n'empêchent pas qu'il ne s'établisse une certaine moyenne dans le gain de l'ouvrier.

Le tisserand est le plus haut salarié de la population textile de Gladbach ; son gain est supérieur à celui de l'ouvrier de filature et des autres travailleurs de la profession. La mogenne des salaires est une indication fort discréditée, avec raison, et on fait de plus en plus des relevés individuels. Les moyennes peuvent indiquer surtout les tendances comparées. Cette tendance, pour le salaire nominal relevé par la statistique, a été, comme partout du reste, généralement ascendante avec d'inévitables oscillations. La corporation (Berufsgenossenschaft) de lindustrie textile, chargée du service de l'assurance accidents, a pu[354]blié la statistique chifrée et graphique de ce mouvement, pour l'industrie textile en général et pour ses principales branches en particulier.

Voici quelques extraits de ce relevé publié en 1899, qui préciseront la situation de Stephan P. dans son milieu22.

Salaire moyen par ouvrier et par an (en marks) [§8]
Salaire moyen par ouvrier et par an (en marks) [§8].

Mais il ne s'agit pas là des seuls tisserands, et les autres ouvriers des tissages sont moins payés que les tisserands proprement dits.

En 1897, la corporation publiait le taux moyen de salaire annuel dans dix-huit établissements de tissage de coton et laine ; des renseignements inédits de même source les complètent sur une moyenne de vingt-trois fabriques pour toutes les catégories employées :

1894 : 641,45 ; 1895 : 707,68 ; 1896 : 725,55 ; 1897 : 763,25 ; 1898 : 782,64 ; 1899 : 820,67.

Nous avons dit déjà que la fabrique ou travaille Stephan pour divers motifs a des salaires supérieurs. On va en juger. La même Berufsgenossenschaft publiait en 1897 des données relatives aux fabriques spéciales de la section de Gladbach ; le salaire moyen journalier était indiqué dans une liste spéciale pour une fabrique de tissage de Gladbach ; c'est celle où travaille notrè homme, nous avons pu nous en assurer, et compléter la liste ; elle donne en même temps l'état du salaire de Stephan, qui travaille depuis dix ans au même établissement. Donc le budget a été porté au chiffre personnel de 1900. Nous ne relevons ici que ce qui concerne les tisserands, dont le salaire est toujours plus élevé. Voici les chiffres, 1880: 2,95 ; 1885 : 3,10 ; 1890 : 3,28 ; 1895 : 3,45 ; 1900 : 3,65.

L'augmentation et le chiffre sont a signaler.

Le travail à la fabrique est l'occupation professionnelle, principale de Stephan. Il s'y rend tous les matins, franchissant habituellement à pied[355]la petite lieue qui sépare son habitation de la fabrique. Rarement il se sert du tramway électrique, dont la halte est à dix minutes de chez lui. Il reste à la fabrique jusqu'à quatre heures et demie, et y prend ses repas. Plusieurs ouvriers habitant la campagne apportent leur nourriture ; d'autres, et Stephan est du nombre, mangent au réfectoire de la fabrique, qui fournit, à un prix modique, une nourriture dont nous reparlerons. Il arrive à l'heure du travail ponctuellement, et bénéficie d'ordinaire de la prime d'exactitude octroyée par le patron (1 mark par mois).

Le soir, rentré chez lui vers cinq heures et demie, il se livre à une autre besogne, celle de la culture de son jardin ; la courte journée de travail le lui permet, il s'empresse de courir au grand air, c'est pour lui plaisir et profit. Mais lù ne se borne pas. son travail rural ; fils de tisserand à domicile, il a appris la culture et est assez expert au travail des champs ; aussi, pendant une partie de l'année, trouve-t-il une besogne supplémentaire à louer ses bras pour faucher et battre dans les fermes environnantes. Ce travail de fauchaison, payé d'apres l'étendue fauchée, lui donne, vu son aptitude, un petit appoint appréciable.

Travaux de la femme. — Catherine est née en Hollande, elle a les qualités de soin et de propreté qui caractérisent sa race ; elle a travaillé au début de son mariage pour une maison de confection, mais elle a abandonné ce travail depuis que la charge du ménage est devenue plus lourde et que la maternité requiert ses soins. Elle n'a pas les allures d'une ouvrière de fabrique ; elle a servi en ville et son éducation paraît supérieure. Au surplus, elle ne pourrait travailler à la fabrique à laquelle son mari est attaché.

Le travail des femmes, et en particulier des femmes mariées, occupe beaucoup l'opinion en Allemagne23. L'industrie textile est encore une fois de celles qui en emploient le plus grand nombre, et on a pris des mesures légales pour réduire leur travail. Le tissage en occupe même plus que la filature. Dans le Regierungsbezirl de Dusseldorf, dont Gladbach fait partie, il y a 53,736 ouvrieres, dont 6,626 mariées ; de ce nombre 42,44, soit 79 . du total, sont dans les textiles. Le travail des femmes mariées, à la fabrique en général, présente les plus grands inconvénients à tous égards ; la famille elle-même est négligée, le ménage en désordre, et par suite le foyer déserté, les enfants sont mal élevés, le mari est poussé au dehors, etc.

[356] Une grande enquête a été ouverte sur ce sujet et les inspecteurs du travail en ont donné les résultats dans leur rapport de 1899. Mais nous ne pouvons aborder ce point que pour signaler que le directeur de notre établissement est personnellement hostile, d'une facon absolue, au travail de la femme mariée à la fabrique et en exclut depuis longtemps l'emploi. II veut que la femme s'occupe du mépnage, et pour cela il y prépare les filles qu'il emploie en les mettant à l'école ménagère ; quant à l'argument si grave tiré des ressources que l'appoint du travail de la femme donne au foyer, il estime que le salaire familial de l'homme doit être assez élevé pour que son travail et le gain de la femme à domicile puissent suffire ; d'ailleurs, une femme soigneuse, bonne ménagère, est une ressource précieuse par l'emploi sagace du salaire, c'est là aussi un appoint important. Cet appoint, la femme de Stephan le donne avec intelligence ; elle parvient à faire « plus avec moins », combine les menues ressources, est menagere en un mot, et son intérieur paraît confortable. Au surplus, elle s'occupe à la machine à coudre de la réparation et du rapiécage, fait tous les ouvrages de trjcot, soigne la chèree, et avec ses devoirs maternels, surtout avec un baby de six mois, elle n'a pas de temps de trop.

Les enfants ne se livrent à aucun travail productif.

Les industries entreprises par la famille n'ont pas besoin d'explication ; les comptes insérés au budget en disent amplement leedétails.

Mode d'existence de la famille

§ 9. Aliments et repas.

Le régime alimentaire ne présente aucun élément très caurauctéristique : du pain de seigle et de froment ; de la viande de porc et du lard ; du hareng le vendredi, pas d'autre poisson, qui est rare ici ; beaucoup de légumes, et en hiver, des conserves de choux blancs (choucroute) et de haricots, tels sont les principaux aliments consommés dans le ménage. Le beurre est d'usage très répandu dans la contrée. On boit du café, très[357]peu de bière à domicile. Au café, par économie et aussi par goût, on mêle le « café de malt, » qui a été mis en usage par les recommandations du curé neipp, lequel a eu grande vogue en Allemagne.

Le matin, on prend du pain beurré avec du café, Stephan y joint une tranche de viande. A midi, la famille prend de la viande de porc, de la saucisse ou du lard et des légumes divers ; le soir, une soupe au lait, du pain, des pommes de terre ; le vendredi, du hareng, du lait ou du lait battu ; le samedi, coutume locale, la soupe aux pois ou haricots ; le dimanche, de la viande de bœuf dont on consomme le reste le lundi.

Voilà l'ensemble du régime à domicile ; la femme prend actuellement tous les jours de la bière pour se soutenir à la suite de sa récente maternité ; le jeune enfant nécessite aussi l'achat actuel d'une quantité de sucre dont le chiffre étonne d'abord.

Cet ordinaire varie avec les dominantes saisonnières, les légumes conservés remplacant en hiver les légumes frais, les prix influencant aussi, la graisse empiétant sur le beurre, le lard sur la viande, le malt sur le café, etc., suivant les circonstances.

Quant au mari, on le sait, il prend son repas de midi au réfectoire de la fabrique, dont la cuisine lui fournit, pour 0,25f., de la soupe et des légumes à discrétion et une portion de viande.

La consommation de l'alcool est très minime ; Stephan n'en prend un petit verre que quand il travaille aux champs. Trés souvent il gagne la prime de tempérance que le patron de sa fabrique attribue pour l'abstention de l'alcool (un mark par mois).

§ 10. Habitation, mobilier et vêtements.

L'habitation de Stephan est sise dans une des communes suburbaines ; cette localité, déjà populeuse, a cependant conservé tout à fait l'aspect rural, bien que plusieurs fabriques s'y soient établies ; les rues de la ville s'allongent, la rejoignent et y pénètrent presque, mais sans l'avoir encore sérieusement envahie. Elle est desservie par un tramway vicinal à traction électrique, qui transporte jusqu'au centre de la ville pour la somme de 10f. ; par ce mode de communication, Stephan est à 25 minutes de la fabrique ; mais il préfère économiser ces frais, et quand[358]sa santé ou le temps n'y mettent pas obstacle, il prend par des traverses et arrive en une petite heure, à pied. Il est indemnisé de cette peine par les avantages du grand air et l'économie qu'il réalise.

Aux environs de sa fabrique qui se trouve située, en fait, à l'autre bout du diamètre de la ville, on trouve aussi des habitations ayant le grand air ; c'est de ce côté l'extrémité de l'agglomération, mais on y a les prix et les charges de la ville.

La fire elle-même a une cinquantaine de maisons, qu'elle loue à ses ouvriers ; ces habitations, avec leurs jardins, ont une apparence agréable. En réalité, Gladbach a pris des précautions pour la question des logements, que le développement si intense des villes allemandes rend très grave (Wohnungsnoth). C'est ici que sest fondée déjà, il y a trente ans, une des premières sociétés de constructions, et grâce aux habitations des communes voisines, la question du logement n'a pas ici l'acuité qu'elle a prise dans d'autres villes, dont le développement a été ou plus rapide encore ou moins prévoyant24. Mais ceci serait encore de la digression, car Stephan est satisfait de son habitation, qui a bien le type ancien des maisonnettes rurales ; basse et allongée, elle est sise entre deux parts d'un verger que le propriétaire conserve, mais qui ombrage et égaie la maison. Au delà du verger, le jardinet, étroit et se prolongeant vers un chemin d'exploitation. En franchissant le seuil, on pénètre immédiatement dans une pièce carrée, c'est la cuisine, avec l'attirail alimentaire ; puis on entre, à droite, dans une chambre longue, basse, mais éclairée par quatre fenêtres ; c'est là qu'est le foyer de la famille, le home; on y prend les repas, on s'y réunit ; comme meubles, un banc et des armoires ayant un air ancien ; beaucoup de souvenirs aux murs, des photographies, des images religieuses ; dans l'armoire vitrée, des statuettes, des porcelaines variées, une pendule ; entre les fenêtres, la machine à coudre ; on y sent un chez soi, une vie de famille, où le chef trouve en rentrant un réconfort. Une porte de cette pièce donne dans la chambre à coucher des parents, où se trouve aussi une petite armoire suspendue, dans laquelle sont serrés les papiers. Un escaulier, où on accède de la cui[359]sine, conduit au grenier et à une chambre où couchent les enfants. Il n'y a point de cave, mais une resserre à pommes de terre, etc., sous l'escalier, et en face de la maison une dépendance dans le verger sert de trou à charbon et de logis à la chèvre.

L'habitation, avec le jardin, est prise à loyer, par bail verbal, au prix de 40 thalers, c'est-à-dire 120 marks ; on emploie encore parfois les vieilles dénominations monétaires ; le thaler, d'ailleurs, est de compte aisé, puiqu'il est le multiple du marl par 3.

Meubles.. — Le mobilier est sérieux, solide, soigné ; sans doute la famille, en ce moment, ne peut songer à l'augmenter ni même à en réparer les brèches. Nous l'avons dit déjà, pendant la période où les enfants ne gagnent rien encore, le budget est très serré ; c'est l'article du mobilier qui patit le premier ; quand le budget se relêve, disait un autre ouvrier, qui a déjà depuis longtemps remonté cette pente connue, il y a tout à renouveler et à réparer. Cependant ici l'aspect est encore excellent, et la propreté hollandaise de la femme y révèle sa puissance ; l'ordre est parfait.

Meubles et ustensiles............ 733f 12

1° Mobilier des chambres à coucher. — 1 lit avec matelas, etc., 225f 00; — 1 lit sans matelas, 150f 00 ; — 1 armoire à glace, 37f 50; — 1 petite armoire, 5f 00 ; — 1 lavabo, 1f 87. — Total, 419f 37.

2° Mobilier des autres chambres. — 1 table, 12f 50 ; — foyer et installation culinaire, 75f 00 ; — 1 banc de cuisine, 2f 50 ; — 1 armoire à vêtements, 37f 50; — 2 commodes, 37f 50; — 1 banc, 8f 75 ; — 6 chaises (en tout), 15f 00; — 2 horloges-pendules, 37f 50 ; — poterie, vaiselle, verres, etc., 62f 50 ; — images encadrées et objets divers, la plupart souvenirs ou cadeaux, 25f 00. — Total, 313f 75.

VÊTEMENTS. — L'inventaire des vêtements se résume dans un costume de dimanche pour chacun, qui devient, quand il se défraichit, costume d'usage courant ; c'est le complet (Anzug), le chapeau, les chaussures ; le numéro 2 comporte le costume de travail avec ses pièces de défroque plus ou moins usées, et dont l'estimation serait presque dérisoire. Le budget sert ici d'indication : la ville étant depuis longtemps le centre textile des produits pour ouvriers, il est aisé ici de s'en fournir.

Il faut y joindre une demi-douzaine de chemises pour les parents et les enfants ; on en achète chaque année une paire pour les parents si possible, et une pour les enfants ; elles s'accumulent jusqu'à usure.

Enfin la lingerie du plus jeune enfant est estimée à environ 20 marks. Il y a aussi une montre de 10 marks, des pipes et cannes pour 3,50.

§ 11. Récréations.

[360] Les récréations n'ont rien de turbulent. Le dimanche est avant tout religieux, cest le jour du Seigneur ; la famille se partage entre la première messe et l'office solennel (ochamt), puis se rend encore aux vêpres et au salut. L'homme va avec quelques camarades, et assiste aux réunions du erein, qui ne sont pas fréquentes, et à celles du bureau (Vorstand) dont il fait partie. Il fume sans excès, car la dépense ne va pas à un marl par mois ; mais il fait quelques menues dépenses de camaraderie et autres. qui absorbent son argent de poche, dont le chiffre est assez élevé : un marl environ parsemaine, mais il faut y faire rentrer les quêtes à l'église, les menues aumônes ; ce mar ne se depense pas tout entier le dimanche, c'est l'argent de poche de la semaine. Stephan est cependant convaincu de l'importance que présente l'épargne du sou,; son père lui disait qu'il faut dix fois tourner un groschen avant de le dépenser.

Les kermesses, ou fêtes communales, sont une occasion de réjouissances ; il y en a deux : printemps et automne ; une nourriture plus recherchée, jambon, bière, meilleur pain ; l'invitation des amis, etc., tout cela amène une dépense qui va figurer au budget.

Les jours de chômage ne sont pas seulement les dimanches. Le repos dominical est observé très régulièrement, et la loi allemande a renforcé avec raison ses prescriptions à cet égard ; mais il y a aussi des jours fériés, les six jours de bermesse et fêtes non religieuses, enfin des causes de repos à titre exceptionnel qui ont réduit l'année de travail aux environs de 300 jours ; au budget il en figure 296, ce qui a été le chiffre de 1900.

On remarquera que ce chiffre pouvant varier de deux ou trois jours on ne peut estimer exactement l'année de travail. Nous avons pris, comme pour les salaires mêmes, les cotisations, etc., la base de 1900.

Comme récréation exceptionnelle, il y a lieu de citer un voyage fait en 1899 par les époux, pour rendre visite au vieux père de la femme qui habite la Hollande : ils ont conservé un souvenir très agréable de cette excursion, à laquelle Stephan a pris un réel intérêt.

Histoire de la famille

§ 12. Phases principales de l'existence.

[361] Stephan est fils d'un tisserand en soie à domicile, qui travaillait pour un marchand de Crefeld.

Lui-même, très jeune, a travaillé au métier paternel; pendant quelque temps il a pratiqué le travail à domicile, allant à la fabrique quand il n'avait rien à faire chez lui. A un moment de crise, il a pris brusquement son parti, et est entré à la fabrique, où il et depuis dix ans.

Jeune, quoique appliqué de bonne heure au travail, il apprit ; il lit et écrit d'une écriture correcte et même fine ; il avait épargné, et nous avons dit qu'il a installé son ménage sans recourir à son père.

Son premier mariage lui avait donné plusieurs enfants ; il en a perdu quatre, il lui en reste deux ; son travail à l'usine le força, dit-il, à contracter une seconde union.

Il a trouvé une femme qui remplit fort bien ses devoirs, soigne les aînés comme ses enfants ; elle-même en a eu trois, dont deux restent en vie ; le dernier a six mois. On l'a vu déja, elle est Hollandaise, du Limbourg, et a été servante en Hollande puis à Gladbach, où son frère, en service lui-même, l'avait amenée.

Stephan, depuis quelque temps, s'occupe activement du mouvement social ouvrier. Il est entré dans le bureau de la section locale, récemment créée dans sa commune, par le Verband der christliche Gewerkschapften für Textil Arbeiter dont le siège est à Crefeld. Il en reçoit le journal, s'en occupe avec un intérêt très vif, lit les livres sociaux qu'il emprunte aux bibliotheques, met un zèle réel à ses fonctions ; il est convaincu de la nécessité d'organiser les forces ouvrières catholiques pour améliorer la situation de l'ouvrier et combattre le socialisme ; il parle avec respect de Ketteler, l'évêque initiateur du mouvement, et cite avec affection le nom de Hitze.

§ 13. Mœurs et institutions assurant le bien-être physique et moral de la famille

[362] Les diverses forces qui contribuent au bien de la société agissent dans le milieu de Gladbach à des degrés divers. Nous y reviendrons avec détail, en parlant de certaines institutions particulières. Il faut placer en tête, caur c'est elle qui a agi toujours la première, celle de l'Église et du clergé ; bien que sa fin soit plus baute, l'organisation religieuse et ses membres se sont occupés de l'ouvrier bien avant la poussée actuelle des idées, et l'ouvrier en demeure profondément reconnaissant et attaché à l'Église, par sentiment en même temps que par conviction.

Il faut y joindre les institutions d'Etat, les caisses du système allemand ; les institutions de la fabrique qui feront plus loin l'objet d'un paragraphe spécial ; les organisations ouvrières, les coopératives, dont il a été question déjà, et aussi quelques institutions communales, les œuvres d'initiative privée, habitations, charité. Nous nous bornerons ici à un bref rappel, et nous reprendrons plus loin quelques traits marquants de la situation sociale25.

Les divers éléments de cet apercu final sur l'avenir de la famille sont naturellement dispersés partout, car ils sont melés à tous les détails de la vie sociale ; c'est cette dispersion qui rend nécessaire de les énumérer ici, en indiquant au moins les parties de cette étude où on les peut le mieux retrouver. Laction souveraine qu'exerce la religion est indiquée par le caractère de la population (§ 1 et § 18), de la famille monographiée elle-même (§ 3) et des institutions sociales (§ 17 et 19). L'inluence de la vie familiale est notamment indiquée à propos de l'étaut civil (§ 2), des travaux de la femme (§ 6), des institutions de la fabrique (§ 17, III, etc.).

[363] Le patronage, l'organisation de la hiérarchie sont étudiés surtout à propos des subventions ( § 7) et des institutions de la fabrique elle-même (§ 17 et 20). Les œuvres, les associations, tout le système d'organisme social, sont indiqués dans ces mêmes paragraphes (7 et 17) et en outre à propos du olsverein (§ 19). L'action de l'Etat est notée principalement à propos de la législation et des assurances allemandes (§ 3 et § 17, II et III).

Il serait, certes, intéressant de comparer l'ouvrier de la fabrique de Gladbach avec ceux de l'industrie textile dans les régions voisines, de la soie à Crefeld et de la laine à Aix-la-Chapelle ; de faire le parallèle entre le tisserand d'usine et celui qui travaille à domicile. Il le serait aussi de comparer la situation actuelle avec celle des périodes antérieures, ou les ouvriers de l'industrie textile avec leurs camarades des autres industries de la région. Mais ce serait là faire une série de monographies distinctes, ou une enquête régionale. Cette monographie n'en est qu'un élément, une pièce du tableau d'ensemble.

D'un puissant et réel intérêt serait la description, par une enquête méthodique et complète, de la vie sociale et ouvrière dans tout ce bassin rhénan, aux industries si variées et actives, et où l'on peut voir une coexistence remarquable de tradition et d'initiative. Cette coexistence est un des traits les plus caractéristiques de la région rhénane, et, dans ses multiples manifestations, on peut voir une des principales causes contribuant au bien social, bien social relatif sans doute, et malgré des souffrances, dues soit à des causes externes, soit à des éléments étrangers, soit à ces fautes et à ces faiblesses humaines que révele l'observation.

ÉLÉMENTS DIVERS SUR LA CONSTITUTION SOCIALE

FAITS IMPORTANTS D'ORGANISATION SOCIALE. PARTICULARITÉS REMAROQUABLES.

APPRÉCATIONS GÉNÉRALES : CONCLUSIONS.

§ 17. ÉLÉMENTS D'ORGANISATION SOCIALE DE LA FABRIQUE

[373] Comme nous l'avons dit, la fabrique où travaille Stephan est dirigée par un chef qui depuis longtemps a cru de son devoir de s'occuper de son personnel, de s'intéresser à son sort ; et ses institutions nombreuses ont plus d'une fois attiré l'attention. On peut dire qu'il a été un initiateur. Il a été aidé par des hommes d'euvres actifs, et en particulier par un personnage important du mouvement politique social contemporain, l'abbé Dr EFranz IHite, membre du Reichstag et du Landtag prussien.

Ces institutions procédaient de l'idée patronale, mais en respectant la personnalité de l'ouvrier et l'appelant dans une large mesure à agir par lui-même. Pour bien des améliorations, la firme a ainsi pris l'initiative d'œuvres, d'institutions, de mesures qui depuis se sont généralisées, ont même été imposées par la loi ; souvent elle a ouvert la voie.

Bien que, depuis longtemps, le directeur jugeàt que l'ouvrier aussi devait agir par lui-même, cependant ces institutions avaient et ont encore un certain caractère patiarcea26et bienfaisant. Il n'est pas douteux, d'autre part, que le mouvement d'association et d'organisation ouvrière en Vereine dont il sera question plus loin, ne transforme cette situation; le cauractère patriarcal des relations s'afaiblit, et le directeur de l'établissement déclare lui-même que l'importance très grande de ces institutions d'usine pourra s'atténuer un jour ; qu'il y avait une voie à frayer, mais que la marche des faits tend a laisser en arrière l'organisme patriarcal,[374]au profit de l'action plus autonome des ouvriers. Nous enreggistrons cette impression, sans y insister ici27. Il n'en est pas moins certain que ces institutions ont été très importantes et le sont encore; que plusieurs garderont leur valeur ; qu'enfin elles subsistent toujours ; qu'il faut toujours en créer, comme faire se peut, eu égard au milieu ; qu'il ne s'agit, dans ce que nous venons de dire, que d'évaluer un coefficient éventuel d'action et d'importance28. Il n'est pas douteux que le mouvement Cristieh social, dont le olsverein qui a ici son siège a donné l'impulsion, ne soit pour une large part dans une modification des choses. Le patronage peut changer de forme, sa notion demeure, et cette modification, si elle se prépare, ne doit pas déprécier les œuvres patronales ; elles ont puissamment contribué au bien de l'ouvrier ; mais elles doivent s'organiser avec l'intelligence des intérêts et de l'éducation des ouvriers, et s'adapter avec délicatesse aux circonstances.

Cela dit, passons à une rapide description des institutions de la fabrique.

I. — Protection du personnel

Il est inutile de rappeler que la fabrique est soumise aux règles de la législation allemande en cette matière. Ces règles concernent les enfants et les femmes, catégories dites protégées.

Sans faire ici l'analyse de la législation, ce qui nous amènerait à écrire un traité29, rappelons que la loi (Code industriel, art. 135-139 a) réunit sous le nom de Jugendliche Arbeiter, les enfants (Kinder) de moins de quatorze ans, et les adolescents (Junge Leute) de quatorze à seize ans. Elle décide qu'avant treie ans l'enfant ne peut entrer à la fabrique ; avant quatore ans, il ne le peut qu'avec le certificaut scolaire et un maximum de six heures de travail ; les adolescents ont une journée maximum de dix heures.

Les ennuis du régime légal amènent parfois à renoncer a l'emploi des enfants, cependant leur nombre a augmenté, mais la fabrique dont[375]nous parlons n'en emploie pas. Le nombre des jeunes ouvriers va aussi en augmentant, tandis qu'on les recrutait avec peine en ces dernières années30.

Une mesure spéciale prise depuis longtemps par la firme, et qui depuis a été introduite dans la loi, consiste à munir les ouvriers mineurs d'un livret spécial dont leurs parents doivent avoir connaissance,-ce qui permet à l'autorité paternelle d'exercer un salutaire et utile contrôle. Cette mesure élait recommandée instamment, mais ne faisait pas de grands progrès ; elle vient d'etre introduite par la loi du 30 juin 1900. A Gladbach, cependant, vingt fabriques l'avaient déjà pratiquée31.

Dans l'ensemble, voici, pour l'empire, la situation dans l'industrie textile :

Emploi des jeunes ouvriers et des femmes, des enfants de moins de 14 ans, des enfants de 14 à 16 ans, dans les fabriques allemandes (notes annexes)
Emploi des jeunes ouvriers et des femmes, des enfants de moins de 14 ans, des enfants de 14 à 16 ans, dans les fabriques allemandes (notes annexes).

L'emploi des ouvrières dans la fabrique est toujours lié à de graves inconvénients32; c'est évidemment une funeste préparation à la vie du ménage ; aussi, en dehors du respect des prescriptions légales, la firme s'efforce de veiller à éviter ces inconvénients. ommes et femmes travaillent en ateliers distincts ; il y a même un corps de bâtiment séparé où sont groupés des locaux exclusivement réservés aux femmes; tout rapport entre les ateliers est interdit ; le respect de la moralité est sévèrement exigé.

L'école ménagère cherche de son côté à préparer les filles à leurs devoirs futurs ; la fréquentation en est obligatoire jusqu'à dix-huit ans, et[376]consiste à assister au moins une fois par semaine à l'école de couture.

La plupart des filles de la fabrique sont parentes des ouvriers, fllles ou sœurs, et toutes habitent en famille. Il n'en est pas ainsi partout, et bien des ouvrières de fabrique n'ont pas leur famille en ville et sont exposées à mille dangers. De là l'importance d'œuvres et d'institutions qui leur offrent la pension, avec l'instruction, l'éducation ménagère et la sécurité morale.

Tel est l'Arbeiterinnenhospiz qui fonctionne depuis 1866 à Gladbach et dont l'exemple devrait être imité. Quant aux femmes mariées, nous avons déjà constaté qu'elles sont exclues de la fabrique ; elles se doivent à leurs devoirs de famille.

Ce qui apparait ici, c'est le respect chrétien de la vie de famille et de la mère, la sanction pratique de ses devoirs.

Nous avons parlé plus haut de la durée du travail ; la journée normale est fixée, dans cette usine, à neuf heures et demie. Une prime est accordée à l'exactitude dans la reprise du travail. Cette journée normale est, nous l'avons dit, sans travail de nuit, saui pour les cas urgents de réparations aux machines, etc. Il n'y a pas non plus d'heures supplementaires (Ueberstunden), le chef y est hostile, la journée normale est la

II. — Raports entre patrons et ouvriers.

Ce qui est réaulisé par l'ensemble des institutions et de l'organisation de la fabrique, mais aussi, sans doute, par l'allure personnelle du patron, c'est la stabilité ; on ne quitte pas sa fabrique, on cherche à y introduire ses enfants, on fait tout pour y rester, on y vit, on y meurt ; les invalides y restent, travaillant leur petite part sans perdre la rente de l'État ; les pensionnes de soixante-dix ans s'y promènent, mais ils restent et on les garde, ils sont de la maison. Le patron et sa femme s'occupent des ouvriers et de leurs familles, mais avec modestie e sans apparat. Un signe extérieur sensible : le jardin de l'habitation patronale est accessible aux ouvriers en toute liberté ; le rez-de -chaussée de l'habitation elle-même est occupé par les écoles,le local des sociétés ouvrières ; l'escalier, d'un libre accès, conduit a l'étage ou habite la famille.

Il n'y a guère de contestations ; les salaires sont plus élevés qu'ailleurs ; cela ne signifie pas que tout le monde soit content,; on apprécie les bonnes intentions du patron et les avantages qu'on possède à l'établissement, mais bien des ouvriers veulent un progrès, sans contester le bien[377]relatif qui existe a la fabrique, et qui est supérieur à ce qui existe ailleurs. Il est incontestable qu'il y a une transformation dans les rapports, et le patron lui-même ne la méconnaît pas. Il subit et par suite il exerce là une influence, qui est en même temps celle du Volksverein, et dont on trouve la trace dans les réunions de celui-ci.

Un mouvement de groupes et d'idées, que nous avons déjà signalé, a eu son contre-coup sur les rapports des patrons et des ouvriers. On veut donner a l'ouvrier plus d'initiative personnelle, plus de ressort, et on va jusqu'à déprécier ce qu'on nomme le paternalisme et même les institutions qui en découlent. Déprécier, disons-nous ; non pas sans doute qu'on en méconnaisse le mérite, mais on trouve un stade supérieur et un progrès plus élevé a une organisation dans laquelle l'ouvrier réalise, par sa prévoyance et son initiative, ce qu'on lui donnait, ce qu'il acceptait avec une passivité un peu inerte. Il est clair d'ailleurs que l'élévation et la formation de l'ouvrier doivent être un des buts du patronage éclairé lui-même. Il ne faut pas que le secours tue la prévoyance et favorise l'inertie.

Cependant le directeur de la fabrique avait compris cela, et il avait été un initiateur des conseils d'usine.

Cette institution a été préconisée souvent comme une forme impor tante de conciliation ; nous avons plus d'une fois traité la question, sans avoir donc icile besoin de l'exposer encore.Il est clair que c'est une question de circonstance. Il existe des conseils d'usine dans la région de Gladbach ; nous les avons décrits déjà33, et à diverses reprises, l'influence exercée par cette institution, sorte de conseil de famille, pour le bien de la paix, avait été signalée par l'Arbeiterwohl lui-même, groupe qui s'occupe avec prédilection des questions sociales, et dont M. Hitze est secrétaire rédacteur34. Le directeur de la fabrique en fut aussi un chaud partisan, un propagateur, et il avait introduit l'institution chez lui, confiant le rôle de membres du conseil d'usine aux directions élues des caisses ouvrières. Les débuts sont de 1873, et le fonctionnement, utile, fécond fut signalé dans plusieurs publications avec une intensité frappante35.

[378] Le conseil fonctionne toujours. C'est à lui notamment que fut soumise la question de la réduction de la journée à neuf heures et demie, dont il a été parlé plus haut. On ne voit pas trop pourquoi diminueraient l'importance et l'utilité de ce conseil, à moins que l'état même des esprits ne porte vers d'autres organismes, vers ces grandes organisations trade-unionistes qui semblent avoir maintenant les sympathies, sans qu'on sache encore si elles ne peuvent, en somme, se concilier utilement avec les anciennes institutions elles-mêmes. Mais ne faisons pas de théorie ici.

L'Arbeiter-Ausschuss, ou délégation ouvrière, porte le titre caractéristique de Aeltesten Collegium (conseil des anciens). Le rôle de ce conseil, ou Vorstand, est d'abord d'administrer les caisses dont il sera question plus loin, puis de discuter certains points qui sont de l'intéret de la masse ouvriere, chômages à certains jours, réduction des heures, confection, modification36et application de certaines parties du règlement ; les questions relatives aux diverses caisses, comme aux habitations, etc., lui donnent d'ailleurs une activité continue, et ses séances se font tous les quinze jours ou trois semaines ; on en dresse procès-verbal. En somme donc, l'institution fonctionne toujours, et les appréciations qu'on peut en faire n'ont pas perdu leur base objective, malgré les idées plus « avancées » que peuvent avoir certains groupes.

Les relations personnelles entre le directeur et ses ouvriers sont bonnes. La fabrique n'a jamais connu de grève, même quand il y en avait autour d'elle ; les ouvriers viennent volontiers causer avec le patron de leurs affaires personnelles et il leur prodigue avec largesse ses audiences et ses conseils.

En somme, le caractère des relations personnelles est encore excellent ; la note qui les distingue est celle d'une autorité bienfaisaunte atténuée par les conseils qui lae font accepter plus aisément et en facilitent les rouages, gràce à la collaboration même des intéressés, mais une sorte de jusqu'à nouveau parait y pénétrer sous l'aetion d'influences ambiantes, et pourrait un jour les transformer, voire les menacer.

Nous constatons donc le fait de l'existence bienfaisante du conseil d'usine depuis 1873, les éloges qu'il a reçus et qui ont été enregistrés à diverses reprises, son fonctionnement aetif et régulier, aujourd'hui en[379]core, enfin le danger qui le menace. Nous donnerons plus loin le mécaunisme de sa constitution.

III. — Institutions economiques, caisses, etc., etablies ae l'usine.

Distinguons les institutions d'épargne, de prévoyance proprement dite et de secours et subvention ; en réalité, leur caractère est fort mêlé ; nous allons les prendre successivement. On voudra ne pas oublier qu'elles se greffent sur le système légal des assurances allemandes, s'y aioutent et qu'on ne peut qu'ainsi en apprécier l'étendue. Nous devons donc être sommaires, sous peine d'exposer à la base le régime germanique tout entier ; au surplus, nous ne monographions pas les caisses, mais bien le système, qui consiste à veiller aux besoins, aux nécessités familiales et sociales de la classe ouvrière.

Bien que ces diverses institutions subsistent, on semble, dans certains milieux. y prévoir des modifications ; des organismes nouveaux, ceux des Unions ouvrières, des Coopératives, etc., y suppléeraient peut-être, en apprenant mieux à l'ouvrier à compter sur lui-même, au lieu de se fier, parfois trop peut-être, à la bienveillance patronale. Mais ne prévoyons pas l'avenir, et voyons ce qui existe.

Ces institutions sont : la Caisse d'épargne (Sparkasse) ; la Société d'épargne (Sparverein) pour les ouvriers mariés ; l'Arbeiterkasse et la Familienkrankenkasse. Il y avait aussi, dès 1874, une Krankenkasse (caisse de maladie) qui subsiste, mais qui a dû se transformer, en conformité des lois de 1883 et 1887 sur l'assurance maladie. Indiquons brièvement le caractère des diverses caisses :

1. La Caisse d'épargne n'a pas besoin d'explication ; elle date de 1876. Son état n'a pas même une bien nette signification, car le nombre des ouvriers de la fabrique subit des oscillations tout en flottant de 300 à 350 et parfois plus. Nous ne donnons que quelques chiffres qui prouvent toutefois la marche de l'épargne.

Évolution de l'épargene (1878-1900) (notes annexes)
Évolution de l'épargene (1878-1900) (notes annexes).

L'intérêt est de 6% jusqu'à 100 mk., 5 jusqu'à 300, et au dela, 4 1/2.

[380] 2. Le Sparverein, réservé aux gens mariés, est surtout destiné à leur procurer des produits, etc., à meilleur marché ; c'est en réalité plutôt une société alimentaire ou de consommation, mais avec un caractère qui n'est pas sérieusement coopératif, car le patron paie l'intéret à 5%, de la somme versée (qui au budget de l'ouvrier, paragraphe 14, pourrait donc aussi bien figurer comme subvention que comme revenu) ; et la cotisation statutaire des membres, 50f. par semaine, n'est pas sévèrement exigée ; quand il leur est dificile de la payer, ils ne perdent pas pour cela les avantages de l'institution. Le bureanu achête en gros des marchandises qui sont revendues aux membres pour leur propre consommation, à des conditions plus favorables. L'institution date de 1880 ; il y avait en 1887 : 207 membres : en 1895 : 174 ; en 1900 : 180. On remarquera que le chiffre en est plus élevé que celui de la caisse précédente, quoique l'intérêt servi soit inférieur : c'est qu'il y a d'autres avantages, notamment celui de recevoir des prêts gratuits pour faire les provisions d'hiver, qui sont remboursés plus tard, en amortissement sur les salaires. On a fait usage assez largement de cette facilité, bien qu'il soit contesté qu'on rende, par un tel crédit, un réel service à l'ouvrier.

3. La Fabrikkrankenkasse, ou caisse de maladie, rentre dans le service légal, mais on sait que les lois de 1883 et 1885 ont laissé la liberté de choisir le mode d'assurance, pourvu que certaines règles soient sauvegardées. La Caisse de fabrique est un de ces modes ; elle est obligatoire pour les ouvriers qui ne sont pas affEliés à une autre caisse légale. Elle doit répondre au but et pourvoir aux secours prévus par la loi ; on trouve ces règles partout. Disons seulement que la caisse comptait comme membres, en 1900, 250 hommes et 121 femmes. La cotisation de l'ouvrier est de deux et un tiers pour cent du salaire.

4. La Familienkrankenkasse complete l'institution précédente, qui ne prévoit que les maladies individuelles ; celle-ci, au contraire, comprend les membres de la famille ; elle ne concerne donc que les ouvriers mariés, leur cotisation est de 1% du salaire, et leur afiliation est rendue obligatoire par le règlement de la fabrique. Les contributions aux deux caisses réunies montent donc pour l'ouvrier à 3 et 1/3%, du salaire, auxquels le patron ajoute la moitié. La caisse paie une partie des frais de maladie de la femme et des enfants qui ne sont pas en âge de gagner ; cette part est en réaulité de la totalité des médicaments prescrits, et de la moitié des frais de traitement (visites médicales).

5. L'Arbeiterkasse est en quelque sorte la source alimentaire où se puisent les moyens de pourvoir à diverses institutions, soit nouvelles,[381]soit anciennes, si leur existence est ébranlée. Elle est la plus ancienne (1873) ; son idée est ingénieuse. Elle est obligatoire, en vertu du règlement, pour tous les ouvriers des deux sexes et leur impose une charge de 1/3%, du salaire, à laquelle le patron ajoute la moitié. Son but est de fournir des avances aux membres dans leurs nécessités ; de les aider par des secours ; de faire pour eux des achats en gros ; enfin de leur procurer des moyens de lecture, de récréation, d'améliorer leur hygiène, etc., etc. A ces fins elle emploie ses fonds suivant l'avis de la commission directrice.

Ajoutons que les amendes qui n'ont pas le caractère d'une indemnité pour marchandises, machines, etc.37, sont versées à cette caisse, ainsi que les dons dont l'emploi n'est pas autrement stipulé.

En somme, les autres caisses et institutions sont en partie issues de celle-ci ; elle les soutient aussi, et au besoin comble leur déficit. Cest également de ces dispositions qu'est sortie la bibliothèque fondée en 1881 et à laquelle le patron a fait un premier don de 200 volumes environ.

L'Arbeiterkasse, on le voit, est la caisse centrale, la direction se trouve donc concentrée en un bureau unique (Vorstand). Il est composé de quatre représentants de la firme et de huit assesseurs (dont deux femmes) élus pour deux ans au sufrage direct et secret par l'assemblée générale de la Kranlenlasse. Il fonctionne en même temps comme bureau de l'Arbeiterkasse, de la Caisse des familles, fait l'office de conseil d'usine dont nous parlions plus haut et enfin est représenté dans le comité spécial du Sparverein et le Comité des habitations. Les cumuls assurent un choix plus éclairé de la part des ouvriers qui confient leurs intérêts à ces délégués.

6. Habitations ouvrières. La firme a construit une cinquantaine de maisons ouvrières, chacune pour une famille. Nous n'entrons pas dans le détail de cette œuvre, notre ouvrier n'en profitant pas et la matière étant trop spéciale.

7. Vieillesse, invalidité. Ici, la loi a pourvu depuis 1891, dans la mesure que l'on sait, aux nécessités ; mais la firme ne se borne pas à sa contribution légale38; on l'a vu déjà, elle garde souvent ses vieux ouvriers ; les invalides rentés sont occupés de facon à ce que leur gain actuel ne dépasse pas le tiers de leur salaire au temps où ils étaient valides, ce[382]qui les priverait de leur rente ; quant aux viéux, dont la rente est intangible, ils font ce qu'ils peuvent ; on les garde ; ils sont là de la maison. Après dix ans de service à l'usine, on donne à l'ouvrier une prime de 50 ml. sur livret d'épargne : après vingt-cinq ans, 100 ml. de même ; les années de service militaire leur sont comptées. On comprend la stabilité des ouvriers et des familles. On ne quitte pas

8. Accidents. Ici encore, c'est le service légal des lois de 1884 et années suivantes, qui règle les conditions générales de l'indemnité. Il est inutile d'analyser cette législation, qui est exposée partout. Gladbach est le siège de la corporation textile du Rhin et de la Vestphalie, qui ne s'étend pas à toutes les branches textiles, le lin et la soie étant exceptés. La corporationprofessionnelle (Berufsgenossenschaft) est, on le sait, le pivot du mécanisme de l'assurance.

IV. — Soins de la ie orale et intellectuelle.

L'esprit de la fabrique, comme celui dont est imprégnée toute la population en général, est surtout religieux. L'idée catholique la pénètre et cette influence se manifeste de bien des manières, quoique les institutions d'ordre religieux proprement dit soient laissées à l'action du clergé. D'ailleurs celui-ei s'en acquitte avec une extrême activité et sa popularité égale son influence légitime dans tout le milieu social de Gladbach. A l'usine même, le règlement proclame le principe de l'observation de la morale chrétienne, du respect de la religion et des bonnes meurs. Au surplus, le caractère de civilisation chrétienne que le directeur préconise, implique nécessairement cette règle. Il part de cette notion que le christianisme doit pénétrer le progrès social en le favorisant et le menant dans l'ordre des destinées supérieures ; qu'il doit aussi pénétrer la vie industrielle. Cette pensée est celle de l'école catholique sociale. Elle s'est exprimée déjà à bien des reprises, mais elle comporte des formes diverses, des tendances dont on a déjà aperçu les variétés. Ce qui demeure, c'est la haute protection de la vie morale, à laquelle on veille avec un soin jaloux dans l'établissement et qui se complète par les institutions religieuses multiples établies dans la ville sous la direction du clergé.

Une idée très dominante aussi est celle de la protection, de la sauuvegarde de la vie de famille. Si l'on veut parcourir par la pensée les diverses mesures prises, on le verra vite. — L'organisation des maisons ouvriéres a certes, elle aussi, le même but. Ce qui frappe, c'est l'impor[383]tance attachée au rôle de la femme. Non seulement on observe les prescriptions légales, mais on oblige les filles à fréquenter l'école de couture ; on exclut net les femmes mariées ; on affirme que le salaire marital doit suffire ; on organise la Caisse des familles,; on répand les idées sur le devoir domestique, et notamment les leçons d'un petit livre publié par l'Arbeiterwohl et intitulé Hausliche Gluck, le Bonheur domestique,; on veille avec soin au respect moral de la fille ; on combat spécialement l'alcoolisme destructeur de la paix du ménage. Tout cela est remarquable dans son ensemble.

Les mesures relatives au salaire des ouvriers mineurs ont le même but, en sanctionnant l'autorité paternelle ; la réduction de la journée facilite à l'ouvrier la vie de famille, comme le logement hygiénique la lui rend agréable.

§ 18. CARACTÈRE MORAL ET RELIGIEUX DE LA POPULATION

Le caractère moral et religieux de la population locale est un de ses traits marquants et nous l'avons dejà signalé. Ce centre ouvrier, actif et nombreux, est une des citadelles du catholicisme rhénan, une des citadelles politiques du centre parlementaire. Certes, au point de vue statistique, la prépondérance numérique du catholicisme y est énorme.

Le Regierungsbezirk de Dusseldorf, auquel appartient Gladbach, a 58%, de catholiques, celui, de Cologne 83%, celui d'Aix-la-Chapelle 95%. Mais à Gladbach même la proportion, on l'a vu plus haut, est plus forte que dans la régence, soit 40,000 catholiques, 8,000 protestants, 600 juifs en chiffres ronds, en 1894.

Mais en outre les convictions et les pratiques religieuses y sont profondes et sérieuses.

Cette population, malgré ses qualités sérieuses, a aussi ses faiblesses. Elle manque un peu d'initiative, d'entrain et d'énergie.

Au point de vue moral, sa faiblesse de caractère se traduit par un laisser aller dont les dangers sont aggravés par la vie de fabrique. Les filles y perdent vite leur dignité ; d'autant que les soins de préservation y sont bien rarement organisés de façon sérieuse ; entre filles et garçons il y a donc un mélange de vie dans ce milieu qui entraîne à des conversations fort libres, à la fabrique, à la rue, au cabaret, puis à des rela[384]tions irrégulières. De là une situation morale assez fàcheuse chez la jeunesse. Elle l'est d'autant plus que, surtout quand les parents font opposition à des projets de mariage, les enfants qui gagnent leur vie quittent souvent le foyer paternel pour s'établir dans des maisons de pension (Iosthaus). La fabrique où travaille notre ouvrier n'accepte pas cette coutume et son règlement congédie les filles qui s'établissent hors de la maison de leurs parents. On comprend dès lors l'importance des mesures signalées plus haut, pour la sauvegarde de l'autorité pater

Après le mariage, les habitudes se rangent. S'il y a faiblesse dans la jeunesse, il n'y a point infidélité dans le mariage. La vie conjugale est respectée. Rarement même, les jours ordinaires, les hommes mariés sortent le soir; après le travail, ils restent en famille. L'alcoolisme n'est pas une plaie spéciale de la région ; et c'est la bière, non l'alcool, qu'on consomme.

Depuis longtemps le clergé s'est mis activement à sa mission ouvrière, pourvoyant largement par son dévouement aux nécessités de la vie sociale. Les ouvriers apprécient ce dévouement. C'est l'action constante, personnelle, individuelle, si puissante dans la vie de chaque jour. Cette influence est reconnue même au point de vue purement psychologique et social, par des auteurs souvent-peu sympathiques39. Elle se manifeste et dans les relations de chaque jour et dans la multiplicité des œuvres, cereine, congrégations, cercles de toutes sortes40. C'est là un trait essentiel de ce milieu. Il ne peut être question d'en faire une étude complète dans ses manifestations, mais il est dominant, et il fallait le mettre en exergue dans un paragraphe à part. Il y a là une action puissaunte d'ordre spirituel, qui imprègne toute la vie, agit sur toutes catégories, cercles de jeunes ouvriers, de jeunes filles, de femmes, écolès, cérémonies religieuses, action constante du clergé des deux ordres, cherchant à préserver, conserver, améliorer la population ; négliger ce fait serait méconnaître un des caractères de l'état social de Gladbach.

A côté de cette action générale, il y a une organisation plus spéciale d'institutions ouvrières ; celles-ci sont, ou bien des cercles, ou bien des organismes économiques, dans lesquels l'influence religieuse est aussi très forte, mais dont le caractère est, en certaines manifestations, diférent de celui des œuvres religieuses.

[385] Le développement des euvres ouvrières proprement dites s'est affirmé surtout dans un esprit tout a fait religieux à partir de 1879, par l'intervention du groupe de l'Arbeiterool, association catholique des industriels et des amis de l'ouvrier. Son secrétaire général fut, dès l'origine, l'abbé Dr Hitae, le célèbre professeur et député. L'Arbeiterwohl s'adressait surtout aux classes dirigeantes, pour les pénétrer de leurs devoirs, leur apprendre le moyen de les remplir. Son bulletin est plein des données les plus instructives. C'est là qu'on expose, qu'on préconise les réformes et les améliorations que, dans l'esprit catholique, on veut chercher à réaliser. La colleetion de l'Arbeiterwohl est remplie aussi de détails sur les œuvres de Gladbach. On peut y suivre également les phases de la vie sociale en Allemagne, dont on a souvent ici ouvert la voie.

Les oeuvres de préservation, comme les oeuvres d'amélioration et de propagande, se sont multipliées partout ; elles foisonnent dans la région. Citons encore les Gesellen Vereine qui ont leur demi-siècle de prospérité et sont nés dans cette région rhénane, mais qui sont destinés aux métiers de la petite industrie, les cercles de jeunes ouvriers, ceux de jeunes filles et d'ouvrières, enfin les Arbeitervereine pour les ouvriers adultes de la grande industrie.

Le haut clergé donna à toutes ces œuvres d'actifs encouragements. De ce nombre fut l'œuvre si nécessaire des cercles ouvriers : les Arbeitervereine, dont en 1890 une circulaire épiscopale recommandait énergiquement et instamment la création. Depuis lors, ils se sont créés un peu partout, et Gladbach naturellement en a sa part.

Les Arbeitervereine sont les cercles ouvriers catholiques ; l'archidiocèse de Cologne en avait en 1892 cent vingt-cinq et en 1900 cent trentetrois en activité. Il y en a sept pour le canton de Gladbach, et trois pour la ville même, dont le plus ancien remonte à 1870, les deux autres pour les faubourgs, à 1879 et 1894, mais il est certain qu'il faudrait encore en augmenter le nombre, en perfectionner l'organisation, pour répondre de plus en plus aux nouveaux besoins de l'action sociale et du maintien de l'esprit religieux dans la classe ouvrière. C'est là que se conserve la forte réserve d'élite des ouvriers catholiques.

§ 19. ORGANISATION PROFESSIONNELLE DES OUVRIERS DE L'INDUSTRIE TEXTILE A GLADBACH

[386] Une tendance, constatée dans les divers pays, pousse les ouvriers à s'organiser pour la revendication de leurs droits, la défense de leurs intérêts, l'amélioration de leur sort. Sagement dirigé, le mouvement corporatif professionnel produit les plus heureux résultats, mais ilse manifeste avec des impulsions diverses, et l'esprit qui les anime en altère souvent laefficacité. La tendance à l'organisation ouvrière est plutôt récente en Allemagne, on le sait. Jusqu'il y a peu d'années, c'était surtout par la loi qu'on voulait réaliser les améliorations, et les groupements corporatifs, qu'on préconisait surtout, étaient ceux de création légale.

Actuellement, un mouvement trade-unioniste se manifeste ; et 'en même temps, même dans certains milieux catholiques, une tendance croissante à l'action autonome des ouvriers, à leur initiative, à leur émancipation même, dirais-je, dans l'ordre économique. Nous avons déjà marqué ailleurs ces tendances, qui ont donné lieu à maintes controverses.

Ce qui est manifeste, c'est une tendance croissante en Allemagne, vers l'organisation professionnelle ouvrière, sans cependant négliger les améliorations législatives. Parmi les catholiques, cette idée est surtout représentée par le olsverein, qui bien qu'ayant son siège nominal à Mayence, a à ladbach, son vrai centre d'action.

Le MoLsverein, créé en 189, fut la dernière œuvre de Vindthorst ; il avait pour but de grouper toutes les œuvres sociales catholiques, d'en être le secrétariat central, le eentre nerveux ; c'était la force d'unité, et au milieu des complications et des luttes sociales du temps présent, son importance étauit indiscutable. Nous avons ailleurs41indiqué son organisation, ses états de service et la puissante activité, vraiment remarquable, à laquelle il se livre, sous les formes les plus variées de la propagande.

Le directeur de la fabrique dont il est ici question est un de ses protecteurs les plus dévoués. L'idée était digne des grandes initiatives de[387]Vindthorst. Et l'œuvre elle-meme établie à Gladbach a donné à cette ville une notoriété nouvelle. Inutile d'insister sur l'influence qu'elle exerce.

Mais il n'y eut pas seulement une organisation centrale, il y eut une école. Il y a une école, un mouvement de Gladbach, et le nom de Gladbach prend rang dans l'histoire des idées.

L'école de Gladbach se caractérise par une allure progressive en matière économique et sociale ; elle entend montrer par les faits que la vie catholique s'accommode de tous les progrès et que les catholiques s'en font les champions. Ardents pionniers de la Soaialpoliti, ses partisans répandent à profusion leurs idées et se donnent pour mission l'éducation sociale du peuple42.

Cette tendance n'a pas été sans soulever des controverses parmi les catholiques; elle apportait en bien des choses des modifications. Sans discuter ni le programme ni le mode d'action, et moins encoré les controverses elles-mêmes, disons, cependant, que les tendances et les dis cussions subsistent, et que leurs effets sont incontestables.

Des publications sans nombre ont porté cette action sociale à un degré de puissance et de difusion remarquable. Puis la politique sociale des catholiques et du centre a pris de plus-en plus une allure active et militante, en particulier dans le sens d'une forte organisation des forces ouvrières pour l'amélioration de leur sort, la réalisation d'un programme de réforme sociale chrétienne et la lutte contre les abus d'une part, contre le socialisme de l'autre.

L'organisation des ouvriers en groupes professionnels, discutant et défendant leurs intérêts, a donc pris une grande intensité depuis quelques années, sous cette impulsion ; et l'état général des esprits s'en est ressenti, dans toute l'Allemage et naturellement aussi dans le milieu industriel local.

Ce n'est pas dans cette monographie qu'il y a lieu de dépeindre la question dans son ensemble ; mais ici même le système de l'ancien Arbeiteruol s'en est trouvé un peu atteint, bien que gardant son existence féconde ; lesArbeitervereine anciens, tujours nécessaires et qu'on ne peut négliger, se trouvaient modifiés aussi, et on voyait paraitre des groupements économiques d'un autre ordre.

[388] L'organisation ouvrière en Allemagne43, on le sait, procède de groupes divers; il y a les libéraux, peu nombreux, surtout occupés d'œuvres de secours mutuels (groupe irsch et Duncher) ; il y a les socialistes, soit ouvertement marxistes, soit plus ou moins déguisés depuis que l'influence a passé aux partisans de Bernstein, mais toujours antireligieux ; il y a les Arbeitervereine catholiques ; et enfin un groupement auquel le olsverein prête son concours, ce qu'on appelle les christliche Geverschaften, qui s'occupent exclusivement d'intérêts économiques, écartent les questions religieuses, font de la politique sociale ouvrière, tout en déclarant ne pas vouloir heurter les principes chrétiens dans leur action.

Ces nouveaux organismes, qui ont donné et donnent encore lieu à bien des controverses, se retrouvent ici dans les rangs des ouvriers textiles. A Gladbach même, il n'y a pas encore un grand nombre d'ouvriers textiles organises. Les socialistes y ont peu de membres de leurs groupes, mais les ouvriers se sont portés assez nombreux vers les groupes nouveaux et notamment le erband christlicher ITextilarbeiter, dont les sections locales viennent au 1er avril 1901 de se fédérer en un Centra erband dont le siêge est à Crefeld44. L'ouvrier de cette monographie fait partie du bureau de sa section locale ; il reçoit le journal professionnel hebdomadaire qui se publie à Crefeld. Ce mouvement a pris une forte expansion ; il s'agit bien là d'une action ouvrière, non révolutionnaire sans doute, au contraire antisocialiste, mais autonome et dont il s'agit de surveiller avec prudence et énergie les tendances au point de vue religieux et au point de vue social. Le groupe de Gladbach n'est pas encore fort nombreux, mais il a déjà 2,400 membres, et on comprend l'influence que ce mouvement exerce sur l'état des esprits.

En tous cas, les Arbeitervereine catholiques conservent leur rôle, ils doivent le conserver.

Grâce aux efforts combinés des diverses forces sociales, grâce aussi à l'action puissante de l'Église et de ses autorités, cette contrée gardera, espérons-le, son caractère pacifique et religieux, tout en améliorant le sort de sa population dans le légitime progrès du bien matériel.

§ 20. STATUTS DE LA DÉLÉGATION OUVRIÈRE (ARBEITER-AUSSCHUSS) COMME AELTESTEN-COLLEGIUM (1881)

[389] 1. La délégation ouvrière, outre l'administration des caisses ( § 17, II), a encore pour mission de veiller autant que possible à la conservation et au développement de l'esprit d'union, de l'ordre et des bonnes murs parmi les ouvriers de la fabrique, et de prêter, dans la mesure réalisable, aide et conseil à chacun.

En particulier, il est dans son rôle de : a) Veiller à la fidèle observation du règlement d'atelier, de ses dispositions morales ou techniques, et s'il est nécessaire, de prononcer des avertissements et des punitions (les amendes prononcées par des employés subalternes de la fabrique sont même soumises à un appel de l'ouvrier au conseil). — b) Proposer des modifications ou des additions au règlement, si elles paraissent nécessaires ou souhaitables, ou faire d'autres propositions qui rentrent dans sa sphère, quitte, si le directeur n'y adhère pas, à en proposer la délibération. — c) En cas de conflit entre des ouvriers de la fabrique. conflits connus et qui troublent les bons rapports et la paix, s'interposer, et éventuellement proposer des indemnités et des pénalités. Chaque ouvrier a aussi le droit de réclamer l'intervention du conseil dans ces conflits, fussent-ils de nature privée.

2. L'ordre du jour de chaque séance doit être soumis au directeur, qui a le droit absolu d'approbation, totale ou partielle, et peut rayer ce qui lui paraît ne pas convenir.

3. Les décisions et résolutions sont consignèes dans un registre de procès-verbaux, avec la signature du comité ; la signature du directeur leur donne force exécutoire, et elles doivent alors être exécutées par les agents compétents. Le directeur peut refuser son approbation, proposer des modifications et une nouvelle délibération.

Le comité peut désigner des hommes de confiance (Vertrauensmaänner) dans les diverses sections de la fabrique, pour l'aider dans mission. Ils sont élus en comité, par vote secret ; le sort décide en cas de partage des voix ; leurs noms sont publiés. En général, ils devront avoir au moins trente ans d'âge et cinq ans de travail à la fabrique, en tenant compte des diverses localités où habitent les ouvriers. Ils peuvent[390]être appelés en séance par le comité, et ont alors droit de vote. En cas de renouvellement total ou partiel du comité, les hommes de confiance sont aussi soumis à réélection.

5. Les hommes de confiance, ainsi que les membres du comité, ont encore comme mission spéciale, dans l'intéret de leurs camarades et de la fabrique : a) D'informer les employés supérieurs des abus qui surviendraient dans la fabrique, du matériel défectueux, de la préparation insuffisante des travaux, de la négligence ou de la partialité dans la distribution du travail de la part des employés, des défauts des machines ou installations de tous genres. — b) De veiller au bon état des installations destinées à garantir la sécurité et la santé des ouvriers, à leur emploi par les ouvriers eux-mêmes, à l'observation des prescriptions qui y sont relatives ; enfin, d'informer comme il convient, si des ouvriers s'offrent ou sont chargés de travaux qui évidemment sont nuisibles à leur santé ou dépassent leurs forces ou leurs capacités. — c) Dans les cas de nécessité survenue à l'ouvrier, de s'informer de son état, de celui de son ménage et d'en informer les chefs. — d) De veiller à ce que les jeunes ou nouveaux ouvriers, soumis à d'autres plus anciens, soient traltés par eux de façon correcte et sérieuse et menés à une prompte et bonne exécution du travail. — e) De faire attention à la bonne conduite des jeunes ouvriers, aussi en dehors de la fabrique.

6. Le secret doit être observé sur les délibérations et les votes du comité ; quand un membre est personnellement en cause, il doit quitter la séance.

7. En général, le directeur propose aux délibérations des conseils toutes les mesures qui concernent le règlement du travail et le bien des ouvriers, tout en se réservant le droit de prendre des mesures indépendamment du comité.

Le Gérant : A. VILLECHÉNOUX.

Notes

1. Dr P. Norrenberg, Caplan in Viersen. Geschichte der Pfarreien des Dekanats München Gladbach. Cöln, Bachem, 1889.

2. Outre Norrenberg, bid., quelques détails dans Strauss, Geschichte der Stad M. Gladbach von den tltestecn Zeiten bis aum Gegenvart. 1895.

3. Mêmes livres cités, et Alphons Thun, Die Imdustrie am Niederrhein aund ihre Arbeiterˉ, dans les Staats und socialcissenschapftliche Torschaungen, de Schmoller. Leipaig, 879. Une critique de ce livre a été faite longuement par le baron von lertling, député, dans son volume : Reden und Aupfsatae socialpolitischen nhalts. Fribourg en Brisgau, 1884, p. 74 et suiv.

4. Voir entre autres quelques indications dans le rapport de la Chambre de commerce de aladbach, 1891.

5. Rapport de la Chambre de commerce pour 1900, p. 17.

6. Le rapport déjà cité contient bien des details intéressants. Toute la collection de ces rapports donne d'ailleurs l'apercu de l'histoire de l'industrie locale. et sera consultée avec profit.

7. En Vestphalie, 53%.

8. Pour ces chiffres : eucerbe Statisti des Deutschen eicsˉ, vol. 119 de la Commission de statistique impériale.

9. Bericht der Rheinisch estpalischen Tertil Berupfsgenossenschapftfr das .ar 1899; cela ne comprend pas la toile de lin et la soie.

10. Statistique impériale, vol. 117, p. 382.

11. Voir notre volume sur ˉLa petite industrie conteporaineˉ. Paris, Lecoffre,1902, chap., section . et chap. II.

12. Statistique impériale, vol. 9.

13. La ville est en grande majorité catholique. En 1894, on comptait plus de 10.000 catholiques, environ 8.000 protestants et 600 juifs.

14. Ouvriers des Deux Mondes. Deuxième série, tome II, 1888.

15. Dr Lacher, Guide de l'assurance ouvrièreˉ de ˉl'Empire allemand, 1900.

16. Maurice Bellom, ˉL'assurance ouvriere a l'étranger. Paris, Oauthier-Villars.1902, p. 2l, etc.

17. Dans un tissage, il y a divers travaux, dont le travail du tisserand proprement dit (Weber) est le plus qualifié et le plus payé. C'est l'ouvrier qui fait le tissu proprement dit, au métier (Webstuhl).

18. En 1899 a été faite la constatation suivante :

Répartition du tissage et de la filature par fabrique (§8)
Répartition du tissage et de la filature par fabrique (§8).

19. Le nombre des autorisations pour travail supplémentaire des femmes a fort baissé.

20. L'effet de la réduction des heures sur la production a été fort discuté. Le rapport d'inspection de l'industrie en Prusse, de 1894, fournit à cet égard pour Gladbach d'intéressants détails ; mais la solution est difficile à dégager à cause des nombreuses infiuences diverses qui agissent sur le salaire.

21. Le rapport des inspecteurs de l'industrie en Prusse, 1897, constate en partie l'exactitude de cette affirmation.

22. Tous ces chiffres de statistique sont exprimés en marks, monnaie de l'empire allemand, qui peut s'estimer à environ 1 fr. 25.

23. De Em. van den Boom, Die ˉBeschaftigng vereiratheter Frauen in den 'abrihen. A1rbeitervohl, 190l, etc., etc.

24. M. Max Brandts, Landesrath à Dusseldorf, a consacré à cette question plusieurs études dans l'rbeitereol, 1899-1900. Le erein far Sociabpolitih y a consacré sa dernière enquête et sa session de190l, à Munich.

Gladbach a lutté avec efficacité contre le fleauu de la tuberculose. Malgré l'augmentation de sa population, le chiffre des décès attribués à cette cause est tombé de 266 en 1890, à 139 en 1900, grâce à l'activite d'un comité des habitations (Wohnungsverein). Les résultats qui méritent l'attention sont consignés dans l'Lrbeitcrco (190l, n° 9), par le Dr Blum, médecin a Gladbach.

25. Le lecteur verra mieux alors (§ 17) avec quelle élevation le chef de la maison où travaille l'ouvrier a sans cesse pratiqué le devoir immuable du patronage : assurer la continuité du travail et la stabilité du personnel. « n ne quitte pas. D'ailleurs, ce patronage. le chef l'a toujours compris de même que Le Play : « Sous sa forme parfaite, le patronage volontaire ne vise pas à se perpétuer en excitant le besoin du bien-être matériel au milieu des ouvriers ; il voudrait se rendre inutile en les acheminant par l'épargne vers l'indépendance. (ˉLa Réforme sociale en France, ch. I, § 14 ; v. en outre les ch. XXVII et LI; et aussi ˉLes ˉOuvriers Européens, t. Iᵉʳ, liv. II, et les monographies des t. III, IV et V.)

26. Le Dr Post en range plusieurs dans ses Muster Statten der personliche Fursorge der Arbeitgeber ; c'est à divers égards le patronage, au sens paterned, des 'abrivater. — Une critique du système s'est fait jour dans l'étude récente d'un auteur français, M. Paul de Rousiers : ˉLe paternalisme allemand, 1901.

27. Nous avons exposé nos idées sur le patronage moderne dans notre ouvrage : ˉLes grandes lignes de l'Économie politique. Louvain, Peeters, 1901, liv. V.

28. Un discours du président de l'Arbeiteruvohl, à son assemblée générale, marque nettement cette tondance et cette appréciation. Bulletin de l'Arbeitercol, 1900, p. 258.

29. Sur l'ensemble, le suggestif volume du D Hitae : Die Arbeiterpfrage und die Bestrebungen au ihrer ˉLosung. Berlin, dermania, arrivé à son dix-septième mille et qui est écrit au point de vue de ce groupe social.

30. Hitze, Arbeiterpfvage, p. 20. — Le rapport des inspecteurs de l'industrie en Prusse, Berlin, 1899, constate une diminution de l'emploi des enfants, sauf dans les textiles. Voici la situation spéciale du district, depuis quelques années :

Situation du district (notes annexes)
Situation du district (notes annexes).

31. Sur cette question : Arbeitervohl, 1898, n° l-2.

32. Arbeiteruoohl, 1888, n° 7.

33. Reforme sociale, 1er avril 1892.

34. Nous avons souvent traité la question des conseils d'usine, notamment : La Corporation au XIXe siècle dans les États germaniques, Louvain, Peeters, 1894. — Consigli de officina. Rivista intern. di scienze soziali, Rome, numéro de janvier 1897, — et nous avons cité les textes à l'appui.

35. Notamment : Max Sering, Die Arbeiterausschüsse, dans les publications du Verein für Sozialpolitik, p. 13, 80 et suiv., en décrit en detail l'histoire, les résultats et les appréciations tout à fait favorables à l'organisation de Gladbach.

36. Cette fonction résulte de la loi industrielle qui exige la consultation des ouvriers pour la confection du règlement d'atelier, art. 139.

37. Ces amendes donnent un total asse peu élevé ; en 1887 ; 1893 ; en 1900 : 65k95.

38. L'ouvrier étant de la cinquième classe, par le taux du salaire, la cotisation est de 36fennig par semaine, dont le patron et lui paient chacun la moitié.

39. Alph. Thun. ouvrage cité. Voir aussi la critique citée qu'en fait ertling.

40. Norrenberg, ouv. cité.

41. Reforme sociale Le mouvement social et l'action catholique en Alleomagne (ler et 16 décembre 1900).

42. Une récente brochure expose en détail tout le but, l'histoire et l'organisation de l'œuvre, comme l'étendue et le caractère de son activité. ˉIandbuc fr die ˉFreunde und Foerderer des olsvereinsfer das atholische ˉDeutschland. Gladbach, 902.

43. V. nos études sur les Associations ouvrieres en Allemagne, dans la Revue génerale. Bruxelles, mars 1899 et mai 1902.

44. Miteilungen des esamtuerbandes der christlichen Geverschapftcn ˉDeutschlands, Ie année, numéro du 27 mai 190l, p. 3l.